20

Seersha

les vit jeter Elspeth par-dessus bord.

Elle ne s'était même pas débattue. Elle ne tenta même pas de remonter à la surface.

Elle la vit abandonner. Elle vit la vie la quitter. Et elle la vit ressusciter.

Seersha attrapa Elspeth, museau de phoque contre bouche d'humaine et insuffla ce qu'elle avait de plus précieux – une moitié de ce qui faisait son être. Elle se sentit se faner, juste un tout petit peu, mais juste assez pour qu'Elspeth lui revienne.

Seersha était là lorsque la transformation commença.

Seersha était là lorsque ses poumons changèrent

que ses jambes fusionnèrent

que les premières écailles commencèrent à pousser.

Seersha était là alors que la souffrance menaça de déchirer le corps d'Elspeth, qu'elle tentait d'arracher sa propre peau à coups de doigts devenus griffes devenues palmes

alors que le hurlement d'Elspeth fit fuir les bancs de poissons alentours

alors que les larmes ne coulaient plus de ses yeux mais que ses yeux saignaient pour un monde qu'ils ne verraient plus jamais

alors qu'Elspeth prit sa première inspiration et que l'eau ne lui brûla plus les poumons.

Elle la serra contre elle alors qu'Elspeth comprenait, qu'elle s'adaptait

au monde qui venait de devenir le sien

brusquement

comme une agression

mais Seersha l'avait sauvée

pas vrai ?

Sauvée de la mort en la rendant sirène, en l'arrachant à un monde qui avait voulu la tuer

la briser.

Alors qu'Elspeth faisait son deuil, Seersha faisait aussi le sien – celui de son clan

car plus jamais ils ne voudraient d'elle. Ils n'aimaient pas celles qui brisaient les lois

qui brisaient les codes

qui étaient trop importantes trop influentes qui entreprenaient trop et menaçaient

leur

leur quoi ?

Seersha se faisait trop dangereuse pour eux

ils l'avaient bannie

pour le premier prétexte qu'ils avaient trouvé.

Et maintenant,

elles étaient deux

contre les restes de deux mondes

contre ceux qui avaient essayé de leur prendre ce qu'elles avaient

contre ceux qui détruisaient, qui prenaient sans demander sans remercier car cela leur était dû et leurs promesses n'étaient que des illusions une goutte d'encre se diluant dans un océan de faux espoirs de fausses idées de mensonges bénéficiant toujours aux mêmes et jamais à celles qui avaient tout donné d'elles pour réussir pour tenter de correspondre d'être acceptées d'être aimées si non en tant qu'individus, en tant qu'outils utiles à leurs propriétaires

pour se rendre compte que jamais elles ne seraient assez pour ceux qui dirigeaient leur monde

et elles avaient brisé leurs chaînes

et elles étaient en colère

et elles les feraient payer

oh,

oui

elles l'avaient promis

ensemble,

main dans la main

nageoire contre nageoire

cœur contre cœur

elles l'avaient juré sur ce qu'elles avaient de plus sacré

elles l'avaient juré sur l'âme de leur moitié

elles les feraient payer.

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