chapitre 72 : rechute
JAY
Jay mit un pas en dehors de la bâtisse et une goutte l'arrêta, tombée sur sa botte noire avec un bruit sec. Il soupira, se griffant la peau des cuisses à l'intérieur de ses poches. Il ne se sentait pas bien et pour la première fois de sa vie il savait qu'il avait besoin d'aide. D'autres gouttes vinrent s'abattre peu à peu sur le sable craquelé tant c'était sec et Jay sentit quelque chose dans sa poche, quelque chose qui fit monter un immense sentiment de culpabilité en lui. Il se souvint de comment il l'avait obtenu, en fouillant dans les poches du gamin qui avait essayé de s'en prendre à lui lorsqu'il gardait l'entrée de la ville de Bemmin Kebbi. La pluie se déchargeait en masse sur la base désormais et les cheveux de Jay se plaquaient sur son front dans de fines loques pitoyables, il se décidait alors de se rendre là où il savait qu'il recevra de l'aide.
Laïthan revenait de la bâtisse, un grand sourire sur les lèvres, un sourire qui s'estompa lorsqu'il vit Jay, assis dans l'un des sièges en face de son bureau, une jambe tressautant à un rythme hors de contrôle.
- Sourire n'est pas un truc dans votre famille, hein ? qu'est-ce que je peux faire pour toi, Jay ?
Le colonel vint s'asseoir à sa chaise et croisa les mains sur son bureau, après un dernier soupir. Jay se sentit complètement envahi de peur, il ne savait pas vraiment s'il voulait continuer son idée.
- Jay, me fait pas perdre mon temps, j'ai un autre Carter a me faire farcir la tête aujourd'hui et j'ai pas envie de trop voir ce regard de colère que vous avez tous. C'est malsain.
Le jeune capitaine se pencha légèrement sur le bureau et après une courte inspiration, il déposa ce qu'il avait dans sa poche sur la table
- C'est quoi ça ?
- Un appel à l'aide.
- Toi ? tu me demandes... mon aide ?
Jay renifla légèrement, se mordit la lèvre et expliqua avec une voix tremblante
- Ces 60 milligrammes d'héroïne sont plus dangereux pour moi que tous les diamants que j'ai vu dans cette cave et croyez-moi, il y avait de quoi devenir cinglé.
- Putain, Jay, dans quoi tu t'es embarqué... T'en as utilisé ?
- Non.
- Comment t'as eu ça ?
- Je l'ai trouvé dans les poches de l'un des merdeux de Nickson.
- Et tu l'as pris ? Pourquoi ?
- J'en sais rien.
Laïthan baissa les yeux vers le sachet et soupira avec lourdeur. Il le prit dans la main et reporta son attention sur le capitaine qui commença légèrement à trembler, il se sentait terriblement coupable car la seule chose qu'il voulait faire c'était de frapper son supérieur et de lui reprendre son sachet d'héroïne... Son sachet...
- Qu'est-ce que tu veux que j'en fasse ? Qu'est-ce que je peux faire pour t'aider ? Parce qu'en jugeant ton regard, il faut que j'agisse vite si je veux vivre...
- Je sais pas. Je sais plus rien du tout, je sais juste que quand j'avais pris ça, la première fois, j'avais enfin réussi à tout oublier et maintenant, j'aurai vraiment, vraiment besoin d'oublier.
- Qu'est-ce que tu as besoin d'oublier exactement ?
Jay fronça les sourcils et s'assit dans le plus profond de son siège, se grattant nerveusement la joue.
- A votre avis ? Je sors et je me fais presque immédiatement tuer. Je deviens parano à chaque petit bruit qui n'est pas prévu, je dois m'écarter des autres parce que j'ai peur de leur faire porter mon malheur ! vous croyez que c'est normal ?
- Jay...
- J'ai pas dormir depuis deux jours, obsédé par ces quelques grammes d'héroïne que je garde dans ma poche, je l'ouvre, le referme, l'ouvre...
- Jay...
- Je ne peux même plus boire à cause de mes conneries, et c'était le seul truc qui me laissait un peu tranquille !
- Maintenant tu la fermes.
Le capitaine baissa le regard vers le sol rempli de poussière tandis que le bruit de la pluie retentissait dehors comme si le ciel avait décidé de tout décharger sur eux. Laïthan passa sa langue sur ses lèvres et finit par dire
- Tu es ici depuis presque 6 ans. Tu n'as rien connu d'autre que des unités divergentes, des gens qui venaient et partaient, l'instabilité te hante comme ton ombre, ce n'est pas une bonne chose de s'essuyer le derrière à chaque fois que tu reçois une lettre de demande à rapatriement provisoire ! Tu es ici depuis bien trop longtemps et tu refuses à chaque fois de voir les choses en face. Ici, ce n'est pas chez toi, tu devrais le savoir.
- Je..
- Non, tu voulais que je t'aide ? Je te renvoie chez toi.
- Quoi ?!
- Tu vas rentrer au Texas et bientôt, tu vas enlever cet uniforme pour une seconde, arrêter de sentir l'odeur de la poudre brûlée et arrêter de voir du sang à chaque coin de rue et tu vas commencer à te retrouver là-bas. J'en sais rien, bois un bon coup, rencontre une fille, quelqu'un qui n'est pas de ton unité et tu vas tout de suite aller bien mieux. Je ne suis pas un psy mais la seule chose que je peux te prescrire c'est le fait qu'il faut que tu vives ta vie, en dehors de ce pays de malheur.
- Vous comprenez pas, je...
- Je comprends très bien, Jay !
Laïthan avait le visage rougi de colère mais Jay put y voir quelque chose qu'il n'avait jamais vu avant, une lueur d'inquiétude, quelque chose de... Paternel. Il se leva et vint s'asseoir sur le bureau, juste en face de lui, une main posé sur son épaule.
- Je comprends très bien que tu ne puisses plus supporter le fait d'être enfermé ici et de faire face à la mort presque chaque jour et je ne peux rien y changer, c'est normal, c'est notre boulot. Tu crois que j'aime rester ici moi ? Tu m'as bien plus vu que ma fille dans toute sa vie et elle a 13 ans... Je prends bien plus de soins de soldats dont je connais à peine le nom que de ma femme qui à la sclérose... Moi non plus j'en peux plus mais je ne veux pas que tu me ressembles, je ne suis pas le modèle à suivre et c'est pour cette raison qu'au prochain déploiement je te renvoi chez toi.
Jay le vit saisir le sachet d'héroïne et il l'ouvrit. Le natif d'Amarillo sentit des sueurs froides couler de son front lorsque le colonel vida le contenu au sol, se mêlant ainsi à la poussière et la saleté.
- Je ne vais pas te laisser ruiner ta vie. Tu as bien plus de capacités que ceux de tirer à plus de trois kilomètres dans une fourmi, crois moi, tu es un homme bien et je ne vais pas te laisser te détruire avec cette merde mal coupé.
Le jeune officier se leva avec lenteur et hocha la tête en remettant ses mains dans ses poches.
- Merci, Colonel.
Le colonel le regarda un instant dans les yeux et le serra fort dans ses bras. D'abord Jay ne sut pas vraiment quoi faire, ni où mettre ses mains mais rapidement il ferma les yeux et tous ses doutes s'enfuirent comme l'héroïne qu'il venait de jeter, alors c'était ça le sentiment que d'avoir un père, celui de la sécurité et le fait de se sentir protégé... Il ne s'était jamais senti aussi bien depuis que sa mère était morte.
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