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Ma solitude est bien vite brisée par l'arrivée de Ludivine, son entrée est digne d'une tornade. Elle ne me laisse pas réfléchir ni lui dire un seul mot, elle me prend juste dans ces bras. J'accepte cette étreinte car cette personne se rapproche le plus d'une mère. D'ailleurs je pense qu'elle doit se rapprocher de l'âge de la mienne ou ne doit pas trop s'en éloigner. Je ne lui ai jamais rien dévoilé sur moi, sur ma famille ou tout simplement sur ma vie en général. Mais j'ai toujours eu le sentiment que lorsqu'elle me regardait ou lorsqu'elle me touchait elle avait la faculté de lire ne moi et de me comprendre mieux que quiconque. Cela fait maintenant deux ans que nous sommes voisines et jamais elle ne m'a posé de questions qui auraient pu me rendre mal à l'aise ou qui aurait pu me braquer. Elle a toujours été derrière moi et me suit toujours comme ma propre ombre. Toujours là à attendre que j'ose enfin lui parler. Mais je n'ai jamais rien pu lui dire. Quand j'étais avec Nathanael je le sentais bien qu'elle me fuyait comme la peste mais dès qu'il n'était pas dans les parages c'est elle qui était toujours auprès de moi. Elle avait toujours une bonne excuse, un manque de sucre, de farine... Ces bras me rassurent et m'apportent un certain réconfort. Je sais qu'elle a tout compris depuis un bon bout de temps mais elle ne m'a jamais poussé à lui dévoiler mon secret. Aujourd'hui, je ne sais pas ce qui a changé mais elle est intervenue et m'a sauvé de la folie de Nathanaël. Comme une mère elle m'a protégé de lui et m'a emmené à l'hôpital car j'étais dans un sale état. Elle a attendu tous ce temps en salle d'attente, se rongeant les sangs (une infirmière me l'a dit, pensant que c'était ma mère) et faisant les cents pas espérant vite me revoir en bonne santé.
- Ma puce, quelle peur j'ai eu. J'espères que tu ne m'en veux pas d'être intervenu, cette fois-ci, mais j'ai eu tellement peur.
Elle me caresse tendrement les cheveux de haut en bas, m'effleurant délicatement le crâne, je me sens calmé quand je suis auprès d'elle. Les souvenirs me reviennent par vague comme si mon cœur ou mon esprit s'occupait d'occulter quelques passages pour éviter que mon âme souffre encore afin que je puisse continuer à avancer. Je dois faire partie des personnes qui aime se faire du mal car je force ma mémoire à se remémorer ce qui vient de m'arriver. J'ai besoin de tous mes souvenirs pour voir la réalité en face et non m'imaginer que tous cela n'est qu'un simple cauchemar. Je me rappelle cette nouvelle dispute avec Nathanaël, le sujet de base m'est inconnue, mais je me souviens de sa rage folle. J'ai eu beau me taire, essayer d'apaiser sa colère mais rien n'y faisait et plus les minutes passaient et plus sa crise augmentait. Dans sa crise grandissante, les mots s'ont plus suffit et il est passé à l'étape suivante. Les coups, les secousses, ma tête... je frissonnes devant cette piqûre de rappel.
- Ma belle je suis là, ne t'inquiète pas c'est fini.
Sa voix est toujours si calme face à mon tumulte intérieur. Je sais qu'elle veut me rassurer, ces mots me font du bien mais je dois rester réaliste, maintenant c'est fini, jusqu'à la prochaine fois. Combien de temps me laissera t-il avant de recommencer ? L'amour fait mal, mais est-ce que cela doit faire aussi mal ? Je repense aux derniers mots de l'interne et s'il avait raison ? Je ne veux pas mourir, même si je n'en donne pas l'impression, j'aime la vie. Même si Nathanaël m'empêche de faire beaucoup de choses, ayant toujours besoin de son approbation pour faire ce que j'ai réellement envie, j'aime la vivre. Tant que je serais avec lui rien ne changera. Je viens de comprendre une chose essentielle j'aime la vie et je n'aime pas les hôpitaux.
- Non cela ne finira jamais.
Ma révélation n'est qu'un chuchotement mais je n'ai jamais été aussi convaincu par quelque chose. Elle m'a sauvé la vie aujourd'hui, elle n'a pas eu peur de rentrer en conflit direct avec lui pour moi. La moindre des choses est de lui accorder ma pleine et totale confiance. Je le lui dois bien et j'ai surtout besoin d'aide maintenant.
- Ma lulu, je crois que je vais avoir besoin de toi.
- Tu es décidée à me parler ma belle ? Tu sais que je suis là, dis-moi de quoi as-tu besoin ?
Comme un volcan qui entrerait en éruption je lâche tout et personne ne pourra me retenir de parler cette fois. Pas de retour en arrière, je ne veux pas de pitié juste l'aide nécessaire afin de sortir de cet enfer. Je lui explique brièvement le rôle de ma famille si peu présente pour moi, bercé par les belles paroles de mon cher fiancé. Je raconte toute notre histoire, toute mon histoire, notre belle histoire d'amour. Il y' a un début avec des rires, des moments de tendresses, mon cœur se serre à l'évocation de ces souvenirs et si cela était encore possible je crois que je retomberais encore amoureuse de lui. Enfin de la personne qu'il était quand je l'ai rencontré. Mon discours s'affaiblit de plus en plus pour raconter la suite : nos premières disputes, les premières insultes et les premiers coups. On raconte rarement les mauvais moments en détail surtout à une personne extérieure, nous les survolons juste pour que l'autre nous comprenne ou essaye du moins. A la fin de mon histoire, je me sens vidée et en même temps libéré. Ce poids qui m'oppressait tellement et que je portais seule je l'ai partagé avec quelqu'un de confiance et si j'avais su le bien que cela m'aurait procuré je l'aurais fait bien plus tôt. Elle me lève doucement le menton pour que nous nous regardions dans les yeux.
- Je savais, mais j'attendais que tu sois prête.
- Quoi ?... Comment ? ... (Je ne peux m'empêcher de bégayer.)
- On reconnait ces semblables.
Je suis choquée par cette révélation. Elle rit de ma surprise même si son regard est triste. Nous finissons par rire ensemble de la situation. Nous ne le devrions pas mais "tous ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort". Je ne pense soudain plus à mes propres problèmes mais aux siens. Je vois dans ses yeux tellement d'émotions passées : la peine, la douleur mais aussi l'optimisme. L'espoir naît aussi en moi, si elle a pu sortir de ce cercle vicieux elle pourra m'aider. Elle va pouvoir me donner les clefs afin de réussir à m'en sortir.
- Je suis désolé pour toi, je ne savais pas et ne pensais pas...
- Arrête tout de suite, on à chacun notre croix à porter. Je te raconterais mon histoire si tu le souhaites, mais pas maintenant, nous n'en avons pas le temps. Tu m'as fait confiance j'en ferais de même. Mais avant tout il faut me dire ce que tu souhaites.
Elle me regarde droit dans les yeux, inspire un bon coup, attrape mes mains les serrent doucement et se lance.
- Je ne te jugerais pas si tu veux continuer avec lui, personne à part nous n'est au courant. Mais si tu désires que tous s'arrêtent, il faut que tu me le dises.
La est la question. Suis-je vraiment amoureuse ? Je pense, enfin, oui je suis sûre de l'aimer. Dans mes romans, les couples amoureux sont au paradis lorsqu'ils sont ensemble, pourquoi j'ai l'impression pour moi que je suis plutôt en enfer ? Est-ce de l'amour si je me le représente comme mon bourreau ? Je suis à nouveau ici à cause de lui, il peut se montrer si cruel et l'instant d'après si doux. Si attentionné puis à un autre moment si brutal. Je suis déchiré devant sa double personnalité : l'ange qui m'aime et veut me protéger mais de l'autre côté j'ai le diable en personne qui ne veut que me faire souffrir et peut être bien me tuer. Je n'ai que vingt ans, suis-je prêtes à vivre avec cette peur permanente ? Et dans le cas contraire suis-je prêtes à tous quitter ? "J'ai peur que la prochaine fois que je vous vois ce ne soit à la morgue de cette hôpital". Les mots d'Antonin sont gravés dans mon esprit. Je ne veux plus risquer ma vie à cause d'une autre personne à part si je l'ai décidé mais plus par les actes d'un autre et plus particulièrement pour un homme. Depuis quelques mois je vivais dans un noir permanent, mais je sens au plus profond de moi qu'une étincelle vient de s'allumer en moi. Cette flamme si petite soit-elle, je pensais l'avoir perdu et la ressentir à nouveau me donne la détermination de vouloir continuer à avancer.
- Je suis perdue Ludivine, je ne sais pas si je l'aime ou si lui m'aime. Je ne sais même pas ce que c'est vraiment d'aimer mais ce que je suis sûre c'est que je ne veux plus vivre cela. Je ne veux plus vivre dans la peur, je ne veux plus me cacher ou mentir, je veux enfin me sentir moi et vivre en paix.
- Surtout qu'on ne vit qu'une fois.
- Aide-moi, comment dois-je m'y prendre ? Tu es la seule qui me crois et la seule qui me comprenne. J'ai essayé d'expliquer à ma famille ou mes amis mais ils ne me comprennent pas. Je ne peux tout simplement pas le quitter, j'ai déjà essayé, il me retrouvera. Il me retrouve toujours.
Une nouvelle vague de désespoir s'abat sur moi devant l'exactitude des mots que j'ai employés. Même avec toute la volonté du monde, je ne sais pas comment je pourrais m'extraire de Nathanaël. Il est trop fort par rapport à moi.
- Une nouvelle vie est possible mais je ne te dis pas que cela sera facile. Il faut que tu ailles de l'avant, tu es encore jeune et ta vie est encore devant toi. Affronte le monde en espérant que demain tes blessures iront mieux. Il se peut même que tu apprennes deux trois choses en cours de route. Ce que je veux te dire c'est que tu ne peux pas fuir la réalité continuellement sous prétexte que rien est éternel. La vie est pleine de surprise, bonnes ou mauvaises, mais elle vaut la peine d'être vécue.
Je reprends le sourire, même s'il est minime, devant le réconfort que m'apporte Ludivine. Elle est toujours de bons conseils et toujours à l'écoute pour moi. En regardant bien, ma vie me parait si sinistre, en l'état actuel, comment pourrais-je changer les choses ?
- Ma vie ces dernières années est une vraie tragédie.
- Si tu veux mon avis, les tragédies cela fait partie de la vie. On ne va pas baisser les bras parce qu'on est malheureux. Je me suis rendue compte d'une chose, quand on vous brise le cœur, il faut se battre de toutes vos forces et s'accrocher à la vie parce qu'elle continue quoiqu'il arrive et cette douleur qui te déchire fait partie de la vie aussi tout comme la peur et le mal être. Toute ces sensations qui sont là pour nous rappeler que les choses s'arrangeront, ça vaut le coup de continuer à se battre.
Son regard bleu si limpide m'apaise, ses petites rides aux coins des yeux me tranquillisent et sa voix me rassure. Elle ne respire que paix et sérénité.
- Tu vas m'aider ?
- Tu en doutais ?
Est-ce que je doutes d'elle ? Bien sûr que oui, je n'ai jamais eu confiance en personne car jamais personne ne m'a cru et que les mauvaises habitudes ont la peau dure. Je vois toujours le pire en tout le monde car c'est-ce à quoi on m'a accoutumé. Avec un grand sourire sans se démonter, elle poursuit :
- Ton silence en dit long, donc oui je vais t'aider.
Un grand soupir s'échappe de mes lèvres, je ne m'étais pas rendu compte que je m'étais arrêter de respirer. Un étau se desserre moi.
- Merci, je suis soulagée de trouver une alliée même si ce n'est que temporaire. C'est quoi ton plan ?
- Deux choses à faire avant que ta nouvelle vie de femme libre commence. La première, cela me parait évident, il faut sortir de cet hôpital en étant vue le moins possible pour arriver jusqu'à chez moi. La seconde il va falloir que tu sois courageuse pour accepter la suite de ton avenir et être prête à faire le grand saut.
- Je me répète, tel un mantra, les paroles de Ludivine, il faut être courageuse. En une journée deux personnes m'ont dit de l'être pour mon bien, je vais finir par les croire qu'il faut que je le sois.
J'ai appris que le courage n'est pas l'absence de peur mais la capacité de la vaincre. Nelson Mandela
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