Chapitre 20
Suite à la nouvelle des plus alarmante que l'armée entière de la fédération était en marche vers leur position, le roi avait fait mander des messagers dans tous les campements pour ordonner qu'ils se rassemblent au camp de commandement. Les ordres étaient clairs. Tout le monde devait s'y présenter au plus tôt, et ne devait emmener que ce qui pouvait servir à la bataille qui allait bientôt avoir lieu.
En attendant que tout le monde se réunisse, le conseil de guerre mit en place leur plan de bataille et décidèrent qu'elle se passerait juste au sud de la forêt. Les propositions s'enchaînaient et Scyllia remarqua que celles de Ronan étaient bien souvent acceptées. Ça n'était pas pour lui faire une faveur parce qu'il était le fils d'un dieu, mais véritablement parce que ses idées relevaient du génie. La prétendante n'avait pas vraiment compris à cause des termes techniques propres à la guerre, mais selon le général, l'une des idées du demi-dieu permettait de se débarrasser du problème des aéronefs.
Alors que les discussions avançaient et que les idées s'enchaînaient, l'une d'elles posa un certain problème. Elle nécessitait le concours des mages médecins et il fallait savoir s'ils étaient assez nombreux et puissants pour qu'elle se réalise. Scyllia n'avait pas l'expérience nécessaire pour répondre à cette question et dû donc se retirer du conseil de guerre pour aller chercher Vincent.
Au pas de course, elle traversa le campement et se rendit à l'infirmerie. Dès qu'elle entra dans la tente, la prétendante fut frappée par le monde qui s'y trouvait. Les lits, vides quand elle était partie, étaient occupés pour la moitié et des mages médecins qu'elle n'avait jamais vu auparavant s'activaient pour venir en aide aux blessés.
— Qu'est-ce qui se passe ? s'inquiéta Scyllia en apercevant son supérieur.
— D'après ce que j'ai compris, tous les camps se réunissent, donc les blessés des autres campements ont été rapatriés dans le nôtre... Tout le monde n'est pas arrivé et je crois qu'on va manquer de place. Et toi, qu'est-ce que tu fais ici ? Le conseil de guerre est terminé ?
— Non, mais ils ont besoin de ton avis sur quelque chose. Vu que je ne connais pas assez les effectifs, ils m'ont envoyée te chercher.
— D'accord. J'y vais tout de suite. Toi, essai de voir si tu peux aider ici.
— Pas besoin de me le demander, lui assura-t-elle.
Tandis que Vincent sortait de la tente, Scyllia se mit à observer les patients et les mages médecins pour voir si elle pouvait se rendre utile. De toute évidence, il y avait pour le moment assez de personnel pour s'occuper de tout le monde et les patients qui étaient allongés avaient déjà été soignés et n'étaient là que parce qu'ils étaient trop faibles pour supporter le long voyage de retour à la capitale.
Elle réussit tout de même à s'occuper en distribuant occasionnellement des sorts anesthésiants aux soldats. Leurs blessures avaient beau avoir été refermées, la plupart continuaient à souffrir. Cependant, avec l'arrivée d'un des camps les plus sollicités depuis le début de la guerre, elle ne trouva plus une seconde à elle.
Les tentes voisines à celle qui servait d'infirmerie avaient été réquisitionnées pour y mettre de nouveaux lits et d'autres avaient été démontées pour qu'une plus grande soit installée. Pour certains des blessés graves, le transport, même sur la courte distance qui séparait les campements, avait quelque peu aggravé leur situation. Heureusement, avec le nombre de mage médecins présents, aucun d'entre eux ne trouva ce voyage fatal.
Ce n'est que lorsque la nuit tomba que Scyllia trouva enfin un moment de répits. Si on devait d'habitude la forcer à quitter la tente infirmerie, là, elle ne dit pas non à la pause que l'un des mages médecins lui proposa de prendre.
De par le monde qui s'agitait autour des lits ainsi que les patients qui allaient du gémissement plaintif au cri de douleur, la prétendante avait la tête sur le point d'exploser. Elle ne trouva cependant pas les allées entre les tentes plus calmes. La population du camp avait été multipliée par dix sans pour autant que d'autres tentes ne soient installées. Elle pouvait sentir que déjà, l'anxiété et la crainte de la bataille à venir avait envahi le cœur de beaucoup d'entre eux.
Pour se changer les idées, Scyllia alla rendre visite à la compagnie de Ruby. Cette dernière semaine, ils lui avaient déjà permis de faire le vide dans sa tête et d'oublier les horreurs qu'elle voyait. Ici, avec toutes ses personnes gravement blessées, elle en avait bien besoin. Ce qu'elle voulait plus que tout mettre de côté était sans aucun doute la vision de certains soldats qui avaient été totalement défigurés et où la magie avait été impuissante pour leur faire retrouver un visage normal.
En s'approchant du regroupement de tentes qu'elle connaissait, la prétendante aperçut Ruby et ses hommes auprès du feu, mais en se rapprochant davantage, elle sentit quelque chose d'étrange.
— Quoi, elle aussi ? s'étonna Shed.
— Tiens ! Scyllia ! s'exclama l'un des membres de la compagnie en la voyant arriver. Regarde qui est de retour !
En suivant son regard, l'adolescente tomba sur un homme installé auprès de la capitaine et ne put s'empêcher de sourire en le reconnaissant.
— Ivan ! Je suis contente de te voir.
— Et moi donc ! Je ne m'attendais pas à recroiser la plus turbulente de mes recrues ici, rit-il en l'embrassant.
— On vous a dit pourquoi ils réunissaient tous les camps ? demanda Scyllia pour éviter de révéler une information dont elle n'était pas censé parler.
— Non, mais nous ne sommes pas stupides non plus. Nous savons que l'attaque finale est sur le point d'avoir lieu.
— La fédération s'est mise en marche et l'attaque est imminente, confirma la prétendante.
— Alors c'est ici que nous les arrêterons, répondit Ivan avec détermination.
— Quel optimisme ! Ou inconscience, je ne saurai dire.
Ivan n'était plus capitaine vu qu'il avait quitté l'armée avant la guerre et était considéré comme une simple recrue civile. Il n'avait donc pas eu les chiffres qui avaient été donnés, soit un soldat de Tremiss pour vingt-cinq de la fédération.
Mais malgré cette situation plus que préoccupante, autre chose hantait les pensées de la prétendante. Elle avait comme un doute et devait s'assurer de quelque chose.
— Ruby, est-ce que je peux te parler en privé dans ta tente ?
— Bien sûr, répondit-elle en posant son écuelle pour se lever.
Que la prétendante lui demande cela n'était pas étonnant. Ça n'était pas la première fois qu'elle voulait lui parler seule à seule. La capitaine la suivit donc à l'intérieur de la tente et attendit de savoir ce que Scyllia voulait.
— Ça fait combien de temps ? demanda-t-elle.
— Combien de temps que quoi ? s'étonna Ruby.
— Que tu es enceinte.
Surprise, Ruby écarquilla les yeux en regardant Scyllia. Puis, lorsque l'étonnement fut passé, elle s'assit et souffla longuement.
— Comment as-tu devinée ? Même Ivan n'en sait rien.
— Je suis prétendante à la vie, lui rappela l'adolescente. Quand j'avais dix ans, je me suis mise à voir les âmes de personnes lorsque je me concentrais. Aujourd'hui, il m'arrive de les apercevoir sans vraiment le faire exprès. En arrivant, j'ai remarqué quelque chose de bizarre en toi. Une deuxième âme se développait. Alors, ça fait combien de temps ?
— Trois mois, mais je t'en pris, ne dis rien à Ivan, implora-t-elle. S'il l'apprend, il essayera de me convaincre de ne pas combattre, quitte à déserter. Qu'importe le résultat de cette bataille, je veux me trouver au côté des autres.
Un instant, Scyllia hésita. D'un côté, elle comprenait son choix de vouloir combattre, mais d'un autre, elle-même n'avait qu'une envie. La mettre à l'abri. Elle respecta malgré tout son choix et lui promit de ne rien dire, mais pour la prétendante, il était à présent hors de question qu'elle reste à la tente infirmerie. Elle ne la lâcherait pas d'une semelle et combattrait à ses côtés pour la protéger.
Alors que le temps passait, la fatigue commença à se faire sentir chez certaines personnes. Il n'y avait cependant pas assez de lits pour toute l'armée réunie dans un seul campement et beaucoup durent se contenter d'une couverture près d'un feu de camps. Pour d'autres, comme Scyllia, il leur était totalement impossible de fermer l'œil. Même si le repos était primordial à la veille d'une bataille, la prétendante savait qu'elle n'arriverait pas à trouver le sommeil. Elle resta donc près du feu de camp avec les autres touchés d'insomnie jusqu'à ce que le cor de rassemblement ne sonne aux aurores.
— Si tu assistes au rassemblement comme ça, Elisabeth va à coup sûr t'enfermer dans la tente de l'infirmerie avec ordre pour les mages médecins de te surveiller, prévint le démon tandis qu'elle s'avançait vers le lieu de regroupement.
Ça, c'était certain, admit-elle. Pour palier à ça, Scyllia s'empara d'une cape qui traînait près d'une tente et rabattit la capuche sur sa tête pour cacher son visage. Avec le froid matinal, elle n'était pas la seule à en avoir une. Elle pourrait donc passer inaperçu auprès de ses tuteurs.
Dans la clairière qui servait de lieu d'entraînement, toute l'armée était en train de se réunir devant une estrade qui devait avoir été montée dans la nuit et sur laquelle était posté Lucas. Vu que Scyllia était mêlée à la foule et qu'ils ne semblaient pas vraiment vouloir se mettre en rangs ordonnés, la prétendante était certaine qu'elle ne se ferait pas repérer.
— Soldats, citoyens, alliés... Amis ! commença le roi. Aujourd'hui est un grand jour pour le royaume de Tremiss. Depuis deux mois, l'armée de la fédération d'Istram foule impunément nos terres et pille nos villes et nos villages. Cette guerre, ce sont eux qui l'ont voulue et ce sont eux qui l'ont déclenchée, mais ça ne sera pas eux qui en ressortirons victorieux. Aujourd'hui, leur progression prend fin. Aujourd'hui, la guerre prend fin ! Vous avez peut-être des doutes quant à nos chances de victoire, mais pas moi. Pas quand je vous vois tous réuni ici. Vous, soldats qui êtes ici et combattez depuis le début, vous, citoyens qui n'avez pas hésité à vous engager pour protéger ce qui vous est cher, vous, alliés qui avez répondu à notre appel, parfois même en désobéissant à votre roi. Ils sont peut-être plus nombreux, mais ils n'ont pas votre intelligence. Ils sont peut-être mieux armés, mais ils n'ont pas votre courage. Ils sont peut-être plus confiants, mais ils n'ont pas la détermination qui vous habite. Aujourd'hui, Tremiss vaincra !
— Tremiss vaincra ! scanda la foule.
Suite à son discours, les Généraux montèrent à leur tour sur l'estrade et expliquèrent brièvement le plan d'attaque de la bataille qui se déroulerait dans la plaine au sud de la forêt. Pendant une heure, tout le monde écouta les instructions dans un silence d'or, puis se mit en route pour la lisière tandis que les commandants de chaque escouade étaient emmenés à part pour avoir les détails du rôle que leur compagnie allait jouer.
Pour être certaine de ne pas se faire attraper par Enzo ou Elisabeth, Scyllia prit bien soin de se trouver à l'opposé de leur position. Heureusement, elle trouva la compagnie de Ruby qui, eux, avaient été assignée à un des flancs de l'armée. Malheureusement, celle où se trouvait Ivan se trouvait de l'autre côté.
Arrivée à la lisière sud de la forêt, les troupes se stoppèrent et restèrent à l'ombre des arbres. La plaine qui s'étendait devant eux était recouverte d'un léger brouillard qui stagnait au sol, remontait jusqu'au genou et donnait un air lugubre à cet endroit si l'on s'imaginait ce qui allait se passer ici. Pendant plus d'une heure, ils maintinrent leur position et guettèrent l'horizon alors que la tension montait avec le temps. Autour d'elle, Scyllia pouvait voir les soldats aguerris qui faisaient le vide dans leur esprit, mais aussi les recrues qui ne faisaient pas partie de l'armée dont le visage devenait de plus en plus blanc. En voyant cela, Shed se dit que s'ils continuaient à blanchir, ils développeraient sans doute une capacité d'invisibilité.
Soudain, alors qu'aucun ennemi ne s'était encore montré, Scyllia ressentit leur présence au loin. Avec le temps, elle avait appris à discerner les âmes bien plus loin que son champ de vision. Elle ferma les yeux et se concentra donc pour étendre ce pouvoir, mais fut frappée de stupeur. Haletante, elle rouvrit les yeux, recula de trois pas et se cogna le dos contre le tronc d'un arbre.
— Tout va bien Scyllia ? s'inquiéta l'un des membres de la compagnie de Ruby.
— Non... Il faut que j'aille parler au roi, immédiatement.
Sans en dire plus, la prétendante fendit la foule et s'enfonça de nouveau dans la forêt pour ne pas avoir à se faufiler entre les soldats. Le roi devait se trouver au milieu de l'armée, il fallait qu'elle le prévienne !
— C'est trop tard ! Ils ne pourront pas changer leur stratégie en aussi peu de temps.
— Mais on va se faire massacrer, chuchota-t-elle en faisant attention à ce que personne ne l'écoute. Ils sont deux fois plus nombreux que nos dernières estimations.
— Laisse-moi la place, je vais régler ça facilement avec un cataclysme.
— Mais des civils se trouvent parmi eux ! Je ne peux pas te laisser faire ça.
— C'est soit tu me laisses faire, soit tu sors une armée de ta poche. À toi de voir.
En entendant cela, Scyllia se stoppa net.
— Mais oui ! Shed, tu es génial !
— Je sais, mais pourquoi ?... Arrête de me cacher tes pensées, je déteste quand tu fais ça !
— Meracus, j'ai besoin de toi.
— Mais pourquoi tu l'invoques ?
Répondant à son appel, Meracus apparut devant la prétendante et s'agenouilla. Heureusement, elle s'était assez éloignée pour que personne ne les remarque.
— Vous m'avez appelé maîtresse ?
— Oui. Conduit-moi immédiatement sur le plan démoniaque, ordonna-t-elle.
— Mais, pourquoi ? s'étonna le démon.
— Ne discute pas, je suis pressée et c'est de la plus haute importance !
Avec une certaine hésitation, le démon à la peau bleu entoura l'adolescente de ses bras et commença à disparaître. Comme lorsqu'elle l'avait utilisé ainsi pour rejoindre Margaux qui était en danger contre l'assassin, Scyllia se mit elle aussi à se transformer en une brume noire et disparut en même temps que lui.
Lorsqu'elle reprit forme, Scyllia observa un instant ce qui l'entourait. Il n'y avait aucun doute sur l'endroit où elle se trouvait. Elle était en plein cœur du palais d'Ouros.
— Mais tu vas m'expliquer ce que tu fais là bordel de merde ! s'énerva Shed.
Sans lui répondre ou le laisser accéder à ses pensées, Scyllia se mit à courir vers l'escalier le plus proche en laissant Meracus là où il était. Elle dévala les marches quatre à quatre au risque de tomber et descendit les étages un à un jusqu'à arriver à ce qu'elle estimait être le rez-de-chaussée. Ce chemin lui était familier. Elle avait l'impression qu'elle était déjà passé par là.
— C'est parce qu'on est déjà passé par là quand tu t'étais faite enlever par des démons. Maintenant, sois gentille... Réponds-moi !
— Arrêtez-vous ! ordonna un ange en face d'elle en la voyant courir dans l'un des couloirs. Vous n'avez rien à faire ici !
— Dégage de mon chemin, je n'ai pas le temps de jouer ! hurla-t-elle.
Sans le faire véritablement exprès, Scyllia avait usé du pouvoir de Shed pour se faire obéir. À cet instant, en voyant l'ange voler dans le couloir pour s'écraser violemment contre un mur, elle comprit pourquoi il l'appelait « balayer les faibles ». Si le démon s'impatientait et rageait de ne pas connaître son plan, voir l'ange se faire malmener ainsi le fit tout de même bien rire.
Après une bonne dizaine de minutes pour trouver la sortie, la prétendante prit un autre escalier qui la mena au véritable rez-de-chaussée, elle quitta enfin le palais et courut droit devant elle. Elle se stoppa cependant en voyant une personne qu'elle ne pourrait pas dégager aussi facilement que l'ange du couloir.
— Alors, on va quelque part ? questionna Ouros en se tenant au milieu de l'arche d'entrée du mur d'enceinte. Moi qui croyais que tu te battrais corps et âme pour ton royaume, te voilà en train de fuir la bataille et de te cacher sur le plan démoniaque.
— Je ne fuis pas, affirma-t-elle. Je suis venue chercher de quoi gagner cette guerre !
— Ho ! Voyez-vous ça. Et tu penses la trouver avant que les hostilités ne commencent ? Si je m'en réfère à ce que je vois actuellement, les deux armées commencent à se faire face et ton roi ainsi que le commandant de l'armée d'Istram s'avancent l'un vers l'autre pour se rejoindre au centre de la plaine.
— C'est la seule solution. Et je n'aurai pas à faire ça si tu ne leur avais pas donné trois fragments ! accusa-t-elle.
— Mais je ne leur ai rien donné moi. Ce sont eux qui sont allés les chercher d'eux-mêmes. Je peux t'assurer que cette petite guerre ne faisait pas partie de mes plans... Contrairement au reste. Mais je suis tout de même curieux. Qu'est-ce qui, sur cette terre désolée, pourrait t'apporter la victoire ?
Sans que Scyllia n'ait le temps de réagir, Ouros parcourut la distance qui les séparaient et posa deux de ses doigts sur le front de l'adolescente. Elle l'avait déjà vu faire ça. Il se servait de cette technique pour insuffler des pensées ou des connaissances dans la tête d'une personne, mais aussi pour fouiller dans sa tête.
Lorsqu'il retira sa main, son visage se fendit d'un sourire, puis, le dieu de la mort partit dans un fou rire incontrôlé.
— Alors c'est ça ton plan ? s'esclaffa-t-il.
— Mais c'est quoi ce foutu plan bordel de merde ! s'énerva Shed.
— Admettons que tu saches où se trouve cet endroit, tu n'y arriveras jamais à temps.
— Alors aide-moi au lieu de me faire perdre mon temps !
— Les dieux ont décidé de rester impartiaux... commença-t-il.
— À d'autres, souffla la prétendante. Si tu suivais les autres dieux, ça se saurait. Alors tu vas m'aider, oui ou non ?
— Et qu'est-ce que j'y gagne ? demanda-t-il avec un large sourire.
— Je ne sais pas où ce petit jeu que tu as créé avec ces fragments va me mener, mais une chose est sûre, tu veux que je les réunisse tous. Or, si Tremiss perd cette guerre, jamais je ne les réunirai. D'ailleurs, je me suis toujours demandé. Les autres dieux sont-ils au courant que tu as disséminé des artefacts aussi puissants et maléfiques sur le plan mortel ? Ils savent sans doute qu'ils existent vu que mon frère se trouve auprès d'eux, mais est-ce qu'ils savent que c'est toi qui les as sciemment créés ?
— Bon, c'est d'accord, je t'y emmène, céda le dieu.
À peine un instant après avoir dit cela, tout ce qui entourait Scyllia et Ouros disparut. Il n'y avait plus le palais du dieu, plus le mur d'enceinte, plus la cité des damnés. Ils se trouvaient à présent dans un immense cratère de terre rouge.
— C'est ici ? demanda-t-elle.
— Cet endroit me dit quelque chose, réfléchit Shed.
— À l'endroit même où tu te trouves, confirma le dieu.
— Dans ce cas, je te conseille de t'éloigner si tu ne veux pas...
— Ne t'en fais pas pour moi, fait ce que tu as à faire, lui sourit Ouros.
— Dans ce cas...
Bras tendu devant elle, la prétendante invoqua son épée et tendit la lame vers l'horizon. Elle inspira longuement, puis expira pour se concentrer. Lorsqu'elle se sentit enfin prête, Scyllia commença à charger de son énergie dans l'épée. Des filaments d'énergie noirs et violets se mirent à tourner et à s'enrouler autour de la lame, la faisant luire d''une aura maléfique à mesure qu'elle en était recouverte.
— Quoi, c'est ça ton idée ?... Mais c'est du génie ! s'exclama Shed.
Lorsque la lame fut totalement recouverte par les filaments, une sphère d'un violet sombre apparut à sa pointe. Des éclairs noirs la zébraient et crépitaient de plus en plus dans un bruit qui en devenait assourdissant.
Au moment où l'orbe atteignit la taille d'une tête, Scyllia pointa l'épée vers le sol et, de ses deux mains, l'enfonça profondément dans la terre. Celle-ci se mit alors à trembler et à se fissurer dans un bruit sourd et assourdissant, comme-ci, de par ce geste, elle avait transpercé le cœur de ce monde.
Le vent se mit alors à souffler et souleva la poussière rouge. Elle avait l'impression de se trouver au centre d'une tornade gigantesque en formation. À cela s'ajoutait que le ciel, rouge à son arrivée, s'était presque instantanément recouvert d'épais nuages noirs qui crépitaient d'éclairs écarlate.
Alors que le mur de poussière montait et s'étendait pour faire la taille de l'immense cratère, Scyllia avait l'impression d'assister à une fin du monde. Mais d'après le sourire de Ouros, elle avait parfaitement réussi ce qu'elle était venue faire ici.
— C'était extrêmement divertissant, applaudit-il. J'ai hâte de voir la suite. Pour t'aider, je suis même prêt à te donner quelque chose.
— Son gant ?
— Non Shed, je ne te prêterai pas l'arme d'un dieu. Rappelle-toi, les dieux restent impartiaux. Non, je pensais plutôt à ça.
Sans plus d'explications, le dieu de la mort posa de nouveau ses doigts sur le front de la prétendante et grava un sort dans son esprit.
— Ne t'en fais pas, ce que tes amis ont mis en place ne l'empêchera pas de s'activer, indiqua-t-il. J'en ai aussi profité pour t'enlever ta fatigue... Ho ! Et puis, dernier cadeau pour la route.
Le bras du dieu tendu vers elle, l'adolescente vit ses habits se transformer en une robe noire parsemée de rouge semblable à celle qu'elle portait lorsqu'elle baignait dans la source des dragons et que Shed contrôlait son corps. Elle sentait aussi que, de la même manière que sa tenue de combat habituelle, celle-ci n'allait pas gêner ses mouvements et allait la protéger d'absolument tout.
— Maintenant va, et offre-moi un beau spectacle.
Avec un sourire reconnaissant, Scyllia s'embrasa d'un feu violet d'une intensité jamais vu et disparut de ce plan tandis que les éléments se déchaînaient de plus en plus dans une scène apocalyptique.
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