Chapitre 4 : Isenberg

Natsu Dragneel

Après quelques heures absolument interminables dans le train, celui-ci marque enfin une pause dans sa course à mi-chemin. A peine le véhicule stoppé, je sens déjà un peu d'énergie revenir en moi. Je déteste vraiment les transports en commun, et ce, depuis mon enfance. Ou en tout cas, du plus loin que je me rappelle, ils m'ont toujours rendus malade et vulnérable. Mais, heureusement pour moi, on est déjà presque arrivés. Cependant, rien qu'en pensant qu'il va falloir remonter dans cette machine pour retourner à Fiore, j'ai déjà envie de vomir.

Mes compagnons et moi sortons rapidement du train, et mon mal des transports disparait presque immédiatement au contact du vent hivernal de la contrée d'Isenberg. Je sens déjà que l'air est plus froid qu'il y a quelques heures, et pourtant, nous ne sommes qu'aux frontières, ce qui s'annonce réellement inquiétant pour la plupart d'entre nous. Après tout, Isenberg n'est pas réellement connu pour être un lieu de vacances ou de détente comme le démontre le manque de passagers dans le train aujourd'hui. Le froid repousse aisément les visiteurs curieux, et même les aventuriers les plus avides de nouvelles quêtes.

Je jette alors un regard vers mes amis : Erza porte déjà une de ses nombreuses tenues d'hiver, et j'envie énormément pouvoir à ce moment précis même si je n'ai pas froid  ; cet imbécile de Grey est torse-nu pour faire son intéressant, comme à son habitude ; Wendy est recouverte d'un énorme manteau beaucoup trop grand pour elle et des gants beaucoup trop épais pour pouvoir correctement tenir quoi que ce soit, ce qui la rend absolument adorable ; les deux exceeds sont bien couverts eux-aussi.

Lucy, quant à elle, est la seule qui semble avoir froid. Elle est habillée des bottes de neige, des gants épais ainsi qu'un énorme manteau en fausse fourrure qui, je dois l'admettre, semble vraiment doux. Happy qui a dormi dessus plusieurs fois -sans qu'elle le sache- me l'avait déjà confirmé il y a quelques jours. Malheureusement, il est clair que celui-ci est trop fin et n'est pas adapté à la température ambiante. Et évidemment, la jeune femme ne supporte vraiment pas le froid. Je souffle doucement, un sourire aux coins des lèvres, et m'approche d'elle. Elle tremble légèrement et elle se frotte les mains pour se réchauffer tout en regardant autour d'elle.

"Tu n'as pas froid?
-I-Il fait encore plus froid que ce que je pensais..!
Elle grelotte. Tu n'aurais pas un manteau en plus?"

Je secoue la tête. Puisque je supporte de mieux en mieux le froid, je n'ai pas perçu l'utilité de ramener un manteau de plus que celui que je porte déjà. Elle me regarde, les dents qui claquent bruyamment, et je passe mon bras autour de ses épaules.

Parfois, quand je passe la nuit dans son lit, il m'arrivait de la serrer contre moi quand je sentais qu'il faisait trop froid, et ça marchait plutôt bien. Forcément, elle n'était pas au courant de...ça, et il fallait mieux qu'elle ne le sache pas. Elle m'aurait sans doute frapper si elle avait su que ce genre de choses avaient lieu. Et même si c'était mon petit secret, mon petit plaisir caché, celui de prendre soin d'elle, je me sentais rassuré en sentant qu'elle ne tremblait déjà plus.

Heureusement pour moi, les années et les épreuves que nous avions traversées ensembles faisaient qu'on pouvait facilement se toucher. Le contact était si naturel qu'on n'y faisait vraiment plus attention la plupart du temps, même si ça donnait la mauvaise idée ou la mauvaise image aux autres. Se prendre dans les bras, toucher les cheveux de l'autre, jouer avec les vêtements de l'autre -bon d'accord, je l'admets, elle a du mal avec ce dernier point- ; pratiquement tout était naturel, facile entre nous. Alors, même si on recevait des regards indiscrets de la part des autres membres de la guilde, Lucy et moi pouvions nous serrer l'un contre l'autre sans gêne, et ça me détendait de pouvoir l'aider sans la mettre mal à l'aise.

Ses joues étaient rouges, sûrement à cause du froid, et ses lèvres reprenaient enfin des couleurs. Elle me lança un sourire de remerciement, clairement satisfaite de mon petit tour de magie, puis elle se rapprocha encore un peu, juste encore un peu plus de moi, tant que je pouvais d'autant mieux sentir la douce odeur de vanille qui émanait de ses cheveux. Elle rentra d'elle-même ses mains dans les poches de mon manteau tandis que ses yeux chocolats observaient calmement les montagnes à distance, l'air de vouloir jouer avec la neige. Elle avait l'air à l'aise et plus calme qu'hier.

Et je me contentai de la fixer silencieusement, encore une fois.

Encore une fois, je laissais mon cœur me faire mal, et j'aimais terriblement ça. Comme un idiot,  j'étais devenu complètement fou d'elle, à continuer à me faire du mal, ou du bien, je ne sais plus trop, à me laisser contrôler de la sorte par mes sentiments pour elle.

Sa simple présence avait le don de créer en moi une envie, un appétit plus fort que tout ; l'avoir près de moi. J'aurai pu tout donner pour qu'elle se rapproche davantage, pour qu'elle me regarde ne serait-ce qu'une seconde de plus, qu'elle veuille de moi de la même façon. Rien ne pouvait me distraire de ce sentiment, de ce désir, de ce besoin. Rien ne pouvait me motiver autant, me donner autant de force et de pouvoir qu'elle. Rien ne pouvait me rendre aussi faible, aussi vulnérable, fragile ou impuissant que l'idée que quelque chose lui arrive.

Les années n'avaient réussies qu'à me rendre plus dépendant à cette fille.

Je l'observais calmement profiter de la boutique de souvenir, du café et des biscuits, du temps enchanteur qui l'entourait. Chaque petite chose qu'elle faisait, chaque petit détails à propos d'elle...la façon dont elle secouait timidement une boule à neige, la façon dont elle tenait fermement sa tasse de café, la façon dont elle observait les flocons de neige comme si c'était la seule réelle magie en ce monde...tout, absolument tout, me rendait encore plus follement, indéniablement amoureux d'elle.

Et je savais que j'étais un idiot d'aimer une fille qui ne m'aimait pas en retour. Mais ça me suffisait. Là, juste être près d'elle et l'encourager, la soutenir, la voir évoluer et s'embellir, c'était tout ce qu'il me fallait réellement.

Juste la voir heureuse et épanouie, c'est tout ce qui comptait vraiment.

"Natsu? Elle me coupe dans mon flot de pensée, à l'entrée du train pour le reste de la route.
-Hm? Oui?
-Tout va bien?
Lance-t-elle en me regardant intensément."

Je souris et hoche simplement la tête. Elle semble clairement vouloir me dire quelque chose, et j'attends simplement qu'elle se lance. La jeune mage semble si préoccupée ces derniers temps, et j'ai réellement mal en la voyant se débattre contre elle-même de la sorte.

Lucy observe rapidement nos camarades un peu plus loin, elle ralentit encore un peu et ses yeux se dirigent finalement vers le sol. Elle se décide à me parler :

"Tu sais...ce dont je te parlais hier soir, ça me tracasse énormément.. Je me sens tout le temps...incomplète, vide sans personne dans ma vie. En plus, je me sens nulle de ressentir ce genre de choses bêtes."

Je souffle doucement, puis me rapproche davantage d'elle. Ses pupilles rencontrent finalement les miennes, et je dépose doucement ma main sur sa joue, redressant légèrement son visage vers le mien afin qu'elle ne détourne pas le regard. Je ressens que ma paume réchauffe son visage rougi par le froid.

"Tu n'es pas incomplète, vide, ou quoi que ce soit. Rien ne te manque Lucy. Tu es déjà complète, tu es déjà suffisante à toi seule, et rien ni personne ne pourra combler le manque en toi...à part toi. Tu es la seule personne dont tu as vraiment besoin, et la seule qui compte vraiment. Tu n'es pas cassée, et tu n'as pas besoin de quelqu'un pour te réparer. Tu es la seule qui peut vraiment te rendre heureuse, alors arrête de t'inquiéter sur ça. Si tu dois rencontrer quelqu'un, tu dois d'abord accepter ça, pour pouvoir l'accepter vraiment et entièrement ensuite."

Elle me regarde intensément, la bouche légèrement entrouverte. Elle semble réfléchir un peu. Les perles qui lui servent d'yeux brillent un peu plus, et il s'y reflète beaucoup de réflexion. Après quelques secondes à me fixer, elle fini par sourire.

"Tu as raison, merci.
-J'ai toujours raison.
Affirmai-je, un sourire enjoué scotché au visage. Bon, même si je n'ai pas trop envie d'y retourner...on doit reprendre le chemin."

Elle esquisse un sourire et acquiesce avant de monter dans le véhicule de mes cauchemars.

Nous nous installons calmement à nos places, attendant l'annonce du conducteur. Mais à la place, quelques cris alarmants se font entendre à l'extérieur du véhicule, ce qui nous pousse, mes camarades et moi, à nous lever directement, prêts à intervenir. La voix du conducteur résonne alors dans tout le train : "Mesdames et messieurs, nous sommes dans une zone dangereuse. Une attaque a lieu à l'extérieur du train. Pour votre sécurité, je vous demanderai de patienter dans vos cabines et de vous mettre à l'abris tout en gardant le silence en attendant les forces de l'ordre."

"Les forces de l'ordre...il n'y a pas de réelle protecteurs à Isenberg... Lâche Erza. A part les guildes qui ne seront mis au courant que dans très longtemps, personne ne viendra s'en charger. Ce pays n'a pas de vrai commanditaire ou de véritable organisation politique.
-On ferait mieux de s'en occuper nous-même alors. Un petit entrainement ne me fera pas de mal ! Souris-je en enflammant mon poing, commençant à me diriger vers la porte.
-Attends Natsu. M'arrête Lucy en attrapant mon bras, les sourcils froncés et l'air très sérieuse. Quelque chose ne va vraiment pas...j'ai un très mauvais pressentiment."

A ce moment précis, je ressens une forte vague d'énergie magique parcourir l'air. Elle est beaucoup trop impressionnante pour être anodine. Lucy a raison. Une armée de mages doit être dehors, ce n'est pas possible autrement. L'idée m'amuse plus qu'elle ne m'effraie ; le vieux n'aura pas à payer les dommages puisqu'ils sont dans un endroit vide, il n'y a aussi personne qui peut subir ceux-ci puisque le train et ses alentours sont pratiquement vides.

"Je m'en charge."

Sans réfléchir, je sors du train en faisant fondre la porte bloquée et me retrouve surpris.

A la sortie, je ne me retrouve pas face à une armée de mages, à un dragon ou encore un maitre de guilde...mais à un seul jeune homme, aux cheveux ébènes et aux yeux noirs, vides, dépourvu de sens, de logique. Je me retrouve face à un regard brisé qui reflète le mien. Un homme qui me ressemble sans me ressembler.

Yukio, le mage des neiges et des cauchemars.

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