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Lorsque j'arrive devant la poste (lieu de notre rendez-vous), Camille est déjà présente pianotant avec énergie sur son smartphone. Plus connectée qu'elle, je ne pense pas que cela existe. Toujours en train de prendre des photos, de publier et commenter. Je suis toujours aux aguets, je ne veux pas apparaître sur aucuns de ces clichés au grand dam de Camille.

-     La geek, on se déconnecte ou ce que tu fais est d'une importance capitale ?

-     Rien n'est plus important qu'une virée shopping (rangeant son téléphone), si mes moyens financiers me le permettaient je crois que je passerais ma vie dedans. Alors tu es prête ?

J'acquiesce et nous partons bras dessus bras dessous en direction de la grande rue principale. La rue principale se situe en face de moi et je suis assez surprise quand je m'aperçois qu'elle change d'avis en bifurquant sur la gauche. Une montée d'angoisse s'insinue en moi, je n'aime toujours pas les changements de programme. Camille doit sentir ma crispation soudaine sur son bras car elle s'arrête et se tourne vers moi en gardant toujours nos mains liées.

-     J'ai une surprise pour toi. Ne t'inquiète pas comme cela, venant de moi, rassures toi cela sera toujours des bonnes et non des coups fourrés, OK ?

Que répondre à cela ? Je ne te connais pas assez pour te faire confiance à cent pour cent, ce que tu penses être une bonne surprise pour toi, peut s'avérer l'inverse pour moi.

-     Devant ton air aussi dubitatif, je ne ferais pas planer le suspense plus longtemps. Je t'ai pris rendez-vous chez le coiffeur.

-     Euh...

-     Tu nous as dit plusieurs fois qu'ici tu commençais une nouvelle vie, tu es parti pour chercher du changement. En restant tel que tu es, tu ne changeras pas. Une nouvelle coupe et de nouvelles fringues effacera définitivement celle que tu étais et te fera progresser dans celle que tu veux devenir ou celle que tu cherches à être.

Ces mots sonnent tellement juste et cette idée stupide devient merveilleuse. Me voir sous un nouveau jour ne pourra que me faire progresser et me fera oublier c'elle que je tentais en vain d'oublier. Lui sautant au cou, je ne peux lui cacher ma joie.

-     Merci, tu es un ange... mon ange gardien.

-     Oh, tu sais je sais me transformer aussi en démon.

-     Je n'en ai pas le moindre doute, je te rappel que nous travaillons ensemble.

C'est avec des larmes de bonheur et de joie que je fis mon apparition dans le salon de coiffure. Que voulais-je ? Qu'est-ce que j'aimerais ? J'ai déjà du mal à me regarder plus de trente seconde dans la glace alors décider de ce que j'aimerais faire est une tâche trop ardue pour moi.

Comment Nathanael aimerait me voir ?

Non, plus jamais. Mes poings se crispent et je prends ma première grande initiative. Ce n'est pas un acte de courage mais un acte de défis, je décide de faire ce que lui n'aurait jamais accepté que je fasse.

-     Coupez.

-     Les pointes seulement, grand maximum dix centimètres cela n'est pas trop pour vous ?

-     Non au-dessus des épaules.

-     Très bien, je reviens.

Mon regard ose affronter la réaction de mon amie, tant d'émotions passent devant ces yeux que je ne pourrais en déceler une plus importante que les autres. Elle s'approche de moi, la main sur mon genou.

-     Tu es sure Pandora, je sais que les cheveux sa repousse mais... ce n'est pas trop extrême pour toi ?

Elle a raison cette décision est à l'extrême. Mes cheveux m'arrivent au niveau des fesses et je viens de demander à la coiffeuse de m'enlever cinquante bons centimètres. Ai-je raison ? Un regard vers mon reflet et je n'ai plus à réfléchir. Je ne veux plus ressembler à la fille qui était avec Nathanael, la fille qui n'a aucune personnalité ne choisissant même pas sa propre coiffure. Si je veux avancer et évoluer, je dois m'extraire de cette image qui ne me ressemble plus. J'en vient à en avoir plus besoin qu'envie.

-     Fais-moi confiance quand je te dis que je suis sûre.

-     Super, faut bien dire que tu aurais crever de chaud avec cette tignasse. Finalement c'est peut-être une bonne chose.

Une heure plus tard, nous sortons de chez le coiffeur. Je me sens plus légère physiquement, mentalement et financièrement. Je ne suis pas déçue de cette dépense car ce fut un moment de bien être personnel inoubliable. J'ai eu le droit à un massage du crane dans des sièges massant mon dos et mes jambes. Mon premier regard timide dans le miroir a été un choc pour moi, j'ai un joli carré juste au-dessus des épaules, mais passé celui-ci je me suis trouvée différente, en bien. Il me faudra du temps pour accepter cette nouvelle coupe. Mes cheveux étaient ma barrière envers les autres, ma sécurité celle qui cachait mes blessures dans le dos. Les enlever ont été pour moi comme me défaire d'un ami proche qui m'étouffait et me coupait des autres.

Je suis une nouvelle Pandora, j'ai me fêlures mais je m'en détache jour après jour. Tant que mon passé ne me rattrape pas, je n'aurais aucuns risques à courir. Je dois peaufiner ma transformation par une nouvelle garde-robe. C'est encore bras dessus bras dessous que nous nous engouffrons dans les magasins.

Deux heures plus tard, attablés dans un petit restaurant, je suis lessivée et je me demande comment je tiendrais pour suivre mon service et tenir ma promesse d'une sortie éventuelle. Avec Camille, j'ai l'impression d'avoir couru un marathon ou une traversée du désert. Je suis assez fière de moi, j'ai repoussé plusieurs crises d'angoisses. Toute cette nouveauté a été beaucoup pour moi, mais Camille est d'une patience d'ange et elle m'a poussé doucement dans mes retranchements. J'ai osé acheter des jupes au-dessus des genoux, des shorts et des débardeurs, tous ce que je n'avais jamais osé porter. J'ai repoussé plusieurs fois ces demandes d'essayage de maillot de bain, de lingerie (pour elle on ne sait jamais) et de micro tenue. J'ai des cicatrices indélébiles que je ne suis pas encore prête à montrer à qui que ce soit et j'ai eu peur de devoir les justifier. La bannir à l'extérieure de la cabine fut à chaque fois une épreuve, c'est qu'elle est coriace. Je suis très satisfaite de mes achats et je me suis prouvée aujourd'hui que je pouvais me faire plaisir sans culpabiliser.

-     La terre à Pandora.

Je me reconnecte avec la réalité avec des mains agités devant mon visage.

-      Désolé.

-     Je commence à en avoir l'habitude avec toi, cela doit faire ton charme d'être toujours dans la lune.

-      Je n'ai pas de charme.

-      Ooooh, arrête-toi tous de suite. J'en connais un qui n'est pas tombé mais étendue à tes pieds tellement qu'il ne voit que toi.

D'avance je sais de qui elle veut me parler, Julen, et les rougeurs sur mon visage doivent me trahir. Automatiquement, je mets mes mains de part et d'autre pour l'empêcher de voir mon état mais c'est peine perdu avec Camille.

-     Cela ne sert à rien de te cacher devant moi, je sais que tu es aussi attirée par lui mais ce que je ne comprends pas c'est pourquoi vous n'officialiser pas les choses ?

-     C'est compliqué et puis je ne suis pas dans sa tête. Qui te dit que tu ne te fais pas de fausses idées et qu'il ne joue pas simplement avec moi ?

-     Si c'est cela qui t'inquiète, rassure-toi. Le Julen je le connais depuis près de cinq ans et jamais je ne l'ai vu agir ainsi avec une fille qu'il souhaite conquérir.

Ma curiosité est piquée, vais-je percé une partie du mystère qu'il représente ? Vais-je pouvoir mieux le comprendre et savoir s'il est vraiment honnête avec moi ?

-     C'est à dire, tu peux être un peu plus explicite ?

-     Très simple, Julen n'est pas le même quand il chassait une fille à mettre dans son lit et toi. Oui je te jure j'appelle cela de la chasse, tu ne les as pas vu les trois zigotos quand nous partions en virés, c'est à celui qui en ramènerait une au plus vite.

Nous sommes coupées par l'arrivé du serveur, nous déposant devant chacune de nous une pizza gargantuesque que je sais d'avance que je ne finirais pas. J'ai peur qu'avec cette coupure, elle ne veuille m'en dire plus sur Julen, je ne veux pas paraître trop intéressée devant elle car inévitablement je devrais lui expliquer mes réticences. Mais c'est avec bonheur, qu'après quelques bouchées elle poursuit comme si de rien était.

-     C'est différent avec toi, je t'en fais la promesse. Depuis que tu es là ce n'est plus le même, avant il sortait tous les soirs après la fermeture maintenant son seul désir c'est de te ramener chez toi saine et sauve. Il est toujours dans ton ombre et surveilles toujours les Hommes qui seraient trop proche de toi.

-     Tu divagues, tu vas un peu loin, il fait son travail quand même.

-     Pour le faire, oui et d'ailleurs je ne sais pas comment il arrive à tous mener de front mais c'est un autre sujet.

-      Tu verras bien ce soir la saison commence petit à petit et les gens sortent de plus en plus avec les chaleurs grandissantes. On dirait un vrai garde du corps avec toi. Avant toi, il allait toujours faire du social vacant de tables en tables pour vérifier que tout allait bien, à présent il ne le fait plus.

-     Je... c'est bien ?

Je suis un peu perdue, à part Nathanael je n'ai jamais été approchée d'un autre Homme ou je faisais tout pour être le plus éloigné d'eux de peur de représailles. Draguer je ne sais pas ce que c'est. Mon intuition me dit de faire confiance à Camille et d'essayer de m'ouvrir à elle. L'envie y ai mais je suis pétrifiée des questions qu'elle pourrait me poser. Arriverais-je à être honnête jusqu'au bout ou ferais-je comme à mon habitude esquiver ?

-     Tu veux une version pure et franche qui peut faire mal ? Ou la version un peu plus édulcorée ou tous est beau et tous est rose ?

-     Sans regrets, la vérité vraie.

-      OK, à tes risques et periles. (Après un clin d'œil, elle poursuit.) N'importe quelles filles rêveraient d'être avec Julen, c'est un bel Homme et qui possède extrêmement d'argent avec le bar. Des filles vénales tu en verras toujours ou des poupées Barbie refaite qui rêve d'être accroché à son bras et dans son lit.

-       OK.

-       Il faut que tu saches, c'est qu'aucunes filles ne la vraiment touché, intérieurement je parle. Elles ont eu son corps mais rien de plus. Cela n'a jamais été sérieux. Être avec lui, cela peut te compliquer énormément la vie, il faudra que tu supportes les filles qui lui saute dessus et la jalousie des autres si elles apprennent que tu es avec lui. Mais cela peut aussi te la simplifier, tu ne trouveras personne de plus vrai que lui et d'attachant. Les regards qu'il a sur toi pourrait faire fondre n'importe quel cœur de glace.

-     Et tu ne fais pas partie de celle-là ?

Ma curiosité est piquée, Camille est une fille que l'on pourrait aisément prendre pour un top model sans compter qu'elle ne lui fait que des compliments et est très proche de lui. Comment se fait-il qu'il n'ait jamais été ensemble ? Il y'à anguille sous roche non ?

-      Je le connais depuis de nombreuses années et c'est pour moi plus un frère. Je sais que cela peut te paraître bizarre mais il ne s'est jamais rien passé entre nous et il ne se passera jamais rien. Je vais te confier une chose, je suis plus attirée par Ivan.

Je tombe des nues devant sa révélation, jamais je n'aurais pensé qu'elle puisse être attirée par lui. Elle n'a jamais montré un réel intérêt pour lui et réciproquement a moins de n'être pas assez observatrice.

-      Mais... dans ces cas-là, pourquoi ne tentes-tu pas ta chance ?

-      Je ne pense pas être son type de fille. Il ne m'a jamais regardé autrement qu'une amie proche.

-      Il suffirait peut-être que tu lui dises ce que tu ressens ?

-       Dis la fille qui ne nous confie rien, même à ces amis.

Je baisse la tête honteuse face à la véracité de ces propos. Qui suis-je pour donner des conseils, alors que je ne les suivrais pas moi-même ?

-       Excuse-moi, je n'aurais pas dû, cela ne me regardait pas.

-     Bien sûr que si, tu es mon amie et tu es donc en droit de me donner ton point de vue. Je t'ai fait cette remarque car à l'inverse toi tu ne nous dis rien. Je pense être ton amie...

-       Oh, oui, tu l'es (je la coupe).

-      Bien (un sourire magnifique éclaire son visage devant mon intervention), j'aimerais alors que tu me fasses plus confiance.

-       Je te fais confiance.

-       Tu à la chance de ne pas être Pinocchio sinon ton nez s'allongerait. Non tu n'as confiance en personne. Je ne sais pas ce qu'il t'est arrivée pour que tu en arrive à cette extrême mais si un jour tu veux te confier je suis là.

-       Ce qui est passé est mort. Pourquoi vouloir revenir dessus dans ces cas-là ?

-      C'est en étudiant le passé qu'on comprend le présent.

-      Je ne sais pas.

-      Si tu essayais par des petites choses, peut-être que cela t'aidera à te vider de ce poids que tu as sur les épaules. Cela faut du bien de se décharger sur quelqu'un.

-      On verra... mais tu as vu l'heure, on va être en retard.

-      Tu as raison, dépêchons-nous, tu as gagné mais notre conversation n'est pas terminée.

-      Mmmmmm.

Nous courons jusqu'à la voiture de Camille ou elle me dépose rapidement devant chez Ana et Antton. La maison est vide, je dépose mes affaires dans ma chambre et repars en sens inverse sans même un regard derrière moi.

Une nouvelle journée pour moi ou j'ai réussi à me tourner vers l'instant présent et non vers le passé. J'ai découvert ce bonheur de dépenser pour soi sans attendre l'approbation de qui que ce soit. Camille m'a toujours bien aiguillée mais ne m'a jamais rien imposé.

En pensant à elle, c'est définitif, je l'adore. Et dire qu'elle est attirée par Ivan. J'aimerais tellement l'aider à ce que ces deux-là se concrétise mais cela peut me retomber rapidement dessus en les poussant à me mettre avec Julen.

Serais-je prête à parler de mon passé à Camille ? Je ne pense pas, une fille aussi indépendante, ne pourrait comprendre comment une fille comme moi est pu accepter tous d'un Homme sans réagir.

Serai-je prête à aller plus loin avec Julen ? Je ne pense pas non plus, même si mon cœur me dit de tenter l'expérience, ma raison me souffle que je ne ferais que le faire souffrir en ne lui offrant pas ma confiance.

Tant que je ne serais pas prête à assumer mes erreurs, mon passé, je ne pourrais réellement avancer.

Je monte dans la voiture de mon amie et je me répète un pas après l'autre. Il faut que je reste, au moins, confiante avec moi-même, un jour j'en serais capable. Mais ce jour-là, mon entourage présent sera-t-il toujours là ? Auront-ils encore la patience de m'écouter ?


Le vrai courage consiste à chercher de vrais amis qui nous fasses remarquer nos fautes. Citation de Fénelon. Les aventures de Télémaque 1699. 


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Pensez-vous que Camille jugerait Pandora si elle lui racontais son vécu avec Nathanael ? 

Pandora réussira t-elle à aller à la soirée prévue ? 

Pensez vous qu'elle osera franchir le pas avec Julen ? 


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