🏵️ chapitre 23

Minho inspira à pleins poumons, l'air marin lui emplit les narines et lui gonfla la poitrine. Chan l'observait attentivement. Il se trouvait près de lui, mais légèrement en retrait. Ils s'étaient postés en haut de la falaise de Poplar Beach, la mer était calme et le ciel commençait à se colorer de belles teintes oranges et roses. Minho tenait fermement l'urne de son frère contre son torse, les yeux perdus dans l'horizon, l'expression impénétrable. Cela faisait une bonne dizaine de minutes qu'il était là, sans rien dire, sans rien faire. Il avait sans doute besoin de temps avant d'oser mettre un terme à ce périple. Il n'avait pas prévu qu'il se finirait ainsi. Il baissa la tête et Chan l'entendit renifler. Il fit un pas pour se retrouver un peu plus près de lui et d'un geste empli de bienveillance, il lui caressa affectueusement le dos. Il voulait l'encourager, il était là pour le soutenir s'il s'effondrait une fois qu'il aurait fait ce qu'il avait à faire. Il ne le laisserait pas tomber, il pouvait pleurer sur son épaule, crier s'il avait envie, qu'importe, il ne serait pas seul.

Il ôta le couvercle de l'urne et une larme coula à l'intérieur. Le vent se leva soudain, comme pour lui souffler que le moment était opportun, comme pour lui montrer le chemin. Il pouvait y aller. Il pouvait laisser les cendres s'envoler, la nature était avec lui pour les emporter jusqu'à l'eau qui s'étendait devant lui à perte de vue.

— Il aimait tant la mer, murmura Minho. Et je l'ai tant haïe.

Il tourna la tête vers Chan, le regard embué de larmes qui menaçaient encore de couler. Il lui afficha un triste sourire, un de ces sourires qui signifiait « Je suis là ».

— Elle me l'a pris, peut-être parce qu'elle aussi elle l'aimait finalement. Et je crois que c'est important qu'il y retourne.

— Fais ce qui te semble être la meilleure chose, lui dit Chan.

Minho fit un petit signe de la tête. Oser agir ainsi devait être une terrible épreuve pour lui, mais il était déterminé à faire ce que Jiwoong aurait souhaitait. Il avait tant de fois répété qu'il était tombé amoureux de l'océan, qu'il l'aimait d'une manière singulière et que cet amour ne ternirait jamais. Minho ne pouvait pas le garder avec lui aussi égoïstement. De toute façon, il serait toujours là. Il serait dans ses pensées, il serait dans ses rêves, dans son cœur. Il serait dans chacun de ses gestes. Il serait à jamais présent à chaque fois qu'il tournerait la tête vers la mer, à chaque fois qu'il longerait la côte dans son van avec la fenêtre ouverte. Il serait dans les embruns, dans le vent, dans chaque vague ou grain de sable. Il verrait son frère partout où il irait.

— Merci d'avoir été la personne la plus importante dans ma vie. J'espère que tu seras bien là-bas, tu as le droit de te reposer maintenant. J'espère quand même que tu m'oublieras pas.

Minho ferma les yeux et serra la mâchoire. Il ravala sa salive et renifla comme il put, mais il fut incapable de lutter contre les sanglots qui vinrent le secouer. Il serra encore l'urne contre lui, sentant la présence de son frère. Le poids de la perte était toujours aussi lourd, mais il se sentait prêt à le libérer, à le laisser retourner là où il appartenait. Chan observa Minho avec une tendre empathie, il savait que ces instants étaient d'une profonde intimité et qu'il était privilégié d'y assister. Il resta silencieux, conscient que les mots étaient totalement superflus dans ces moments-là. Il continua de caresser doucement le dos de Minho pour lui transmettre sa chaleur et son soutien sans un mot.

Le vent marin souffla plus fort et caressa son visage mouillé. Le moment était venu. Minho prit une profonde inspiration et leva l'urne au-dessus de sa tête, offrant un dernier adieu à son frère. Les cendres s'envolèrent dans les airs pour se disperser dans le vent, se mêlant aux nuances du crépuscule. Les larmes de Minho coulaient librement maintenant. Son cœur était empli de souvenirs, de moments partagés et d'un amour fraternel indéfectible. Il sentait que ce geste final était une étape essentielle pour accepter la réalité et trouver la paix.

Une fois les cendres éparpillées, Minho resta immobile, les yeux fixés sur l'horizon. Il ressentait un mélange de soulagement et de tristesse, mais aussi une connexion profonde avec l'élément qui avait tant compté pour son frère. Chan approcha lentement et l'enveloppa de ses bras pour le tenir fermement contre lui.

— Je suis là, chuchota-t-il.

Ils restèrent là, à contempler l'océan ensemble. Chan lui offrit un soutien silencieux, c'était tout ce qu'il pouvait faire. Leur relation s'était renforcée, et cette épreuve-ci n'avait fait qu'accentuer les sentiments qu'il éprouvait pour Minho. Mais tous deux avaient appris qu'ils pouvaient se soutenir mutuellement, qu'ils pouvaient être là l'un pour l'autre dans les moments de joie comme dans les moments de peine.

Après un moment, Minho se détacha doucement de l'étreinte de Chan. Il fouilla dans sa poche et en sortit un petit sachet contenant de l'herbe séchée. Il enroula ses doigts autour du sachet, sentant son cœur battre un peu plus vite. Chan l'observa curieusement, interpellé par cette décision qu'il avait un peu de mal à comprendre.

— C'est le dernier, dit-il.

Cette fois, Chan acquiesça. Il savait que fumer ce joint serait symbolique à bien des égards. Ce serait la dernière fois que Minho se laisserait emporter par cette fumée apaisante, la dernière fois qu'il laisserait ses problèmes s'évaporer temporairement dans un nuage de douceur. C'était aussi un moyen pour lui de dire adieu à une partie de lui-même, de laisser derrière lui la colère et le chagrin qui l'avaient tant tourmenté. Il regarda Chan pour chercher l'approbation dans ses yeux. Il lui offrit un sourire compatissant et hocha légèrement la tête. Il avait compris l'importance de ce geste pour son compagnon. Il vint lui saisir la main de Minho avec une douceur sans pareil, un geste de plein de solidarité et d'encouragement.

Sans un mot, ils s'installèrent sur la falaise, dos à l'océan. Minho sortit un petit briquet de sa poche et alluma le joint, la flamme dansante illumina brièvement son visage marqué par la souffrance qu'il avait endurée. Il prit une longue bouffée et sentit la fumée pénétrer ses poumons pour se mélanger à l'air marin. Alors qu'il expirait lentement, les volutes de fumée s'élevèrent vers le ciel étoilé. Il ferma les yeux et laissa les sensations se répandre dans son corps. Il se sentait empli d'une étrange sérénité, comme si chaque bouffée était un instant de connexion avec son frère, une manière de lui dire au revoir une fois de plus.

Dans le silence de la nuit, Minho murmura à voix basse :

— Pour toi, Jiwoong. Je te promets que je vivrai désormais, que je profiterai de chaque instant et que je trouverai la force d'aller de l'avant. Je te laisse partir, mais ça veut pas dire que je t'oublie. J'te garde dans mon cœur pour toujours, espèce d'idiot.

La nuit était maintenant tombée et le joint consumé, alors ils se levèrent pour reprendre leur route. Ils se préparaient à quitter la falaise de Poplar Beach quand Minho jeta un dernier regard à l'horizon. Il sentait la présence de son frère dans chaque brise qui effleurait son visage. Il savait que la vie serait différente sans Jiwoong, mais il était prêt à avancer car il portait en lui l'amour et les souvenirs qui les avaient liés à jamais. Il se rappelait toutes ces années où ils avaient grandi l'un à côté de l'autre, des secrets échangés et des aventures vécues ensemble. L'océan était devenu le témoin de leur complicité, et maintenant, il devenait le gardien des souvenirs précieux qu'ils avaient créés.

Minho et Chan descendirent de la falaise. Main dans la main, la présence de l'autre était comme une ancre dans ce monde tourbillonnant. Ils rejoignirent le van, Minho replaça l'urne vide dans le meuble et grimpa face au volant. Il poussa un long et profond soupir.

— Ça va aller ? demanda Chan, une main trouvant le genou de son compagnon.

— Ça va aller.

— Minho…

— Hm ?

— T'es la personne la plus forte et la plus folle que je connaisse. Et je t'admire sincèrement.

Il afficha un large sourire.

— Je le prends vraiment comme un compliment.

— C'est un compliment ! se défendit Chan.

Minho lâcha un rire.

— Donc t'es prêt à reprendre la route avec le mec le plus timbré que tu connaisses ?

— Y'a rien qui me ferait plus plaisir.

Ils échangèrent un sourire complice, puis Minho démarra le véhicule pour reprendre la route à travers la pénombre. Ils finirent par quitter Half Moon Bay, non pas sans un pincement au cœur. Chan n'oublierait jamais ces deux jours passés, ces deux jours qui avaient tout changé. Il était reconnaissant de les avoir vécus, bien qu'ils furent douloureux. Mais il avait vu qui était Minho, il avait découvert ses tourments, ses démons les plus profonds. Il avait pu l'épauler et le soutenir alors qu'il était sur le point de s'effondrer.

Le van roula pendant près d'une heure pour s'arrêter à une station-service. Minho en profita pour faire le plein d'essence et pendant ce temps-là, Chan entre dans la petite épicerie pour trouver de quoi grignoter. Il s'arrêta également devant les grands réfrigérateurs, la chaleur de l'été asséchait leur gosier, ils avaient besoin de s'hydrater correctement s'ils ne voulaient pas s'évanouir. Il retrouva Minho avec deux canettes de bière bien fraîches et des sandwichs.

— De l'alcool ! Encore une nuit torride en prévision. Qu'est-ce que tu comptes me faire cette fois ?

— Rien de spécial, pourquoi ?

Une moue se dessina sur le visage de Minho et ils montèrent à l'arrière du van. Ils s'installèrent sur le lit en tailleur, face à face. Leur proximité était réconfortante, et Chan se sentit submergé par l'affection qu'il éprouvait pour son compagnon de voyage. Il ne put s'empêcher de le regarder avec une lueur d'amour dans les yeux. Les mots se bousculaient dans sa tête, mais il n'était pas sûr de savoir comment les exprimer. Il n'était même pas sûr d'avoir le droit de les exprimer.

— Pourquoi tu me regardes comme ça ?

Chan sourit.

— Pour une raison que j'ai pas le droit de donner.

Minho leva les yeux au ciel, il savait parfaitement où il voulait en venir.

— Je fais ça pour nous protéger.

— Tu penses que c'est pour nous protéger, mais même si on se sépare à la fin, on saura tous les deux que ce qu'on ressentait l'un pour l'autre c'était… fort. Se terrer dans le silence sera pas suffisant pour nous protéger.

— Alors dis-le.

Après un long silence, il prit finalement une profonde inspiration et saisit la main de Chan dans la sienne.

— Minho, souffla-t-il doucement. Je vais te dire ce que j'ai jamais dit à qui que ce soit, mais je t'aime.

Le concerné leva les yeux vers lui, les sourcils légèrement froncés. Un sourire tendre éclaira son visage.

— Et je t'aime aussi, répondit-il simplement.

Chan sentit un poids s'envoler de ses épaules. Il avait pris le risque de dévoiler ses sentiments, et savoir que Minho les partageait lui donnait encore moins envie de quitter les États-Unis. Mais ce n'était pas le moment de pleurer en pensant à son départ. Il avait encore quelques jours pour profiter de ce que ces vacances lui offraient. Ils se rapprochèrent et leurs lèvres se frôlèrent dans un doux baiser. Un mélange de douceur et de passion contenue, comme une promesse silencieuse de ne jamais s'oublier.

•••

Bonjour bonjour !
Une nouvelle étape de franchie pour Minho 🤧 j'avoue que j'ai versé ma petite larme en écrivant ce chapitre... Mais ce n'est pas fini, il reste encore quelques petites choses à régler pour nos deux protagonistes !
Je vous dis à très vite pour la suite 💜

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