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         Je n'ai pas encore pris la mesure de ma décision mais je m'en fiche. Je suis peut-être inconsciente, irresponsable, gamine, ce que vous voudrez. Mais je m'en fou complètement. Pour une fois je veux faire quelque chose que je veux et non qu'on ait décidé pour moi. Mon excitation retombe comme un soufflé quand je vois entrer l'interne Antonin. Lui si amical et rassurant ne l'ai plus. Son regard est si sérieux et je peux y lire une once d'inquiétude. Un mauvais pressentiment monte en moi. Les traits de son visage sont trop crispés pour que ce soit une bonne nouvelle qu'il vienne m'annoncer.

- Je vous ai rapporté votre ordonnance et la liste des précautions à prendre.

       Un long silence s'ensuit et j'attends qu'il se décide de parler. Il faut que je sache ce qui le tracasse mais il ne dit rien, il me fixe, me sonde, me jaugeant sûrement pour savoir si je suis apte à entendre la nouvelle qu'il s'apprête à m'annoncer. Les minutes passent et quand je pense qu'il n'osera plus, il ose enfin ouvrir la bouche. Sa voix me surprend car ce n'est plus la voix assurée des débuts. Il cherche ses mots et hésite beaucoup trop.

- Je suis vraiment désolé...  Je n'ai pas une très bonne nouvelle... Notre secrétaire médicale a pensé bien faire... Elle a appelé votre fiancé... Il est à la réception... Par chance elle lui a dit de patienter.

         La sentence tombe et ma toute nouvelle euphorie en fait de même. Je le connais par cœur et après ces moments de crises il sera tout mielleux. Si je me retrouve devant lui, devant sa culpabilité, je ne mettrais rien à exécution. Je resterais dans ma prison dorée. Je me persuaderais, encore une fois, qu'il peut changer même si je n'y crois plus. L'espoir était trop beau, je n'aurais jamais dû me laisser le droit d'espérer. Il n'y a pas de mots plus fort que dépité pour exprimer ce que je ressens. Il reprend me coupant dans mes lamentations intérieures. Cette fois sa voix est beaucoup plus assurée, il parle même beaucoup trop vite.

         Si je ne fais pas d'erreur, vous m'aviez dit que vous ne vouliez personne de votre entourage sauf la personne qui vous a accompagné. Si vous ne désirez pas le voir, vous pouvez vous éclipser le temps que je lui parle de votre état de santé (il mime des guillemets). Je peux faire même un peu traîner pour vous laisser de l'avance afin de trouver un lieu en sécurité. Quand j'aurais terminé de l'informer, nous viendrons dans votre chambre. Si vous y êtes (il grimace comme s'il avait quelque chose d'acide dans sa bouche) vous rentrerez avec lui. Mais si vous n'y êtes pas (un grand sourire plein de fierté naît cette fois) je me confondrais en excuse. Il faut dire que je ne suis qu'un simple interne, je ne suis pas au courant de tout.

          Sans me connaître, cette personne essaye encore de une fois de m'aider. Si je m'en sentais capable, si j'étais audacieuse, je lui sauterais bien au cou pour lui montrer ma reconnaissance. Mais je ne le suis pas. J'apprends, petit à petit, ce qu'est le courage. J'essaye tous de même de lui exprimer ma gratitude.

- Je ne sais pas comment vous remercier ?

- Vivez et soyez heureuse. Mais si un jour cela vous est permis, donnez-moi de vos nouvelles. Voilà comment vous pourrez me remercier.

- Je vais tout faire pour.

        Son sourire si chaleureux est de retour et ma joie de vivre reprend le dessus. Il me serre la main pour me dire au revoir. Il s'attarde un peu plus qu'il ne le devrait car c'est le seul contact que je lui ai autorisé. Il fait quelques pas pour sortir mais se retourne une dernière fois.

- Pandora, continuez toujours de croire en vos rêves car je vous promets qu'ils peuvent se réaliser. Faites-moi la promesse d'être heureuse. Quand vous vous regarderez dans le miroir faites-vous la promesse d'être heureuse car vous avez le droit au bonheur. N'arrêtez jamais d'y croire.

        Il ne me laisse pas le temps de réfléchir, ni de lui répondre, qu'il est déjà parti. J'aimerais avoir le temps devant moi pour analyser ces paroles tellement elles étaient touchantes mais Ludivine ne m'en laisse pas l'occasion.

- Ma belle, je ne veux pas gâcher ces belles paroles, on aura tout le temps nécessaire plus tard pour y réfléchir. Il nous a laissé une échappatoire, si tu veux partir, si tu veux une nouvelle vie c'est maintenant. Mais décide-toi vite car le temps va nous manquer.

        Je n'ai pas besoin de temps pour réfléchir, je prends mon sac et mes affaires. Même si je suis tétanisée de me retrouver face à lui je suis plus déterminée à lui échapper. Je dois rester convaincue et sûre de mes choix car sinon il me retrouvera et je payerai au centuple ma fuite. Je n'ai pas le droit à l'erreur, l'échec ne m'est pas envisageable.

- C'est parti.

          Elle me sert brièvement dans ces bras pour m'insuffler un peu de sa force. Un baiser sur le front, comme une mère le ferait à son enfant pour lui apporter son soutien et nous voilà parties. Avant d'ouvrir la porte elle me sourit et me répète ces mots que j'ai entendu de multiples fois aujourd'hui.

- Sois courageuse.

Le courage est le seul remède contre la peur. Louis Pauwels 

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