🏵️ chapitre 17

Minho roula encore quelques minutes jusqu'à sortir de Stockton. Le calme régnait dans le véhicule et Chan regardait par la fenêtre, pensif. Il réfléchit un moment à ce qu'il venait de faire, à cet homme sur qui il s'était jeté sans aucune hésitation, mais surtout à pourquoi il avait agi ainsi. Ça ne lui ressemblait pas. Il n'avait jamais été violent, il n'avait jamais eu un mot agressif envers qui que ce soit. Mais là, lorsqu'il avait entendu de quelle manière cet inconnu s'était adressé à Minho, quelque chose s'était déclenché en lui. Il n'avait pas été en mesure de se retenir plus longtemps, poussé par le besoin irrépressible de défendre celui à qui il tenait. Il n'avait pas hésité à en venir tout de suite aux mains.

— On va s'arrêter là.

Chan sortit de ses réflexions quand le van arriva sur un parking peu entretenu, tout comme le bâtiment qui s'érigeait devant eux. L'enseigne du motel ne clignotait plus à intervalles réguliers et les murs décrépis laissaient imaginer que l'intérieur ne devait pas être en bien meilleur état. Mais Chan ne dit rien, il se contenta d'acquiescer. Minho se gara et coupa le moteur puis, sans un mot, il sortit du véhicule. Il le contourna pour arriver du côté passager et ouvrit la portière.

— Tu descends beau gosse amoché ?

Chan lâcha un rire et le suivit. Ils récupérèrent leurs sacs, se dirigèrent vers l'accueil et, après avoir glissé trente dollars sur le comptoir, la jeune femme leur tendit une clé. Ils rejoignirent leur chambre qui, comme l'avait imaginé Chan, n'était pas des plus accueillantes. La moquette marron et les rideaux à carreaux semblaient imprégnés d'une odeur de tabac froid et les taches d'humidité au plafond démontraient à quel point le lieu était vétuste et peu entretenu. Il grimaça en posant les yeux sur le lit double. Bien qu'il fut tiré à quatre épingles, la parure de draps présentait quelques trous et taches disgracieuses. À ce stade, il aurait préféré dormir dans le van plutôt qu'ici. Minho balança son sac sur le sol et se précipita dans la salle de bain.

— Bon, c'est pas le grand luxe, mais ça fera l'affaire !

Chan grimaça à nouveau, il n'avait même pas remarqué que son camarade était déjà de retour.

— Quoi ? T'es pas content ?

— C'est pas ça…

— Hé ! J'ai pas payé trente putains de dollars pour que tu sois pas convaincu ! Tu sais ce que ça représente trente dollars pour moi ? Je vais devoir en fabriquer des bijoux pour rembourser ça.

— J'aurais pu payer si c'était le souci.

Minho lui tapota le torse avant de glisser la main sur son épaule. Il la remonta dans son cou, puis passa le pouce sur sa joue pour atterrir sur sa lèvre blessée. Il y déposa un bref baiser et se recula pour le fixer droit dans les yeux.

— T'as déjà donné de ta personne aujourd'hui. Et puis si vraiment tu veux faire une autre bonne action, je suis toujours d'accord pour le massage que tu m'as proposé.

Il lui décocha un clin d'œil et repartit chercher son sac pour en extirper d'autres billets. Il les secoua en l'air.

— J'vais te chercher de quoi soigner cette vilaine blessure.

— Minho, ça je peux…

— Tais-toi, et laisse-moi faire.

— D'accord, capitula-t-il.

— Je reviens vite. J'espère que je vais pas trop te manquer. Et au pire, t'as toujours ta main si j'te manque trop.

Minho quitta la chambre, laissant Chan décontenancé. Comment pouvait-il encore se comporter comme si tout allait bien ? Il soupira et se laissa tomber sur le lit en position allongée. Il laissa son regard vagabonder sur le plafond défraîchi, l'esprit embrouillé par un tas de pensées qu'il n'arrivait pas à canaliser. Ces derniers jours n'avaient pas été faciles et plus le temps passait, plus Minho se montrait étrange. Il avait beau essayer de creuser, il avait la sensation de ne jamais aller assez profond. C'était comme s'il faisait un pas en avant, puis deux en arrière. Il était assailli d'un mélange désagréable de colère et de frustration.

Minho semblait déconnecté de la réalité, et ce n'était pas seulement les conséquences de l'herbe. Parfois, Chan avait l'impression qu'il était dans le déni. Qu'il oubliait volontairement une partie de sa vie, une partie de lui-même, un événement qui avait dû être trop douloureux à supporter pour qu'il parvienne à complètement l'accepter et vivre avec. Il ferma les yeux et repensa à la discussion qu'il avait entendue chez Héléna. Quelque chose de terrible était arrivé, quelque chose dont Minho faisait abstraction et qu'il cherchait à fuir. Qui étaient Héléna et Jake pour lui ? Elle n'était pas une simple amie, et ce petit garçon n'était pas seulement le fils de cette dernière. Minho était attaché à lui. Lorsqu'il le regardait, il souriait, mais ses yeux se remplissaient d'une mélancolie insoutenable. Il ne put s'empêcher de ressasser les mots qui s'étaient échangés, les réactions étranges de Minho. Son expression joviale, sa façon d'être toujours dans l'excès, son regard qui parfois se perdait dans le vide, sa fragilité, son obsession pour la drogue et le sexe, ses bracelets si nombreux qu'ils devaient dissimuler une vérité trop lourde à assumer…

Minho était malheureux, c'était tout ce que Chan arrivait à en conclure. Mais pour quelle raison ? Il ignorait s'il pourrait un jour la découvrir. Et cela lui faisait même peur. S'il devait repartir pour la Corée sans savoir ce qui le tourmentait, il aurait une sensation d'inachevé.

— C'est bon !

Il sursauta et se redressa d'un bond, les yeux écarquillés, lorsque la portée s'était ouverte à la volée. Il posa une main sur son cœur qui battait à tout rompre, pas loin d'exploser.

— Oh, je t'ai pris en flagrant délit de branlette ? s'amusa Minho.

— Non, je… enfin tu vois bien que je suis habillé !

Il leva les yeux au ciel et se dirigea vers Chan, un petit tube en main.

— Tu sais, tout ce qu'on peut faire habillé, tu serais surpris ! Allez, suis-moi dans la salle de bain que je m'occupe de ton cas.

Il se leva et Minho l'emmena avec lui. Il l'invita à s'asseoir sur le rebord de la baignoire et à l'aide d'un mouchoir en tissu préalablement humidifié, il tapota sa lèvre pour la nettoyer du sang qui avait séché. Chan l'observa faire, subjugué par son air sérieux et les traits harmonieux de son visage. Il devait bien avouer que Minho était un jeune homme vraiment beau malgré qu'il soit marqué par la vie. Il chercha un signe, quelque chose, n'importe quoi, qui aurait pu l'aider à découvrir ce qu'il cachait. Mais à part des cernes et ses joues légèrement creusées, il ne décela rien. Ses yeux n'étaient plus aussi moroses, ils pétillaient même d'une étincelle d'euphorie.

— Attention, ça risque de picoter un peu.

Minho déposa une noisette de crème sur son index avant de l'appliquer avec le plus grand soin sur la blessure de son vis-à-vis. Il avait légèrement sorti la langue en se concentrant sur sa tâche, et Chan ne put se détacher de sa bouche. Il avait terriblement envie d'y gouter, de l'embrasser à en perdre la raison, de le serrer dans ses bras en lui répétant que tout irait bien. Même s'il ne savait pas ce qu'il avait traversé, il avait envie d'être là pour lui.

— Quoi ?

Minho pencha la tête sur le côté et Chan toussa pour se reprendre, déviant le regard vers un point aléatoire de la pièce.

— Rien. Merci de m'avoir soigné.

Il lui tapota le crâne avant de replacer ses ondulations brunes.

— Avec plaisir. Du coup, comme j'ai payé la chambre et que je t'ai soigné, un massage avec finition devrait faire l'affaire.

Chan sentit ses joues s'empourprer.

— Et j'ai bien réfléchi, j'veux bien que tu me suces, ça me ferait très plaisir.

Minho afficha un large sourire et quitta la salle de bain. Chan expira tout l'air de ses poumons, puis alla se regarder dans le miroir. Il espérait que la blessure disparaisse assez rapidement. Il n'avait pas envie de retrouver son cousin avec une tête pareille, il allait se poser des questions. En pensant à Felix, il se rendit compte qu'il ne l'avait toujours pas appelé. Il retourna dans la chambre et prit son portefeuille pour en extirper quelques pièces de monnaie ainsi que le numéro de son oncle qu'il avait écrit sur un bout de papier. Minho était allongé dans le lit défait, torse nu.

— Tu fais quoi ?

— Je vais passer un coup de fil à mon cousin, il doit s'inquiéter.

— Hm, et après tu t'occupes de moi ? Tu sais toute cette route c'est…

— Pas besoin de trouver des excuses, j'vais te le faire ce massage.

— Avec finition, se sentit obligé de préciser Minho.

Chan pouffa de rire et acquiesça.

— J'ai compris, t'inquiète pas. Je risque pas de l'oublier.

— Fais vite, j'ai hâte.

Il se mordit la langue et passa le plat de la main par-dessus son entrejambe. Chan s'empressa de quitter la chambre pour rejoindre la cabine téléphonique à proximité de l'accueil. Il composa le numéro et les sonneries s'enchainèrent avant que quelqu'un ne décroche. Il reconnut la voix de sa tante et cette dernière le salua avec entrain, criant presque dans le combiné.

— Comment tu vas ? Tu manges bien au moins ? Tu as toujours de l'argent ?

Chan acquiesça tout en riant. Sa tante semblait à la fois heureuse et inquiète. Elle lui posa des tas de questions auxquelles il répondit tout en surveillant qu'il ait encore du temps avant de devoir refaire l'appoint en pièces pour continuer son appel. Elle finit par lui passer Felix.

— Hé mec ! T'aurais pu appeler avant !

— Désolé, on a été pas mal occupés.

— J'imagine bien… Ça doit être mouvementé entre vous.

Chan sentit que Felix souriait d'une façon équivoque.

— Plus ou moins. On est pas en train de faire ça tout le temps non plus.

— Au moins une fois par jour, non ?

Il soupira et roula des yeux. Il n'avait pas appelé son cousin pour discuter de ses ébats sexuels.

— Bon, j'espère que tu fais pas de bêtises… T'es où là ?

Chan lui expliqua rapidement les endroits où ils étaient allés, sans mentionner le fait qu'ils avaient failli tomber dans des émeutes ou encore qu'il s'était battu avec quelqu'un. Il ne voulait pas inquiéter Felix car dans l'ensemble, leur périple s'était plutôt bien passé. Il avait vu du pays, il avait rencontré des gens, et pour le moment, il avait plus de bons souvenirs que de mauvais.

Il raccrocha finalement après avoir passé un long moment au téléphone. Il était soulagé d'avoir eu des nouvelles de sa famille et de constater que tout allait bien de leur côté. Il se dirigea vers la chambre en repensant à tous les moments partagés avec Minho depuis le début de leur voyage. Malgré les difficultés et les incertitudes, il se sentait chanceux d'avoir rencontré quelqu'un d'aussi spécial. Revenir à la réalité après ces quelques jours avec Minho allait être compliqué. Il se demanda comment il allait gérer leur séparation une fois cette aventure terminée.

En rentrant dans la chambre, il trouva Minho allongé sur le ventre, complètement nu, les muscles de son dos et ses fesses rebondies bien visibles. La vue était tentante, et Chan sentit son désir grandir. Il s'approcha et posa délicatement une main sur l'épaule de Minho, ce qui le fit légèrement sursauter.

— Désolé, j'voulais pas te faire peur.

— Hm, c'est rien. J'ai pris une douche pendant ce temps-là. Ce sera mieux pour…

— Ça te dérange si j'en prends une aussi ?

— Non, vas-y. Même si ton odeur de mâle m'excite à mort.

Chan rit tout en secouant la tête.

— J'en ai pas pour longtemps et après je suis tout à toi.

Minho soupira et lui indiqua de quitter la chambre d'un geste de la main. Chan obtempéra, lui aussi impatient de passer à la suite.

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