Chapitre 5 : Là où les rêves deviennent réalité
Lucy Heartfilia
L'annonce du conducteur m'avait directement mise sur mes gardes.
De toute ma vie, j'avais rarement rencontré une force magique aussi imposante, et pourtant, j'avais croisé toutes sortes de mages, monstres et créatures magiques au long de mes aventures. Mais, cette force-ci dépassait de loin tout ce que j'avais jamais pu ressentir. C'était à couper le souffle, j'étais presque immobilisée sur place juste en la sentant. Mes compagnons aussi l'avait ressenti, ça se lisait facilement sur leur visage, comme un signe que la fin du monde était proche. Mais Natsu, comme à son habitude, était Natsu. Il avait foncé tête baissée vers l'inconnu, sans même avoir pris le temps d'analyser correctement la situation. S'il avait pris le temps de le faire, il se serait probablement rendu compte qu'il se dirigeait lui-même vers sa propre mort.
C'est alors que sans mon consentement, mes jambes décidèrent de suivre la cadence et de le poursuivre, s'opposant catégoriquement à mon esprit logique et à tous mes sens qui s'affolaient. La peur prit rapidement le dessus quand mon regard se posa sur la scène qui me faisait face une fois en dehors du train : Natsu était nez-à-nez avec son sosie qui, avant même que nous n'avions pu atteindre la capitale du pays, avait déjà fait son apparition. Comme s'il savait que nous allions venir.
Rapidement, mon esprit s'agite, cherchant une explication à sa présence.
Bien sûr qu'il savait qu'on allait venir ; la guilde de Fairy Tail est reconnue dans énormément de pays en dehors de Fiore, notre arrivée ne devait pas être un secret...et quelles sont les chances qu'il attaque un train pratiquement vide à un arrêt désert, simplement par pur plaisir?
Il était clair que Yukio était là pour nous et, au moment où son regard se posa sur moi, j'avais le sentiment qu'il confirma toutes mes théories.
"Hikari... Lâche-t-il d'une voix roque, me fixant intensément."
Mon regard ne lâchait plus le sien. Ce nom réveilla un sentiment neuf en moi, comme une sorte de mélancolie, comme une partie de mon passé qui ne voulait pas refaire surface. Il semblait me connaître, mais ce nom n'était pas le mien, ce n'était pas le bon. Cependant, sa façon si familière de le prononcer m'aurait presque pu faire croire le contraire. Tellement que j'aurai pu moi-même douter de ce que j'avais toujours su jusqu'ici.
Et pendant l'instant d'une seconde, je ne ressentais plus cette aura magique, ni cette peur de l'inconnu, ni ce vide en moi. Je ne ressentais de la curiosité, et je faisais un pas de plus vers lui, sans réaliser ce que je risquais. Natsu m'en empêcha instinctivement, soudainement très sur ses gardes, en s'interposant dans ma marche. Son regard se dirigea vers le mien et était autoritaire et strict. Je ne devais pas m'approcher et il était sérieux à ce propos.
Avant que je ne puisse dire un mot, nos compagnons arrivèrent par la suite derrière nous, prêts à se mêler de l'affaire. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait, mais je savais qu'il fallait qu'on s'en aille. La confrontation avec cet homme ne pouvait rien apporter de bon. Il était clairement plus puissant, plus imposant que ce à quoi nous nous attendions.
On devait s'enfuir, c'était la seule solution.
Mais il ne semblait pas vouloir lancer d'offensive. Il me fixait, et son regard était vide, absent. Il paraissait beaucoup trop calme pour penser à se battre. Je crois que c'était ce qui était le plus terrifiant chez lui à ce moment-là ; il n'avait peur de rien, parce qu'il semblait n'avoir rien à perdre.
"Que cherches-tu, mage des neiges? Lance fermement Erza, prête à se battre.
-Je viens récupérer Hikari. Je ne vous ferai aucun mal si vous la laissez partir avec moi.
-Hikari? Demande Grey."
Il s'approche lentement, le pas léger, ce qui nous démontre qu'il ne nous perçoit absolument pas comme une menace. Je pose par réflexe ma main sur mon trousseau de clés, automatiquement prête à me défendre.
Il me désigne alors du doigt.
"Elle. Hikari.
-Aux dernières nouvelles, elle ne s'appelle pas Hikari, mais Lucy. Intervient Carla.
-Lucy... Il fronce légèrement les sourcils. Lucy, tu dois venir avec moi.
-Hors de question qu'elle te suive. Gronde Natsu."
Yukio souffle, il ne semble pas motivé à devoir se battre. Mais juste en levant le doigt, il déclenche un énorme grondement au sein des montagnes. Comme si celles-ci lui obéissaient au doigt et à l'œil, l'énorme couche de neige à distance se déplace et se rapproche rapidement, prête à causer une terrible chute de neige mortelle.
Mes sens sont à l'alerte. Je sais que si je ne le suis pas, nous mourrons clairement tous. Mes camarades ont beau être très puissants, un accident de la sorte pourrait...
"Balance. Lance fermement Natsu en prenant ma main. Je ne te laisserai pas la prendre."
Sans aucune hésitation, Yukio claque des doigts pour que la neige nous tombe dessus, et mon cœur lâche immédiatement. L'énorme couche de neige bloque le soleil, et j'ai l'impression d'être aveuglée. La température ambiante a encore baissée, et je tremble encore plus, même si Natsu est près de moi. C'est comme si la chaleur, le soleil, l'été, n'avait jamais existé. Comme si j'avais toujours été coincée dans une tempête de neige, sans ne jamais rien voir devant moi. Je ferme fortement les yeux, attendant le choc.
J'attends.
J'attends..
J'attends...
Mais rien n'arrive. J'ouvre les yeux.
Je me retrouve entourée de lumière, dans une sorte de bulle dans le ciel. Je n'ai aucune idée d'où je suis, et mes amis ne sont pas à mes côtés. Natsu, la station de train, la neige...Tout a disparu.
Je suis seule, dans un endroit où le soleil tape doucement sur ma peau. Je me sens étrangement à l'aise, étrangement à ma place. La bulle dans le ciel est magnifique, rassurante. A distance, j'aperçois des chemins, une forêt entière, un lac...l'endroit est enchanteur, mais complètement vide. Une douce odeur sucrée envahie l'air, le vent souffle dans mes cheveux. Je marche doucement et me rend compte que je porte une longue robe blanches. Je me demande alors si je ne viens pas juste de mourir et d'atterrir au paradis.
Je m'aventure dans les petits chemins, serpente entre les arbres et les statues, à la recherche d'une réponse à mes questions. J'entends alors des voix un peu plus loin, près du lac. Par curiosité, je m'approche doucement, sur mes gardes, et entend des rires, sans très bien distinguer les voix.
Cachée derrière un arbre, je regarde la scène qui me fait face et écarquille les yeux. Assis dans l'herbe, j'observe Yukio rire avec une jeune femme. Ses longs cheveux sont bruns, ses yeux bleus et elle porte une robe semblable à la mienne. Elle me ressemble énormément et c'est très troublant, c'est comme ma copie conforme. Ils rient tout deux à gorges déployées, ils s'amusent et se chamaillent en plaisantant.
C'est comme nous voir, Natsu et moi, rire, un jour ordinaire. Cette vision comble mon cœur de joie et de chaleur, je souris tendrement.
"Elle s'appelle Hikari."
Je sursaute légèrement, et me retourne. Mon cœur rate un battement. Yukio, l'homme qui vient d'essayer de nous tuer moi et mes amis, est juste derrière moi. Sa main se pose sur mon épaule et je le repousse immédiatement, les poings serrés.
"Qu'est-ce qu'il se passe? Où est-ce que je suis et où sont mes amis?
-Tes amis n'ont rien. Il repose sa main sur mon épaule et je fronce les sourcils. Tu es juste...dans un rêve.
-Un rêve? Je retire à nouveau sa main.
-Comme tu le sais, j'ai le pouvoir de contrôler la neige...mais aussi les cauchemars...j'ai tendance à garder les rêves pour moi. Il désigne les deux mages dans l'herbe. Comme elle et moi."
Mon regard se redirige vers les eux. Ils se partagent des fruits, et se regardent d'une façon qui fait immédiatement transparaitre ce qu'ils ressentent l'un pour l'autre : il est évident qu'ils s'aiment, ce qui m'émoi pour une raison que j'ignore. Ils se regardent si tendrement, se sourient avec tant de sincérité et se disent des mots doux. Leurs doigts s'entremêlent, ils se blottissent l'un contre l'autre. Ils ont l'air d'être réellement au paradis, l'un avec l'autre.
Ils ont l'air véritablement heureux.
"Je n'ai pas pu me présenter comme j'aurai dû...je m'appelle Yukio Tatsuki.
-Je ne comprends pas ce que tu essayes de faire. Je le regarde.
-Je te cherchais...Lucy. Dit-il, comme si ce nom n'était pas naturel sorti de sa bouche et je secoue la tête.
-Je ne comprends toujours pas et ça ne m'intéresse pas. Où sont mes amis?
-Réveillés. Toi, tu dors, ou du moins, ton esprit est relié au mien. Je ne voulais pas que tu rentres...ici. Il regarde à nouveau les jeunes amoureux, le regard vide. Je ne voulais pas que tu vois cette scène."
Je fronce les sourcils et observe de nouveau la scène. Ils discutent tout deux calmement, l'air plus heureux que tout, et je me sens encore nostalgique, sans trop comprendre pourquoi. Peut être est-ce parce que cette fille, cette Hikari, me ressemble...je ressens un lien encore plus fort.
"Mais maintenant que tu es là, je ne veux plus être ailleurs...il fait moins froid, ici."
Perdue, je dirige mon regard vers le sien. Il s'approche davantage et me coince entre lui et l'arbre derrière moi. Sa main se pose au creux de mes hanches et me colle contre lui, je voulais le repousser, mais je ne pouvais pas. Je n'y arrivais pas.
Quelque chose dans son regard m'avait interpellée, et avait réveillé quelque chose au fond de mon estomac. Encore plus fort que les papillons dans le ventre, encore plus fort que la chaleur intérieure, l'agitation. Comme quelque chose que je connaissais depuis toujours, alors que c'était la première fois que je le ressentais. Le manque en moi s'estompe au moment où ma main saisi la sienne. Pour la première fois, ce sentiment, celui d'être à la maison, fait surface, et je ne cherche pas à le repousser. Malgré le fait que tout soit contradictoire, malgré le fait que nous étions supposés être ennemis, supposés s'affronter et battre l'autre, je me laisse complètement faire et il le comprend immédiatement.
Ses yeux rencontrent les miens, et il dépose sa main sur ma joue. Mon corps tout entier frissonne à ce simple geste. Mon cœur me dit qu'il connait cet homme, que je peux lui faire entièrement confiance ; mon corps et mon âme le reconnaissent. Mais mon cerveau, la partie logique en moi, me dit que je ne le connais pas, que je ne connais pas ses réelles intentions.
Mais j'ignore la raison, et je nie la réalité. Et c'est toute entière que j'accepte l'évidence qui me fait face.
Il est la partie manquante en moi.
Je dépose mes lèvres sur les siennes, et il répond directement à mon baiser. Tout mon corps tremble et j'ai l'impression de fondre, il fait beaucoup plus chaud que ce à quoi je m'attendais, et je me sens faible, comme si mes jambes n'étaient qu'en papier. Ses lèvres se mouvent contre les miennes et je le serre de toutes mes forces contre moi, prise dans un méli-mélo de sentiments contradictoires. J'avais chaud et froid à la fois, je me sentais capable de gravir des montagnes, mais je me sentais aussi fine et fragile qu'un morceau de glace. Je comprenais enfin tout ce qu'on disait dans les romans. Je saisissais enfin ce qu'était aimer, tomber amoureux. Ce qu'il y avait entre Reby et Gajeel, ce qu'il y avait entre Juvia et Grey. Ce qu'il y a entre Yukio et moi. C'est comme si tout coulait de source, comme si c'était naturel et instinctif. Il n'y avait pas besoin de raison, de sens, d'explications. On se contentait de se laisser ressentir au lieu de contenir ce qu'il y avait en nous.
Dans un ultime soupir, ses lèvres lâchent les miennes et son regard se plante dans le mien. Le vide en moi a disparu.
"Lucy...je te le promets, nous pourrons vivre comme avant...je me suis tant battu pour te retrouver, je ne te laisserai plus partir...je te retrouverai, encore une fois.
-Explique-moi..."
Il sourit légèrement et soudainement, sans avertissement, je me réveille.
J'ouvre les yeux et mon regard se plonge directement dans celui de Natsu. Je me retrouve dans un lit douillet, bien au chaud dans des draps blancs. Je suis sans doute dans une chambre d'hôtel. Natsu, quant à lui, est debout face à moi.
Il me sourit de la même façon, et me prend dans ses bras. Je répond à son étreinte, complètement déboussolée.
"Qu'est-ce qu'il s'est passé...? Demandais-je.
-Yukio a disparu. La neige l'a englobé et il n'était plus là...et je ne sais pas exactement pourquoi, tu t'es évanouie. On est à la capitale au nom pas prononçable. Et...hey, pourquoi tu pleures?"
Je dépose ma main au niveau de mes yeux, sentant l'humidité de mes larmes au bout de mes doigts. Mon meilleur ami me rassure en me disant que personne n'a été blessé, que tout va pour le mieux et qu'il n'y a pas de quoi avoir peur. Mais j'éclate en sanglot, ce qui le rend immédiatement plus inquiet.
Le vide en moi était revenu, et frappait encore plus fort. Le manque qui n'avait pas d'explication jusqu'ici en trouvait brusquement une. Je me sentais à nouveau incomplète, je me sentais à nouveau vide et plus rien n'avait de sens. Je ressens la perte, encore plus. Je ressens le manque, un manque profond et dévastateur, ravageur. Plus que toute douleur physique, je souffre intérieurement. Je hurle, je tente d'éjecter cette douleur mais je ne me sens pas mieux.
J'ai l'impression d'avoir tout perdu en un instant.
Natsu s'approche lentement de moi, puis me serre très fort dans ses bras. Son odeur me réconforte petit à petit, et je me contente de trembloter silencieusement au bout de quelques minutes. Il reste silencieux, comme s'il captait ma douleur et la faisait sienne. J'avais l'impression d'être comprise en étant dans ses bras, mais la douleur ne partait pas et elle ne partirait jamais.
Et à cet instant précis, j'avais saisi que je devais impérativement le retrouver, à la fois pour comprendre qui il était, mais aussi pour comprendre qui j'étais également.
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