8. Elias

Au bas de son immeuble, je me demande ce qu'il m'a pris. A quel moment j'ose me pointer chez elle ? Sans prévenir en plus. Je vais me faire jeter en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, je peux le parier. Le professionnalisme semble s'être envolé. Maintenant que je me suis déplacé, je ne vais certainement pas changer d'avis. Je m'engouffre dans le hall d'entrée miteux et délabré pour me retrouver face aux nombreuses sonnettes. Merde, ce détail n'avait pas percuté mes neurones. Si je reste bloqué à ce niveau-là, je ne vais pas aller loin, et ma mission va lamentablement échouer. Puis, j'aurais surtout l'air bien con. Je tourne en rond quelques instants à la recherche d'une solution quand le bruit de la clinche me fait réagir. Un couple d'étrangers sort et j'en profite pour me faufiler dans la cage d'escaliers qui n'a rien de rassurante. Sombre, avec la peinture qui s'écaille des murs et la dernière lumière qui clignote, c'est loin de se révéler accueillant. Je grimpe les marches quatre à quatre jusqu'à son étage, puis pars en quête de la bonne porte. Les noms inscrits sont en grande partie effacés par le temps, mais je devine le sien, le dernier appartement sur la droite. Ma langue passe sur mes lèvres avec une pointe d'appréhension tandis que je m'apprête à toquer. Lya est tigresse redoutable, la seule qui s'est aventurée à me gifler pour que je redescende. Et elle n'hésitera pas à réitérer l'expérience si elle le juge nécessaire. Des petits pas trépignent de l'autre côté, puis j'entends la clef qui s'insère dans la serrure. La seconde d'après, je me retrouve face à une gamine blonde pas plus haute que trois pommes, assez mignonne, je dois l'admettre. Elle fait toute petite pour son âge.

— Bonjour Clarisse, souris-je. Ta maman est là ?

— Maman, y a ton n'amoureux, déclare-t-elle sure d'elle avant de retourner s'installer à table pour achever son petit-déjeuner.

Bien envoyé. Je ricane amusé, en sachant pertinemment que Lya va bougonner lorsqu'elle comprendra que je suis ce fameux amant inventé par sa fille. Rien que d'imaginer la tête qu'elle va tirer, j'en rigole.

— Clarisse, je t'ai déjà répété que je n'avais pas d'amoureux, soupire Lya depuis une pièce voisine.

Quelle précieuse information, je ne risque pas de l'oublier. Mes prunelles balayent la pièce où tout semble vieux, à moitié pourri, à moitié réparé comme elle a pu.

— Tu sais quoi, Miss ? On va préparer le petit-dej' de ta maman. Elle boit quoi ?

— De l'eau ou du thé. La machine à café est cassée, m'avoue la petite, la bouche pleine.

Je soupire, sincèrement désolé. Personne ne devrait être privé de sa boisson énergisante le matin ; ça devrait être interdit. Je ne peux pas commencer ma journée sans. Enfin, si, théoriquement, je peux, mais je plains le premier qui s'adressera à moi et qui va se prendre ma mauvaise humeur en pleine figure. D'ailleurs, pour ma part, c'est celle de Lya que je dois supporter.

— Chérie, va dans ta chambre, s'il te plait !

— Mais... L'école ?

— Va la déposer, Lya. Je t'attends ici, la rassuré-je en m'asseyant sur une chaise, mon journal sorti de mon attaché-case.

Elle serre les poings, se mords la lèvre, puis secoue négativement la tête.

— Tu ne crois quand même pas que tu vas rester seul ici ?

— Et pourquoi pas ?

— Parce que tu es tout sauf digne de confiance ! me rappelle-t-elle presque acerbe.

— Eh bien, je t'accompagne alors, négocié-je.

Une lueur d'agacement traverse son visage, mais elle finit par accepter, affichant son mécontentement avec exagération. Une véritable comédienne. Nous prenons le chemin à trois. Je reste légèrement en recul pour ne pas intervenir dans leur bulle fusionnelle. Lya se montre aux petits soins pour sa fille qui lui rend bien. Les regards, les petites piques, les sourires taquins qu'elles se lancent continuellement m'attendrit. Si bien que je n'ose pas intervenir et me contente de les observer. Pour la première fois, je découvre le côté bien plus doux de Lya, celui qu'elle s'évertue à enfouir en présence d'autrui. Plongé dans mes pensées, je réalise que nous sommes arrivés lorsque Clarisse me tapote le bras pour me saluer. D'abord, surpris, je mets quelques instants à réagir, puis m'agenouille à sa hauteur.

— Bonne journée Miss !

— Tu seras gentil avec ma Maman ? m'interroge-t-elle en croisant les bras.

— Bien sûr. Pourquoi est-ce que je ne le serais pas ?

Je lève les yeux vers la concernée qui me fixe moqueuse, en se mordillant la lèvre inférieure. Clarisse est bien la fille de sa mère, il n'y a aucun doute possible !

— Elle n'avait pas l'air heureuse de te voir ce matin. Et ma maman, elle doit être la plus heureuse du monde, m'avoue-t-elle les pupilles brillantes.

J'attrape sa main dans la mienne et lui chuchote à l'oreille :

— Je ferais tout pour. Je te le promets !

*****

— C'est quoi tout ça ? râle-t-elle tandis que je ressors de la boulangerie les mains pleines.

— Un petit-déjeuner avec deux cafés bien chauds.

— J'ai déjà mangé, merci !

Je secoue la tête en lui tendant un des gobelets fumants ; ça va peut-être l'adoucir un peu.

— Menteuse va, alors rentrons, dégustons et ensuite, on discutera de ta comparution ! lui ordonné-je.

Elle ne me cache pas son mécontentement, souffle, grogne, mais obtempère. Nous sommes plus qu'à une centaine de mètres de son appartement dans lequel nous nous engouffrons en quête de chaleur. Mais à la place, l'humidité nous accueillit. La peinture écaillée des murs et les meubles bancals me sautent aux yeux. Mon cœur se serre. Lya avait tout pour réussir. La voir dans cette situation déplorable, au-delà de me surprendre, m'affecte. Je ne comprends pas comment elle a pu en arriver là et je voudrais pouvoir l'aider. Nous évoluons dans un pays dit riche, alors comment se peut-il que la misère continue de prospérer, de se développer.

L'air radieux qu'elle affiche en croquant dans le croissant m'assure qu'elle est ravie par mon geste. Bien qu'elle ne l'avouera jamais à haute voix. Je m'installe sur la chaise en face d'elle et me sert à mon tour. Je n'ai pas pris le temps de manger avant de partir.

— Tu n'étais pas obligé, tu sais. Je ne veux pas de ta pitié, Elias !

— Moi, j'en avais envie. Puis, je me suis dit que ça te mettrait de bonne humeur pour aborder les sujets qui fâchent, non ?

Je lui offre un large sourire en espérant qu'elle capte le second degré. Je sais que je devrais prendre plus de pincettes avec elle, mais la taquine s'avère bien trop plaisant pour que j'y renonce. Elle réagit souvent au quart de tour ce qui a le don de me faire sourire.

Elle lâche son petit-déjeuner. Ses épaules s'affaissent et elle lève les yeux au ciel, un brin désespérée par mon attitude. Je pourrai continuer à la vanner, mais l'heure tourne et, elle n'est pas ma seule cliente de la journée. Je coupe court à la conversation afin de la dévier sur ses problèmes du moment.

— Attends, attends, m'interrompt-elle. Je veux bien t'écouter, mais tu réponds d'abord à une question : comment tu sais où j'habite ? Rien que pour ça, tu me fais flipper !

— Louloute, je suis ton avocat ; tu m'as donné tes coordonnées.

Mon sourire s'agrandit, alors qu'elle se décompose. Je ne sais pas si c'est ma révélation ou mon petit surnom qui provoque cet effet, mais elle semble hésiter entre me frapper et me jeter en dehors de son appartement sur le champ.

— Elias, je te conseille de me dire ce que je dois savoir avant que je te dégage d'un coup de pied au cul !

— Oh ! J'ai une préférence pour les mains aux fesses, mais on peut s'arranger si tu le souhaites...

— Elias... soupire-t-elle.

Je lève les mains en guise de défense, tandis qu'elle hausse les sourcils. Puis, je reprends mon sérieux. J'adore la provoquer sur mon temps de travail, ça ajoute du piment à ma journée et, la tête qu'elle tire en vaut la peine. Néanmoins, je ne peux pas y passer des heures si je souhaite tout défoncer au tribunal. Dans la situation où je me louperais sur cette affaire, je suis un homme mort. J'ai pris le risque d'aider Lya en acceptant que notre passé tumultueux soit réanimé. La douleur se manifeste autant chez elle que chez moi. J'aimerais que ce ne soit pas douloureux inutilement. Ses courbes m'obsèdent encore. Je donnerais tout pour y avoir accès une fois, rien qu'une fois, après tant d'années de fantasmes, mais je ne peux pas oublier ma première et dernière tentative. Je pourrais y laisser ma peau. Littéralement.

— D'accord, d'accord ! obtempéré-je. Bien, on va se la jouer sentimental et, insister sur tout ce que tu mets en œuvre pour t'en sortir. Aucun juge restera insensible puisque tu te dépatouilles avec volonté.

— Et tu espères qu'on en ressortira avec quoi ? Parce que je ne compte pas nier mes actes...

— Je ne te le demanderai pas, la rassuré-je immédiatement. Je comprends pourquoi tu as agi ainsi et, je sais que tu n'avais pas d'autres solutions. On va demander que tu prestes des heures d'intérêt général. La quantité sera au juge d'en décider. Ça te va ?

— Je m'en remets à toi, se laisse-t-elle convaincre.

Voilà qui relève du miracle. Lya Martins m'offre sa confiance ce qui représente un gigantesque pas en avant. Peut-être qu'on finira par y arriver à condition qu'on ne mette pas la charrue avant les bœufs, comme le dit la célèbre expression.

— Merci.

— Pour quoi faire ?

— Parce que je sais que tu luttes contre toi-même pour me donner cette seconde chance...

Je guette sa réaction ; je tâtonne les limites entre nous, en joue, mais je n'oublie pas que j'oscille sur le fil tel un funambule. Je la vois déglutir, alors qu'elle acquiesce imperceptiblement. Ses doigts pianotent sur la table tandis qu'elle achève son petit-déjeuner. Au moins, aujourd'hui, elle aura le ventre plein.

— Je ne te décevrais pas !

— Je ne sais pas, Elias... Je... Je n'arrête pas de repenser à...

Nos regards s'accrochent dans une percussion violente. Je tressaille. Elle n'est pas la seule à ressasser ce passé. Je l'ai vu me lorgner, la bouche presqu'entrouverte, durant de nombreuses heures. Je ne compte pas non plus le nombre de fois où j'ai surpris ses murmures avec Maddy. La discrétion n'a jamais été une de leurs qualités. Moi, comme un con, j'ai cru à une porte ouverte alors qu'elle était bien fermée, à double tour. Résultat, je me la suis pris en pleine poire. La chute fut douloureuse pour nous deux, mais pas seulement... Nos histoires ont semé la pagaille tout autour de nous, dans notre collège, dans nos familles respectives, dans nos groupes d'amis. Un vrai désastre d'ados qui est parti bien trop loin, alors que je souhaitais juste m'amuser. Mais, j'étais jeune et con...

 23/01/2021 - Hello tout le monde, 

Déjà, je vous souhaites à tous une merveilleuse année 2021. Que cette année vous porte chance et qu'elle soit meilleure que 2020 :) 

Ensuite, je m'excuse pour mon absence mais j'étais en examen. Ceci dit, me revoilà en forme pour réécrire alors j'espère que vous êtes aussi ready que moi !! 

MERCI DE ME LIRE !

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