Chapitre 16

 Assis sur les marches qui se trouvaient devant le parvis du palais des dieux, Shed observait les conséquences de ses actes. Pouvait-il véritablement dire qu'il avait gagné la guerre ? Même s'il n'était pas certain que le sort qui avait anéanti toute vie non divine avait touché le plan dans son intégralité, les pertes devant lui étaient déjà bien trop importantes pour qu'il puisse se réjouir.

Pouvait-il véritablement faire confiance à son ennemi lorsqu'il lui avait annoncé ce qu'il venait de faire ? En d'autres circonstances, l'archange aurait douté, mais après avoir utilisé la sphère, le chef des dieux n'avait même pas cherché à esquiver le coup qu'il lui réservait. Il avait comme accueilli la mort, son sourire faisant largement comprendre que la punition pour s'être soulevé contre eux allait être incommensurable.

En jetant un coup d'œil à sa droite, Shed remarqua une rangée d'armures et d'armes près de lui. Ce devait être ceux des anges qui avaient réussi à faire la percée. Sa mâchoire se serra alors, tremblant sous le coup de l'émotion. Même si Scyllia ne pouvait pas lire dans ses pensées, elle savait très bien ce qu'il avait en tête. Il se remémorait le dernier ordre qu'il leur avait donné. Que personne n'entre.

En disant cela, il avait condamné tous ceux qui auraient pu se réfugier dans le seul endroit qui n'avait pas été touché par le sort mortel. Lui qui voulait libérer sa race de la tyrannie des dieux en était devenu l'un des bourreaux.

Même si elle avait vu passer ces trois ans en accéléré, la prétendante avait l'impression d'avoir vécu chaque instant de cette guerre qu'il avait menée. Elle savait cependant qu'elle ne pouvait qu'effleurer les sentiments et les émotions que le général devait ressentir à cet instant.

— Eh bien, quel carnage, fit soudainement une voix derrière lui.

Tout aussi étonnée que Shed d'entendre quelqu'un, Scyllia se retourna et découvrit un homme adossé au mur du palais, juste à côté de l'entrée. Elle le connaissait, de par sa voix et son visage mais... Comment était-ce possible ? Devant elle se tenait Ouros. Le dieu de la mort actuel était donc le dieu de la mort originel ? Scyllia avait du mal à le croire, surtout que les rares écrits qui faisaient mention de ces dieux ne faisaient que spéculer sur la véracité de leur existence.

Cela expliquait malgré tout beaucoup de choses, notamment pourquoi il était un dieu à part dans le panthéon du présent. À bien y réfléchir, lorsqu'elle était entrée dans ce palais à l'âge de neuf ans, un seul siège parmi les dieux majeurs était vide, celui à l'extrême gauche. Celui-là même qui l'était aussi lorsque Shed s'y était rendu. Ouros était le tout dernier dieu originel encore en vie.

Il l'était toujours dans le présent, mais lorsque les yeux de l'archange se posèrent sur lui, Scyllia eut l'impression que s'en était fini de lui. Le visage déformé par la rage, le général hurla en se relevant et invoqua son épée tout en le chargeant.

Était-ce le poids de la culpabilité qui le ralentissait ? Ou bien avait-il perdu l'envie de se battre ? En tout cas, le coup qu'il porta à Ouros fut facilement bloqué par la relique du dieu de la mort, son gantelet. Ce Shed avait beau être extrêmement fort, Scyllia avait l'impression qu'elle aurait très bien pu parer cette attaque elle aussi.

— Allons Shed, tu as déjà causé assez de dégâts comme ça, n'en rajoute pas avec un geste que tu pourrais regretter, dit posément le dernier dieu.

— Taisez-vous ! hurla-t-il pour toute réponse en tentant une autre attaque, sans plus de succès.

— Je ne dis pas ça pour moi, mais pour toutes les vies qui se trouvent sur le plan mortel. Si tu me tues, moi, le dernier dieu, les plans disparaîtront et toutes les formes de vie s'éteindront.

— Qu'est-ce que j'en ai à faire ! tonna le général.

— Toi, peut-être rien, mais Lief n'aurait jamais voulu que tu tues autant d'innocents sous le coup de la colère.

— Ne prononcez pas son nom ! s'emporta-t-il. Vous n'en avez pas le droit !

S'il y avait bien une chose qu'il ne fallait pas évoquer, c'était sa femme. Même après tout ce temps, la cicatrice qu'avait laissée sa mort ne s'était pas refermée. De rage, Shed pointa sa paume face au dieu de la mort qui dut éviter un rayon incandescent en roulant sur le côté.

— Pourquoi n'aurais-je pas le droit de prononcer son nom ? Parce que je suis un dieu ?

— Exactement ! bouillit-il en serrant les dents, son regard se noircissant de plus en plus alors qu'il le fixait.

— Pourtant, je ne l'ai pas tué et je n'ai jamais cautionné ce qu'avait fait mon frère. Pour moi, sa mort n'était qu'un simple retour des choses. Certains dieux ne considéraient pas les anges comme des outils, mais comme des êtres à part entière qu'ils respectaient !

— Vous mentez !

Étrangement, et pour la première fois de sa vie, Scyllia était du côté d'Ouros. Elle voulait que Shed se calme et en apprendre plus. Si certains dieux qu'elle avait aperçus avaient l'air exécrables, d'autres, au contraire, ressemblaient bien plus à des innocents placés là malgré eux.

— Alors dis-moi. Pourquoi n'ont-ils pas utilisé l'orbe alors que tu assiégeais le palais ?

— Ils l'ont fait !

— Mais pas tout de suite. Qui était encore en vie à l'intérieur lorsqu'elle a été activée ?

— Le chef du panthéon. J'aurai dû le tuer en premier après lui avoir coupé la main !

— Mais pourquoi ne l'ont-ils pas utilisé avant pour se sauver ?

— Je n'en sais rien ! avoua Shed qui commençait à perdre patience.

— Tout simplement parce que cet objet ne peut être utilisé que si tous les dieux présents au palais donnent leur accord, lâcha finalement le dieu de la mort.

Pour la première fois depuis l'arrivée d'Ouros, Shed semblait commencer à s'apaiser. Il baissa sa garde et, les yeux rivés au sol, chercha à démêler cette information pour sortir de l'incompréhension dans laquelle il se trouvait. Avec tous ces événements, le général devait avoir les idées embrouillées, mais Scyllia, elle, avait compris. S'ils ne l'avaient pas utilisé, c'était parce que...

— Jusqu'à la fin, même quand tu tuais leurs semblables, certains dieux refusaient d'en venir à une telle extrémité. Contrairement à ce que tu penses, certains respectaient la vie de leurs sujets. Le dieu de l'innocence n'avait que peu d'anges avec lui, mais il les considérait comme faisant partie de sa famille. La déesse de la magie ne réprimandait pas l'échec de ses serviteurs, elle les encourageait à essayer de nouvelles choses, et même s'ils échouaient, elle félicitait leurs efforts et récompensait le travail, le temps et l'énergie qu'ils avaient investis dans leurs projets.

— Mais qu'est-ce que j'ai fait, souffla l'archange en lâchant son arme qui tomba à terre et provoqua des tintements métalliques lorsqu'elle rencontra la pierre.

— Crois-tu que ta rébellion avait tant de soutien que cela ? Tous les guerriers étaient certes dévoués à ta cause, mais certains anges, présents en soutien, avaient été envoyés en secret sous les ordres de certains dieux qui ne voulaient pas espionner, mais limiter les pertes au maximum.

— Qu...Quoi ?

Cette révélation était dure à croire, même pour Scyllia. Avaient-ils réellement envoyé des soutiens à l'ennemi ? C'était insensé ! Il était bien connu qu'une armée bien soutenue était plus efficace au front. Faire cela leur avait peut-être coûté la victoire ainsi que la vie de nombreux anges qui leur étaient fidèles. Malgré tout, cela expliquait aussi pourquoi certains dieux, notamment la déesse de la vie, avaient fait une grimace pour montrer leur désaccord lorsque le chef du panthéon avait abordé la punition qu'il réservait à tous les anges rebelles.

— Je te promets que ce que je dis est la stricte vérité. Certains de ces anges faisaient parti de mes propres serviteurs. Ils n'agissaient pas sous la contrainte et étaient totalement libre.

— C'est impossible, j'en aurai entendu parler !

— Nous leur avions placé une entrave, avec leur consentement bien sûr, qui leur interdisait de révéler qu'ils étaient là sous nos ordres.

Soudainement, tout le monde de Shed s'écroula et l'archange tomba à genoux. Il s'était imaginé que les dieux étaient tous les mêmes, avait créé un profil d'une perfidie poussée à l'extrême qu'il leur avait ensuite associé pour n'avoir aucun remord à les combattre. Il se rendait compte à présent qu'il avait eu faux. Sur toute la ligne. Et cela lui avait coûté très cher.

— Tue-moi, souffla l'archange.

— Pardon ?

— J'ai tué des personnes innocentes et j'ai condamné tous les anges à mort. De ce fait, sans personne ici pour réguler le monde mortel, ce dernier finira lui aussi par dépérir. Je ne mérite pas de vivre après ce que j'ai fait. Alors, tue-moi.

— Non, répondit sèchement le dieu de la mort. Je ne te tuerai pas et je t'interdis de te donner toi-même la mort. Ton combat était certes honorable, mais tous tes actes ne l'étaient pas.

— Alors pourquoi ?

— Parce que j'ai justement besoin de toi pour éviter que le monde des mortels ne sombre.

— Je ne pourrais pas gérer autant de choses seul, prévint-il.

— Je ne te demande pas de devenir un dieu, mais de protéger les suivants.

Face à cette réponse, Shed releva la tête, le regard empli d'incompréhensions. Scyllia savait de quoi il voulait parler, mais pour un ange qui n'avait connu que des dieu originels, la solution était loin d'être toute trouvée.

— Il y a, parmi les mortels, certains êtres qui pourraient devenir des dieux. Ils ne seraient pas aussi puissants que mes frères et sœurs, mais pourraient maintenir le monde des mortels en place.

— Et qu'est-ce que tu veux que je fasse ?

— Je veux que tu les protèges. Voilà ce que je te propose. Je reforme le panthéon avec ces mortels tout en instaurant des règles qui permettront d'éviter que ce qui vient de se passer ne se reproduise. Ainsi, s'ils créent à leur tour des êtres pour les servir, tu seras certain qu'ils seront bien traités.

— Et mon rôle dans tout ça sera de faire en sorte qu'ils respectent ces règles ? cru-t-il deviner.

— Non. Je te préviens, ce que j'ai à te proposer pour ta rédemption est sans doute pire que la mort. Malgré tout, je serai là pour t'épauler si besoin.

— Je me fiche de ça ! J'ai fait bien trop de victimes, qu'importe ce que tu me demandes de faire, si cela peut sauver le monde des mortels, alors je le ferai !

— La sphère d'annihilation d'être vivant n'a pas eu uniquement comme effet de réduire à néant ton espèce. Elle a aussi fragilisé le voile entre les plans. Sur celui-ci, des démons peuvent à présent surgir de n'importe où, mais sur leur propre plan, ces failles ne vont apparaître que dans une zone limitée. Je veux que tu te rende là-bas et que tu tues tous les démons qui approcheront de cet endroit. Ainsi, les dieux seront en sécurité et le monde des mortels pourra prospérer. Qu'en dis-tu ?

D'abord étonné, l'archange resta silencieux devant le dieu de la mort, puis, sans que Scyllia ne comprenne pourquoi, Shed partit dans un fou rire dément et incontrôlable. Cela semblait aussi perturber Ouros qui le regardait en arquant un sourcil devant cette réaction.

— Ma punition pour avoir participé à la mort de tous ces gens va être de tuer quiconque s'approchera de moi ?

— Pour le moment, le plan démoniaque n'est habité que par les démons. Tu pourras épargner ceux que tu rencontres si tu le souhaites, mais ils ne devront jamais avoir l'occasion de passer par une brèche et arriver ici. Le choix t'appartient.

Sa phase de démence passée, Shed reprit une expression sérieuse. Ses yeux semblaient cependant perdus dans le vide. Il était présent physiquement, mais ses pensées, elles, étaient ailleurs.

— Pardonne-moi Lief, il semblerait que je ne puisse pas te rejoindre, souffla-t-il avant de se relever.

Ces dernières paroles avaient été presque murmurées, si bien que Scyllia avait eu beaucoup de mal à les entendre. Ouros, qui se trouvait un peu plus loin qu'elle, n'avait pas dû les entendre. L'archange faisait à présent face au dernier dieu encore en vie et, d'un signe de la tête, indiqua qu'il acceptait cette mission comme rédemption.

Ouros tendit alors sa main sur le côté et fit apparaître un portail qui menait, d'après la couleur des terres que l'on pouvait voir au travers, au plan démoniaque. Sans hésiter, et sans accorder un regard au dieu, Shed passa à travers.

Scyllia, elle, n'eut pas d'autres choix que de le suivre. Le portail l'avait tout simplement aspirée lorsque Shed avait traversé. Elle s'était alors retrouvée au milieu de terres rouges au ciel remplis de nuages noirs constamment zébrés par des éclairs.

Comme pour la guerre, le temps commença à s'accélérer, mais en bien plus rapide cette fois-ci. La prétendante avait l'impression qu'une année, voir même bien plus, s'écoulait en une seconde pour elle. Malgré tout, elle arrivait à assimiler tout ce qui se passait, même si elle n'y voyait presque rien. Cette sensation étrange lui donnait des vertiges et elle espérait que cela ne dure trop longtemps. Malgré tout, les événements continuaient à accélérer et lui envoyaient toujours plus informations dans sa tête.

Tout ce qu'elle arrivait à comprendre clairement était que Shed surveillait un territoire aussi grand que le royaume de Trémiss et qu'il tuait quiconque passait la frontière. À chaque fois, les combats étaient totalement inégaux. Les démons avaient beau venir avec des armées entières, le gardien du plan des dieux les réduisaient en cendres. Qu'il tente de venir par les airs, sous la terre ou bien avec des capacités de camouflages, les démons se faisaient toujours anéantir.

Alors que Scyllia avait l'impression que sa tête allait exploser avec toutes ces images, le temps ralentit peu à peu jusqu'à ce qu'enfin une seconde pour Shed représente une seconde pour la prétendante. Elle se trouvait à l'entrée d'une caverne dont il était impossible pour elle de voir ce qui se trouvait à l'intérieur. Malgré tout, vu qu'elle ne voyait nulle part l'archange, la prétendante en déduisit qu'il s'agissait de l'endroit où il avait élu domicile.

De ce qu'elle avait compris des dernières visions qui lui étaient parvenues, cela faisait plus de mille ans que les démons avaient cessé les attaques. Pendant cette période, quelque-uns avaient tenté de pénétrer sur ce territoire, mais avaient été tués de la main de Shed. Ceux-ci devaient être des inconscients qui ne croyaient pas en son existence. Il ne devait d'ailleurs être qu'une légende chez les démons vu qu'aucun n'en avait réchappé pour aller parler de lui à ses congénères.

Mise à part l'entrée de la caverne, il n'y avait rien d'autre que de la terre rouge à perte de vue. Cependant, quelque chose attira son attention. Quelqu'un approchait. Ce devait être un autre démon inconscient qui allait se faire tuer. Celui-ci ne semblait d'ailleurs pas très grand. Était-ce justement le Shed qui l'avait possédée ? Allait-elle enfin découvrir qui il était réellement ?

Tandis que l'inconnu s'approchait, les espoirs de Scyllia s'amenuisèrent. Elle avait reconnu la personne qui venait à Shed et ça n'était pas un démon. Du moins, pas en apparence. Après des milliers d'années, Ouros revenait enfin vers lui. Il s'arrêta devant l'entrée de la grotte et ne fit absolument rien pour annoncer sa présence. Cela n'empêcha cependant pas Shed de sentir sa venue et de sortir.

Lorsqu'il quitta l'ombre de la caverne, Scyllia écarquilla les yeux de stupeur. L'être qu'elle avait en face de lui ne ressemblait plus du tout à un ange, mais tirait bien plus sur le démon. Pourtant, elle savait qu'il s'agissait de l'archange dont elle suivait l'histoire.

Sa peau blanche avait pris une teinte rouge sombre, ses ailes de plumes s'étaient transformées en ailes de cuir semblable à celles qu'elle-même avait lorsqu'elle arborait sa forme démoniaque. Des cornes avaient poussé sur son crâne et ses yeux avaient changé de couleur, le blanc devenant noir et l'iris passant au rouge vif. Ses mains ne se terminaient plus par des doigts délicats, mais par des griffes acérées.

L'armure qu'il portait fièrement n'était plus. Il était torse-nu et seulement habillé d'un pantalon rapiécé avec ce qui semblait être de la peau de démon. Tout son corps était frêle. Il avait perdu presque toute sa masse musculaire et avait à présent l'apparence d'un être squelettique en sous-nutrition.

— Cela faisait bien longtemps, annonça Ouros avec un léger sourire en coin.

De son regard perçant, Shed regardait le dieu de la mort et ne réagissait absolument pas. Avait-il oublié comment parler ? Le comprenait-il encore ? Après toutes ses années, il était possible qu'il ait oublié le don de la parole.

— Je vois que le plan démoniaque ne t'a pas épargné...

Pour toute réponse, l'ancien archange poussa un grognement et n'ajouta rien. Il comprenait visiblement ce qu'on lui disait, c'était déjà ça.

— Tu as sans doute remarqué que les démons ne venaient plus, continua-t-il. Ils savent que personne n'en réchappe et ont bien trop peur pour s'aventurer ici. Tu as tenu ta promesse et protégé le voile entre les plans.

— Et toi ? demanda Shed avec une voix caverneuse, révélant ses dents pointues. As-tu tenu ta promesse ?

— Le monde des mortels prospère et les nouveaux dieux respectent la vie de leurs serviteurs. Tout comme leurs prédécesseurs, ils ont aux aussi créé des anges. Ceux-ci ont les ailes blanches et sont beaucoup moins puissants que ceux de ton espèce. Ils ne peuvent d'ailleurs pas absorber l'énergie de ceux qu'ils battent et sont calqués sur le modèle des humains en ce qui concerne la magie.

— Et donc ? À présent que les démons n'ont plus envie de venir ici et que tout fonctionne, tu vas enfin pouvoir me tuer ?

Si cette dernière question pouvait ressembler à un instinct macabre, avec son intonation de voix, Scyllia avait plus l'impression qu'il s'agissait d'une requête de sa part. Après ces dizaines de milliers d'années seul, l'archange voulait en finir.

— Je suis désolé, mais je ne peux pas, répondit le dieu de la mort.

— Je n'ai donc pas obtenu ma rédemption... Combien de temps vais-je encore devoir rester ici avant d'être libéré ? Et ne me dit pas que je pourrais retourner sur le plan des dieux. Pas avec cette apparence. Je me dégoûte moi-même, dit-il en regardant ses mains griffues.

— Je n'ai pas dit que je ne voulais pas, mais que je ne pouvais pas. Malgré tes changements physiques, tu es resté un ange. À chaque fois que tu as tué un démon, tu as absorbé son énergie. Tu es devenu bien trop puissant pour que je puisse te tuer. Et... Je pense que tu as déjà essayé, mais tu ne peux pas te tuer non plus.

— J'ai beau avoir développé des pouvoirs incommensurables, ma résistance est encore plus développée. J'ai tout tenté, mais rien n'a fonctionné, confirma-t-il.

— Tu ne supporte donc plus ta vie dans ce monde, mais tu ne peux pas en partir, résuma Ouros. Si tu le souhaites, j'ai une proposition à te faire qui pourrait te soulager.

Ne répondant pas, Shed se contenta de croiser les bras en attendant d'avoir plus d'explication sur ce que lui proposait le dieu de la mort. Ce dernier sortit une boule transparente aussi grosse qu'une tête de derrière lui et la tendit à l'ancien archange qui ne bougea pas d'un cil.

— Ceci est un orbe de souvenir. Utilise-là et toute ta mémoire y sera transférée, ne te laissant absolument aucun souvenir. C'est ce qui se rapproche le plus de la mort que je ne peux t'offrir.

Sa curiosité piquée, Shed prit l'objet dans sa main et plongea son regard à l'intérieur. Scyllia sentait qu'il avait un grand intérêt pour cet orbe, mais elle-même se posait beaucoup de questions. S'il utilisait l'orbe maintenant, où se trouvait le démon qui la possédait ? L'archange les avait systématiquement tués alors ça ne pouvait pas être l'un d'entre eux. Et pourtant, le démon avait évoqué le nom de Shed comme étant celui d'un ami disparu. Se pouvait-il qu'elle ait suivie depuis tout ce temps la vie de celui qui était en elle ? Ce Shed était-il son Shed ?

— Que restera-t-il de moi une fois que je l'aurai utilisée ?

— Tu auras tout oublié, absolument tout. Peut-être que ton nom restera gravé dans ta mémoire, mais il est possible qu'une fois le transfert effectué, tu ne sois même pas sûr qu'il s'agisse du tien.

Ne cherchant même pas à en apprendre plus, le tueur de dieux commença à insuffler de l'énergie dans l'objet qu'il tenait en main. Ce dernier commença à prendre une couleur rouge et la grimace que Shed faisait donnait l'impression que l'opération n'était pas plaisante. Ce devait être la première fois depuis des milliers d'années qu'il n'avait pas ressenti une telle douleur.

Après quelques minutes seulement, l'orbe avait fini par prendre l'aspect que Scyllia connaissait. Il ne battait cependant pas au rythme de son propre cœur. Les pulsations qu'elle apercevait devaient être synchronisées avec celui de Shed.

Alors que les derniers souvenirs de l'archange étaient absorbés par l'orbe, l'ange transformé en démon tomba à terre inconscient et fit rouler l'objet jusqu'aux pieds du dieu de la mort. Ce dernier le récupéra et jeta un dernier regard envers lui. Un regard noir, empli de haine.

— Tu as bien fait ton travail. Bientôt, tu payeras pour ce que tu as fait, cracha-t-il avant de disparaître.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top