12
- Mais... tu...
Il faudrait que je me reprenne, mais à cet instant je ne trouve plus mes mots. Mon sauveur, la personne qui m'a aidé à de multiples reprises la vieille est devant moi. Je sais que le détaillé est malpoli mais je ne peux détourner le regard devant cette gravure de mode. On dirait qu'il sort tout droit d'une publicité. Il est vêtu tout en blanc et je parierais sur un ensemble en lin. Ces manches sont soigneusement roulées jusqu'aux coudes et il en a fait de même avec son pantalon remonté aux genoux. Malgré son aspect soigné, il joue en même temps avec un style mauvais garçon en gardant nonchalamment les mains dans les poches, avec ces cheveux en bataille et son sourire de conspirateur. Je pourrais me délecter encore longtemps de cette image mais je détourne les yeux, je dois garder en mémoire que c'est le fils de mes logeurs. De même qu'il reste surtout un homme et je dois me méfier d'eux comme de la peste et du choléra réunit. J'ai tenu une promesse à Ludivine, rester le plus loin possible des ennuis et au vue du personnage, je me doute que j'aurais beaucoup de tracas en restant à côté de lui.
- Julen, mais...
J'essaye de me reprendre mais à nouveau j'échoue lamentablement.
- Tu sais que je pourrais changer ce poème et remplacer la mer par ton prénom car c'est exactement ce que je ressens à l'instant présent.
- Mais ce n'est pas le cas. De qui à tu piqué ces vers ?
- Haruki Murakami et sache que je dis toujours la vérité. Chaque seconde passée auprès de toi, on te voit changer. Tu es souriante puis l'instant d'après soucieuse, inquiète... C'est très... intéressant.
- Je suis un sujet que tu souhaites étudier ?
- Non, pas du tout. (Il se met à rire. Serait-ce de moi ?) Je ne sais pas, tu n'es pas comme les autres, je te l'ai d'déjà fait constater.
- Je ne sais pas si je dois le prendre pour un compliment ?
- Oh, crois-moi, c'est bien plus que cela.
Je ne sais pas comment décrypter son regard, de la curiosité, de l'envie, du désir... Je suis complètement déroutée, il faut vraiment que je me tienne éloigné de lui. Quand j'y pense que fait-il là ? La ville n'est pas très grande, mais bien assez pour ne pas se croiser tous les jours. Est-ce une coïncidence ou m'a-t-il suivie ? Est-il comme les autres ? Ne m'avait-on pas dit "il faut se méfier de l'eau qui dort" ? Non il faut que j'arrête ma psychose, tout le monde n'est pas Nathanaël. Et si j'avais raison ? Je dois en avoir le cœur net :
- Que fais-tu là ?
Je n'ai pas réussi à rester aussi calme que je l'aurais voulu et lui ai posé cette question très sèchement. Je le vois un instant déstabilisé par mon changement d'humeur mais il ne se démonte pas pour autant. Un muscle de sa mâchoire tressautant signe de son agacement.
- Ma mère m'a demandé de venir te chercher ?
Mince, je ne m'imaginais pas une réponse comme celle-là. Dans toutes mes hypothèses, j'avais oublié que Julen était le fils d'Ana et que je serais amené à le croisé. Je me sens bête d'être aussi agressive avec lui, alors qu'il ne le mérite aucunement.
- Excuse-moi, je...
- Tu croyais quoi ? Que je te suivais ?
- Non (je me précipite de répondre mais je conclue honteusement en baissant la tête), enfin... peut-être.
- C'est vraiment n'importe quoi, suis-moi, on va rejoindre ma mère et l'équipe. Toute tes questions vont s'éclaircir en instant.
Sans me laisser répondre, il me plante là. Je suis coupée en deux. D'un côté ma raison tire la sonnette d'alarme en me disant de me sauver le plus loin possible de cet homme qui ne m'apportera que des complications, du stress et de la méfiance. D'un autre côté mon cœur me dit de le suivre et de lui faire confiance. Des parents aussi bons et généreux n'auraient pas pu faire un enfant blessant et malveillant. Je ne bouge pas, attendant de savoir qui gagnera la partie entre mon cœur et ma raison comme deux petits bonshommes posés chacun sur une de mes épaules s'expliquant, se renvoyant la balle, argumentant tant et si bien le pour et le contre. Une main m'enserre le poignet ce qui a le mérite de me sortir de ma paralysie. Je retire abruptement ma main pour que l'inconnu me lâche, mélangeant passé et présent, je n'arrive pas à discerner qui est vraiment en face de moi. Mais une voix, cette voix me fait retourner à la réalité à l'instant présent.
- Pandora, c'est moi... c'est Julen... tu vas bien ?
Je prends une grande inspiration et lève les yeux. Je découvre des yeux peinés, ces iris essayent au plus profond de moi de me décoder. Mais que pourrais-je lui dire ? Ce n'est qu'un homme, il ne me comprendrait pas. La réalité me tombe dessus et je tombe à genoux, mes joues baignés de larmes. Je suis face à l'océan mais je reste prostré, mes bras encerclent mes genoux et je garde ma tête appuyée sur ceux-ci le temps que ma crise se passe. Je ne sais pas si Julen est parti ou s'il est toujours là, mais à cet d'emblée je ne pense même pas à lui seul mon désespoir compte. Je viens enfin de réaliser qu'ici je suis seule, je n'ai vraiment personne, aucuns amis ni aucune famille. Je vais devoir me méfier de tout le monde, regarder toujours derrière moi au cas où Nathanaël ne serait pas cacher quelque part pour s'en prendre à nouveau à moi. Est-ce une vie ? Je suis partie pour être libre et ne plus vivre dans la peur mais même à des centaines de kilomètres je suis toujours aussi terrifiée. Régulièrement je jouais un rôle auprès de ma famille et de mes amis mais ils étaient là. Ici je n'ai personne chez qui me réfugier, me changer les idées à part ce couple. Est-ce cela ma vie maintenant ? Mon corps ne sera plus maltraité et mon esprit sera peut-être moins malmené à l'avenir. Pourtant pour réaliser tout ceci, devrais-je vivre en solitaire, recluse ?
Brusquement, je suis encerclée par deux bras autour de moi, la panique monte d'un cran et je tente par tous les moyens de m'y soustraire. Je dois me débattre comme un diable car j'aperçois des jambes qui rejoignent ces bras autour de moi pour me ligoter un peu plus. Je n'arrive pas entendre les mots que me prononcent cette personne, mon esprit cherchant juste la meilleure solution pour me sauver. Mon jugement doit être altéré car je ne pense qu'à une seule chose : Nathanaël m'a retrouvé. Je suis emprisonnée, il est trop fort, je suis trop faible et je ne peux que capituler. Mon corps signe la défaite en arrêtant de lutter et une larme solitaire rejoins les autres. J'attends la sentence.
Doucement la pression sur mon corps se desserre, il enlève ces jambes mais les laissent de part et d'autre de mon corps. Une main douce sèche ma larme et je frissonne face à ce contact. Il me prend la tête délicatement et la force à rester contre son torse, contre son cœur qui bat la chamade. Je sens son odeur, je prends conscience que dans mon esprit torturé le passé et le présent se sont à nouveau brouillés et que ce n'est pas Nathanaël qui m'enlace lais Julen. J'ai fait à nouveau une crise de panique. Comment me justifier ? Quel mensonge vais-je devoir encore raconter ? Je me sens partir de gauche à droite...de gauche à droite... je comprends qu'il est en train de me bercer. Il se rapproche tous près de mon oreille, son souffle me chatouille et m'électrise en même temps.
- Écoute le bruit des vagues. Fait taire toutes tes questions et ne fait qu'écouter. Ressent l'apaisement que cela procure une vague qui grossit et s'écrase. Entend l'eau monter et se retirer quelques secondes plus tard. Regarde l'immensité qui s'offre à nous...
J'inspire, j'expire, me calant sur les respirations paisibles de Julen. Je fais ce qu'il m'a demandé, j'arrête de réfléchir, ne me concentrant que sur les battements de son cœur qui on ralentit considérablement. La douce mélodie des vagues et ces bras protecteurs autour de moi m'apaisent et mes muscles un a un se détendent. Je n'ai pas envie de bouger, pour la première fois depuis une éternité je me sens bien, apaisée. Je sais que mes soucis sont toujours présents mais en immédiatement je n'y prête aucune attention.
- Je...
- Tu...
Sans le vouloir, nous nous exprimons en même temps. Cela a le bénéfice de me détendre un peu plus et d'essayer de relativiser au maximum. Je me reprends assez rapidement avant que le courage ne me manque.
- Je suis désolé pour mon comportement.
- Pourquoi être désolé ? A chaque jour suffit sa peine.
- Tu en as encore beaucoup des citations comme celle-là ? Chaque situation tu vas me trouver le bon dicton.
J'adore le taquiner et surtout j'apprécie ces faux aires offusqués. Nos échanges plus légers et notre position inchangée, je continue à me tranquilliser, toujours un peu plus.
- Si tu veux une citation plus appropriée je dirais "le temps viendra ou vous croirez que tous est fini. C'est alors que tous commencera". Et oui, j'aime les dictons et citations c'est un super travail de mémoire pour moi et une bonne raison de réfléchir pour les autres.
- Je suis d'accord avec toi, celui-là encore est très beau, à qui as-tu volé ces mots ?
- Je les ai piqués à Louis L'Amour.
- Tu as raison cela donne à réflexion, je le ferais quand mon cerveau daignera se remettre à fonctionner correctement.
- Il va bien falloir pourtant, nous sommes attendus et...
Il se relève, s'époussette les vêtements pour faire tomber tous les grains de sable collé sur lui. Sans ces bras, un froid soudain m'arrache quelques tremblements et je dois revenir à la réalité. Dans le cocon formé par ces bras j'ai réussi à faire abstraction de mon passé et de ma crise que j'avais faite devant lui. Maintenant, je ne peux plus faire comme s'il ne ce n'était rien passé. Son regard furette de tous les côtés, regardant tous sauf moi, me montre que lui-même ne sait pas comment réagir. A mon grand étonnement, il poursuit :
- Je sais que tu caches des choses (je me relève à mon tour et me nettoie rapidement pour ne pas le regarder dans les yeux), mais je ne peux et ne veux te forcer à me les dire. Si un jour tu te sens prêtes saches que je sais écouter.
- M....Merci. Mais ce ne sera pas la peine, ce qui est arrivé ne se reproduira plus.
- C'est dommage, pas pour toi (un orage passe devant ces yeux) mais je parle plus pour moi. Te tenir dans mes bras a égayé ma journée.
- C'est... gentil... merci (je dois être toute rouge face à ce compliment inattendu).
- Pas de quoi.
- Mais ne t'inquiète pas, comme je te l'ai dit, l'expérience si tant soit elle agréable pour toi, ne se reproduira pas.
- C'est bien dommage.
Il me tend la main, sans aucune hésitation je l'attrape et nous entrelaçons nos doigts comme si ce que nous faisions étaient la chose la plus naturel du monde. Nous remontons les marches pour arriver près du restaurant ou j'avais rendez-vous avec Ana. Je sais que j'ai mis plus de temps que prévu, j'espère qu'elle ne m'en tiendra pas trop rigueur. Avant d'arriver à notre point de rencontre je me dois d'éclaircir une dernière fois les choses avec Julen :
- Si cela ne te dérange pas, je préférerais qu'on fasse comme s'il ne ce n'était rien passé, OK ?
- Si tu le souhaite, je le ferais mais je ne pense pas que c'est la meilleure solution.
- C'est-ce que je veux et de toute façon, ce n'est pas comme si on allait se voir tous les jours.
- Si tu le dis...
Je ne saurais analyser le regard qu'il me lance, tellement il est plein de promesse à cet instant précis. Ses yeux et son sourire en coin me laissant penser qu'il me cache encore beaucoup de surprise.
Le secret du bonheur est la liberté... Et le secret de la liberté est le courage. Thucydides
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