Chapitre 24

 Sur le chemin qui menait au panthéon, Scyllia marchait sans se presser en direction de l'immense édifice fait de miroirs. La prétendante se sentait étonnamment sereine. Elle repensait à tout le chemin qu'elle avait parcouru pour en arriver là. Tant d'épreuves, tant de rencontres ! Tout cela touchait enfin à sa fin. Elle n'avait peut-être pas vaincu Ouros d'elle-même, mais le résultat était là. Elle était libérée de toutes contraintes et n'aurait plus à risquer sa vie pour un dieu qu'elle n'avait jamais aimé.

Cet endroit, ça me rappelle des souvenirs, souffla Shed.

— Tu es là ! s'exclama Scyllia. J'ai eu si peur !

À une minute près, tu aurais été définitivement débarrassée de moi, rit le démon.

— Ne dis pas ça. Même si j'ai parfois envie de t'étrangler, je ne veux pas te perdre.

Alex aurait-il du soucis à se faire ? Tu sais, je ne t'en voudrai pas si tu me dis que tu es tombée amoureuse de moi. Après tout, je suis si charismatique.

— Ça par exemple, c'est un des moments où j'ai envie de t'étrangler. Et non Alex n'a aucun souci à se faire. Tu es bien trop... Vieux.

De toute façon, tu es bien trop jeune pour moi. Tu pourrais être mon arrière, arrière, arrière, arrière, arrière, arrière, arrière...

— C'est bon j'ai compris, souffla Scyllia avec un sourire amusé.

arrière, arrière, arrière, arrière, arrière...

— Pas la peine de continuer, s'impatienta-t-elle

Arrière, arrière, arrière, arrière, arrière, arrière...

— Arrière ! Heu... je veux dire Arrête !

Arrière, arrière petite fille.

— C'est bon, tu as fini ? souffla la prétendante.

Je pense avoir oublié quelques arrières. Tu veux que je les rajoute ?

— Non ! Ça ira, merci.

Suite à cette rapide discussion entre l'hôte et son démon, Scyllia se mit à rire franchement. Shed était loin d'être la petite voix parfaite dans sa tête, mais elle l'appréciait et était heureuse qu'il n'ait pas été victime de la vengeance d'Ouros.

La prétendante repensa aussi à ce que lui avait dit Illiandra. Si le dieu de la mort était fou, ça n'était que d'amour. Un instant, elle se demanda ce qui serait arrivé si elle avait été dans la même situation. N'aurait-elle pas, ne serait-ce qu'envisagé, d'aller aussi loin pour retrouver la personne qu'elle aimait ? Être prêt à tout pour son âme sœur était quelque chose qui se disait souvent, mais combien de personnes au monde étaient prêtes à aller aussi loin pour respecter cette promesse ?

Quand ils perdent l'être aimé, certains font leur deuil, mais d'autres n'y arrivent pas. Ils essaient alors de le retrouver par tous les moyens ou bien cherchent à combler le vide en partant en guerre, métaphoriquement ou littéralement selon les cas.

— Avec ce qui s'est passé, nous n'avons même pas parlé de toi et de ton passé, se rappela soudainement la prétendante. Aucun des souvenirs que j'ai vu ne m'appartenait, donc je ne peux pas imaginer ce que cela faisait d'assister à tous ces éventements pour toi.

C'était étrange, avoua-t-il. À chaque instant, je me demandais comment j'avais fait pour oublier ça. Pourquoi je ne m'étais jamais rappelé de Lief. Malgré son destin tragique, je savourais chaque instant où je me revoyais avec elle. Et... Si j'ai choisi de te posséder, je pense que c'est parce qu'inconsciemment, j'aurais aimé que l'enfant que nous aurions dû avoir te ressemble.

— Je suis désolée.

Ce qui est fait est fait et tu n'y es pour rien. Toi cependant, j'ai tant de choses à me faire pardonner, que ce soit pour ces dernières années ou pour ce que j'ai fait à Illiandra.

— Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi ! Je ne suis pas elle !

Mais une partie de ton âme est aussi la sienne. Et je pense que si elle t'a dit que tu pourrais apprendre beaucoup de choses en te concentrant dessus, c'est sans doute parce que tu peux accéder à ses souvenirs. Je sais que tu n'es pas elle. Ce que je veux dire, c'est que si je ne peux pas me faire pardonner par la personne que j'ai blessé, je peux au moins essayer de le faire avec la personne qui est la plus proche d'elle. Toi.

— Tant que tu ne considères pas que je suis elle, ça me va, concéda la prétendante.

Pendant cette discussion, Scyllia avait eu le temps de rejoindre le panthéon. Devant l'édifice à l'architecture semblable à la cathédrale de Trémiss, la prétendante repensa à tout ce qui s'était passé ici du temps où Shed était un archange. Elle revit la bataille gigantesque entre les deux camps d'anges, le massacre des dieux et le silence qui avait succédé la défaite des deux camps.

Ce drame avait été oublié de tous et, avec la disparition d'Ouros, seuls Scyllia, Shed et Lucius savaient ce qui s'était passé. Une fois de retour dans son monde, elle était certaine que tout ce à quoi elle avait assisté intéresserait le père Grégoire. Après tout, il était le premier à lui avoir parlé des dieux originaux.

Mais pour l'heure, elle avait un panthéon à rencontrer et des faveurs à demander. Finalement, la pierre de vœux n'avait été qu'un piège d'Ouros pour qu'elle la garde toujours sur elle, mais sa véritable fonction demeurait malgré tout et elle avait déjà sa petite idée sur ce qu'elle allait demander.

Contrairement aux souvenirs du siège du panthéon, ici, les portes étaient grandes ouvertes. La prétendante entra donc dans l'édifice et monta les escaliers jusqu'à se retrouver dans la grande pièce circulaire où se réunissaient les dieux.

Ceux-ci étaient d'ailleurs tous présents et regardaient vers l'entrée. Son arrivée était attendue. Comme d'habitude, seul le siège le plus à gauche parmi les dieux majeurs était resté vide, mais cette fois-ci, elle savait pourquoi.

— Bienvenue, prétendante à l'incarnation de la vie, annonça le chef du panthéon avec un large sourire. Nous sommes heureux de t'accueillir en ces lieux, une fois encore.

Par respect, Scyllia offrit une profonde et sincère révérence à ceux qui avaient dû assumer le rôle de tous les dieux originaux qui avaient disparu. Sans rien dire, elle balaya du regard toute l'assemblée en se rappelant de chaque nom et de tout ce qu'elle avait pu voir d'eux.

Pour certains, comme le dieu du commerce, elle se souvenait de son accrochage avec Enzo lors de sa première visite. D'autres ne la concernait pas réellement, tel que le dieu de la guerre qui avait longuement parlé à son fils pendant les épreuves du Colisée ou bien celle de la magie qui s'était entendue à merveille avec Zoé, ou encore le chef du panthéon en lui-même, surpris par Brumi qui n'avait pas hésité à monter sur ses genoux pour y faire une sieste.

Enfin, il y avait les deux déesses avec lesquelles elle se sentait la plus proche. Sina, la déesse de la vie qui était souvent intervenue en sa faveur, jouant avec les limites de ce que pouvait se permettre de faire un dieu et Lyn, la déesse du destin qui lui avait notamment avoué qu'elle avait fait en sorte d'arranger sa rencontre avec Elisabeth.

Bien sûr, elle n'oubliait pas non plus que certains avaient voulu sa mort lorsque Shed était encore capable de sortir, mais elle ne leur en voulait pas et savait qu'ils pensaient agir pour le bien du plus grand nombre. À cette époque, qu'importe l'endroit où il aurait été libéré, cela aurait été catastrophique. Sur le plan démoniaque, il aurait trouvé un moyen de s'en échapper. Sur le plan mortel, il aurait fait un carnage jusqu'à trouver ce qu'il cherchait et aurait détruit ce monde sans jamais réussir à mettre la main sur l'orbe de souvenir qu'il convoitait tant. Enfin, s'il s'était libéré sur le plan des dieux, il les auraient tous tués et le monde mortel aurait fini par sombrer.

— Peu de temps avant ta venue, nous avons reçu une visite pour le moins inattendue, affirma Sina. Illiandra nous a expliqué les grandes lignes de ce qu'Ouros comptait faire. Elle a aussi affirmé que tu avais vaillamment combattu et que ta détermination l'avait sincèrement touchée. Sans ta combativité, elle n'aurait pas trouvé le courage d'intervenir. De ce fait, je pense pouvoir parler au nom de tous pour affirmer que nous te devons la vie.

— Je n'en reviens pas qu'Ouros nous aient ainsi trahis ! s'emporta le dieu de la justice. Nous allons de ce pas faire en sorte que toutes ses représentations soient détruites et que son nom soit enlevé de tous les ouvrages.

— Non ! intervint Scyllia. Je vous en conjure, ne faites pas ça !

— Tu le défends malgré tout ce qu'il t'a fait endurer ?

— J'ai assisté à ce qui l'a fait devenir comme ça. Malgré la perte de tous ceux qu'il aimait, c'est à lui que nous devons la reformation du panthéon. Il aurait très bien pu nommer un prétendant pour le remplacer lui aussi, mais il ne l'a pas fait et a continué à assumer son rôle de dieu de la mort. Certes, il s'était détourné d'une de ses tâches qui consistait à pardonner aux âmes qui avaient purgé leur peine, mais il ne mérite pas un tel châtiment.

Si Ouros n'était fou, ça n'était que d'amour pour Illiandra, ajouta-t-elle intérieurement. Le défendre ainsi était le moins qu'elle pouvait faire pour l'ancienne déesse avec qui elle partageait une partie de son âme.

— Alors tu voudrais que l'on oublie tout ceci ?

— Ouros n'est plus. En la mémoire d'Illiandra, je souhaiterais que l'on se souvienne de lui comme il était et non comme il aurait été si ce qu'il envisageait de faire s'était concrétisé. Agir comme vous le souhaitez ne ferait que nourrir l'incompréhension des hommes.

— Très bien, si c'est ce que tu souhaites, alors nous ne révélerons rien de ce qu'il a tenté de faire, céda le chef du panthéon. Mais si tu es ici, ça n'est pas uniquement pour défendre Ouros, n'est-ce pas ?

— C'est vrai. Tout d'abord, je voudrais savoir si mes parents sont là ?

— Tes parents ? Ils sont là bien plus souvent que la plupart d'entre nous ! c'est à se demander s'il ne faudrait pas leur donner des places au panthéon, rit le dieu du commerce.

Depuis l'escalier à droite de la pièce qui montait dans les étages de l'édifice, deux personnes se présentèrent et vinrent à la rencontre de Scyllia. Liam et Ana étaient rayonnants. Un large sourire illuminait leur visage. Un instant, la prétendante se dit que la situation ne lui permettait pas de courir vers eux pour les embrasser, mais finalement, cette envie se fit bien trop forte et elle alla se jeter dans leurs bras.

Les revoir et être auprès d'eux était déjà une récompense inestimable et elle savourait chaque seconde de cette étreinte. Chaque élément la comblait de bonheur et lui rappelait les doux souvenirs de son enfance. Les baisers sur le front de son père, cette façon qu'avait sa mère de se balancer légèrement pour la bercer quand elle était dans ses bras, leur parfum qui lui donnait ce sentiment de sécurité. Ils étaient enfin réunis, même si, encore une fois, c'était pour un court moment.

Par-dessus l'épaule de son père, Scyllia distingua aussi une troisième personne qui était restée sur les dernières marches de l'escalier. Son frère, Arthur, les regardait en souriant. En voyant qu'elle l'avait remarqué, il lui fit un signe discret de la main pour la saluer. Elle pouvait voir, malgré son sourire, qu'il n'était pas sûr de ce qu'elle pensait de lui. Malgré tout, la prétendante lui rendit son sourire et le salua de la même manière, avec un léger signe de la main.

— Maman ? Est-ce que tu m'autorises à utiliser le pendentif cette fois-ci ?

— Bien sûr, je ne m'y opposerai pas, affirma-t-elle. Mais rappelle-toi qu'il est déjà trop tard pour nous ressusciter.

— Je pense que quelqu'un ici à bien plus besoin de vous que moi, la rassura-t-elle en faisant allusion à son frère.

Se défaisant de leur étreinte, Scyllia se rendit au centre du demi-cercle que formaient les trônes des dieux. Elle ouvrit alors la main et présenta la pierre bleu nuit constellée de points blancs lumineux.

— Si je me présente aujourd'hui devant vous, c'est pour obtenir la faveur que vous avez promis à ma mère et qu'elle m'a légué grâce à cette pierre.

— Nous t'écoutons. Que souhaites-tu ? questionna le chef du panthéon.

— En vérité, j'ai plusieurs demandes. Quatre pour être précise.

— Quatre ! s'exclama le dieu du commerce. Et puis quoi encore ?

— Attendons de voir ce qu'elle demande avant de refuser quoi que ce soit, le tempéra Sina.

— Tu dis ça parce qu'elle est ta protégée ? Nous avons promis une faveur, pas quatre ! s'entêta-t-il.

— Sina a raison, attendons de voir ce qu'elle veut avant de nous emporter, trancha le chef du panthéon.

— Premièrement, commença à énoncer Scyllia. Je souhaiterais ne prétendre à l'incarnation de la vie qu'au moment où je l'aurais clairement désiré.

— Je n'ai jamais voulu te priver de ta vie mortelle, assura Sina avec le sourire. Vis la sans te soucier de ça et, lorsque tu seras prête, je te céderai ma place avec joie et je t'épaulerai. Après tout, en un sens, je suis moi-même la prétendante de ta prétendante.

Si Scyllia continuait à affirmer qu'elle n'avait rien à voir avec Illiandra, elle ne releva pas l'erreur cette fois-ci, trop heureuse de n'avoir à assumer son futur rôle qu'au moment où elle s'en sentirait prête.

— Nous pouvons considérer que ce que tu viens de demander ne consomme pas ta faveur, tu peux donc continuer, affirma le chef du panthéon.

— Deuxièmement. Je veux choisir la personne qui remplacera Ouros !

— Quoi ? C'est inadmissible ! Une mortelle ne peut pas nommer un dieu ! s'emporta l'un de ceux qui n'avait pas de siège, mais était assis dans les tribunes derrière.

— C'est en effet inattendu, réfléchit le dieu assis au centre. Lyn, qu'en penses-tu ?

— L'avenir de Scyllia m'a toujours paru bien plus flou que celui de tout autre mortel, je ne sais donc pas ce qu'elle va dire, mais je suis certaine que son choix sera pertinent. Et, nous devons nous rendre à l'évidence. Ouros n'a jamais nommé de prétendant et son trône ne peut rester vacant.

— Très bien, nomme cette personne et nous réfléchirons à cette proposition.

— Celui à qui je pense s'appelle Shed ! clama-t-elle.

Comme elle s'y attendait, des cris de protestation s'élevèrent autant dans la tribune des dieux mineur que chez certains dieux majeurs.

Attends, attends... moi ? s'étonna le principal concerné à qui Scyllia avait caché cette pensée jusque-là.

— Nous ne pouvons pas nommer un démon en tant que dieu ! s'horrifia la déesse de la nature.

— Il n'est pas un démon ! Shed est un archange qui a servi les dieux originaux ! Il s'est rebellé contre eux lorsqu'ils sont devenus fous. Lorsque cela s'est passé, il a fait des erreurs et a mal jugé certains d'entre eux, mais entre ce moment et celui où il a perdu la mémoire, il n'a cessé de chercher à se racheter en empêchant les démons d'envahir ce plan. Si les dieux n'ont pas eu de problème, mise à part lors de la grande invasion orchestrée par Ouros, c'est parce qu'il était là. Lorsqu'il a perdu la mémoire, ces milliers d'années à arpenter le plan démoniaque l'avaient physiquement changé, voilà pourquoi il s'est pris pour un démon lorsqu'il s'est réveillé amnésique, mais il n'en est pas un !

Si cette explication n'avait visiblement pas convaincu tout le monde, elle avait au moins eut le mérite de faire taire les protestations. À présent, tout le monde réfléchissait à cette proposition et se demandait si ce choix était véritablement le bon.

— Qu'est-ce qui te fais dire que ce choix est pertinent ? questionna le père de Ronan.

Tiens, je suis aussi curieux de connaître cette réponse, rit la voix dans sa tête.

— Shed n'est pas dénué de défaut, commença-t-elle.

Eh ! C'est même pas vrai ! Je suis l'incarnation faite de la perfection !

— Mais je sais qu'il a les épaules pour assumer ce rôle. De plus, la position de dieu de la mort ne peut être confiée à un simple prétendant. Il verrait le fait d'habiter sur le plan démoniaque comme une punition tandis que Shed y est habitué. De plus, il est nécessaire que ce dieu de la mort puisse tenir en respect tout démon qui tenterai d'attaquer son palais et je ne connais personne, ni parmi les mortels, ni parmi les dieux, qui ne soit aussi puissant que lui. Sa puissance dépasse celle d'Ouros et la seule chose qui l'a empêché de le vaincre était le sceau bien trop refermé pour qu'il puisse l'affronter avec son plein potentiel.

Dieu de la mort ? Mais c'est d'un ennui ! Je ne peux pas plutôt prendre la place de la déesse de l'amour ? Je suis doué pour former des couples !

Comme la fois où il avait proposé de rapprocher Margaux et Strophi ? Se souvint la prétendante. Non, catégoriquement, lui donner cette place n'était pas une bonne idée. De toute façon, elle n'était pas vacante.

— Ce que tu exposes est censé, admit la déesse de la magie. Je suis prête à me ranger de ton côté, mais il reste tout de même un dernier point. Shed est enfermé en toi et tu es déjà prétendante à la vie. Il est possible de prétendre à plusieurs sièges, mais au final, tu ne pourras en occuper qu'un et comme l'a dit Lyn, nous ne pouvons nous permettre de garder le trône du dieu de la mort vacant. De ce fait, si nous acceptons, tu devras renoncer à ton titre de prétendante à l'incarnation de la vie et prendre immédiatement celui de déesse de la mort.

— Pas si vous m'accordez le troisième point. Je veux que vous retiriez le sceau pour que Shed puisse sortir. Et avant que vous ne protestiez, je tiens à rappeler qu'il n'est pas un démon.

Une nouvelle fois, le silence s'installa dans l'assemblée des dieux. Elle comprenait parfaitement leur appréhension. Après tout, à leur première rencontre, il avait failli tous les tuer. Le libérer était donc un choix difficile à prendre.

— Ana ? Qu'en penses-tu ? questionna le chef du panthéon.

— Je pense que nous n'aurons pas à choisir nous-même et à nous inquiéter des conséquences, répondit-elle avec un large sourire. Shed, tu as sans doute cherché à trouver une faille dans le sceau n'est-ce pas ?

Et pas qu'un peu ! Il est inviolable de l'intérieur !

— Il dis que oui, transmit la prétendante.

— Donc, tu as sans doute remarqué qu'il ne contenait que les démons. À l'époque, tu étais si convaincu d'en être un que le sceau réagissait de la même manière. Mais à présent que tu connais la vérité sur ce que tu es, il te sera facile d'en sortir par toi-même. Ainsi, s'il sort, c'est qu'il n'en est pas un et s'il reste enfermé, c'est qu'il est toujours un démon et qu'il ne pourras donc pas prendre la place de dieu de la mort.

Quoi ? Non, ça ne peut pas être aussi simple !

— Ça ne coûte rien d'essayer, lui répondit la prétendante en haussant les épaules.

— Très bien. Si Shed arrive à sortir, il prendra la place d'Ouros. Sinon, il restera un démon à nos yeux et ne pourra prétendre au titre de dieu de la mort, décida le chef du panthéon.

Alors que le silence s'installait dans la salle du panthéon, Scyllia attendit patiemment que Shed essai de briser le sceau. Elle n'entendait pas sa voix dans sa tête et il devait être concentré pour voir s'il pouvait sortir. Malgré tout, la question de savoir s'il y arrivait lui brûlait autant les lèvres que les pensées.

Soudain, Scyllia sentit une douce chaleur dans son dos. Elle se trouvait aux endroits précis où le sceau de Shed avait laissé des marques. La prétendante s'attendait à ce que cette chaleur douce pour le moment se transforme en une douleur intense, comme lorsque sa mère l'avait créé. De ce fait, elle serra les dents et attendit.

Malgré tout, la douleur ne venait toujours pas et de minces filaments lumineux se mirent à sortir de son dos. Ceux-ci s'agglutinèrent à côté d'elle et commencèrent à former une silhouette humaine pourvue de grandes ailes.

Lorsque la forme fut complète, la lumière s'atténua et fit découvrir les traits qu'avait Shed lorsqu'il était un archange. Lentement, il ouvrit les yeux et sourit légèrement à la première personne qu'il vit.

— Bonjour Scyllia, Nous nous rencontrons enfin, dit-il avec une voix douce qui tranchait avec celle caverneuse qu'elle avait l'habitude d'entendre.

Sans répondre, la prétendante se jeta dans ses bras et l'étreignit de toutes ses forces. L'archange, d'abord surpris, resta immobile puis, petit à petit, passa ses bras autour d'elle et lui rendit son étreinte.

— Merci pour tout, chuchota-t-il à son oreille.

— Shed, appela le chef du panthéon, mettant fin à leur étreinte. Acceptez-vous de prendre le rôle de dieu de la mort.

— Je suis en grande partie responsable de tous ces désagréments. Je m'en excuse et je compte réparer mes erreurs en assumant mes responsabilités. J'accepte donc de devenir le nouveau dieu de la mort et je promets de m'y consacrer avec sérieux et acharnement tout en comblant les lacunes laissées par mon prédécesseur, à commencer par accorder l'élévation à tous ceux qui vivent à la cité des damnés depuis bien trop longtemps comparé aux crimes qu'ils ont commis de leur vivant.

— Dans ce cas, nous vous laissons prendre la place qui vous revient et nous espérons que vous occuperez ce siège un peu plus souvent qu'Ouros.

— Merci, dit l'archange en s'inclinant. Une dernière chose cependant.

Lentement, Shed s'approcha du dieu de la guerre jusqu'à se trouver à un mètre de lui.

— Ryfel, il me semble... J'ai une question à vous poser. Que sont vos anges pour vous ?

— Eh bien, c'est une question assez compliquée, avoua-t-il. Ils sont mes serviteurs et agissent en mon nom...

— Pas comme ça. Ce que je veux demande, c'est comment vous les traitez. Que faites-vous s'ils ne sont pas à la hauteur de vos attentes ?

— Personne n'est parfait, pas même les dieux, répondit-il. Alors leur demander une perfection que nous ne pouvons nous même atteindre est absurde. Si l'un de mes anges a tout fait pour réussir une mission, mais échoue, je me questionne avec lui sur ce qui est la cause de cet échec, quitte à me remettre moi-même en question.

— Iriez-vous jusqu'à tuer l'un de vos serviteur ? S'il vous a désobéi par exemple ?

— Quoi ? Non ! Jamais ! Si la faute est grave, elle mérite une punition, mais un châtiment corporel ou psychologique est absurde et ne mène à rien, alors la mort ! Comme tout le monde ici, je respecte mes serviteurs et je préfère les diriger en les sachant épanouis et heureux plutôt que de régner par la crainte.

Dans sa main droite, Shed invoqua une lame familière à Scyllia. Il s'agissait de la relique divine qu'elle avait utilisée dans son combat contre Ouros.

— Cette lame appartenait au dieu de la guerre originel, expliqua-t-il. Moi et ma femme étions sous ses ordres et, parce qu'elle n'avait pas réussi à faire l'impossible, il l'a tué avec. Voilà le point de départ de la guerre qui a décimé autant mon espèce que les dieux originaux. Aujourd'hui, cette épée devrait naturellement vous revenir, mais je ne pourrais vous la céder que lorsque vous m'aurez promis qu'elle ne goûtera jamais plus du sang de vos serviteurs.

— Je ne m'en servirais jamais comme instrument de punition. Je ferai en sorte de purifier le passé sinistre de cette arme en m'en servant pour défendre les autres et non pour les blesser.

— Bonne réponse, sourit Shed.

Avec révérence, le dieu de la mort tendit la lame au dieu de la guerre qui s'en saisit avec autant de respect. Cette chose faite, Shed s'éloigna et alla s'asseoir sur le trône qui était resté vide depuis bien trop longtemps.

— Un nouveau dieu de la mort a été nommé, annonça le chef du panthéon. Cependant, je suis désolé pour toi Scyllia, mais c'est une grande faveur qui t'a été accordée. De ce fait, nous ne pouvons t'en accorder de nouvelles. Je te demanderais donc de me remettre la pierre.

— Je comprend, souffla la prétendante, déçue.

Elle avait réussi à faire passer trois de ses quatre demandes, ce qui était déjà bien, se consola-t-elle en remettant la pierre au dieu. Cette chose faite, elle retourna au centre de la pièce, prête à quitter le panthéon et dire au revoir à ses parents.

— Cette pierre m'intrigue, puis-je la voir ? Questionna Shed.

— Vous avez pourtant été en contact avec elle pendant plusieurs années, répondit la déesse de la magie, étonnée.

— Oui, mais voir de mes propres yeux ou avec ceux de quelqu'un d'autre est assez différent, se justifia-t-il. J'ai l'impression de tout redécouvrir.

Avec un haussement d'épaule, le chef du panthéon remit la pierre à Shed qui s'était déplacé jusqu'à lui. Le nouveau dieu de la mort la fit un instant rouler entre ses doigts, puis se tourna vers Scyllia.

— Eh ! Attrape ! dit-il en lui lançant avec une pichenette. Voilà, vas-y, demande ta dernière faveur.

— Ça n'est pas comme ça que ça marche ! s'emporta le chef du panthéon.

— Et pourquoi pas ? Ouros en a bien donné une à un dragon alors qu'il n'avait rien fait de spécial. Et considérez que c'est une récompense pour m'avoir supporté dans sa tête pendant des années. Bon nombre d'entre vous seriez devenus fous à sa place. J'étais un démon quelque peu...

— Envahissant ? tenta de deviner Scyllia.

— Exigent ! Non mais !

— Ha. C'était le vingt-troisième adjectif qui me venait en tête si je devais te définir.

— Tu t'es fait avoir, rit la déesse du destin. Écoutons plutôt ce qu'elle a à nous demander.

Tour à tour, la prétendante observa la pierre et le chef du panthéon qui, visiblement, n'avait pas apprécié la fourberie du nouveau dieu. Il finirait par s'habituer, se dit-elle. Cependant, elle ne voulait pas partir en laissant une telle impression et alla rendre la pierre.

— Si vous ne voulez pas, je ne vous demanderai rien, dit-elle en la déposant dans la main du dieu.

— Tu as demandé quelque chose qui t'était déjà acquis en premier, puis ton deuxième et troisième vœux nous ont enlevé une épine du pied, répondit-il après avoir longuement soufflé. Alors dis-moi, Scyllia Eliar, quel est ta dernière demande ?

— Je voudrais que chaque personne invitée à mon mariage puisse y assister. Qu'ils résident sur le plan mortel ou celui-ci.

— Tu veux donner l'occasion à ceux qui te sont proches et qui sont morts de pouvoir retourner sur le plan mortel ?

— Juste pour le temps du mariage, je n'en demande pas plus.

— Pour la plupart d'entre eux, ça ne devrait pas poser de problème... Mais il y a toujours... Lui, souffla le dieu du commerce. Tu comptes l'inviter n'est-ce pas ?

— Vous parlez sans doute d'Enzo, devina la prétendante. Bien sûr, lui et sa famille sont sur la liste.

— Je n'ose même pas imaginer quelle catastrophe il pourrait créer, cela va nous retomber dessus, grimaça-t-il.

— Il faudra donc quelqu'un pour le surveiller, déduisit Sina.

— Ne vous en faites pas, je vais m'assurer qu'il ne fasse aucune vague, assura Ana avec un sourire qui promettait que l'ancien directeur allait se tenir à carreau.

— Non. Vous, vous profiterez de ces réjouissances, refusa la déesse de la vie. Nous acceptons ta demande, à une condition. Je présiderais la cérémonie. Ainsi, je pourrais surveiller le fauteur de trouble et personne d'autre n'aura à se soucier de ce genre de chose. Cela te va ?

— Ce sera un très grand honneur. Bien plus que je ne l'espérais, sourit Scyllia.

— Dans ce cas, si tout est réglé, je pense qu'il est temps pour toi d'y aller. Certaines personnes chez toi sont impatientes de te revoir.

Après une profonde révérence envers les dieux, Scyllia alla étreindre encore une fois ses parents qui l'embrassèrent et lui souhaitèrent tout leur bonheur. Elle aurait aimé rester plus longtemps avec eux. Elle n'avait presque pas entendu le son de la voix de son père, mais au moins, elle était certaine qu'elle les reverrait dans peu de temps et qu'elle aurait cette fois-ci bien plus de temps pour être avec eux.

Se défaisant de leur étreinte, Scyllia se rendit au centre de la salle et, alors qu'elle commençait à être enveloppée d'une douce lumière, son regard se tourna vers le trône le plus à gauche. Shed lui souriait et murmurait quelque chose. De là où elle était, elle n'arrivait pas à entendre ce qu'il disait, mais elle n'avait même pas besoin de lire sur les lèvres pour comprendre. Ses yeux trahissaient ce qu'il voulait dire.

— Merci encore... Pour tout.

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