Chapitre 1

La jeune femme sortit du bureau du Général, ses talons claquant contre le carrelage, témoignant de son humeur massacrante.

- Enfoiré... se chuchota-elle à elle-même.

Elle détestait recevoir de tels ordres. Cela la mettait hors d'elle ! Certes, il possédait une position hiérarchique beaucoup plus élevée qu'elle, mais ce n'était pas une raison pour lui parler comme à un vulgaire animal !

Rin poussa un soupir énervé et serra les poings, ses phalanges devinrent blanches sous l'effort.

Être une femme dans l'armée n'était pas de tout repos et elle le savait plus que quiconque. Malgré cela, elle avait réussi à gravir les échelons grâce à sa détermination sans failles ainsi qu'à son sens du discernement sans pareil en terrain hostile. Cela n'avait pas plu à tout le monde et, de temps en temps, elle devait en rappeler plus d'un à l'ordre.

Rin était Lieutenant, qui plus est dans un des régiments des Forces Spéciales japonaises. Elle n'était en aucun cas une de ces midinettes qui n'étaient même pas foutu de se salir les mains pour aider ne serait-ce qu'une de leur amie ! Alors, si cet homme derrière son bureau à longueur de journée osait laisser entendre qu'elle était l'une d'elles, elle ne le tolérerait pas longtemps !

Alors qu'elle ruminait ses pensées en insultant copieusement son Général de division, elle bouscula un homme qui l'apostropha violemment aussitôt après, lui attrapant l'avant-bras :

- Regarde où tu vas, Uchiyama !

Reconnaissant la voix désagréable d'un de ses bien-aimés collègues, la jeune femme fit volte-face et se détacha de sa prise d'une brusque torsion du bras. L'homme grimaça légèrement sous la douleur alors qu'elle le méprisait du regard. Elle n'était vraiment pas d'humeur à rentrer en conflit avec un être si répugnant.

- Hiretsu... je crois que le couloir était bien assez large pour nous laisser passer tous les deux, lui fit-elle remarquer, ses bras le long du corps.

- Depuis quand es-tu si effrontée avec tes supérieurs ?

- Depuis que ceux-ci ne le sont plus, railla-t-elle en lui coupant la parole par la même occasion, maintenant laisse-moi passer, j'ai des choses importantes à faire.

- Je vois que tu as toujours des problèmes avec l'autorité ! Encore chez le Général, n'est-ce pas ? Et moi qui me demandais comment tu avais pu obtenir si rapidement le rang de Lieutenant...

La jeune femme haussa un sourcil devant le sous-entendu plus que présent dans les paroles du soldat. Un sourire moqueur passa comme un coup de vent sur ses lèvres. Il voulait jouer ? Elle allait jouer.

- Ne t'inquiète pas pour moi, je n'ai pas eu à le supplier à genoux comme tu l'as si bien fait. Savais-tu que j'ai encore surpris des jeunes recrues parler de cette histoire ? Décidemment, heureusement que je suis passée par-là pour rectifier leurs propos. Cela aurait-été bête qu'ils se trompent en oubliant de dire que tu avais proposé de curieux services aux généraux, n'est-ce pas ? J'aurais été déçue de laisser ces pauvres âmes innocentes dans le mensonge. Tu peux me remercier, Lieutenant Hiretsu, je l'ai fait de bon cœur.

Au fur et à mesure qu'elle parlait, le visage d'Hiretsu se décomposait, devenant de plus en plus pâle jusqu'à presque se fondre avec le mur pisseux derrière lui. Au contraire du rictus de Rin qui ne cessait de s'élargir devant la vision de l'homme apeuré et honteux.

Il s'était avancé sur un terrain dangereux où il était impossible de la battre. Il s'y était risqué et il avait perdu, il n'avait plus qu'à rentrer la queue entre les jambes comme le chien galeux qu'il était.

- Au plaisir, Hiretsu, l'acheva-t-elle d'une voix acide.

Sur ces mots, Rin le bouscula volontairement avant de continuer son chemin, allongeant le pas pour laisser le plus de distance possible entre elle et le Lieutenant Hiretsu.

Elle détestait cet individu imbu de lui-même et possédant autant de compétences dans l'armée qu'un gamin de cinq ans et demi. Pourtant, il était Lieutenant et savait un minimum se défendre sur le terrain – même si elle aurait préférait se tirer une balle dans le pied plutôt que de l'avouer à voix haute.

Peu de temps après son escarmouche verbale, Rin arriva enfin devant les quartiers des Forces Spéciales. Elle s'engagea dans le couloir réservé à son régiment d'un pas décidé avant de pousser une porte et d'entrer dans la pièce sans prévenir, continuant son chemin et surprenant les quelques soldats présents qui se relevèrent aussitôt à sa vue pour la saluer.

- Lieutenant, nous ne attendions pas à ce que vous passiez ici si tôt...

- Repos. Ne vous occupez pas de moi.

Un relâchement se fit dans le rang de soldats, tel un soupir de soulagement.

La jeune femme ouvrit son casier métallique et fit claquer la porte contre le mur, produisant un son dissonant. Elle était encore passablement énervée à cause de ses précédentes rencontres, et essayait de passer sa colère sur le mobilier ou le matériel, plutôt que sur ses hommes impuissants.

Un sursaut, suivi de tremblements, secoua le quatrième régiment.

Rin leur jeta un regard à la dérobée et remarqua qu'ils n'avaient pas bougé de leur place, conservant la ligne réglementaire et la droiture préconisée par l'armée. Elle leva les yeux au ciel et se reconcentra sur ses affaires.

Elle sortit son grand sac de toile kaki et entreprit de trier les armes qu'elle emmènerait en Corée du Sud et qu'elle pourrait facilement dissimuler aux yeux des douanes coréennes. Même si ce dernier point serait encore à perfectionner chez elle... Elle détestait devoir faire passer clandestinement ses affaires, c'était sans aucun doute la partie la plus pénible de l'opération !

- Vous partez, Lieutenant ?

Elle acquiesça, la tête plongée dans son casier pour y rechercher ses effets personnels, tels que ses plaques d'identification ou des souvenirs de familles qu'elle gardait toujours près d'elle.

- Devons-nous nous préparer aussi ? Quelle est la mission ? Quand partons-nous ? Les filles sont-elles prévenues ?

- Non, Seijitsu. Je pars seule cette fois-ci, prévenez vos binômes féminins, l'informa-t-elle en se relevant, son sac sur l'épaule, quant à vous, vous serez sûrement affectés en mission de routine. Ou alors vous serez en vacances, bandes de chanceux.

Un cri de joie s'échappa de la gorge d'un des soldats avant de mourir dans sa bouche sous le regard meurtrier de Seijitsu. Ce dernier administra une claque derrière la nuque de l'imprudent, lui promettant, par la même occasion, les pires corvées du monde pour avoir exprimé son engouement de façon si soudaine.

- Laisse, Seijitsu. Je sais très bien que votre dernière permission date de l'année passée. Vous l'avez tous mérité. Profitez-bien pour moi, surtout !

Un léger sourire se dessina sur ses lèvres alors qu'elle les saluait. Ils l'imitèrent et s'écartèrent pour la laisser passer. Alors qu'elle allait sortir, Seijitsu l'appela d'une voix forte :

- Lieutenant ! Prenez soin de vous et revenez saine et sauve !

Rin se retourna légèrement, et dans un sourire dont elle seule avait le secret, le remercia sincèrement de s'inquiéter pour elle.

- Quand je reviendrai, je veux vous voir opérationnels, je ne tiens pas à m'entraîner avec des loques.

- A vos ordres, Lieutenant Uchiyama ! s'exclamèrent-ils en cœurs, la main en visière au niveau de leur tempe.

Rin quitta la pièce pour, quelques minutes plus tard, quitter aussi le quartier général et se diriger vers le petit appartement que sa mère – Uchiyama Megumi – partageait de temps en temps avec elle, quand elle revenait ou partait en mission essentiellement.

Le trajet jusqu'à l'immeuble était relativement court mais elle se devait d'emprunter la ligne de métro souterraine, qui se situait dans une des rues parallèles au quartier général des Forces Spéciales.

Ne voulant pas attirer l'attention sur elle, elle se dépêcha de trouver une place assise et de s'y mettre avec pour objectif de ne pas y bouger jusqu'à son arrêt. Pour ce qui était d'être discrète, son uniforme de service ainsi que son énorme sac n'étaient pas le meilleur moyen de passer incognito dans un lieu public... Elle s'en rendit compte bien assez vite en remarquant les regards insistants et curieux sur sa personne.

La jeune femme détourna la tête pour éviter de se faire dévisager comme un sujet d'expérience en laboratoire et se concentra sur la publicité à ses côtés, concernant entre autre l'assurance vie et les accidents mortels. Sujet tout à fait passionnant si on affectionnait les morgues, les enterrements, les cimetières ainsi que les pompes funèbres. En tant que soldat au service de son pays, ce n'était pas ce qu'elle appréciait le plus...

La voix monotone du métro annonça enfin sa station et Rin s'empressa de se lever de son siège. Elle n'eut pas besoin d'utiliser ses coudes pour sortir puisque les passagers s'écartèrent sur son chemin, craintifs.

Une fois à l'air libre, elle ne s'attarda pas dans la rue et se dépêcha de rentrer chez sa mère. Comme à son habitude, elle ne frappa pas à la porte et inséra seulement la clé dans la serrure avant d'ouvrir à l'aide de son épaule.

- Maman ! C'est moi ! cria-t-elle en coréen, langue qu'elle parlait couramment à cause des origines de sa mère.

Un bruit de casserole lui répondit. Elle vit alors une femme d'une cinquantaine d'années sortir de la cuisine, s'essuyant les mains dans un torchon, un petit sourire de bienvenu sur le visage. Malheureusement, quand elle remarqua le sac de sa fille, les commissures de ses lèvres s'abaissèrent et ses yeux se ternirent.

- Tu repars quand ?

Rin soupira, embrassa sa mère sur la joue en passant à côté d'elle et partit dans sa chambre sans répondre à sa question. Elle ne souhaitait pas commencer un débat avec elle sur son travail dans l'armée. Elle ne la connaissait que trop bien et cela l'aurait fatiguée plus qu'autre chose.

Arrivée dans sa chambre, elle jeta son barda sur son lit et entreprit de lire son ordre de mission et de prendre des notes. Elle s'occuperait de nettoyer et préparer ses armes plus tard, celles-ci pouvaient largement attendre.

Rin fouilla quelques secondes dans son sac avant de dénicher le document qu'elle cherchait et de s'installer confortablement à son bureau pour ouvrir son ordre de mission.

Elle remarqua avec étonnement que les règles de bases avaient été rayées rapidement au stylo bille, jusqu'à presque disparaître sous les gribouillis noirs. Elle n'en tient pas réellement compte et prit un stylo qui se retrouva rapidement dans sa bouche, mâchouillé, alors qu'elle commençait sa lecture.

** CONFIDENTIEL **

ORDRE DE MISSION D'UCHIYAMA RIN

NE PAS EMPORTER – NE PAS PHOTOCOPIER

NE PAS PRENDRE DE NOTES

Contexte :

Depuis quelques années, l'armée coréenne ainsi que le gouvernement développent de nouvelles tactiques de combat, notamment en prévision d'une attaque nord-coréenne. Malheureusement courant 2008, le Naichō aurait détecté quelques activités anormales de l'armée sud-coréenne sur le sol japonais.

Après que le gouvernement japonais ait demandé des informations supplémentaires sur les opérations de la Corée du Sud, celle-ci a démenti toutes implications avec ces infractions causées par des déserteurs n'ayant plus aucun lien avec l'armée. Le Japon a alors laissé passer et ne s'est plus intéressé à cette histoire.

Récemment, en 2015, de nouveaux mouvements suspects ont été interceptés au niveau des côtes coréennes donnant vers le Japon, réveillant de nouveau la méfiance du gouvernement ainsi que de l'armée. En raison du caractère officiel de cette dernière, il fut impossible d'envoyer des soldats sur place, c'est pourquoi le Naichō a, d'abord, été dépêché pour y aller. Sans succès. Les services de renseignements comptent donc sur les Forces Spéciales pour résoudre ce problème.

Mission :

Un soldat opérationnel du 4ème régiment de la première compagnie des Forces Spéciales sera envoyé en Corée du Sud. Là-bas, il se fera passer, en premier lieu, pour un touriste venu visiter la capitale. Il recevra l'aide du Naichō et de quelques agents déjà infiltrés pour réussir à faire passer ses armes ainsi que son matériel à l'aéroport. Ce sera la seule aide qui lui sera accordée de toute la mission, le reste se fera en solo.

Il devra réussir à recueillir le plus d'informations possibles sur les opérations jugées secrètes de la Corée du Sud et cela, dans la plus grande discrétion possible. Il devra effectuer ses rapports au moins une fois la semaine, et seulement au Général de division.

Il aura carte blanche pour choisir son alibi mais il lui est interdit d'utiliser l'armée japonaise comme tel. Avec une telle règle, il aura pour obligation de laisser ses plaques d'identifications chez lui avant de partir, au risque d'être démasqué à tout moment et de conduire le Japon à sa perte.

En cas de capture, il devra se débrouiller seul. Le gouvernement japonais ainsi que l'armée ne le reconnaîtra pas en tant que l'un des leurs, et ne s'occupera pas de son cas s'il venait à être condamner pour espionnage de secrets d'état.

En vue des conditions de la mission, celle-ci est classée niveau 5, autant dire le plus dangereux et le plus mortel à ce jour. Le soldat se voyant confier cette mission aura donc le droit de la refuser dans les prochaines 24h. Toute information confidentielle communiquée se verra punie par la sanction capitale et le fautif se devra de répondre devant le tribunal de l'armée.

** CONFIDENTIEL **

ORDRE DE MISSION D'UCHIYAMA RIN

NE PAS EMPORTER – NE PAS PHOTOCOPIER

NE PAS PRENDRE DE NOTES

A ce qu'elle avait vu, elle n'avait pas beaucoup le choix et était obligée de prendre part à cette mission. C'était assez étrange de la part du Général de division de lui ordonner une telle chose mais elle n'était pas en position de poser toutes sortes de questions. Elle devait obéir, point.

Une heure était passée entre son arrivée chez elle et la fin de la lecture de son ordre de mission. Elle avait pris des notes et surligné un bon nombre d'informations pour ne pas se retrouver perdue une fois en Corée du Sud.

En revanche, la partie sur ses plaques d'identifications la dérangeait au plus haut point. Il était absolument hors de question qu'elle les laisse au Japon ! Elle n'aura qu'à pas se faire prendre, ce qui serait un jeu d'enfant !

Mais, au cas où un accident arrivait, elle préférait que sa mère soit au courant de son incapacité à revenir parmi ce monde, plutôt que d'attendre des nouvelles qui ne viendraient jamais si elle ne prennait pas ses plaques... Elle ne voulait pas laisser la famille qu'il lui restait dans l'espoir vain de son retour.

Rin soupira et laissa sa tête se renverser, appuyant sa nuque douloureuse sur le dossier de sa chaise. Les prochains mois n'allaient pas être de tout repos... Ce qui la taraudait le plus restait tout de même l'alibi. En temps normal, on lui aurait déjà fourni une fausse carte d'identité ainsi qu'une histoire fabriquée de toutes pièces au sujet de son passé. Mais là, elle devait se débrouiller toute seule et elle n'aimait vraiment pas être lancée dans l'inconnu.

Repensant à son départ, elle se rendit soudainement compte qu'il ne lui restait qu'un délai de deux jours avant de s'envoler pour la Corée du Sud, où il lui serait impossible de se construire une autre vie. Excédée, elle se prit le visage entre les mains et poussa un grognement de fatigue :

- Rhaaa ! Comment je vais faire ?

- Chérie ? Tu as appelé ? Tu as besoin d'aide ?

La jeune femme se redressa vivement, refermant précipitamment le dossier avant de le jeter sur son sac.

- Non, Maman ! Tout va bien ! la rassura-t-elle.

Il ne fallait surtout pas qu'elle sache, cela aurait compromis toute la mission. Elle seule devait s'en occuper. Elle était un soldat et elle savait parfaitement bien ce qu'elle faisait. En vue de sa position, ses ordres étaient donc clairs : aucune personne extérieure au service ne devra prendre part aux missions, au risque de mettre sa propre vie en danger ainsi que celle du soldat concerné.

- Si tu as fini tu peux venir manger alors !

Rin se leva aussitôt de sa chaise, ne voulant pas faire patienter sa mère plus que ça. Et pour ce qui concernait la mission, elle aviserait une fois là-bas. Après tout, elle n'en était pas à sa première !

________________________________________________________________________

Paroles en japonais : en italique dans le texte

Voici donc le premier chapitre de cette nouvelle aventure !

J'espère que vous l'aimerez, tout comme vous apprécierez Rin, héroïne de "Secret" !

Sur ce, mes chers tigrous en sucre, je vous souhaite un agréable dimanche et vous fait de gros bisous <3

Sweety ~


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top