Chapitre 9
« Allô ?
Radiateur désactivé, volets fermés. Ordinateur éteint. Webcam débranchée.
-Ah, monsieur Warren ? Pierre Dumet, j'aurais peut-être quelques minutes de retard, c'est juste pour vous prévenir de ne pas vous presser.
Quand il ajusta les sangles de sa sacoche pour être sûr du maintien sur son épaule, le poids du matériel le déstabilisa légèrement. Par habitude, Kyle se repositionna, retrouvant un équilibre qui lui permettrait de se déplacer sans encombre. L'inconvénient du centre-ville, c'était de devoir circuler à travers le réseau de bus et de tramways que les municipalités avaient tissé depuis des années.
Il acquiesça, le téléphone coincé entre son épaule et son oreille, et il envisagea l'idée de se battre avec son blouson plutôt qu'attendre.
-Pas de problème, monsieur Dumet. Je vous retrouve, vous et votre femme, au...
-Oh, il n'y aura que moi pour cette fois !
Kyle grimaça, roula des yeux malgré lui. Un changement de plan au dernier moment. Il détestait ce genre de choses. Lorsqu'il préparait une séance photo, il prenait tout en compte. Le nombre de personnes, le lieu, les prises à faire. Le tarif annoncé en amont dépendait de trop de points pour qu'il se permette des changements de dernière minute.
-Amélie est souffrante aujourd'hui, continua l'homme. Sera-t-il possible de prévoir une seconde séance lorsqu'elle ira mieux ? Vous me ferez parvenir votre tarif, comme d'habitude...
-Il faut déjà que je révise le prix de la séance d'aujourd'hui, marmonna Kyle.
D'une main, il tenta d'enfiler sa basket, se contorsionnant jusqu'à en tomber sur le lit quand il perdit l'équilibre. La voix de Pierre Dumet s'éleva du téléphone tombé dans la bataille, assourdie par la distance.
-Monsieur Warren ? Allô ? J'ai entendu du bruit, tout va bien ?
Il reprit rapidement l'appareil.
-Oui, oui. Je disais, je vous renverrai mes tarifs après cette séance, je dois réajuster les prix, du coup. Je vous fais confiance pour le paiement après notre rendez-vous, monsieur Dumet, comme d'habitude.
-C'est très aimable de votre part, je suis navré du contretemps.
Pas autant que moi.
Il renifla, assis sur son lit, tandis qu'il enfonçait son deuxième pied dans l'autre basket.
-C'est normal.
Ça ne l'était pas, non. Il venait de perdre une trop grosse somme sur ce qui était prévue pour cette séance, et l'idée le rendait maussade. Avec ça, il aurait pu, au choix, se garantir du matériel neuf ou le paiement du loyer. Voire les deux. Mais garder ce client qui pouvait lui garantir d'autres séances et une bonne réputation était tout aussi important, dans le temps.
Journée de merde.
Quand il quitta sa chambre, son matériel sur l'épaule et une expression agacée sur le visage, ce fut pour être accueilli par un Guillaume paressant dans le canapé coloré. Son expression incrédule d'abord, puis sa voix, s'exprimèrent tour à tour.
-Bah, tu sors ? Il fait encore jour, tu sais, les bars sont fermés.
-Et toi, tu ferais mieux de commencer à te préparer, où tu vas encore être en retard, répliqua Kyle. T'es pas censé être au boulot ?
-Ouah, t'es de bonne humeur, putain !
-J'ai perdu la moitié d'un contrat à cause d'une gonzesse, y'a de quoi faire la gueule, crois-moi.
Dans un élan un peu rageur, Kyle se laissa tomber au bord du canapé et grogna quand il baissa les yeux sur sa main, serrée autour du col de son bomber.
-Et en plus, je suis con...
-Hein ?
-J'ai installé mon matos et je n'ai pas encore mis mon blouson.
-Débile, ricana Guillaume. Du coup, ton contrat ? Une gonzesse ?
-J'avais un couple pour fêter leur première année de mariage, soupira le jeune homme. La nana est malade, du coup c'est un solo avec le gars.
-Merde, tu y perds beaucoup ?
-Plus du tiers, y'a moins à exploiter quand le thème de base est ruiné, ça va être rapide, du coup. Fait chier...
Le loyer. Le loyer était prioritaire, songea-t-il en jetant un coup d'œil à Guillaume. Tant pis pour le matériel. Il pouvait toujours attendre un peu plus, quelques mois supplémentaires ne le tueraient pas. Il pouvait continuer avec ce qu'il avait.
A l'extérieur, l'air glacé le surprit, malgré la saison qui se prêtait à de telles températures. Les couloirs de la résidence étaient toujours chauffés, mettant à mal les gorges sensibles lorsqu'ils quittaient le cocon chaleureux. Avant de ne plus sentir ses mains, il les enfonça dans ses gants épais, se félicitant d'avoir modifié, lui aussi, son planning. Pas de bus, pas de tramway. Il n'était soudain plus d'humeur à subir la foule, pas pour sa troisième sortie consécutive de la journée, encore moins après cette mauvaise nouvelle. Les deux séances du matin s'étaient déroulées sans encombre, mais ce n'étaient pas ces minuscules demandes qui allaient remplir son compte en banque et le soulager.
Il s'approcha rapidement des rangées de deux roues qui s'étalaient le long du trottoir, jusqu'à un engin un peu plus petit que les autres. Il ne neigeait jamais, mais la pluie la pluie qui avait sévi la veille marquait encore le métal et le siège, l'obligeant à perdre de précieuses secondes à nettoyer.
Son sac sécurisé autour de lui à grand renfort de sangles, il enfonça son casque sur son crâne et enfourcha la motocyclette qui n'attendait que lui. Rapidement, sa journée prit une autre dimension. Celle du bruit, l'engin pétaradant, puis vrombissant à en retentir contre les murs de toutes les résidences qui l'entourait. Celle du vent, qui défilait tout autour de lui, les rues se transformant en une purée de couleurs ternes. Celle du souffle, de son souffle, qui se bloquait dans ses poumons tandis que l'adrénaline courait à vive allure dans ses veines et anéantissait le mélange de colère et d'inquiétude qui l'avait envahi plus tôt.
Quand il avait emménagé dans cet appartement trop grand pour Guillaume, il n'avait pas réellement réfléchi à la chose. Il savait qu'il devait quitter son propre logement, à deux doigts de se retrouver à la rue avec deux meubles face à l'imminence de la chose. Quoique...il n'était même pas sûr pour les deux meubles. Son ordinateur, au mieux ? Le reste était à peine à lui. Des affaires glanées à droite, à gauche. Des choses que les gens oubliaient sur place quand ils avaient fini leurs affaires avec lui, bien avant le petit matin. Les seules choses qu'il prenait soin de ne pas perdre ni détruire, c'était son appareil photo, ce vieil ordinateur et sa webcam. Tout ce dont il avait besoin pour travailler. Le reste n'était que secondaire.
Mais quelque part, il espérait pouvoir rendre le centuple à son ami, qui l'avait pris sous son aile en apprenant sa situation, des mois plus tôt. Il savait pertinemment ne pas être le colocataire idéal, bougon, loin d'être pudique, peu agréable dès qu'il était en société, pique-assiette s'il en avait l'occasion. Il n'en avait rien caché, lui-même inquiet. Mais ses avertissements s'étaient avérés inutiles. La petite chambre lui avait été ouverte presque aussitôt, le loyer assuré par le brun en attendant qu'il puisse se refaire une santé financière. Il y était presque. Presque. C'était la seule chose qui le poussait à se lever chaque matin, depuis qu'il vivait là. Pouvoir prouver à son ami, peut-être le seul qu'il avait, qu'il valait quelque chose. Qu'il valait plus que les intentions qu'on lui prêtait au quotidien. Non pas qu'il en fût perturbé outre-mesure. Il avait dépassé ce stade depuis trop longtemps, ne s'en plaignait pas outre-mesure, et n'irait probablement pas changer grand-chose s'il en avait l'occasion. Mais prouver qu'il valait plus qu'un nigaud qui se vautrait dans un lit avec le premier inconnu qui passait, pour juste une poignée d'heures de plaisir et rien de plus, c'était ça, ce qu'il voulait.
Autant dire que ce n'était pas gagné, s'il se référait à la scène du week-end précédent. Impossible d'oublier les grandes ombres tatouées sur ces mains qui l'avaient étreint toute la nuit. Ou ces yeux noirs qui l'avaient fixé avec dégoût au petit matin. Il renifla dans son casque, tourna l'accélérateur un peu plus, dans ce besoin pressant d'être occupé pour se changer les idées au plus vite.
A l'autre bout de la ville, le grand parc qui s'offrait à lui était exactement ce qu'il avait eu en tête pour la session, après des heures de recherches. Malgré l'hiver bien installé, du moins pour la région, les buissons et arbres continuaient de donner un accueil presque chaleureux. Les feuilles avaient disparu depuis quelques semaines à peine et les branchages mis à nu s'élevaient vers le ciel en silence. En pleine semaine, Kyle savait qu'il serait tranquille, seul, dans ce genre d'endroit. C'était l'idéal pour travailler, pour communiquer avec ses modèles quand il travaillait en extérieur comme cette fois-ci. Personne pour les déranger, pour jouer les curieux.
Et, se rassura-t-il tandis qu'il s'éloignait des rangées de motos stationnées près des grandes grilles de l'entrée du parc, même s'il avait perdu la moitié de son contrat, il serait payé. C'était le principal. Travailler en deux fois au lieu d'une était une perte de temps considérable, mais il ferait avec. Il pouvait toujours récupérer ce temps-là en travaillant les photos la nuit, s'assurant une disponibilité le jour.
L'herbe était toujours verte, quand il laissa son regard planer aussi loin que possible. Les bancs se perdaient dans les buissons mal entretenus, les allées étaient terreuses en sillonnant entre les arbres. Un paysage parfait, pour une multitude de scènes possibles, et il passa mentalement en revue les différents clients qu'il avait pour les prochains jours.
-Monsieur Warren !
Kyle sursauta, arraché à sa contemplation quand la voix retentit dans son dos. Derrière lui, la silhouette de son client était déjà proche, l'homme le surplombant de presque une tête. Il se souvenait de Pierre Dumet, pour s'être remis le nez dans la séance qui avait eu lieu l'année précédente. Amélie Dumet, de son nouveau nom, était une jeune femme pétillante et timide à la fois, qui avait eu quelques peines à se prêter au jeu de l'objectif. Mais il avait réussi à capturer le sourire délicat, les joues qui rosissaient adorablement, le regard amoureux quand elle reportait son attention sur son époux. Et ç'avait été une victoire, assurément, de réussir cette session, ce mariage à poser en image, quand il était lui-même dans une panade sans nom dans sa vie personnelle à ce moment-là. Rongé par l'inquiétude et l'idée même de ne pas avoir de toit au-dessus de lui dans les jours qui suivaient, il avait eu toutes les peines du monde à se concentrer, à trouver ce qu'il y avait de beau à immortaliser à cet instant précis dans ce couple.
Une victoire, assurément, se répéta-t-il en dévisageant Pierre Dumet qui lui tendait une main une fois à sa hauteur. Il s'empara de la main, grimaçant sous la poigne trop ferme de l'homme.
-Encore navré pour Amélie, dit-il. Mais vous savez, les femmes...
Non, il ne savait pas et il ne souhaitait pas savoir, voulut-il dire, mais ce genre de propos faisaient souvent tache devant les clients. Aucun d'eux, à sa connaissance, ne trempaient dans les mêmes milieux que lui, tous genres confondus, et il ne s'en portait pas plus mal. Alors, il ravala ses mots, s'étouffa un peu avec au passage, et se contenta d'un sourire amusé et trop poli.
-Il n'y a pas de mal. J'espère qu'elle se remettra vite.
Ils traversèrent près de la moitié du parc, avant d'enfin s'arrêter. La discussion était, au moins, animée, l'homme lui narrant avec une brièveté étonnante et bienvenue, ce qu'était devenue sa vie depuis son mariage.
-Amélie est une femme facile à vivre, dit-il. Je n'aurais pas pu rêver mieux. Douce, aussi. Elle a son petit caractère à certains moments, cependant...
Il lui fit un petit clin d'œil.
-Vous voyez de quels moments je parle...
Un peu trop, mais parler de l'entrejambe de ta femme n'est pas compris dans le tarif. Il se contenta d'un sourire entendu, encore, et reporta rapidement son attention sur leur environnement. L'homme n'était pas désagréable, il l'avait déjà constaté durant l'évènement qui les avait faits se rencontrer. Grand, bien bâti, une mâchoire carrée qui attirait l'œil. Un an de mariage n'avait pas terni son potentiel physique et, assurément, Pierre Dumet le savait. Il le montrait dans son attitude, aussi aguicheur qu'un an auparavant durant le grand jour. Un homme marié à une femme. Kyle laissa faire, quand une main glissa sur son épaule tandis qu'ils marchaient. Il n'était pas concerné par un quelconque intérêt de l'homme, et s'amusa silencieusement du regard des rares passants qui coulaient sur son client tandis qu'ils avançaient dans l'immense parc. Inexorablement, l'attention passait sur lui-même. Les déductions étaient immédiates, à leurs yeux, et il n'en sourit qu'avec plus d'amusement en le remarquant. Les gens étaient beaucoup trop faciles. Ne croire que ce que l'on voit.
L'endroit qu'il convoitait, lorsqu'ils l'atteignirent, était suffisamment éclairé pour son matériel et ce qu'il souhaitait, et pourtant bien assez à l'ombre pour maitriser au mieux les lumières. Les hauts murs d'un petit bâtiment dédié aux toilettes, à quelques mètres à peine, offraient une intimité qui n'était pas de refus pour se concentrer.
-Nous serons tranquilles ici, soupira Kyle.
-Je l'espère bien.
Il ôta une bretelle de son sac, laissant l'autre côté pivoter autour de son épaule pour accéder au contenu. Mais, d'abord sans trop savoir pourquoi, il se redressa, perplexe. Pierre Dumet n'était plus à ses côtés comme il aurait dû l'être. Rien de dramatique, à première vue. Il n'était pas loin, assurément. Dans son angle mort, il le savait pertinemment.
Et pourtant, sa voix...
-Monsieur Dumet ? tenta-t-il.
-Un problème, Kyle ?
...résonna de nouveau contre son oreille, chatouillant son cartilage, et il sursauta. Il voulut se retourner, surpris. Mais les bras qui l'enserrèrent brusquement le retinrent avant qu'il n'ait le temps de réagir. Le poids dans son dos et la pression autour de lui l'envahirent. Par réflexe, il resserra ses propres mains sur son sac.
-Monsieur Dumet ? appela-t-il de nouveau.
Son cœur s'était accéléré. Il n'aimait pas ce genre de scénario, de ceux que son cerveau jouait déjà et connaissait.
Quelque chose appuya contre sa nuque, et un frisson désagréable rampa sous sa peau, tandis qu'une inspiration profonde de l'homme s'élevait tout bas, réchauffant sa peau et agitant les mèches blondes qui balayaient son cou.
-Ah, bon sang. Je me demandais quand je pourrais remettre la main sur toi.
Il sentit le sang quitter son visage quand les mots glissèrent à son oreille. S'il était loin d'être idiot, et encore plus loin de ne pas se douter de ce qu'il se passait, étreint par le corps trop grand pour lui, il déglutit, incapable malgré tout de saisir l'origine de ce discours.
-Pour votre information, vous n'avez jamais posé la main sur moi, dit-il.
Une voix assurée, ça ? Il tremblait déjà, l'inquiétude le lacérant de l'intérieur. Il avait fait mieux, dans des situations plus à risque, quand son corps et sa dignité étaient en péril. Cependant, Dieu savait que sa dignité n'avait plus de valeur depuis longtemps. Alors, le plus souvent, il laissait couler, incapable de trouver une bonne raison de se défaire, et préférait tenter de trouver son compte dans les situations qui s'élevaient sur son chemin.
Mais pas en plein jour, pas quand il travaillait. Pas quand la situation ne s'y prêtait pas. Pas ici. Pas lorsqu'il n'en avait pas envie.
-Ca ne saurait tarder.
Il sursauta, quand le corps se serra contre lui. Entre ses fesses, la protubérance qui appuyait ne trompait personne. Et certainement pas lui.
Ce n'était pas l'endroit. Ce n'était pas le moment.
Encore moins quand il sentit une main glisser de sa taille jusqu'à sa ceinture. Jusqu'à son absence de ceinture, plutôt, comme il laissait toujours son jean glisser sur ses hanches.
-Monsieur Dumet ! répéta-t-il.
D'une main aussi mal assurée que sa voix, il dégagea rapidement les doigts qui s'aventuraient, tenta un coup de coude à l'aveugle, et le grognement qu'il récolta ressembla à une victoire. Une qui était suffisante pour se dégager de son entrave humaine. Le cœur battant au fond de sa gorge, il s'éloigna de quelques pas aussi vite que possible, pour fixer l'homme qui le dévisageait.
Il n'y avait pas de colère, qui émanait de son client. Mais le rictus qui s'étirait sur son visage, en revanche, lui donnait la nausée.
-Qu'est-ce que vous fichez ?
Malhabile et encore sous la surprise, Kyle remonta rapidement son pantalon pour le replacer au bon endroit. Moins ce type verrait son caleçon, le mieux il se porterait.
-Je regarde juste ce pour quoi je paie plus que de raison, répliqua l'homme.
-Vous payez pour une séance de photos ! cracha Kyle. Pas un...un...
-Pas un show comme sur Internet ? Je ne vois pas une grande différence, LoverBoy. Et ça compense pour toute la frustration que tu laisses derrière toi, tu ne crois pas ?
Pierre Dumet fit un pas en avant. Kyle, deux pas en arrière.
Un client. C'était un client, tenta-t-il de se rassurer, mais les mots lui glaçaient déjà le sang. LoverBoy. Ce type savait. Ce type avait vu. Payé, aussi, pour avoir accès au contenu de sa chaîne, et avoir l'exclusivité de cette séance unique par compte et par empreinte informatique. Suffisamment unique pour que, en temps normal, personne ne se souvienne de lui, de son visage. Il y avait des risques, cependant.
Il y avait toujours des risques. Partout. Pour tout. Il les connaissait tous, en avait rencontré plusieurs déjà.
Et l'un d'eux était en face de lui, trop grand, trop large, trop fort, et s'appelait Pierre Dumet.
Sa voix était étranglée quand il répondit enfin :
-Vous avez payé pour ce que vous deviez avoir !
-Un minet qui montre tous ses talents sur sa petite personne ? C'est certain. Et incroyablement frustrant. Tu devrais proposer d'autres services...
Un pas en avant. Deux en arrière. Pierre Dumet avait de grandes jambes.
-Mais j'avoue que je ne m'attendais pas à ce que le mieux côté des LoverBoys soit le petit photographe de mon mariage...Une bonne surprise quand je t'ai vu, mercredi...
Un pas en avant. Kyle sentait son ventre se serrer. S'il courait maintenant, il était foutu d'avance. Il n'avait pas d'endurance, son pantalon menaçait de lui tomber sous les fesses au moindre pas déplacé, et son matériel était trop lourd. De plus, ce type semblait prendre trop soin de lui pour ne pas savoir courir après sa proie. Il recula encore, prudent, ses doigts si serrés sur son sac qu'ils en devenaient douloureux.
-J'entends bien rester photographe, répliqua-t-il. Mes activités ne vous regardent pas, dans ce contexte...
Arrête de trembler. Arrête de trembler, bon sang.
Mais dans un coin de son esprit, il savait que c'était le jour du Karma. Celui qui arrivait toujours, inéluctablement. Au mauvais moment, en général. Celui qui remettait sa jauge de conneries à zéro pour un temps indéfini.
Là, tout de suite.
Un pas en avant, encore.
Et son dos heurta la surface dure du mur qui protégeait les toilettes publiques, le mettant face à sa bêtise sans fin. Face à son client en l'occurrence, en qui il avait mis sa confiance sans prendre garde. Pire qu'un enfant.
-Photographe ? Tu m'en diras tant, « K. », rit Pierre Dumet. Tu sais ce que je me suis dit, quand je t'ai vu sur mon écran ?
Il ne voulait pas savoir. Mais le corps était déjà trop proche, la main de l'homme agrippant sa mâchoire d'une poigne de fer.
Le souffle lui chatouilla le menton, quand celui qui aurait dû être son modèle se pencha, si proche, trop proche, désagréablement proche.
-Je me suis dit, tiens...Qu'est-ce que cette jolie bouche pourrait donner autour de ma queue ? Et regarde un peu, comme elle a envie de toi, tu la sens... ?
Contre sa cuisse, il sentait l'érection qui appuyait.
Ça ne donnerait rien de bon, songea Kyle à l'idée de ce qui allait suivre. Mais déjà, une bouche s'écrasait contre la sienne sans douceur, une main enroulée autour de sa gorge et terriblement dissuasive.
Au moins autant que son genou, qui s'écrasa brutalement sur l'entrejambe trop tendu de l'homme.
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