Chapitre 11
S'il y avait bien une chose que Scyllia appréciait sur le plan démoniaque, la seule sans doute, c'était de pouvoir parcourir de grandes distances sans ressentir la moindre fatigue ou le besoin de manger et de boire. Grâce à cette spécificité, elle réussit à atteindre la cité des damnés sans se poser.
Arrivée à ce lieu désolé, demeure des non-méritants, la prétendante n'eut d'autre choix que de se poser. La ville des âmes déchues était immense, aussi grande que le royaume d'Istram, voir plus selon les dires. Voler au hasard à la recherche du palais d'Ouros n'était donc pas la meilleure méthode qui soit.
Plusieurs fois durant son trajet, la prétendante avait donc dû redescendre en ville pour demander la direction du palais du dieu de la mort. Bien sûr, glaner ces informations n'était pas des plus aisés.
Tout d'abord, elle devait réussir à s'approcher sans provoquer un vent de panique. Pour éviter les problèmes avec les démons qui se trouvaient dans la cité, Scyllia avait usé des pouvoirs de Shed pour avoir un aspect plus démoniaque. Le même que celui qu'elle avait arboré des années avant lorsqu'elle arpentait pour la première fois cette ville délabrée. La seule différence étant qu'elle était ici dotée d'ailes d'un cuir noir semblable à celles des chauves-souris. Cela lui permettait de se déplacer sans se fatiguer, car les spécificités dues au plan démoniaque se limitaient à la fatigue physique, mais ne prenaient pas en compte l'énergie qui baissait avec l'utilisation des sorts. Si les ailes de brumes en consommait très peu, surtout avec la réserve de Scyllia, cela n'était tout de même pas négligeable vu le temps qu'elle passait dans les airs.
À cause de cet aspect qui la faisait passer pour un démon, il lui était donc difficile d'approcher quelqu'un sans qu'il ne s'enfui en courant. Arriver à en approcher un n'était cependant pas signe de victoire pour autant. Certains restaient silencieux. Ils n'étaient plus que des coquilles vides qui ne répondaient plus aux stimuli extérieurs. D'autres ne pouvaient pas l'aider car ils ne savaient tout simplement pas où ils se trouvaient dans la cité des damnés. Cela était compréhensible vu que chaque quartier se ressemblait et qu'une mort revenait à une réapparition aléatoire dans la ville.
De ce fait, malgré le fait qu'il ne lui fallait que trois jours de vol pour arriver au palais d'Ouros, elle en mit le double et se posa devant l'arche d'entrée au sixième jour. Cette fois-ci, elle n'allait pas passer par un passage dérobé comme la première fois, mais était bien décidée à pénétrer dans le palais par la grande porte.
De chaque côté de l'entrée qu'elle choisit, deux grandes statues gardaient le passage et, bien qu'immobiles, elle avait l'impression que leurs yeux suivaient le moindre de ses gestes. Outre ces colosses qui, d'après ses souvenirs, s'animaient si un problème survenait, Deux anges aux ailes noires gardaient l'entrée et étaient au garde à vous, comme des gardes humains le feraient devant le palais de leur roi.
Sans hésiter une seconde, la prétendante avança jusqu'à arriver à leur hauteur, puis les défia du regard.
— Je vous préviens, votre maître a enlevé l'un de mes élèves, j'ai dû attaquer une prison et libérer un démoniste pour pouvoir venir sur ce plan et ça va faire presque dix jours que je voyage pour arriver ici, alors soit vous vous écartez, soit je me sers de vous comme bélier pour ouvrir la porte !
Mis à part le fait qu'elle ait passé dix jours sur le plan, chose dont elle n'avait pu faire qu'une estimation à cause du cycle jour-nuit inexistant, tout le reste avait été parfaitement exact. Que ce soit la manière dont elle était venue ici ou la promesse qu'elle venait de leur faire.
Pourtant, malgré la menace, les deux anges ne semblèrent pas impressionnés. Elle avait déjà perdu assez de temps comme ça et s'apprêtait à montrer qu'elle était parfaitement sérieuse lorsque l'un d'eux se décida à bouger et à s'écarter de son chemin.
— Maître Ouros vous attend, dit calmement celui qui était resté devant elle. Suivez-moi je vous prie.
Maitre Ouros... Comment pouvaient-ils suivre un être aussi abject, pensa la prétendante tout en emboîtant le pas de l'ange aux ailes noires. Vu toutes les choses qu'il faisait, ses serviteurs devaient bien savoir que ça n'était pas un dieu fiable !
— Et quel autre choix ont-ils selon toi ? Se révolter et mourir ? Fuir ? Mais pour aller où ? Ils se feraient tuer sur le plan démoniaque et, contrairement aux anges pourvus d'ailes blanches, leur apparition sur le plan mortel et leur présence est plus un présage de malheur qu'autre chose. De plus, eux-mêmes ne semblent pas maltraités.
Une fois qu'elle eut pénétré à l'intérieur du palais, il est vrai que les anges qu'elle croisa ne semblaient pas malheureux. Ceux qui n'étaient pas en armure potaient des habits certes dans les mêmes teintes sombres, mais aussi faites de matériaux luxueux qui faisaient penser aux habits de nobles ou, du moins, de riches marchants.
— Et il en est de même pour tous ses serviteurs. Mis à part les damnés qui travaillent ici, ce qui est en soit un privilège pour eux. Tu peux chercher dans ta mémoire, tu ne trouveras jamais un seul moment où Elazar et Meracus se sont plaints de leur traitement.
Bon, peut-être n'était-il pas si despotique que ça avec ceux qui le servaient, admit-elle. Mais pour les autres, son comportement était tout bonnement inadmissible. Il délaissait une partie de ses responsabilités en refusant d'élever les âmes qui avaient purgé leur peine sur ce plan. Il s'amusait à diviser les vivants avec des artefacts divins et, à présent, il faisait dans l'enlèvement d'enfant !
Tandis qu'elle arpentait couloirs et escaliers derrière son guide, la prétendante eut l'impression que quelque chose avait changé depuis les dernières fois. Le palais était bien plus fréquenté qu'à ses dernières visites. Elle avait l'impression de se trouver dans les parties publiques du palais de Lucas.
— Pour éviter tout accident, il avait dû faire en sorte que tu croises le moins de monde lorsque tu t'étais retrouvée là par accident, puis lorsque tu es venue pour avoir ton armée de démons squelettes. Ce qui est compréhensible vu le vol plané que tu as fait faire au seul ange qui se trouvait en travers de ton chemin.
Ce qui voulait dire qu'il avait aussi prédi que la guerre la mènerait ici. Mais jusqu'où était-il calculateur ? Était-il possible qu'il ait envisagé tous les avenirs possibles qui allait découler de cette rencontre ?
— Je ne pense pas. Car dans celui qui va arriver, il se retrouvera face contre terre à nous implorer de l'épargner. Jamais il nous aurait poussés à venir ici s'il avait su ça.
Vu sa malchance lorsqu'elle pariait avec Shed, la prétendante avait bien envie de miser sur le contraire, mais elle savait aussi que le destin était assez fourbe pour qu'elle gagne cette fois-ci. De toute façon, la situation ne se prêtait pas à ce genre d'amusement. La vie d'un de ses élèves était en jeu.
La montée des étages fut interminable. Comme Scyllia pouvait s'en douter, un être mégalomane tel que lui devait s'être installé dans les derniers étages et non au rez-de-chaussée. Lorsque son guide s'arrêta enfin, elle se trouvait devant une porte géante, comme celles des églises. Entièrement noires, elles étaient décorées d'arabesques argentées qui les rendaient absolument somptueuses. Malgré tout, elle n'était pas ici pour admirer la décoration et ne mit pas longtemps avant de se décider à entrer.
Les premiers centimètres furent difficiles à pousser, mais passé ce cap, elle eut l'impression que deux géants se tenaient à ses côtés et l'aidaient à les ouvrir en grand, si bien qu'elle n'avait plus besoin de forcer. À l'intérieur, assis sur un trône d'ébène, Ouros l'observait avec un sourire amusé. Sa tête reposait sur sa main gauche, elle-même soutenue par l'accoudoir tandis qu'il jouait négligemment à faire rouler un petit cristal entre les doigts de son autre main. Il s'agissait du dernier fragment d'orbe.
De chaque côté du trône, agenouillé et la tête baissée, Elazar et Meracus étaient parfaitement immobiles, tel des statues. Les voir ainsi la peinait, mais d'un autre côté, elle ne pouvait s'empêcher de leur en vouloir de n'être pas venu l'aider.
— Ne leur en tiens pas rigueur, sourit Ouros. Je te promets qu'il leur a été difficile pour eux de ne pas répondre à ton appel. Malgré tout, même s'ils t'apprécient bien plus qu'ils ne m'apprécient moi, je reste leur premier maître et mes ordres passent avant les tiens.
— Donc au lieu d'avoir ce que tu voulais tout de suite, tu as préféré me faire passer par la voie la moins pratique. Pourquoi ?
— Tu sais, j'attends ce moment depuis bien longtemps, je ne suis plus à quelques jours près. Et puis, te donner le fragment aurait été trop simple. Il fallait bien une petite épreuve pour le mériter. Je voulais aussi voir comment tu allais réagir. Ton idée de te servir d'un démoniste n'était pas mauvaise. Quant à la suite, cela n'a finalement été qu'une formalité. Tu es bien loin de la fillette qui s'était rendue à pied jusqu'ici et qui avait eu un mal fou à tuer un simple démon de bas étage.
— Où est Batiste ?! tonna-t-elle pour mettre fin à cette discussion qu'elle n'avait pas envie d'écouter.
— Qui ça ?
— Ne joue pas à ça avec moi, prévint la prétendante en invoquant ses lames, prête à s'en servir.
— Ho ! L'enfant ! feignit de se rappeler le dieu de la mort. Ne t'en fais pas, il va parfaitement bien et a été traité comme un invité d'honneur ici. Mais tu ne me croiras pas avant de l'avoir vu par toi-même. Meracus, va le chercher !
Obéissant à son maître, le démon se releva et partit vers le côté de la salle avant de disparaître dans l'une des ouvertures latérales. Pendant son absence, dieu comme prétendante restèrent silencieux. Scyllia resta debout, les bras croisés et se retenait de taper du pied pour montrer son impatience. Ouros, lui, était toujours affalé sur son siège, sa tête soutenue par son poing et son sourire énigmatique habituel aux lèvres.
Lorsque le démon revint enfin, il était accompagné d'un enfant d'une dizaine d'années. Celui-ci semblait en bonne santé et n'était pas entravé par des chaînes. Ouros avait-il dit vrai ? Pour Scyllia, c'était encore trop tôt pour le dire.
— Madame Scyllia ! s'exclama l'enfant en courant vers elle.
— Attention, il l'a peut-être envoûté pour qu'il se rapproche de toi et te poignarde au dernier moment, prévint Shed.
Même si elle doutait que le dieu de la mort l'ait faite venir jusqu'ici uniquement pour se faire poignarder par son élève, elle écouta tout de même ses conseils et resta discrètement à l'affût du moindre geste suspect.
Lorsqu'il fut à portée, l'enfant sauta sur Scyllia, non pas pour l'attaquer comme le prétendait le démon, mais pour l'étreindre. La prétendante s'agenouilla alors et, avec un rapide examen imperceptible, ne décela aucune blessure chez lui.
— Tu n'as pas été blessé ? demanda-t-elle tout de même.
— Non, répondit-il en tournant la tête de gauche à droite.
— Et il n'est pas contaminé par le miasme, ajouta Ouros. Mon palais est sain de cette substance et il n'est pas sorti. Quant à toi, tu dois bien t'en douter, mais la source des dragons te protège.
— Meracus. Peux-tu ramener Batiste à l'académie ?
— Si je lui en donne le pouvoir, oui, indiqua le dieu de la mort depuis son trône. Comme je l'ai fait lorsque tu les as liés à ton amie pour la protéger de ton frère.
— Tu as...
— Tu ne pensais tout de même pas avoir les pouvoirs d'invoquer un démon autre part qu'à côté de toi ! rit-il. C'est moi qui leur ait donné ce pouvoir. Veux-tu qu'il se rende auprès d'elle ?
— Je préférerai plutôt qu'il apparaisse auprès d'Alex.
— Ton amour mortel, sourit de nouveau le dieu. Je ne vois pas pourquoi, mais puisque c'est ce que tu veux.
D'un claquement de doigt, Ouros insuffla le pouvoir de se transporter auprès d'une autre personne au démon bleu. Scyllia voulait que ce soit Alex qui retrouve Batiste pour plusieurs raisons. Premièrement, il se trouvait sans doute à l'académie, mais contrairement à Margaux, il n'avait plus à être en classe. Meracus ne créerait donc pas de vent de panique en apparaissant. De plus, il pouvait facilement prévenir Elisabeth.
Elle aurait pu demander à ce que Batiste la rejoigne directement, mais avait peur que l'archimage fasse prisonnier le démon pour le forcer à l'emmener ici. Enfin, elle voulait qu'Alex comprenne par ce geste qu'elle était bien arrivée et qu'elle allait bien pour le moment.
S'accrochant à Meracus, l'élève de Scyllia se transforma en même temps que lui en une fumée noire et disparut de la salle. Il ne restait à présent qu'un démon, elle et son adversaire.
— Elazar, tu peux disposer, souffla le dieu de la mort.
Tout comme son frère, le démon se releva et s'en alla pour quitter la pièce. Il ne se rendit cependant pas sur les côtés, mais plutôt en direction de la grande porte. Sa démarche était lente, comme s'il n'avait pas envie de quitter cet endroit et ses yeux étaient rivés sur le sol.
— Je ne vous en veux pas, affirma doucement Scyllia lorsqu'il passa auprès d'elle.
Étonné, le démon releva la tête vers elle et la fixa, son visage exprimant à la fois une certaine gratitude, mais aussi de l'incompréhension.
— Je sais que ton pacte t'interdisait de venir à moi, je comprends, insista-t-elle. Et même si j'ai du mal à l'admettre, Ouros a raison de te demander de partir de cette salle. Je préfère de savoir à l'abri plutôt qu'ici.
— À vos ordres, maîtresse, répondit-il en se courbant légèrement avant de la dépasser et de sortir de la pièce.
Au même instant, un tourbillon de fumée se matérialisa devant elle et Meracus réapparut.
— J'ai remis l'enfant à Alex comme vous me l'aviez demandé, indiqua-t-il. Il dit qu'il est de tout cœur avec vous et qu'il est prêt à réunir tout le monde si nécessaire.
— Mouai... Pour nous venir en aide, il faudra qu'ils se trouvent un autre démoniste. Je crois que le nôtre ne se fera pas avoir une seconde fois.
— Merci, sourit Scyllia. Tu peux aller rejoindre ton frère.
— Bien maîtresse, obéit le démon.
Un instant, la grande salle du trône du dieu de la mort resta silencieuse. Ce silence était uniquement perturbé par le bruit de pas du démon qui sortait. Lorsqu'il fut à l'extérieur, la grande porte se referma comme si quelqu'un poussait les battants. Pourtant, il n'y avait toujours personne. Le léger grondement des portes raclant le sol s'acheva en un claquement signifiant qu'elle était à présent fermée. Scyllia était à présent seule avec Ouros.
— Ces démons t'aiment vraiment, remarqua le dieu de la mort. S'ils m'appellent parfois maître, ils restent silencieux la plupart du temps, alors que toi, ils te répondent systématiquement.
— Peut-être est-ce parce que je les traite comme des êtres-vivants et non comme des pions, lança-t-elle.
— Peut-être... réfléchit-il.
— Revenons-en à la raison de ma présence. Tu voulais me faire venir ici, je suis là. Maintenant, donne-moi le dernier fragment !
— Hmm... Non, répondit Ouros.
— Qu'est-ce qu'il y a ? Tu veux que je te batte pour l'obtenir, c'est ça ?
— Même si la perspective d'un combat pourrait être divertissante, là n'en est pas la raison. Vois-tu, ce fragment est peut-être le dernier, mais les réunir ne suffira pas pour reconstituer l'orbe.
— Quoi ? On a fait tout ça pour rien ? Mais je vais l'éviscérer ce connard !
— Du calme, du calme, rit-il. Je n'ai pas fini mon explication, alors laisse-moi terminer avant de songer à ce genre de chose. Je disais donc que les cristaux ne suffisaient pas. Ensemble, ils forment une bonne partie de l'orbe, mais pas son intégralité. Pour qu'elle soit complète, il faut aussi ceci.
De derrière le trône, une fine poussière étincelante se mit à s'élever pour rejoindre la main du dieu qui tenait le cristal. Elle tourna lentement autour du fragment et ressemblait à un ciel étoilé se déplaçant autour d'un astre encore plus lumineux.
— La poussière issue des fragments plus petits de l'orbe ! déclara Ouros. Bien sûr, tu n'as pas les compétences requises pour reformer le tout. Voilà pourquoi je t'ai demandé d'apporter les autres fragments avec toi.
— Oups...
C'était le mot. Dans sa précipitation pour voler au secours de son élève, Scyllia en avait totalement oublié de prendre le coffret qui contenait les autres morceaux. Comment pouvait-il penser qu'elle aurait fait un tel détour dans une situation aussi urgente ?
— C'est pas vrai, souffla le dieu de la mort. Il faut vraiment tout faire par soi-même.
De sa main libre, Ouros fit apparaître le coffre qui devait être caché dans la chambre de Scyllia. Puis, comme s'il s'agissait d'une simple boite à épice sans aucunes protections, il l'ouvrit et y extirpa les cinq cristaux.
Mais jusqu'où allaient ses pouvoirs ! s'exclama intérieurement la prétendante. Comment faisait-il pour faire simplement ce qu'un dragon tel que Senca n'avait pas réussi à accomplir en utilisant toute sa puissance ?
Un à un, les fragments qu'elle avait eu tant de mal à récupérer tournèrent autour de celui d'Ouros de la même manière que la poussière étincelante. Peu à peu, les gros morceaux se rassemblèrent au centre et, peu de temps après, ce fut au tour des fines particules de s'agglutiner. L'union de tous ces éléments ressemblait de plus en plus à un orbe. Lorsqu'il fut complet, il se mit à briller d'une intense lumière rouge qui faiblit presque aussitôt.
L'objet de la convoitise de Shed était enfin reconstitué et était semblable en tout point aux souvenirs que Scyllia en avait. La boule cristalline avait même cette pulsion lumineuse qui suivait ses propres battements de cœur et qui l'avait tant étonnée la première fois.
L'orbe dans sa main, Ouros se mit à le fixer avec insistance. Des filaments dorés partirent alors de ses doigts et allèrent s'enfoncer jusqu'au cœur de la boule.
— Qu'est-ce que tu fais ? s'inquiéta Scyllia.
A peine avait-elle fini de poser sa question que les minces fils d'énergie se dissipèrent. Le dieu de la mort se leva alors de son trône et marcha lentement vers elle. Lorsqu'il arriva à son niveau, un large sourire illumina son visage, comme s'il avait d'ores et déjà gagné.
— J'y ai juste rajouté mes propres souvenirs pour que tu comprennes bien toute l'histoire. Dans cet orbe se trouve les souvenirs de la personne à qui le démon qui est en toi a emprunté le nom. Comme je l'ai dit, il y a aussi les miens et tout ceci forme la clé du passé du démon Shed.
— Enfin ! Après toutes ces années ! jubila le démon. Scyllia... Merci pour tout.
— Lorsque l'auras en main, ton esprit sera envoyé dans un passé lointain. Tu verras tout d'un œil extérieur et tu ne pourras pas interagir avec ce monde. Il te semblera réel, mais tout ce que tu verras s'est déjà déroulé et tu ne pourras rien y changer. Et, lorsque tu reviendras ici, dans le présent, tu m'épouseras et ce sera de ta propre volonté.
— N'y comptes pas, grinça-t-elle entre ses dents.
Avec un regard amusé, Ouros tendit l'orbe à la prétendante qui hésita un instant, puis qui la prit entre ses mains. Elle observa silencieusement le battement lumineux qui se trouvait à l'intérieur et qui suivait son cœur. Était-ce ce dernier qui l'influençait, ou l'inverse ? Il n'empêche que les pulsations se faisaient de plus en plus pressentes et que la lumière rouge devenait de plus en plus intense.
En détournant le regard un instant, elle se rendit compte que le palais et Ouros avait disparu. Il n'y avait, autour d'elle, que le noir total. Elle ne resta cependant pas bien longtemps à observer les alentours et reporta son attention sur l'orbe de souvenir. Le regarder était plus fort qu'elle, elle ne pouvait s'en détacher.
La lumière s'intensifia encore et, même si elle voulait continuer à regarder à l'intérieur, ses yeux la suppliaient de fermer ses paupières. Un battement de cil plus tard, l'orbe avait disparu de ses mains et un tout autre décor était apparu. Elle se trouvait en plein air, au milieu d'une plaine à l'herbe bleue.
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