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Lorsqu'il entra chez lui après plus de trente-six heures de travail et une courte nuit de sommeil, Gregory fut soulagé à la simple idée de pouvoir dormir un peu.
La première chose qu'il remarqua était la porte entrouverte. Il courut et ouvrit grand la porte, la panique commençant à le submerger.
- Kaziam !!
Rien. Le calme plat. Le forgeron ne trouva que le livre laissé ouvert à côté d'une bougie depuis longtemps éteinte. Les mains posées sur la table, il trembla un peu. Pour étouffer un sanglot, il prit de profondes respirations et récupéra un peu de sang-froid.
- Mais où es-tu parti ?
Les mots étaient chuchoté dans la maison et Gregory tentait de trouver où un gamin de sept ans aurait pu partir. Il n'était pas lent d'esprit. Il eu vite fait de faire un lien entre les chasseurs, l'orphelinat et Elliopée. Kaziam et elle étaient très proches. Gregory Merter reprit son manteau et courut dans les rues, posant ses questions à tout les passants mais aucun n'avait vu son garçon.
Elliopée et cinq autres enfants manquaient à l'appel. Gregory arriva près de Tara qui pleurait en silence. Il mit doucement une main à son épaule. Il ne posa qu'un seul mot à la jeune femme.
- Combien ? Dit-il d'une voix basse.
- Cinq garçons et Elliopée.
Gregory souffla tristement mais que pouvait-il faire ? Rien. Rien n'allait ramener les gosses. Pour calmer la jeune femme, il lui proposa de faire un tour en forêt.
- Gregory. Je ne pense pas que ce soit vraiment ce dont j'ai besoin.
- Je crois que si. Allez viens.
La marche tranquille eut vite fait effet. Tara s'autorisa à se calmer et marcha aux côtés du forgeron. Il se passa à peine plus de vingt minutes avant qu'un enfant ne surgisse sur le chemin, ses habits déchirés et sale. Il respirait très fort, épuisé par des heures de cache et de course.
Pris au dépourvu, Gregory attrapa le jeune garçon dans ses bras quand ce dernier s'écroula d'épuisement. Tara était également surprise de voir un autre garçon se blottire contre elle en pleurant, dans un état similaire.
- C'est les garçons de l'orphelinat ? Demanda le forgeron avec une pointe d'espoir.
- Norm et Alek. Dit Tara en souriant. Ils ont besoin de soins.
Les deux adultes ramènerent donc deux des cinq garçons disparus à l'orphelinat. Beaucoup de passants sur leur chemin furent frappés de stupeur. Les chasseurs n'avaient pas emmenés tout les gamins. Même si tous étaient heureux, ils finirent par se questionner. Comment avaient-ils réussi à s'échapper ?
Gregory déposa le jeune Alek sur un lit et regarda les trois femmes de l'orphelinat, dont Tara, s'activer autour des enfants.
- Il en manque toujours Gregory. Souffla Tara. Tu peux aller voir après eux ?
- J'allais justement me proposer.
Pour couvrir plus de terrain, Gregory prit son cheval. Il retourna donc en forêt et appela après les enfants restants. Il cria aussi le nom de son fils, toujours inquiet.
Près de quatre heures s'étaient écoulées quand Tara entendit revenir Gregory. Le pas lent du cheval sur le pavé avait rapidement tirer la jeune femme de ses pensées. Sans réveiller les deux garçons endormis, elle alla dehors et vit son ami revenir avec deux autres enfants. Mais elle avait vite remarqué que quelque chose n'allait pas.
Le premier était Kaziam. Assis derrière Gregory, il tenait fermement ce dernier dans ses bras. Il avait les yeux fermés et semblait respirer avec quelques difficultés. La deuxième était Elliopée. Cachée dans le manteau du forgeron, elle tremblait de froid. Même si elle était endormie, son visage était marquée de larmes.
- Gregory ! Ils sont blessés ?
- Une brûlure. Celle de Kaziam a commencé à s'infecter.
Un médecin fut vite appelé, une jeune apprentie derrière lui. La jeune femme s'occupa de la petite Elliopée tandis que Kaziam fut confié aux bons soins de Todrim. Près d'une demi-heure plus tard, les deux médecins sortirent.
- Alors ? Les pressa Gregory.
-Ils été marqués au fer rouge et par manque de soin, l'infection commençait à s'installer. Heureusement, vous les avez trouvé assez tôt.
Gregory souffla quand même de soulagement malgré la colère qui montait dans ses veines. Marquer au fer rouge. Ce ne sont que des gamins pourtant et les chasseurs n'en n'ont pas tenu compte.
- Est-ce qu'ils ont dit quelque chose ? Demanda Tara d'une voix plus calme.
- Rien madame. Ils sont beaucoup trop fatigués. Ils doivent se reposer.
Dès que le médecin fut partit, le forgeron alla vite près de son fils. Il s'agenouilla à côté du lit et passa doucement ses doigts sur la joue de Kaziam. Il avait une petite fièvre mais rien de grave.
- Tu m'as fait tellement peur mon grand. Souffla t-il avec un tendre sourire. J'ai cru que je t'avais perdu.
Quand bien même il aurait voulu entendre la voix de Kaziam en réponse, il ne s'étonna pas qu'il reste inconscient. Il devait être épuisé.
A partir de ce moment, les choses furent plus complexes. Kaziam avait raconté aux adultes ce qu'il s'était passé cette fameuse nuit. Leur réaction fut identique. Gregory, Tara et d'autres adultes firent les grands yeux en entendant ce que Kaziam avait fait.
La brûlure sur le flanc de Kaziam et d'Elliopée ressemblait à la lettre R légèrement stylisé reposant sur une épée. Certains dans la cité voulaient qu'ils partent loin pour ne pas que les chasseurs reviennent et face plus de dégâts. Or, Kudwyn ne pensait pas comme cela.
Grâce à Gregory et ses voisins, Kaziam se sentait en sécurité. Elliopée ne devait pas venir trop souvent chez Kaziam pour ne pas attirer l'attention. En quelques années, la petite victoire d'un gamin de sept ans sur les chasseurs de Druim était devenue comme une rumeur. Ne plus la raconter la fit passer lentement mais sûrement pour une légende. Le genre d'histoire racontée par les ivrognes dans les bars devant la cheminée.
Le fils de Gregory Merter en était fier pourtant. C'était lui qui avait blessé deux chasseurs et il avait sauvé sa sœur. Cependant, il avait rapidement compris qu'ébruiter ses exploits ferait revenir à coup sûr les chasseurs. Alors il était préférable de se taire.
Les années passèrent et Kaziam et Elliopée prirent en force et en intelligent. À respectivement vingt-deux et dix huit ans, Kaziam et sa sœur avaient appris à se battre dans l'idée de se défendre. La brûlure ne s'effacerait jamais et leur route allait certainement croiser celle des traqueurs de Druim. Il fallait être prêt à se battre s'il cela était nécessaire.
Gregory n'avait jamais forgé d'armes de sa vie. Lui qui avait juré de ne fabriquer que des outils, que ses créations ne servirait jamais à faire le mal changea d'avis. La décision fut prise quand il avait trouvé son fils s'entraîner contre Elliopée. Kaziam s'était muni d'une fine branche de frêne et imitait les gestes d'un épéiste.
C'est en rentrant le soir que le jeune adulte trouva la forge encore éclairé. Perplexe, il entra, se demandant ce que son père faisait à cette heure tardive.
- Greg ? Demanda t-il en le voyant frapper une lame chauffer à blanc.
- Oui ?
Le forgeron s'arrêta un instant et remit l'ébauche de l'épée dans les braises incandescentes. Il ne releva pas son diminutif. C'était ainsi que Kaziam l'appelait depuis longtemps maintenant. Il savait que Gregory n'était pas son père biologique. Cela ne changeait rien cependant à l'amour et l'affection qu'ils se portaient mutuellement.
- Je croyais que tu avais fini de faire les fers à chevaux. Qu'est-ce que tu fais ?
- En fait, je te fais un petit cadeau.
- Ha bon ? Lâcha Kaziam en faisant des yeux surpris.
- Tu as besoin d'une arme. Expliqua Gregory. Je sais que j'ai promis de ne jamais faire d'armes. Tu sera toujours une cible des chasseurs et je veux que tu aille de quoi te défendre.
- Je ne... j'ignorais que tu savais forger une épée. Souffla son fils en regardant à bonne distance la future lame dans les braises.
- Je suis forgeron mon garçon. Je travaille les métaux. C'est tout.
Kaziam fut très touché par cette attention. Une semaine plus tard, Gregory l'appela à l'intérieur. Déposant les seaux d'eaux qu'il venait de ramener du puits voisin, le jeune homme ne traina pas à le rejoindre dans la cuisine. Il avait un drap sur la table sous laquelle une fine silhouette était discernable.
Sans dire un mot, il tira le drap pour tomber nez à nez face à l'épée que son père venait de créer de ses mains. La taille de la lame était adaptée à celle de son nouveau propriétaire. Le tranchant de la lame d'acier reflétait les lueurs d'une bougie posée à côté. La garde était d'une simplicité étonnante. Des lanières de cuir noir était serré pour constituer une poignée plutôt confortable. Le fourreau était en cuir lui-aussi.
- Elle est simpliste mais...
- Je l'adore. Le coupa Kaziam.
- Vraiment ?
- Oh oui.
La réponse fut certes brève mais honnête. Il n'avait fallu que quelques secondes pour que Kaziam ai un coup de foudre.
Les deux jeunes gens furent bien armés. Kaziam avait une épée d'une grande qualité ainsi qu'un arc. Elliopée avait préféré s'acheter deux poignards à Laenhert et un arc. Elle était devenue une archère remarquable. Sa cadence de tir était plus élevée que les soldats de la ville.
Près de quinze ans après leur capture, ils furent de nouveau mis au courant de la venue des chasseurs. Étant sur leur pistes, ils choisirent la forêt sauvage pour s'occuper d'eux. Il n'y avait qu'une route principale et sur cette dernière que le duo les attendait. Ce soir, aucun enfant de Kudwyn n'allait disparaître entre les sombres remparts de l'arène de Druim.
Les chasseurs avaient préparés un groupe de sept enfants, garçons et filles mélangés. Ils pleuraient et criaient pour qu'on les laisse partir. Un homme frappa la cage en riant avec son épée pour les faire taire avant d'éclater de rire.
Le groupe des cinq chasseurs se stoppa subitement sur la route. Face à eux se trouvait une personne. À cause de la brume, la visibilité était fortement réduite. Seul la lumière de la lune leur permettait de distinguer l'inconnu. Les enfants, surpris par le silence des adultes, regardèrent dans la même direction sans comprendre.
- Qui ose nous barrer le passage ? Cria l'un des chasseurs.
Aucune réponse. La silhouette resta immobile et silencieuse.
- J'en ai déjà marre. Farim. Tue ce gars.
- À vos ordres chef.
L'homme arma alors son arc et visa la silhouette. La flèche fila droit vers sa cible qui s'écarta d'un pas pour éviter le projectile. Elliopée, camouflée sous sa capuche, arma ensuite son arc d'un geste vif. Sa flèche fila à son tour et frappa le dénommé Farim dans la tête en guise de réponse.
Le corps s'effondra à terre et les chevaux se cabrèrent de peur. Les trois chasseurs à cheval foncèrent vers la jeune femme. Sans se laisser démonter, elle tira encore deux flèches. La première attrapa un chasseur dans la poitrine, le laissant agoniser sur la route. La deuxième frappa le cheval dans le poitrail. La chasseuse heurta violemment le sol quand le cheval tomba au sol. Elle eu à peine le temps de se remettre sur ses genoux qu'Elliopée lui planta un de ses poignards dans le cœur.
Le dernier chasseur, Colin, n'avait que vingt ans et prit peur devant la mort de ses deux camarades. Il stoppa son cheval et voulut faire demi-tour. Il commit l'erreur de tourner la dos à Elliopée.
Près du chariot, Kaziam avait profité de la confusion pour briser le cadena de la cage d'un coup de lame. Pendant que les enfants prenaient la fuite, il s'était occupé du chef de la bande et l'avait éliminé plutôt vite.
Le combat fut donc très rapide. Kaziam alla vers Elliopée qui venait d'achever le mourant. Il remarqua alors Colin, assis sur le chemin de terre, avec une flèche dans l'épaule gauche. Il tenait la flèche d'une main et le sang avait déjà imbibé son manteau. Il respirait fortement mais uniquement de peur face à ceux qui venait de les attaquer.
Colin crut qu'ils allaient l'achever. En particulier quand la femme reprit son arc en main. Cependant, elle n'encocha pas de nouvelle flèche et ne sortit pas l'un de ses poignards. Le jeune chasseur ne cacha pas sa surprise et son incompréhension quand elle rangea l'arc dans son dos.
Kaziam se mit à genoux devant lui et attrapa la flèche d'une main ferme. Colin tressailit mais la voix ferme du jeune homme en face de lui le stoppa net.
- Ne bouge pas. Tu aggraverai inutilement la plaie.
Kaziam ne perdit pas de temps à faire un décompte et ôta d'un coup sec la flèche de la chair. Le jeune homme étouffa un cri douloureux et pressa immédiatement sa main droite sur la blessure.
- Pourquoi vous ne me tuez pas ? Demanda t-il en se remettant sur ses pieds lentement.
- J'aurais pu. Dit Elliopée. Mais tu as hésiter avant de me charger.
- Oui. Dit-il.
- À mon tour de te demander pourquoi.
- Et bien je... j'ai hésiter comme vous l'avez remarquer. Parce que je ne veux pas tuer.
- Un chasseur qui a peur de tuer. Ricana Kaziam en faisant jouer ses doigts sur la garde de son épée.
- Je n'ai pas peur. Rétorqua le jeune homme en retrouvant un peu de sang-froid. J'ai... pas voulu ça d'accord.
- Ça quoi ? Reprit Kaziam.
- D'être chasseur. Répondit Colin en baissant la tête et en se laissant tomber dos contre un tronc de hêtre.
La réponse fut quelque peu surprenante. Le frère et la sœur se regardèrent. Visiblement, aucun des deux ne s'attendait à cette réponse.
- Je croyais que les chasseurs étaient... enfin, qu'ils le devenaient de leur plein gré. Dit Elliopée plus doucement.
La jeune femme déchira un morceau de la chemise de Colin pour s'occuper de l'épaule du jeune homme.
- Pas vraiment. Très peu de gens le savent mais certains chasseurs et chasseuses le deviennent parce qu'ils ont été vendu sur le marché.
C'est là que Kaziam et Elliopée comprirent qu'ils n'en savaient pas beaucoup sur cette cité. Heureusement, le jeune Colin accepta de raconter son histoire.
-Sir-Galahad
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