13
C'est le lendemain matin, juste avant le repas de midi, que Kaziam commença enfin à émerger de sa torpeur. Ce fut Tamer qui le fit remarquer aux autres. La chambre dans laquelle Kaziam avait été mis était au presque au dessus de la cuisine.
Ils étaient à sept autour de la table à manger un bout de pain avec de la soupe aux champignons. Édromède et Caravass avaient stratégiquement placé à droite et à gauche de Zethey pour les tenir tranquille. Ensuite venait Dako et Reyfus. Toujours autant bavarde, Baely s'était assise entre son maître et Tamer pour parler de tout et de rien.
C'est un simple grincement de matelas qu'il avait entendu à l'étage. Tamer attendit un instant et comprit que le nouveau venu s'était bien réveillé.
- Votre nouveau venu est en train de se réveiller. Dit-il tranquillement.
- Parfait. Répondit simplement Reyfus en jouant avec la pointe de son couteau.
- Vous n'allez pas voir ? Demanda Dako.
- Autant qu'il émerge tout seul d'abord. J'enverrai Baely après.
- Pourquoi moi ? Dit-elle en faisant de grands yeux.
- Parce qu'il ne te connaît pas. Reprit le maître. Il n'est pas méchant mais je crois que si c'est un de vous deux. Dit-il en regardant Dako et Zethey. Il réagisse peut-être plus...
- Méchamment ? Dit Dako.
- Instinctivement ? Dit Tamer.
- Oui c'est ça le mot que je cherchais. Merci Tamer. Soupire Reyfus. Et peut-être aussi un peu avec force.
- Mais s'il est méchant avec moi ? S'inquiéta la petite fille.
- Ne t'inquiète pas. Je serais tout près. La rassura Reyfus.
À l'étage supérieur, Kaziam avait la nette impression de sortir d'une soirée trop bien arrosée. Sa tête lui faisait mal, il avait l'impression d'être pris dans un manège avec sa vision floue. Le mieux était certainement les nausées. Il espérait que ça allait se calmer. Son estomac céda rapidement et il alla vomir en un temps record dans un seau servant de poubelle.
C'est à ce moment que Baely arriva en silence. Avec légèreté, elle poussa la porte et regarda Kaziam s'essuyer la bouche avec un mouchoir et boire un peu d'eau. Elle se fit la remarque qu'il était un peu vert en apparence.
Reyfus lui suggéra de toquer doucement à la porte pour ne pas faire peur à quelqu'un qui était dans un endroit nouveau. Baely hocha la tête pour montrer qu'elle avait bien compris et leva la main.
Kaziam se tourna rapidement vers la porte en entendant frapper. Lui qui s'attendait à voir arriver un adulte, soldat ou n'importe qui d'autre, fit de grands yeux surpris en voyant une petite gamine à la peau légèrement foncé. Cette dernière semblait un peu nerveuse mais se força à afficher un petit sourire.
- Bonjour. Dit-elle. Tu viens manger ?
- Pardon ? Lâcha Kaziam quelque peu perdu par cette question.
- Tu n'as pas faim ? Reprit Baely d'un ton surpris comme si c'était anormal pour quelqu'un de ne pas avoir faim.
- Si un peu mais...
- Alors viens. Il reste encore de la soupe.
- Je suis perdu là. Qui es-tu et je suis où exactement ?
- Mon nom est Baely. Et nous sommes chez Reyfus, à notre maison.
- Reyfus. Répéta t-il machinalement.
- Tu veux le voir ?
- J'aurais quelques questions en effet pour lui.
- Alors ne tardons pas à y répondre. Dit Reyfus en entrant juste derrière Baely.
Kaziam profita de ce moment pour le regarder de haut en bas. Il ne portait pas ses bottes en cuir mais ce qui semblait être de vieilles pantoufles usées et confortable. Le pantalon bleu semblait aussi avoir été porter plus d'une fois. Au moins, la chemise bleue semblait plus récente et Kaziam eu un petit rire intérieur en remarquant des tâches de soupes dessus.
- Qu'est-ce qui te fais rire ? Demanda Reyfus en le voyant esquisser un sourire.
- Vous. Dit-il sans se départir de ce sourire. Vous avez l'air beaucoup moins spépieux de votre apparence que dans l'arène.
Reyfus hausse les sourcils en entendant la remarque. Au lieu d'en faire une à son tour, il se dérida aussi.
- Oh tu t'en doute. Quand on est chez soi, on préfère le confort au style et l'élégance. Renchérit le maître.
- Je suis d'accord. Baely avait parlé d'un repas non ?
- Et toi, de questions à me poser. Continua le plus vieux. Tu préfères commencer par quoi ?
- Les questions si ça vous dérange pas. J'ai besoin d'éclairer quelques petites choses.
- Ça se comprend. Suis moi.
Tout en regardant autour de lui ce nouvel environnement, Kaziam emboîta le pas à Reyfus. Il ne le trouvais pas mauvais. Même s'ils ne se connaissaient pas, Kaziam avait vu ses deux grandes facettes. Un côté sérieux voir sévère quand il était un maître d'armes, de combattant. Le deuxième plus détendu et tranquille une fois dans sa maison.
Il n'y avait qu'une dizaine de mètres à faire pour arriver au bureau du maître des lieux. Kaziam trouva directement la pièce très agréable. En face de lui se trouvait une bibliothèque remplie de livres mais également de divers objets comme des statuettes et des fardes. A sa gauche se trouvait une carte, large et détaillée, de toute la ville de Druim avec différents symboles sur les maisons. A sa droite était placée une large fenêtre pour faire entrer le plus de lumière possible. Au centre, le bureau en chêne recouvert de quelques tas de papiers, d'une plume et d'un encrier, le nécessaire pour appliquer un sceau de cire sur des enveloppes avec le symbole de Reyfus. Et un original porte-crayon fabriqué par des morceaux de bois et de ficelle réalisés par Caravass et Édromède.
- Assied toi si tu veux. Dit-il en faisant le tour.
Kaziam s'assit sur la chaise après l'avoir poussé contre la fenêtre. Il s'assit confortablement sans quitter des yeux le plus vieux.
- J'ai trop de questions en tête là. Lâcha Kaziam.
- Je peux te demander d'abord un peu ton histoire ? Demanda Reyfus. Je suis curieux de savoir.
Notant la politesse faisait donc preuve Reyfus, Kaziam raconta rapidement comment il avait été adopté par Gregory et élever à Druim. Il s'arrête un instant et n'évoqua pas le nom d'Elliopée, croyant que cela allait nuire à sa sœur.
Pendant qu'il parlait, le maître se montra attentif et passa une main sur son menton, frottant machinalement sa barbe qu'il avait oublié de raser ce matin.
- Cela me surprend quand même fort que tu t'en sois sorti avec les chasseurs quand t'avais sept ans.
- Je crois que j'ai eu beaucoup de chances. Répondit le jeune homme simplement.
- Certainement.
Pendant que le vieux maître chercha dans une veille caisse de papier après l'un d'en d'en particulier, Kaziam remarqua derrière une plante particulière qui semblait avoir des petites mâchoires. Curieux et n'ayant jamais de tel plantes auparavant, il approcha son doigt d'une petite mâchoire et eut un petit sursaut de surprise quand cette dernière se referma dessus. Reyfus releva des yeux rieurs devant sa mine perplexe.
- C'est une plante carnivore Kaziam.
- Excellent. Dit-il avec un sourire.J'en avais jamais avant. Elle bouffe de tout ?
- Les mouches, moustiques et araignées de mon bureau. Très pratique. Répondit Reyfus en retrouvant enfin son papier. Tu ne m'as pas parlé de ta sœur, Elliopée.
Il nota aisément l'expression presque choquée sur le visage de Kaziam. Ce dernier se ressaisit rapidement.
- Elliopée n'est pas ma sœur. Répondit-il simplement.
Il n'était pas dupe. Si Reyfus savait le nom de sa soeur de cœur, il était probable qu'il sache plus de choses encore.
- Pourquoi tu n'en n'a pas parlé alors ? Demanda t-il. Si elle n'est...
- On est pas du même sang elle et moi mais je la considère comme telle ! Lâcha Kaziam avec force en lui coupant la parole. Je ne veux pas qu'il lui arrive de mal.
- Je comprends.
- Ha vraiment ? Rétorqua le plus jeune avec un sourire moqueur qui en disait long sur la confiance encore mince entre eux.
- Je sais que tu te doutes de moi mais je te promet que je suis quelqu'un de confiance Kaziam. Tu peux tout me dire.
- J'crois pas non. Souffla Kaziam. Vous êtes un maître de Druim et vous exploitez les combattants aussi en les traitant certainement comme des bêtes de somme, comme les autres.
- Je suis un maître c'est vrai mais le reste est faux. Je ne suis pas comme les autres. Dit-il en gardant étonnamment son calme. Je vais te raconter pourquoi exactement si tu ne m'interrompt pas.
- Je suis tout ouï. Siffla Kaziam.
- Bien. Pour commencer, j'ai toujours grandit ici dans les rues. Waeric, c'était le nom de mon premier maître. J'ai été son combattant jusqu'à mes quatorze ans. Il était gentil, peut-être trop en fait pour être un maître. On combattait peu. Il faisait toujours très attention à notre santé et nous traitait avec respect. Commença Reyfus avec un sourire en coin. Malheureusement, il se faisait vieux et il était malade. A cause de son manque d'argent, il a du nous vendre tous et il est mort peu de temps après.
- Désolé. Lâcha Kaziam.
Il savait qu'il ne devait pas l'interrompre mais c'était sortit tout seul. Et en plus, Reyfus avait, dans la voix, de la tristesse et des regrets. Ce dernier ne s'offusqua pas de cette petite interruption. Il hocha simplement la tête avec un petit sourire pour le remercier.
- J'ai ensuite été vendu à un homme qui s'obstinait à dresser les combattants avec un fouet. Colprig aimait ça et prenait la moindre petite chose, un seul écart de conduite pour donner des coups de fouets et de bâton. J'ai rencontré Cabran qui était à son service depuis longtemps. C'était pas simple mais on a fini par s'entendre et s'entraider. J'ai finit par gagner ma liberté en gagnant un combat à mort avec Cabran.
- Moi qui pensais que les maîtres étaient des riches surtout. Dit Kaziam.
- Pas tous. Reprit le maître. Certains le sont et le deviennent soit par choix, soit par dépit. D'autres gagnent leur liberté et le deviennent.
Kaziam ne répondit rien. Il se contenta de hocher la tête, pour montrer qu'il avait compris. Reyfus passa donc à un autre sujet.
- J'ai pour principe de ne jamais acheter à l'aveugle. J'achète rarement de plus.
- Alors pourquoi l'avoir fait tout d'un coup ? Lâcha le plus jeune des deux avec un air perplexe.
- Un pari. Répondit Reyfus avec un sourire et en claquant ses mains. Rien de plus débile.
- Comment ça un pari ? Répéta le frère d'Elliopée.
- Je venais d'être nommer maître. J'avais trente-deux ans et je ne savais pas encore faire de combat étant donné que Zethey n'avait que cinq ans. Yailfer et Cabran m'ont proposé un pari simple qu'était une course de chevaux.
- Tu... Vous étiez mauvais pour ça ? Demanda t-il.
Il se rendit compte à l'instant d'après qu'il venait de manquer de le tutoyer. C'était sortit tout seul et Kaziam s'était rattrapé à temps. Reyfus releva la tête en l'entendant.
- Ça... vous gêne le tutoiement ?
- Non mais autant garder le vous pour l'instant. Je suis, sur le papier, ton maître et propriétaire. Tu me donnera du tutoiement quand je le dirais.
Kaziam eut un petit souffle de nervosité.
- Pour en revenir à la course, j'étais vraiment nul en effet. J'ai pensé que mes talents à cheval étaient quand même potable mais pas du tout. Expliqua le maître. J'ai perdu lamentablement.
- C'était quoi l'enjeu exactement ?
- Si je gagnais, ils me versaient chacun leur bénéfice de leur trois prochains combats. Si je perdais et ça a été le cas, je devais acheter à l'aveugle deux enfants, un garçon et une fille, et quand ils auront eu leur majorité, organisé des combats avec eux.
- Moi et Elliopée. Souffla Kaziam.
- Exact. Répondit Reyfus.
-Sir-Galahad
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