🏵️ chapitre 7

Chan avait décidé de rentrer à pied. Marcher lui ferait le plus grand bien et il pourrait prendre le temps de mettre ses idées en ordre. Il n’avait pas voulu que Minho se déplace pour lui, il avait prévu de vendre quelques bijoux sur la plage pour gagner un peu d’argent avant de lever les voiles. Il viendrait le chercher à la fin de la journée, et Chan avait intérêt à se tenir prêt pour le départ, son camarade n’attendrait pas après lui.

Il avait bien réfléchi, il était déterminé à suivre Minho quelques jours pour se rendre à Half Moon Bay. Il ne pouvait pas se résigner à abandonner ainsi, même s’il avait conscience que sa décision était complètement folle. Ils s’étaient dragué et avaient couché ensemble, ils ne s’étaient pas juré un amour éternel et pourtant, il se sentait déjà attaché à lui. Il avait besoin de découvrir plus que ce que Minho voulait bien lui révéler. Il lui avait promis de ne pas se montrer trop curieux à son sujet, alors il allait juste attendre qu’il se dévoile à lui. Il espérait qu’il le fasse durant ce petit voyage improvisé. C’était un jeune homme qui, malgré sa joie de vivre et ses blagues salaces, dissimulait une faille. Une blessure qui peinait sûrement à cicatriser. Chan en était intimement convaincu.

Il arriva à proximité de Zacchary et pressa le pas, la maison de son oncle n’était plus très loin. Même s’il avait fait son choix, il n’était pas serein. Il allait devoir l’annoncer à Felix. Le reste de sa famille serait sans doute un peu déçu de le voir s’absenter un moment, mais ils voulaient qu’il profite de ses vacances et prenne du bon temps. Son cousin ne le verrait pas d’un bon œil, lui qui avait eu si hâte de le retrouver après ces quelques années loin l’un de l’autre. S’échanger des lettres c’était bien, sentir la présence de l’autre, c’était mieux. Le seul point qui pesait dans la balance était là, et Chan comprendrait totalement qu’il lui en veuille. Le lâcher pour un gars qu’il connaissait à peine, ça avait un goût de bêtise et de caprice.

Il écrasa son index sur le bouton de la sonnette, il l’entendit retentir à l’étage. Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrit sur un Felix au visage rayonnant. Chan eut un petit mouvement de recul, son cousin n’allait pas garder son sourire très longtemps.

— Tu montes ou tu plantes une tente ?

Il hocha la tête et se déchaussa dans l’entrée avant de grimper les escaliers. Felix était enjoué, il monta les marches deux par deux en sautillant. Une fois à l’étage, il demanda à Chan s’il voulait boire ou manger, et ils rejoignirent la cuisine.

— Jus d’orange ? proposa-t-il en ouvrant le réfrigérateur.

Un peu déstabilisé par tant d’énergie, Chan cligna des yeux.

— Euh, oui, si tu veux.

Son cousin attrapa deux grands verres dans un placard et y versa le jus presque à ras bord. Il tira une chaise et prit place, un soupir allègre quittant sa bouche. Chan but quelques gorgées de sa boisson, la fraîcheur de celle-ci le fit grimacer. Il reporta son attention sur Felix et fronça les sourcils. Oui, il avait toujours été un garçon guilleret, mais son euphorie actuelle était presque anormale.

— Il s’est passé quelque chose ? osa-t-il demander.

Felix se mordit la lèvre inférieure et il entremêla ses doigts dans tous les sens, le regard fuyant.

— Dario ?

À l’énoncé de ce prénom, le jeune homme changea de couleur en une fraction de seconde ; ses joues et ses oreilles étaient devenus écarlates. Il lâcha un rire, horriblement niais.

— On s’est un peu…

Il marqua une pause et rentra la tête dans ses épaules.

— Un peu quoi ? s’impatienta Chan.

— Embrassés.

— Oh ! C’est plutôt une bonne nouvelle alors.

Il ne pouvait s’empêcher de sourire, son cousin était heureux et embarrassé aussi, ça lui faisait quelque chose. Il l’avait souvent entendu parler de ses conquêtes, des filles qu’il avait réussi à mettre dans son lit, mais absolument jamais d’un autre homme. Là, ce n’était pas seulement un petit flirt sans lendemain ou un coup d’un soir, ça avait l’air bien plus sérieux que tout ce que Felix avait vécu.

— Et du coup ?

— J’sais pas, il se pourrait bien qu’on essaye un truc tous les deux.

— Tu veux dire, être en couple ?

Il hocha la tête. Il était incapable de se défaire de son air béat.

— Ouais, enfin on veut prendre notre temps tu sais, mais on a beaucoup parlé et c’était cool de voir qu’on est sur la même longueur d’onde.

— Je suis content pour toi Lix. Tu le mérites. Et que des baisers alors ?

Il lui asséna un faible coup de poing dans le bras.

— Prendre notre temps, tu sais pas ce que ça veut dire ?

— Oh ! Pardonne-moi, toi qui dragues une meuf le matin et te retrouves dans le lit d’une autre le soir même.

Chan rit à sa propre remarque qui résumait bien ce qu’était la vie que Felix lui dépeignait. Ce dernier croisa les bras sur son torse, une moue boudeuse déformant ses lèvres comme un enfant.

— J’ai des sentiments pour lui, je pensais juste pas que c’était réciproque.

— Il t’a fallu une bête soirée pour le découvrir après tout ce temps ? Faut pas demander si j’étais pas intervenu…

Il roula exagérément des yeux et cela lui valut un deuxième coup de la part de Felix, dans la poitrine cette fois. Il feignit d’être saisi par la douleur avant de rire. Le silence revint rapidement, quand il prit davantage conscience qu’il allait devoir à son tour faire une annonce. Elle entacherait le bonheur de son cousin, à coup sûr.

— Et toi, le reste de ta soirée ? Et de ta nuit en fait.

Chan déglutit. Il attrapa son verre et s’amusa à faire tourner le reste de jus d’orange à l’intérieur.

— C’était… mouvementé.

Felix haussa un sourcil.

— Des détails ?

— J’ai passé la nuit avec lui.

Un soupir agacé retentit.

— Ton suspens de mort là ! Tu ferais mieux de passer aux trucs croustillants tout de suite.

Il pouvait bien lui raconter une partie de sa nuit, ça repoussait un peu le moment où il devrait mentionner son envie de partir à l’aventure avec Minho. Les images fusèrent dans son esprit, ce fut à son tour d’avoir les pommettes rouges. Comment aurait-il pu en être autrement ? Il venait de vivre sa première expérience sexuelle avec un autre homme et il était encore surpris de s’être autant laissé aller. Mais ça avait été facile, naturel.

— J’ai passé la nuit dans son van, et on l’a fait.

Felix écarquilla les yeux.

— Hé sérieux ? s’exclama-t-il, sa voix vrillant vers les aigus.

Chan acquiesça.

— Avec toutes les allusions qu’il m’a faites, c’était évident qu’on allait coucher ensemble.

— T’es un homme facile Chan.

Il pouffa de rire.

— Ouais, un peu trop, t’as vu ça.

Felix se pencha en avant, les avant-bras posés sur la table en formica d’un bleu délavé.

— C’était comment ?

— Tu veux que je te raconte tout peut-être ?

— Pourquoi pas ? Toi qui sais parfaitement m’expliquer ce que t’as fait à Heejin quand tu l’as emmené au motel.

Chan se mordit la lèvre pour s’empêcher de sourire trop largement. Ce n’était pas que le prénom de son ancienne petite amie lui rappelait de bons souvenirs, mais surtout qu’il n’avait aucun mal à se remémorer la façon avec laquelle Minho l’avait chevauché la veille. Personne ne lui avait jamais fait ça, et il ne pourrait jamais oublier la vision de son magnifique corps en train d’onduler au-dessus de lui.

Sous les menaces de Felix, il finit par vider son sac. Il avait pris conscience qu’en parlant de cette nuit, sa voix s’était faite plus fébrile. C’était un supplice de devoir en discuter, car il réalisait qu’il avait vraiment envie de revoir Minho et de passer davantage de temps en sa compagnie. Ce n’était pas purement sexuel, c’était aussi... spirituel. Il ne l’expliquait pas, mais c’était nécessaire qu’il soit près de lui. Peut-être avait-il peur de l’oublier, ou que lui ne l’oublie. Peut-être était-ce un moyen de garder un peu plus de sa présence en lui, pour qu’il s’en souvienne encore longtemps.

— Ah ouais… Il est bien chaud ton pote quand même.

La réponse de Chan ne fut qu’un son de gorge.

— Et tu vas le revoir ?

— À ce sujet…

Il détourna les yeux, il avait peur de se confronter à son cousin.

— Faut que je te parle d’un truc.

— Vas-y, je t’écoute, dit-il en voyant que son cousin mettait du temps à continuer.

— Promets-moi de pas t’énerver.

— Qu’est-ce que tu vas encore me dire ?

Chan prit une grande inspiration pour ensuite expirer tout l’air de ses poumons. Il avait le cœur qui battait à tout rompre, ça n’allait pas être facile, mais il n’avait pas le choix. Il pouvait abandonner l’idée de suivre Minho pour que son cousin ne lui en veuille pas, c’était une possibilité. En avait-il envie ? Absolument pas. Il ne voulait pas passer à côté d’une expérience telle que celle-ci. Ce n’était pas seulement pour voir du pays, pas du tout même, c’était uniquement pour Minho.

— Il va quitter Santa Cruz ce soir.

Felix battit lentement des cils.

— Et tu veux aller avec lui, dit-il le plus naturellement possible.

Chan déglutit.

— C’est un peu ça.

— Un peu ou carrément ?

— Carrément.

— Combien de temps ?

— Quelques jours, bredouilla Chan.

Il préféra regarder ailleurs. Le robinet qui gouttait, l’horloge qui tournait, les nuages qui avançaient lentement par la fenêtre. Il ne voulait pas faire face à Felix, de peur qu’il ne le fusille sur place.

— Tu l’aimes bien ?

— Je… Ouais, sans doute.

— Sans doute ? T’es prêt à suivre un mec que t’as rencontré il y a deux jours et tu sais pas si tu l’aimes bien ? J’ai jamais vu quelqu’un autant dans le déni que toi actuellement.

Justement, il l’avait rencontré seulement deux jours auparavant, voilà pourquoi il avait du mal à admettre l’évidence.

— Donc tu m’en veux ou pas ?

Le suspens était à son paroxysme. Felix s’était réinstallé contre le dossier de sa chaise, muet, le visage impassible. Chan sentait l’angoisse monter de plus en plus, il attendait le moment où il discernerait une pointe d’agacement dans l’expression de son cousin. Celui-ci ne bougeait pas, il se contentait de le fixer sans aucune émotion. Il attendait qu’il explose, qu’il lui fasse la morale avant d’aller se terrer dans sa chambre pour bouder. Mais c’était compréhensible. Il était venu en Californie pour qu’ils rattrapent un peu le temps perdu, par pour qu’il se fasse la malle avec le premier venu.

Les secondes s’écoulèrent, lentement, silencieusement, jusqu’à ce qu’un petit rictus fasse frémir les lèvres de Felix. Il expira un rire et secoua la tête, Chan garda les yeux grands ouverts.

— Franchement, je devrais t’en vouloir, on est d’accord ?

— Oui… Je comprendrais tout à fait.

— Mais si j’ai embrassé Dario hier, c’est un peu grâce à toi.

— Donc…

— Reviens quand même quelques jours avant de reprendre l’avion, l’interrompit Felix avant de terminer son jus.

— Attends, t’es pas fâché ?

Il secoua négativement la tête, Chan resta sans voix. C’était complètement inattendu, il s’était déjà imaginé le pire des scénarios, pimenté d’insultes et de cris, mais il n’en était rien. Son cousin était détendu par rapport à la situation. Il s’était monté un film tout seul.

— Je sais qu’on était censé passer du temps ensemble, t’es venu pour ça, mais je peux pas t’empêcher de t’amuser aussi. Enfin, tu vas sûrement plus jamais revoir ce gars après ces vacances, alors je pense que tu devrais profiter.

— Putain, t’es le meilleur.

Chan passa les deux mains sur son visage pour le frotter vigoureusement. C’était un moyen de s’assurer qu’il ne rêvait pas.

— Et puis j’vais passer du temps avec Dario. Je serai pas tout seul.

Des pas dans les escaliers retentirent et ils arrêtèrent leur discussion quand la porte s’ouvrit. Le reste de la famille était rentrée, Jaehwan débarqua dans la cuisine avec un sac de courses. Il salua Chan et lui décocha un clin d’œil agrémenté d’une tape sur l’épaule au passage.

— Ça y est, t’es quand même revenu, le taquina-t-il.

— Ça va il est pas resté collé, ajouta Felix.

— Yongbok ! s’exclama sa mère.

Il s’esclaffa, son père en fit autant, et les joues de Chan s’empourprèrent alors que ses cousines affichaient des grimaces de dégoût.

— T’es écœurant !

— Oh, excusez Chan d’avoir une vie intime !

Le concerné plaqua une main sur son front et baissa la tête. S’il avait pu disparaître en un claquement de doigts, il l’aurait fait sans aucune hésitation. Felix prenait un peu trop la confiance à son goût, et il le soupçonnait de lui faire une petite vengeance — qui, honnêtement, s'avérait méritée.

— Vas-y, pas devant tout le monde…

— D’ailleurs, Chan à quelque chose à vous dire.

L’attention se porta aussitôt sur lui. Il se sentait déstabilisé par toutes ces paires d’yeux curieux et attentifs. Jaehwan attrapa une pomme dans la corbeille à fruits pour croquer dedans, brisant ainsi le silence pesant qui s’était installé dans la cuisine.

— Je vais… Je vais suivre un pote pendant quelques jours.

— Un pote, releva simplement son oncle. C’est cool !

— Oui, il vit dans un van.

— Tu vas avoir besoin d’un peu d’argent alors, j’vais t’en donner.

— J’ai ce qu’il faut, t’inquiète pas.

Trop tard, Jaehwan avait déjà extirpé quelques billets de la poche arrière de son jean. Il en déposa trois de vingt dollars sur la table et tapota à nouveau l’épaule de son neveu. Chan se crispa de gêne, il serait mal vu de refuser. Il aurait pu se débrouiller, il s’était fait un peu d’argent en Corée et il avait gardé une bonne partie pour se faire plaisir durant ses vacances. Il n’allait pas cracher sur quelques dizaines de dollars en plus, ça pourrait toujours servir à mettre de l’essence dans le véhicule de Minho, ou même pour se payer une nuit dans un motel. Son camarade ne devait pas souvent s’offrir ce genre de luxe, il profitait rarement d’un véritable lit et d’une salle de bain.

Il se rendit compte qu’il allait quitter son petit confort pour Minho, et il n’en avait absolument rien à faire. Il était prêt à faire des sacrifices, pour un — presque — inconnu.

— Et tu pars quand ?

— Il vient me chercher ce soir, vers dix-neuf heures, je crois.

— Vingt heures, rectifia Felix.

Chan sourit. Il ne fallait pas qu’il s’attende à ce que Minho soit ponctuel. Il lui avait dit qu’il klaxonnerait et qu’il ne lui laisserait que deux minutes pour rejoindre la voiture, sinon il partirait sans lui. Il était hors de question de le rater, quitte à rester planté à la fenêtre ou devant la porte d’entrée avec son sac.

— Bon, on peut quand même profiter d’un peu de temps ensemble ?

— Bien sûr.

Felix se leva.

— J’emmène Chan manger quelque part avant qu’il nous abandonne !

Il fut obligé de sourire. Il admirait à quel point son cousin était compréhensif, et il saurait se rattraper. Il allait mettre Minho dans un coin de son esprit pour le reste de la journée, en espérant qu'il en soit capable, car l'adrénaline le submergeait.

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Hellooo (◕ᴗ◕✿)
Chan s'en va bientôt, Felix a pécho, que demander de plus ?
J'espère que vous avez hâte de découvrir la suite 👀
À bientôt 💜

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