Chapitre 7
Dans le hall principal de l'académie, Scyllia faisait les cent pas devant la porte qui menait au bureau administratif du directeur. Elle savait qu'il se trouvait à l'intérieur et qu'il était le plus à même de l'aider, mais ce qu'elle ne savait pas, c'était si elle allait supporter toutes ses remarques. Y entrer impliquait à coup sûr des moqueries pendant des heures qui continueraient même après que son problème soit réglé.
— Et tu connais un autre archimage dans les parages ? questionna le démon, un brin agacé de la voir tourner en rond devant la porte. Je te rappelle que tes pouvoirs sont défaillants et que tu ne peux pas aller voir Elisabeth.
C'est vrai. Même si elle avait appris la téléportation l'année d'avant, elle n'avait pas réussi à la lancer pour se rendre directement dans le hall et avait dû faire le chemin à pied. Cela impliquait donc qu'elle ne pouvait pas se rendre facilement au manoir de la duchesse. De plus, les pouvoirs de Shed avaient aussi décliné. Elle avait déjà remarqué que ces traits de feux n'étaient que des flammèches inoffensives et que son transfert grâce à sa brume ne lui permettait que de parcourir deux mètres, trois au maximum.
D'autre part, vu le temps qu'elle avait passé pour maîtriser le vol avec ses ailes de brumes, elle n'avait aucune envie de tenter l'expérience de peur qu'elles ne se dissipent en plein vol. La dernière solution aurait été de se transformer, mais Shed lui avait assuré que son corps actuel ne le supporterait pas et qu'elle s'évanouirait. Enzo était donc son seul espoir pour l'instant.
Après avoir longuement inspiré, Scyllia frappa à la porte et attendit un quelconque retour de la part du directeur. La réponse ne tarda pas et l'archimage l'invita à entrer sans pour autant venir lui ouvrir. La prétendante se saisit de la pognée qui se trouvait au niveau de son front et poussa la porte en ayant l'impression qu'elle était bien plus lourde que dans ses souvenirs.
Dans son bureau, Enzo était occupé à ranger des livres dans sa bibliothèque. Ne s'attendant sûrement pas à de la visite aussi tôt, le directeur était encore habillé d'une simple robe de chambre entrouverte qui laissait apparaître la moitié de son torse.
— Bonjour ma petite, tu cherches quelque chose ? demanda-t-il, nullement dérangé par sa tenue peu conventionnelle.
— C'est moi, dit son élève d'une petite voix.
En portant plus attention à elle, Enzo fit le lien entre ce que l'enfant venait de lui dire et l'armure qu'elle portait. Il comprit instantanément ce qui était arrivé et lâcha l'ouvrage qu'il avait en main, abasourdi.
L'épais volume s'écrasa ainsi sur son pied nu et le fit pousser un cri de douleur à peine contenu. L'adolescente le vit sauter sur un pied dans tout le bureau pendant qu'il se prenait l'autre dans ses mains et étouffait des jurons entre ses dents. Il finit sa course en s'asseyant sur le bureau et massa sa blessure, puis reporta son attention sur la fillette.
— Scyllia ?
— S'il vous plaît, ne vous moquez pas, s'étrangla-t-elle, les yeux au bord des larmes.
Après avoir pris un mouchoir pour se laver rapidement les mains, directeur sauta de son bureau comme si toute douleur avait disparu et se précipita vers Scyllia. Il s'accroupit pour être à son niveau et, délicatement, du bout de son pouce, essuya la larme qui perlait sous son œil.
— Je me moque de beaucoup de choses, mais jamais de la détresse des autres, la rassura-t-il en lui caressant la joue.
Scyllia voulait le regarder droit dans les yeux et le remercier, mais son regard était irrémédiablement détourné par quelque chose d'autres. Au cou du directeur, une fine chaîne en argent maintenait une petite pierre bleue en forme de goutte d'eau. Elle ne l'avait jamais vue auparavant et, à bien y repenser, elle ne l'avait jamais vu porter un autre bijou que son alliance.
— Qu'est-ce que c'est ? finit-elle par demander.
— Tu viens de perdre dix ans en une nuit et la première chose que tu me demandes, c'est ce qu'est cette pierre ? rit-il.
Enzo se moquait gentiment d'elle, non pas de son état, mais plutôt de la situation. D'un autre côté, elle l'avait quelque peu cherché en parlant d'un détail décoratif au lieu de se focaliser sur son problème. Elle ne s'en formalisa donc pas et oublia immédiatement ce petit rire furtif.
— Sais-tu ce qu'est une dernière larme ? demanda-t-il.
Pour toute réponse, Scyllia tourna la tête de gauche à droite pour signifier que cela ne lui disait rien.
— Il arrive, à la mort d'une personne, que la larme qui accompagne son dernier souffle se cristallise et forme ce que l'on appelle une dernière larme. J'ai retrouvé celle-ci sur l'oreiller de ma fille le jour où elle m'a quitté.
— C'est triste, constata la prétendante en plongeant ses yeux dans le bijou.
— Beaucoup d'histoires tournent autour des dernières larmes. Certaines d'entre elles disent que ce sont des pierres maudites.
— Maudites ?
— Rassure-toi, elles ne le sont pas, mais elles ont la particularité de drainer un peu de l'énergie de celui qui la porte et c'est de là qu'est né ce mythe. Pour ma part, j'en ressens parfois la sensation lorsque j'arrive à mes limites, mais dans la plupart des cas, l'énergie que ce bijou me draine est tellement infime qu'il m'est imperceptible. Je l'ai enchâssée à une chaîne pour qu'elle ne me quitte jamais. Comme ça, avec mon alliance, j'ai l'impression que les deux amours de ma vie sont encore un peu à mes côtés.
De sa main portant son alliance, Enzo avait pris la petite pierre dans sa paume et perdit son regard dans les reflets des deux bijoux. À son tour, Scyllia posa sa main sur la joue du directeur et essuya la larme qui y coulait.
— Je suis désolée de vous avoir remémoré ce souvenir, s'excusa-t-elle, peinée.
— Ça n'est rien, tu ne pouvais pas savoir, dit-il en s'essuyant les yeux avec sa manche. Et puis, avec les moments de peine qui remontent viennent aussi tous ceux où elles étaient auprès de moi et bien portantes.
Prise d'un élan de compassion, Scyllia passa ses petits bras autour du cou d'Enzo et le serra dans une étreinte réconfortante. Se laissant d'abord faire, le directeur passa ensuite ses mains dans le dos de l'enfant pour la lui rendre.
— Quand je pense que sa famille est morte après une erreur commise par les dieux et qu'ils n'ont rien fait pour lui, même après tout ce qu'il a accompli pour eux... Quelle bande d'ingrats.
Sur ce coup-là, et même si elle était une fervente défenseure des dieux, elle ne pouvait qu'être d'accord avec Shed. Sous couvert d'équité entre les mortels, ils avaient refusé d'intervenir en faveur d'une personne à qui ils devaient la vie de bien plus de monde.
— Alors, dis-moi tout. Comment as-tu fait pour rajeunir autant ? finit-il par demander en se défaisant de son étreinte.
— Moi, je n'ai rien fais. C'est Zoé qui m'a lancé un sort pendant que je dormais !
— Zoé ? Celle de ta classe qui fait tout exploser ?
— Il y a deux ans, lors des épreuves du colisée, La déesse Siguir s'était plainte en nous disant qu'il ne fallait pas rétrécir Brumi. Elle a ajouté que nous n'aimerions pas subir la même chose.
— Mais c'est Brumi qui décide de sa taille, réfléchit le directeur.
— Oui, mais cette réflexion a donné à Zoé l'idée de me faire subir la même chose pour voir comment j'étais à quatre ans. Elle a mis deux ans à créer son sort mais cette gourde a oublié d'en faire un pour me faire retrouver ma taille normale !
— Et donc, tu es venue me voir pour que je répare tout ça.
— Tous les autres se sont moqués de moi en me voyant, avoua-t-elle.
— Même Alex ?
— Il ne sait rien de la situation et j'aimerais bien qu'il ne me voie pas comme ça.
— Malheureusement, je ne connais pas le sort qu'elle t'a lancé et créer un contre-sort est toujours plus difficile. Il va falloir que je me renseigne à la bibliothèque. Ça va prendre un peu de temps.
— Combien ? s'inquiéta la prétendante.
— Je ne sais pas. Un mois... Peut-être deux.
— Quoi ?! Mais... Non, c'est impossible. Je ne peux pas rester dans cet état aussi longtemps ! paniqua-t-elle.
— Ne t'en fais pas, je pense connaître quelqu'un qui pourra t'aider dans un délai plus bref, la rassura le directeur.
Avant que Scyllia n'ait le temps de réfléchir à qui cela pouvait être, l'archimage les téléporta tout les deux dans son deuxième bureau au dernier étage de la bibliothèque. Dès qu'il prit son encrier et commença à dessiner des runes sur son miroir, la prétendante comprit à qui il voulait faire appel.
S'il y avait bien une personne pour maîtriser la magie à un tout autre niveau qu'un archimage, c'était bien Senca, le dragon noir qui dirigeait un sanctuaire servant de havre de paix à toutes les créatures qui la recherchait.
Lorsque l'encre recouvrit entièrement le miroir, ce ne fut cependant pas le père de Sin qui se trouvait de l'autre côté, mais sa mère.
— Bonjour Enzo, salua Hélène. Que me vaut cette entrevue aussi tôt... Et surtout dans cette tenue.
— Veuillez m'excuser, je n'ai pas eut le temps de m'habiller ce matin. Il se trouve que j'ai un problème urgent que mes compétences d'archimage ne peuvent résoudre dans un temps convenable. En cela, j'aurais besoin de l'aide de votre mari.
— Et pas de la mienne ? feignit-elle de s'offusquer.
— Je suis certain que vous arriveriez à trouver la solution, mais, tout comme moi, cela prendrait trop de temps.
— Et je suppose que ce problème concerne cette charmante jeune fille qui se tient à vos côtés.
— Vous avez parfaitement deviné. Il se trouve qu'elle n'est autre que Scyllia. L'une de ses camarades lui a jeté un sort pendant son sommeil et n'a pas pensé à un contre-sort.
— Ho, je vois. Ne t'en fais pas Scyllia, je vais prévenir mon mari, il arrive tout de suite.
— Merci beaucoup.
Après s'être légèrement inclinée pour les saluer, Hélène rompit la communication. Le miroir se teinta de nouveau de noir et l'encre se résorba jusqu'à ne plus laisser aucune trace. En attendant le dragon, Scyllia resta dans le bureau du directeur. Elle n'avait aucune envie que quelqu'un la reconnaisse ou bien vienne lui demander ce qu'une aussi jeune fille faisait ici.
Pendant ce temps-là, Enzo s'absenta pour aller se changer et alla chercher des habits à la taille de Scyllia pour lui ramener. L'armure démoniaque était certes légère et confortable, mais ne convenait pas à une utilisation de tous les jours. La prétendante fut donc ravie de pouvoir enfiler une robe à sa taille. Vu qu'elle arborait la même coupe et les mêmes couleurs des tenues d'apprentie mage, elle en déduisit qu'il s'agissait d'un uniforme d'élève que le directeur avait rétréci.
Alors qu'elle et le directeur discutaient, celui-ci s'accordant un trait d'humour en disant que si ses parents l'observaient, cela devait leur rappeler des souvenirs, chose dont elle ne s'offusqua pas et alla même jusqu'à rire avec lui, Senca apparut devant eux.
— Bonjour directeur, et bonjour Scyllia, salua-t-il. Décidément, je me demande parfois comment vous faisiez lorsque vous ne pouviez pas me contacter.
— On faisait comme on pouvait, avoua Enzo. Je ne doute pas de pouvoir régler ce problème, mais ça prendrait plus de temps qu'avec vous et vos connaissances. En plus, en tant que détentrice de la source des dragons, il est dans votre intérêt de prendre soin d'elle.
— Vous n'avez pas tort, acquiesça Senca. Alors dis-moi, comment cela est-il arrivé ?
— Tout est de la faute de Zoé. Elle m'a lancé un sort pour me faire rajeunir et n'a pas pensé au contre-sort. À cause d'elle, je me retrouve dans ce corps et mes pouvoirs sont presque tous inutilisables.
— Presque tous, tu veux dire ceux de Shed ?
— Non, même les miens. J'ai essayé une simple téléportation et elle a raté.
— Problématique en effet. Voyons ça de plus près.
Invitant Scyllia à s'asseoir, Senca illumina sa main d'une lueur bleue et l'examina avec. Ce procédé était semblable à celui utilisé par les mages de l'infirmerie pour faire un diagnostique, mais sa couleur inhabituelle et le fait qu'elle ne puisse que discerner son essence sans pour autant qu'il s'encre dans sa mémoire lui indiquait qu'il était d'un tout autre niveau.
Au bout de plusieurs minutes à passer sa main au-dessus du corps de la prétendante, la lumière faiblit et le dragon se redressa.
— Il y a du bon et du mauvais, annonça-t-il.
— Commençons par le bon, décida Enzo.
— Le sort de ton amie a parfaitement fonctionné donc tu n'as rien à craindre pour ta santé. Le sceau du démon est aussi totalement intact donc il ne risque pas de s'échapper.
— Pff, comme si je n'avais pas déjà pensé à vérifier.
— Maintenant le mauvais. Pour pouvoir utiliser sa magie, l'énergie d'une personne passe par des canaux qui parcourent tout le corps de la même manière que le sang avec les veines. Le problème ici est qu'ils ont rétréci et que leur agencement a été modifié pour s'adapter à ce nouveau corps. Ça n'aurait pas posé de soucis si tu étais passée de vingt-cinq ans à dix-huit, mais vu qu'ils se modifient grandement pendant l'adolescence, tu te retrouves avec des canaux que ton âme ne reconnaît plus.
— C'est à cause de ça que je ne peux plus utiliser ma magie comme avant ?
— Imagine que ton âme est l'endroit où tu habites lorsque tu n'es pas à l'académie, que l'académie est le point de sortie de ta magie, que les rues de la capitale sont les canaux et que toi tu es l'énergie utilisée dans un sort. Ici, tu connais le chemin pour aller de chez toi jusqu'à l'académie, mais si tu déménageais dans une autre ville inconnue avec une nouvelle académie, tu te perdrais et mettrait plus de temps à arriver. Ici c'est la même chose, sauf que l'énergie s'épuise avant d'arriver au point de sortie.
— D'accord, je comprends.
— Ensuite, autre mauvaise nouvelle, même si elle l'est bien plus pour l'avancée de la recherche que pour toi. Tu n'as pas rajeuni. Ton corps est celui de tes quatre ans, mais ton espérance de vie reste la même qu'à tes seize ans. En somme, votre apprentie n'a pas trouvé la formule de l'immortalité et de la jeunesse éternelle.
— Ça m'aurait grandement étonné de sa part. Vous pensez pouvoir la faire revenir comme avant ?
— Hmm, non.
— Quoi ?! paniqua Scyllia.
— Je plaisante, rit le dragon. Il faut que je retourne au sanctuaire pour prendre mon matériel et certains ingrédients et je reviens ici pour te faire une potion contre ce sort. Cependant, sa préparation me demandera environ une semaine.
— Je n'aime pas du tout votre humour ! Une semaine dans ce corps... réfléchit-elle. C'est toujours mieux qu'un mois comme l'avait prévu le directeur. Je m'en remets à vous.
Après lui avoir offert un sourire qui se voulait rassurant, Senca s'éloigna de quelques pas et disparut pour aller chercher ce dont il avait besoin pour faire sa potion. Scyllia, elle, était à la fois ravie d'apprendre qu'elle n'aurait pas à subir ça pendant un mois, mais aussi déçue qu'il faille attendre une semaine. En autant de temps, la nouvelle aurait sans doute de temps de se répandre et elle ne pourrait pas le cacher à Alex.
**********
Un véritable cauchemar ! Voilà ce qu'avait été cette semaine dans le corps d'une enfant de quatre ans ! Que ce soit en salle de classe, au réfectoire, dans la salle commune ou même dans sa chambre, à chaque fois qu'elle s'asseyait sur une chaise, la table lui arrivait au menton. Impossible de faire quoi que ce soit !
De plus, à chaque fois qu'elle croisait un adulte, elle avait le droit aux compliments comme quoi elle était mignonne et aux questions de ce qu'elle faisait là et où se trouvaient ses parents. Au début, elle expliquait patiemment qui elle était, mais la fourberie d'Enzo avait vite repris le dessus sur son sérieux et sa promesse de ne pas se moquer. Le directeur considérait qu'elle n'était plus en détresse depuis que Senca s'occupait de son cas et, de ce fait, racontait à tout le monde qu'elle n'était autre que la fille illégitime du roi et d'une noble qu'il avait côtoyé avant son mariage.
Le pire dans son histoire, c'était qu'elle ne pouvait réfuter aucun de ses arguments. Le lien biologique n'était qu'insinué, de même que la mère imaginaire, elle était belle et bien une noble vu qu'elle venait d'une famille d'inquisiteur et son statut de pupille du roi faisait en quelque sorte d'elle sa fille.
Pour couronner le tout, Scyllia avait l'impression qu'Alex faisait en sorte de l'éviter. Malgré ses arguments comme quoi elle était la même, elle sentait qu'il était mal à l'aise en sa présence. Ça, elle pouvait le comprendre. Comment les gens auraient réagi en le voyant embrasser une enfant encore loin de l'adolescence ?
Sa seule consolation venait étonnamment de Zoé. Vu qu'elle était responsable de cet état, le directeur lui avait ordonné d'obéir au moindre de ses ordres jusqu'à ce que la potion soit prête. De plus, Enzo avait rajouté une close stipulant que cette punition serait rallongée d'un jour pour chaque consigne non respectée. Scyllia avait donc pris un malin plaisir à se venger en l'envoyant par exemple chercher à pied des confiseries que l'on ne trouvait qu'à l'autre bout de la ville. Pour chaque ordre du même genre, Shed ne pouvait s'empêcher de lui faire remarquer qu'elle ne demandait que des choses que voulait un enfant de l'âge qu'elle paraissait avoir, mais c'était plus fort qu'elle et cela rendait la punition encore plus savoureuse.
Au soir du septième jour, après avoir mangé, Scyllia était assise sur son lit et lisait le conte que lui avait montré Alex et qui relatait la vie de la déesse Siguir. Un bruit sourd la sortit cependant de sa rêverie et elle vit Senca entrer, un flacon à la main.
— C'est prêt ? demanda-t-elle en sautant de son lit pour le rejoindre.
— Oui. Et tu pourras remercier Alex pour ça.
— Alex ? Pourquoi ?
— Il est venu m'assister à chaque fois qu'il n'avait pas cours. Sans lui, tu serais resté dans cet état encore quelques jours.
— Je pensais qu'il m'évitait, avoua-t-elle, honteuse de n'avoir pas cru en lui.
— Bien sûr que non, rit le dragon. Au contraire, il s'est privé de son temps libre pour toi et je dois dire qu'il a de très bonnes idées pour un simple apprenti. Je pense que tu aimeras l'attention portée au goût. Ces ingrédients mis ensemble sont normalement imbuvables et amère, mais il a travaillé dessus pendant que je m'occupais d'étapes où je n'avais pas besoin d'assistant et a réussi à lui donner un goût de framboise sans pour autant altérer ses effets.
— Il pense vraiment à tout, sourit-elle en prenant la mixture que lui tendait le dragon.
— Une fois le flacon bu, va te coucher, les effets devraient se produire dans la nuit, expliqua-t-il.
— Je ne sais pas comment vous remercier.
— Pas besoin. Au moins, quand il y a un problème ici, cela me permet de voir un peu Sin. D'après ce que j'ai compris des couples qui se sont formés, si cela se concrétise, il sera ton beau-frère.
Un instant, Scyllia ne comprit pas de quoi il voulait parler et mit un petit moment à rassembler les pièces du puzzle. Vu qu'elle était avec Alex et que Lise, sa sœur jumelle était avec Sin, cela faisait de lui son beau-frère. Après un hochement de tête pour la saluer, Senca se retourna pour sortir, mais s'arrêta sur le pas de la porte.
— Une dernière chose. Cette nuit, évite de dormir habillée. Grandir de douze ans dans des habits d'enfant n'est pas vraiment conseillé, dit-il avant de sortir et de refermer la porte.
De nouveau seule, Scyllia retourna sur son lit et observa le liquide écarlate dans le flacon avec un large sourire aux lèvres. Avec Senca et surtout Alex, elle était certaine que cette potion marcherait à coup sûr.
Sans hésiter une seule seconde, la prétendante déboucha la fiole et la but d'une traite. Comme le dragon l'avait indiqué, la potion avait le goût de framboise. Comment avait-il fait pour lui donner ce goût sans pouvoir en boire lui-même ? Elle réfléchit quelques minutes à cette question, puis, ne trouvant pas de réponse, se déshabilla entièrement avant de se glisser dans sa couette pour dormir.
Étrangement, bien qu'elle ressentait une grande excitation à l'idée de redevenir elle-même, elle trouva rapidement le sommeil. Lorsqu'elle sentit que quelque chose lui touchait la tête, la prétendante battit des paupières et vit comme première image le visage d'Alex. Le fils d'Elisabeth était à son chevet et lui caressait les cheveux en souriant.
— Bonjour, susurra-t-il. Comment tu te sens ?
Sortant peu à peu de sa léthargie, Scyllia bougea ses membres un par un. Ils avaient tous repris leur taille normale ! Folle de joie, elle allait pour sauter au cou de celui qui avait participé à sa guérison, mais se souvint soudainement de sa nudité. Quelque peu embarrassée, elle enroula sa couette autour de sa poitrine et se releva pour l'embrasser.
— Je ne vois pas pourquoi tu es embarrassée. Il finira bien par te voir nue un jour ou l'autre de toute façon. Et puis il a bien le droit à une petite récompense après tout ce qu'il a fait !
Rougissant de plus en plus à cause des propos de Shed, Scyllia recula son visage pour mettre fin au baiser et tenta de le remercier, en vain. Les seules choses qui sortirent de sa bouche furent des bafouillements incompréhensibles.
— Je te laisse t'habiller, on se retrouve dans la salle commune, sourit-il en comprenant son embarras.
Après avoir déposé un dernier baiser sur ses lèvres, Alex repartit et la laissa seule. L'adolescente passa un long moment à observer ses mains, ses bras, ses jambes ou son corps en général, ravie de l'avoir retrouvé, puis sortit de son lit pour s'habiller. Une fois prête, elle sortit pour rejoindre son amoureux, mais s'interrompit en entendant un cri aigu dans la chambre de Zoé.
Inquiète, elle alla voir ce qui se passait, immédiatement rejointe par Alex. La prétendante ouvrit prudemment et discrètement la porte et vit, assise dans le lit de la pyromancienne, une petite fille d'environ quatre ans qui nageait dans des habits bien trop grands pour elle.
— Tu crois qu'elle s'est lancée ce sort sur elle-même ? questionna le jumeau à voix basse pour ne pas se faire remarquer.
— Vu le cri qu'elle a poussé, ça m'étonnerait. Je serais plus d'avis que ce soit une sorte de punition divine. La déesse Siguir l'avait mise en garde contre ce genre de sort et qu'il ne fallait pas le lancer sans le consentement de la personne qui le subit.
— Tu crois que c'est ça ?
— C'est possible...
— Avec Senca, nous avions préparé plusieurs fioles au cas où. Je vais aller lui en chercher une.
— Attends ! Et si nous la laissions comme ça encore un peu.
— Combien de temps ?
— Je ne sais pas. Disons... Une semaine, répondit-elle avec un large sourire sadique.
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