Lundi

Cela faisait quelques temps depuis que Manuel et moi avions commencé à traîner ensemble. Nous étions devenus amis. Mais même si j'étais déjà heureuse avec ce que j'avais, je voulais plus. Je voulais être plus qu'amie avec Manuel. Ainsi, je m'étais confiée la dure tâche qu'était la suivante : sortir de cette friendzone qui me collait désormais à la peau. J'allai tous faire pour atteindre mon objectif.

C'est dans cet état d'esprit que je sortis de chez moi pour me rendre en cours. Je montai dans le bus et m'assis à l'arrière de ce dernier. La tête posée contre la vitre - je trouvais les vibrations de celle-ci apaisantes -, je contemplais le paysage qui défilait sous mes yeux. Mon esprit ne tarda pas à divaguer sur ce qui semblait être son nouveau sujet préféré. Même si j'avais peur de me lasser de ces rêveries, je me consolais dans l'idée que je pourrai probablement les faire devenir réalité dans un futur proche.

Dans mon théâtre imaginaire, Manuel, protagoniste de mes fantasmes, était devenue ma marionnette favorite. Ne quittant jamais la scène qui se trouvait dans ma tête, tel un pantin, il exécutait tous les actes que mon cœur, metteur en scène de ces chimères, lui dictait. Ainsi, Manuel - parfois redevenant Manel - devenait tout ce qu'il n'était pas - encore - dans la vraie vie. Parfois je culpabilisais, comme si ces songeries n'étaient que des plaisirs coupables. Manuel, à la merci de mon esprit, ne pouvait que se soumettre à mes volontés, même les plus inconventionnelles. J'avais peur de l'imaginer tel qu'il n'était pas, et ainsi me fourvoyer pour ne plus espérer qu'un idéal. Je ne pouvais cependant pas arrêter ; c'était plus fort que moi.

Soudain, quelqu'un vînt s'asseoir à côté de moi. Pourtant le bus était presque vide. Je tournai lentement la tête vers lui pour l'épier ; malheureusement pour moi, il dirigea au même moment son regard en ma direction. Je me dépêchai de détourner la tête puis cadrai mon attention sur un point fixe. Je sentis rapidement le rouge me monter aux joues, honteuse. Puis, après quelques instants où je faisais mine de lire une affiche dont je n'arrivais même pas à discerner les lettres, je l'entendis ricaner. J'essayai de tourner une nouvelle fois, quoique plus discrètement cette fois-ci, mon regard vers lui. Puis, en le voyant me regarder tout en pouffant, le poingt contre ses lèvres pour essayer tant bien que mal de se retenir, je me mis également à rire du ridicule de la situation.

Lecteur, toi qui commence à me connaître, ne va pas croire que ce genre de choses m'arrive souvent, bien au contraire. Certes, je peux me faire timide, mais surtout je ne parle pas vraiment aux gens que je connais pas. Pas que je ne veuille pas leur parler ; je n'ai simplement rien à leur dire, et je suppose qu'il en est de même pour les autres.

"Tu sais, pas besoin d'avoir peur de moi ainsi, je ne vais pas te manger." dit-il en riant encore quelque peu.

Cette remarque me surpris mais d'une certaine façon me détendit.

"De toute façon, je crains que ne je te ferais qu'un bien maigre repas." rétorquai-je.

On se remit à rire.

"D'ailleurs, tu ne t'appellerais pas Biscotte ? me demanda-t-il.

- Pourquoi ? Parce que je suis craquante ?

- Mais je vois que Madame n'est pas très modeste dis donc !

- La modestie c'est pour les perdants."

Cette dernière réplique, qui m'avait échappé, jeta un froid ; notre échange s'arrêta net.

Pourtant, après quelques minutes passées dans un silence des plus pesants, il engagea à nouveau la discussion.

"Désolé, je n'ai pas vraiment pour habitude de parler aux personnes que je ne connais pas comme ça, plus particulièrement aux filles. Simplement, cela fait quelques jours que je te vois, et à chaque fois que je te regarde, je me dis "J'aimerais bien lui parler." ou quelque chose du genre."

Je grimaçai. Cela me faisait plaisir - un peu peur aussi ; je n'avais pas pour habitude d'être observée - mais d'un certain côté, je trouvais ça terriblement...

"Cliché, n'est-ce pas ? me dit-il soudain.

- Tu lis dans mes pensées." répondis-je avec un sourire.

Puis je reposai la tête contre la vitre. C'est ainsi que je me rendis compte que le bus était arrivé à ma station.

Je me dépêchai de me lever et, alors que je marchai rapidement vers la sortie, il me cria :

"Je m'appelle Raphaël !"

J'eus à peine le temps de lui dire mon prénom en sortant du véhicule que les portes de celui-ci se refermèrent derrière moi. Je me retournai pour lui faire signe de la main tandis que le bus repartait. Je me dirigeai ensuite vers le lycée, dans lequel je me hâtai d'entrer pour ne pas être en retard.

Peu de personnes se trouvaient dans ce que j'appelais les "grand couloirs". Ces grands couloirs étaient reliés à d'autres petits couloirs, qui menaient eux-mêmes à diverses pièces et endroits. Donc, je m'activais dans lesdits couloirs pour rejoindre au plus vite la classe où allait débuter sous peu mon prochain cours. Soudain, alors que je m'apprêtais à tourner dans le couloirs qui menait à mon lieu d'arriver, je vis Manuel.

Mes lèvres s'étirèrent en un sourire à sa vue. Je levai la main pour le faire signe, mais il ne me vit pas. Avec un petit pincement au cœur, je m'apprêtais à l'appeler lorsque je vis qu'il n'était pas seul.

Il marchait, une fille derrière lui. Il lui tenait le poignet fermement, mais on aurait dit qu'il n'y avait pas une once de brutalité dans son geste. Il ne me fallut pas longtemps avec de reconnaître celle qui se trouvait à ses côtés ; c'était Noémie.

Mon sourire disparu presque instantanément. En fait, non, je pouvais le sentir se décomposer graduellement au fur et à mesure que les secondes défilaient. Momentanément figée, en plus d'être malgré moi intrigué, je restai un instant pour observer la scène.

Je ne voyais pas le visage de Manuel, mais je pouvais en revanche voir la façon dont Noémie se laissait presque traîner. Je ne savais pas si elle était particulièrement rétissante à ce que Manuel l'emmène je ne sais où, mais il était évident qu'elle n'en avait pas grande envie.

Soudain, certes dernière tourna pendant une fraction de seconde la tête en ma direction. Je n'en étais pas sûre, mais je crois qu'elle m'aperçu, seulement ç'avait été trop soudain, trop bref, trop furtif pour que j'en fasse une certitude.

Je fis volte-face et me dépêchai d'entrer en classe, presque en courant. Je m'installai et m'avachis sur la table qui se trouvait devant moi.

Presque la tête dans les bras, je laissais encore et toujours mon esprit divaguer. Il fait dire que le cours qui se déroulait n'était pas des plus captivants ; en effet, la physique-chimie ne faisait pas parti de mes centres d'intérêts.

Je repensai à ce que j'avais vu précédemment. Je savais que Noémie et Manuel étaient plus ou moins proches, mais je ne connaissais pas la nature de leur relation. Pour moi ils étaient simplement amis.

Je me rémorisai la scène et m'arrêtais sur le moment où Noémie tourna la tête vers moi. Je ne sais pas pourquoi, mais j'avais l'impression qu'elle était comme fatiguée, ou plutôt lasse. À moins qu'elle ne m'appela à l'aide. Enfin ce n'était que des ressentis ; cela n'aurait pas été une première que je me fasse des films.

Je me rappelais la première fois où j'avais vu Noémie. Je ne me souviens plus du contexte ; sans doute l'avais-je aperçu quelques part dans un des nombreux couloirs de l'établissent. Quoi qu'il en soit, cette première fois, son visage m'avait paru littéralement vide. Comme s'il avait été dénué de toute expression, toute émotion, comme s'il n'y avait rien eu à y voir.

Seulement, après l'avoir observé - quoique, lecteur, en toute honnêteté, je ne m'intéressais pas particulièrement à elle - je me rendis compte que son visage, qui me sembla alors, comme frappé d'une grâce, lumière céleste qui m'offrait la vue, d'une beauté éblouissante, était traversé par une multitude d'expression. Elle était toute joyeuse lorsqu'elle se trouvait aux côtés de son petit-ami, mais plus que son sourire et ses yeux pétillants, c'était son visage dont les traits pas particulièrement fin se crispaient qui m'intéressait. J'étais sûrement folle à lier de penser cela, mais cette tête qu'elle faisait lorsqu'elle était près de certaines personnes m'apparaissait d'une beauté telle que j'en perdais les mots.

Le professeur balaya mes pensées pour me tendre la copie d'un contrôle que j'avais apparemment réussi. Je regardai celle-ci et souris à la vue de l'énorme 17,5 marqué au stylo rouge.

À la pause qui suivit, je partis voir Manuel, à qui je n'avais finalement pas parlé de la matinée. Lorsqu'il me vit, il s'éloigna de son groupe d'ami pour venir me rejoindre.

"Hey. Ça va ? me dit-il avec ce qui me sembla être un sourire forcé.

- Super et toi ?

- Ça peut aller, fit-il en haussant les épaules, ne m'aidant pas à lui faire la discussion.

- Qu'est-ce que vous faisiez ? dis-je après avoir jeté un coup d'oeil à ses amis, qui riaient aux éclats.

- On se foutait de Momo. Tout à l'heure on va avoir le prof de physique et Momo l'a croisé tout à l'heure et le prof lui a fait tout un tas d'éloges sur son nouveau comportement, comme quoi il était plus calme, et que ses notes avaient considérablement augmentées en un, je cite, très court laps de temps, dit-il en mimant des guillemets avec ses doigts. Il n'a pa voulu lui dire, mais apparemment sa note environ ne les 19 sur 20. Il lui a pratiquement dit en gros. Et comme ce n'est pas tout, notre cher Momo est venu nous voir en nous disant, avec ton bien trop solennel à mon goût : - il se racla la gorge et prend une voix qui se veux ressemblante à celle dudit Momo - J'ai changé ! Je ne suis plus le même qu'avant !"

Je ris à mon tour et finis presque par en tousser. Puis, après m'être calmé, je lui demandai :

"Momo c'est Mohammed ?

- Ouais. Franchement il est grave ; il pourrait tout à faut réussir s'il s'en donnait les moyens. J'aimerais bien moi aussi savoir manipuler et comprendre les nombres, équations et tout le toutim aussi bien que lui. Je suis sûr que je vais encore me taper une sale note dans cette matière.

- Tu... Tu veux que je te donne un coup de main ? demandai-je dans réfléchir.

- Hein ?

- Je veux dire, est-ce que tu aimerais que je t'aide en physique. On pourrait se voir mercredi si tu veux. J'ai eu une bonne note au dernier contrôle et Dieu sait que je hais cette matière.

- Oui, pourquoi pas ? Ce serait sûrement sympa, conclut-il. Bon, je dois y aller. À plus !

- À plus !"

Puis je repartis pour aller rejoindre Alizée.

Décidément, cette journée s'annonçait plutôt bien.

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