Chapitre 5
Le soleil s'est enfin couché, les étoiles ont regagné leur place dans le ciel, elles brillent de milles feux et c'est tellement magnifique. Il fait froid, très froid même, mais je préfère rester ici dehors à contempler le ciel qu'à l'intérieur où j'ai l'impression d'étouffer à petit feu.
Assise au bon milieu du jardin, je ne cesse de ressasser ma discussion de tout à l'heure avec mon père dans son bureau. Il n'a plus abordé le sujet de ma sexualité, encore heureuse, mais il a soulevé un autre sujet très sensible qui m'a un peu bouleversé, celui de ma prise de fonction dans l'entreprise familiale.
°°°°°
J'entrai dans le bureau de mon père comme d'habitude, sans m'annoncer au préalable mais je devais avouer que j'étais un peu anxieuse de ce qui allait se passer à l'intérieur. Il n'y a que deux personnes qui ont réussi jusque-là à me mettre dans cet état juste en évoquant le mot conversation et bien évidemment, c'est mon père et ma très chère mère. Avec eux, les conversations ne sont jamais faciles, raison pour laquelle j'appréhende toujours. Les autres n'ont jamais réussi à m'intimider jusqu'à ce point et je doute même que cela n'arrive un jour.
Je savais qu'avec lui tout pouvait partir en vrille si on arrivait pas à s'entendre sur un point durant toute la conversation alors, je fis de mon mieux pour ne pas m'emporter. Je l'avais promis à ma mère à contrecoeur mais comme d'habitude, je me devais de tenir ma promesse.
Je le retrouvai debout derrière son bureau, donnant le dos à la porte centrale, avec un verre de scotch à la main gauche et la droite, dans la poche de son pantalon. Il avait le regard perdu sur la belle vue que lui offre les grandes baies vitrées de son bureau, et on aurait dit qu'il était tout autant stressé que moi.
— Papa... Lançai-je de manière solennelle, pour attirer son attention.
Il se retourna immédiatement à l'entente de ma voix, un rictus aux lèvres, puis il se rapprocha de son mini-bar à vin pour se resservir et en profita également pour remplir un second verre.
— Un scotch ? Me proposa-t-il.
Je ne savais pas ce qui allait se dire au cours de cette discussion alors, il valait mieux que je boive d'abord un bon coup avant son début.
— Oui, s'il te plaît.
Il y rajouta deux glaçons comme d'habitude avant de me le donner. Je m'installai sur le fauteuil juste en face de son bureau, mon verre de scotch à la main et il fit pareil de l'autre côté. Ainsi commença un duel de regard entre nous, personne ne voulant baisser les yeux avant l'autre.
Mon père avait toujours cette manie d'influencer les gens qu'il côtoyait par un simple regard. Cette pratique était son point fort, mais malheureusement pour lui, elle ne fonctionnait jamais sur moi, parce-que comme le disait très souvent ma mère, nous sommes pareils. Il le savait très bien mais ce n'était pas ça qui l'empêchait d'essayer de temps en temps.
Lorsqu'il constata au bout de plusieurs secondes que j'étais décidée à ne pas lâcher l'affaire, un nouveau rictus se forma sur ses lèvres avant qu'il ne décide de reporter son regard sur son verre.
Le silence qui régnait dans ce bureau était très pesant, je souhaitais vraiment qu'il en vienne vite aux faits.
— Content de te compter parmi nous ce week-end, comment vont les études ? Brisa-t-il finalement le silence.
— Très bien, nous reprenons dans une semaine. Répondis-je sur mes gardes.
— D'accord. Écoute, je ne vais pas tourner autour du pot, tu sais très bien que cela ne me ressemble pas.
Oui, effectivement ce n'était pas dans ses habitudes de tourner autour du pot. Mon père a toujours été du genre très direct quand il voulait obtenir quelque chose ou donner son opinion sur quelque chose, mais là je voulais que quelque chose le tracassait et qu'il ne savait pas comment aborder le sujet. Je le regardai très attentivement, attendant qu'il crache enfin le morceau.
— J'aimerais qu'à la fin de tes études, c'est-à-dire l'été prochain, que tu viennes travailler à la compagnie. Je crois qu'il est grand tant que tu t'y investisse plus sérieusement si tu veux reprendre les rennes un jour.
Je ne pus m'empêcher d'ouvrir grand les yeux à cette annonce brusque, tellement je fus choquée. Je le regardai silencieusement, espérant que ce ne soit qu'une blague de mauvais goût de sa part, mais je constatai qu'il était vraiment sérieux.
— Ce n'était pas ce qu'on avait convenu dès le départ. Réussis-je à dire après quelques secondes de silence.
— Je sais, mais les choses ont changé entre temps. Répliqua-t-il le regard toujours centré sur son verre.
— J'aimerais bien savoir lesquelles.
— La compagnie rencontre certaines difficultés depuis quelques mois déjà. Bien évidemment, tu ne pouvais pas être au courant de ça parce-que ça fait plus de deux mois que tu n'y es plus passée. Répliqua-t-il en vidant d'un trait le contenu de son verre.
Il se leva, alla se resservir à nouveau avant de venir s'affaisser sur sa table de bureau, près de mon fauteuil.
— Les investisseurs sont très inquiets. Certains songent même à quitter la compagnie à cause des difficultés financières qui ne font que surgir alors, le conseil d'administration s'est réuni et nous avons conclu d'un commun accord qu'il nous fallait un nouveau directeur financier pour remettre les choses en état et c'est toi qui a été choisi pour occuper ce poste.
— Mais... Je n'ai pas encore obtenu mon diplôme. Balbutiai-je encore très troublée par la situation.
— Raison pour laquelle on te laisse cette année pour l'obtenir. Tu es très douée dans ce domaine Térésa et tu le sais. Le peu de temps que tu as passé avec nous à la compagnie nous a permis à tous de voir de quoi tu es capable et ce diplôme, ne serait qu'une simple formalité de plus. On a besoin de toi, la compagnie a besoin de toi.
Je me levai à mon tour, très abasourdie par cette histoire. L'homme d'affaires en face de moi me regarda attentivement, attendant sûrement une réponse de ma part, mais je ne savais quoi dire à cet instant. Tout ce dont j'avais besoin là maintenant, c'était de respirer de l'air pure. J'avais l'impression d'étouffer dans cette pièce. Je préférai donc sortir du bureau sans rien dire de plus pour finalement aller me réfugier dans le jardin...
°°°°°
— Alors, c'est ici que tu te caches ? Résonne la voix de ma grande sœur devant moi.
J'ouvre les yeux et je tombe sur son visage tout souriant. Ça fait juste quelques semaines que nous ne nous sommes pas vues et pourtant, je n'ai jamais été ravie de la revoir qu'à cet instant. Je lui souris à mon tour avant de bien me redresser sur ma chaise. j'étais vraiment plongée dans mes pensées que je ne l'ai même pas vue arriver. Elle profite du peu de temps que je mets à revenir à la réalité pour s'installer à côté de moi et moi je dépose ma tête sur son épaule.
— Tu vas bien ?
Je me contente juste de remuer la tête en signe d'affirmation avec un léger sourire en coin. Même si je suis contente de la voir, je n'ai pas très envie de parler pour le moment.
— Tu compte me parler ou jouer la muette toute la soirée ? Réplique-t-elle en me bousculant un peu la tête.
Je ne peux m'empêcher de rigoler à cet instant. Je savais très bien que je n'allais pas tenir dans mon silence aussi longtemps avec elle dans les parages.
— Je vais bien et je suis très contente de te voir, tu m'as manqué. Finis-je par lâcher avec un grand sourire aux lèvres.
Elle se rapproche, dépose un baiser sur mon front avant de me souffler que je lui ai aussi manquée. Je redépose ma tête sur son épaule, contente de retrouver ma grande sœur et elle glisse ses doigts dans mes cheveux pour les caresser. Elle sait que je n'aime pas trop quand on touche à mes cheveux, mais ce n'est pas ça qui va l'empêcher de faire ce qu'elle veut. On reste sur cette position, dans un silence paisible à contempler le ciel étoilé, mais le silence est vraiment de courte durée.
— Qu'est-ce-qui te tracasse autant au point où tu préfères rester ici dans ce froid à contempler le ciel ?
— La vie... Soupire-je simplement.
Elle me regarde, l'air très amusé par ma réponse.
— La vie ? Repète-t-elle.
Je remue la tête une seconde fois en signe d'affirmation. Je ne m'attends pas à ce qu'elle comprenne immédiatement ce que je veux dire par là, mais son petit air amusé qui n'a toujours pas disparu m'énerve un peu et elle finit par le comprendre quand j'enlève ma tête de son épaule.
— D'accord, et qu'est-ce-qui te tracasse sur la vie exactement ?
— Tout. Réponds-je sérieusement.
— Tu rigoles j'espère ! Tu as une vie parfaite chérie. Tu es belle comme un cœur, très intelligente au passage, tu es dans l'une des meilleures universités du pays, tu fais partie d'une des familles les plus riches de Los Angeles et cerise sur le gâteau, tu as tout ce que tu veux dans cette vie. Que veux-tu de plus ?
— D'abord, on dit jolie comme un cœur et ensuite, je n'ai pas tout ce que je veux malheureusement. Dis-je un peu attristée.
— Tu vas finir par me dire ce qui t'arrive au juste ?
Son air amusé finit par se transformer en inquiétude quand elle remarque que je suis très sérieuse dans mes propos. Mon père m'a vraiment mise dans une position très délicate et j'ai plus que jamais besoin des conseils en ce moment. Heureusement pour moi ma grande sœur a toujours été de bons conseils dans mes moments de troubles. Elle sait toujours ce qu'il faut dire dans ce genre de moment pour me booster.
— Eh bien, papa veut que je rejoigne définitivement la compagnie l'été prochain, à la fin de mes études. Lâche-je le regard perdu dans le ciel étoilé.
— Oh... Je vois, souffle-t-elle. Et que lui as-tu répondu ?
— Rien pour le moment. Je ne m'attendais pas à ça, ce n'était pas notre accord depuis le départ. On avait conclu qu'à la fin de mes études, il me laisserait le temps de faire ce que je veux avant de m'intéresser aux affaires familiales mais maintenant il veut revenir sur notre accord soit disant que l'entreprise rencontre quelques difficultés.
— Et toi, qu'est-ce-que tu penses de tout ça ?
— Je suis perdue. Soupire-je.
Elle me demande d'un simple geste de la main de redéposer ma tête sur son épaule et je le fais. Elle continue ses caresses dans mes cheveux avant de dire:
— Écoute, comme je viens de te le dire, tu es très intelligente et ce n'est pas travailler dans la compagnie après tes études qui t'empêchera de faire ce que tu veux, et tu le sais très bien. Dans toute situation, il y a toujours un bon compromis. Trouve juste le tien et expose ton point de vue à papa.
Je la regarde, ruminant tout ce qu'elle vient de dire dans mon cerveau tandis qu'elle me montre son plus beau sourire.
— Moi je pense juste que tu as peur de te lancer juste après, mais pourtant, tu ne devrais pas. C'est de ton avenir qu'il s'agit maintenant et je te conseille d'y réfléchir sérieusement...
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