Bisou électrique fatal
Le reste du rendez-vous n'a pas été très concluant. Mancini prenait des notes en continue en me fixant de son air de gargouille emmurée. Comme si je ne devinais pas derrière ses lunettes rondes encrassées, sa pitié et son jugement acéré.
Quand la grande aiguille a enfin rejoint les cieux, mon souffle s'est directement accroché à la fermeture éclair que je venais de zipper.
— Pour la semaine prochaine, pouvez-vous réfléchir à ce que vous ressentez quand on vous parle d'écologie ?
Mancini, aussi discret qu'une Ferrari rouge vif sur l'autoroute du soleil. J'acquiesce avant de filer discrètement. Aucune envie de sortir en même temps qu'un autre patient. Ces derniers ont toujours un air fatigué et vulnérable écrasé sur la figure.
Ce psy, je ne le vois que pour rassurer Camille. Elle me prend la tête tout le temps, proférant que je vais regretter d'avoir lâché mon rêve d'enfant. J'ai surtout le sentiment que c'est lui qui m'a abandonné, en se transformant en un amas cauchemardesque et angoissant. Comment pourrais-je vivre tranquillement ma vie de pilote, si je dois soutenir l'industrie la plus polluante au monde ?
Durant mes derniers vols, j'imaginais le kérosène jeté en pleine mer sur des goélands agonisants au milieu d'une île faite de barquettes en plastiques. Je sais que je ne suis qu'une miette de pain pour le réchauffement climatique. J'ai conscience que mon sacrifice n'apportera rien, que je serai simplement remplacée par un autre. Mais c'était plus fort que moi. Une fois que l'information a pénétré mon esprit, je n'ai jamais pu m'en défaire, jusqu'à ce qu'elle pourrisse toutes mes envies.
J'attrape mon vélo et commence à remonter la rue, la tête toujours dans mes pensées post-psy.
Aujourd'hui, je ne suis plus rien. Tout ce que j'ai aimé me dégoûte, tout ce que je suis me répulse et tous les autres humains me révulsent. J'ai accepté mon sort. Une vie simple, sans grand intérêt pour moi ou les autres, mais qui aura au moins la prétention de faire le moins de mal possible à la planète bleue. Quand mon heure sera venue, je partirai sans culpabilité.
— ATTENTION !
Mon cerveau n'a pas le temps de saisir l'info que je suis déjà à terre, le jean troué, le genou en sang.
— Bordel, mais t'es pas bien ! hurle mon adrénaline.
Une tignasse rousse se relève, accompagnée de deux yeux verts perçants.
— C'est le vélo qui doit faire attention aux piétons ! Pas l'inverse.
Le garçon est debout, sale, mais entier. Il n'en est rien pour mes mains égratignées et ma jambe ensanglantée.
— Si t'avais pas crié, j'aurai pu t'éviter !
Le garçon lâche un rire forcé.
— Bien sûr, et moi si j'avais eu le temps de sortir ma cape magique j'aurais pu me téléporter.
Sa réplique me fait serrer les dents. J'ai envie de lui enfoncer mes ongles sales dans la peau. Je me relève péniblement et soulève mon vélo. La roue est désaxée du guidon, son bisou forcé au poteau électrique lui a été fatal. Des insultes silencieuses déforment ma bouche, alors que le garçon me regarde passivement.
— C'est vingt euros pour assister au spectacle ! grogné-je, sinon c'est dehors !
Mon doigt lui assène de passer son chemin, mais ce dernier s'approche.
— Laisse, je vais t'aider.
D'un mouvement habile et sec, le rouquin réaxe la roue. Je force un sourire pour le remercier avant de replacer mon derrière sur la selle poussiéreuse. Son bras s'élance vers le mien, bloquant mon élan :
— Sinon je m'appelle Alex, et toi ?
On peut désormais faire des réels de 3 min sur insta !!! Ce qui signifie... des chapitres plus longs, yeah :D
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