Chapitre 17

 Alors que Scyllia et sa famille étaient descendues sur la terrasse pour rejoindre les deux-cents paladins qu'Arthur avait réussi à rassembler, la prétendante sentait que l'heure des au-revoir était arrivée. Elle serra d'abord son grand-père et le remercia pour ce qu'il avait fait pour elle, puis en fit de même avec Louise. Même si leur plan initial n'avait pas été couronné de succès, elle ne pouvait nier qu'elle avait été d'une grande aide et que si le roi n'avait pas été aussi égoïste, tous ses enseignements auraient porté leurs fruits. Vint ensuite le tour de Rebecca, mais la scène qu'offraient sa tante et son oncle s'étreignant dans un dernier baiser lui fendit le cœur.

— Vous êtes sûrs de vouloir m'accompagner ? s'inquiéta Scyllia. Avec le bébé qui va bientôt arriver, votre place est aux côtés de Rebecca ! Imaginez qu'il vous arrive quelque chose et que...

— C'est justement parce que j'ai tant de choses qui m'attendent chez moi que je reviendrais, la coupa Archibald.

Moui, enfin, ça n'est pas pour le contredire, mais beaucoup de personnes ont déjà tenu le même discours et ne sont jamais revenues.

— Et c'est justement pour offrir un monde plus sûr à cette enfant à naître qu'il part, argumenta Rebecca. Il m'est difficile de cacher mon inquiétude. Mon cœur m'implore de le retenir, mais nous le savons tous et tu l'as dit toi-même. La fédération ne s'arrêtera pas au royaume de Tremiss. Il faut arrêter cette menace au plus tôt et je sais qu'Archibald sera un véritable atout dans cette guerre.

— Et tout comme ces paladins, j'ai un jour été l'apprenti de mon père, ajouta le grand inquisiteur. Je ne pourrais plus me regarder en face, ni croiser son regard si je décidais de rester alors que les autres sont partis.

Voyant que sa décision était prise, Scyllia n'insista pas et alla plutôt étreindre sa tante tout en lui promettant à voix basse qu'elle le ramènerait en vie. De son côté, Archibald était parti faire ses au-revoir à son père et à sa sœur.

— J'ai déjà perdu un têtard, souffla Louise en serrant son frère dans ses bras. Fais en sorte que je ne perde pas le deuxième.

— À vos ordres... Mademoiselle grenouille, répondit-il avec un sourire qui se voulait rassurant.

Les au-revoir terminés, Archibald alla se placer en tête de la petite armée et hocha la tête en direction de la prétendante pour lui signifier que tout était prêt. Scyllia passa alors la bague d'émissaire à son doigt et, paume tendue vers un espace vide de la terrasse, commença à insuffler de son énergie à l'intérieur.

Dans un premier temps, il ne se passa rien. Malgré la quantité d'énergie qu'elle avait utilisée, aucun signe précurseur d'une ouverture de portail n'était apparu. Cela étonna la prétendante qui n'avait pas dû en utiliser autant la première fois, mais elle ne se découragea pas et, avec un peu d'insistance, des étincelles commencèrent à crépiter et à tourner pour former une spirale à plusieurs branches.

Peu à peu, le nombre d'étincelles se multiplia jusqu'à former un cercle parfait et scintillant de trois mètres de diamètre. Le disque jusque-là à l'horizontal se releva pour être parfaitement à la verticale. En son centre, les milliers d'étincelles faiblirent peu à peu et changèrent de couleur pour dessiner ce qui pouvait s'apparenter à une forêt. Ce cercle se mit alors à grandir jusqu'à ce qu'il ne reste qu'une petite bordure d'étincelles et révéla de plus en plus d'éléments tel que des tentes, des chevaux, des soldats et, sur le côté, quelqu'un que Scyllia reconnut de suite. Ronan.

— Le passage est ouvert, annonça Scyllia.

— Paladins ! En avant ! ordonna Archibald en ouvrant la marche.

Avec une discipline militaire, ceux qui avaient répondu à l'appel de l'ancien grand inquisiteur s'engouffrèrent dans le portail et apparurent directement de l'autre côté, comme si la distance qui séparait les deux endroits était nulle.

Une fois que la troupe fut passée, Scyllia ferma la marche et fit un dernier signe de la main à sa famille avant de s'engouffrer dans le portail. Étonnamment, elle n'avait rien ressenti de spécial lors de la traversée. Malgré le sort empêchant les téléportations, le portail qu'avait créé Enzo était d'une incroyable stabilité.

Une fois arrivée de l'autre côté, l'image du manoir Eliar se brouilla et, petit à petit, le portail s'étrécit jusqu'à totalement disparaître. Comme elle l'avait entraperçu au travers du passage, elle se trouvait en plein milieu d'un camp militaire dans une forêt qui devait sans doute se trouver à mi-chemin entre la capitale et la frontière avec la fédération d'Istram.

Enfin ! On y est enfin ! jubila Shed. Je peux déjà sentir d'ici l'odeur du sang, des viscères et du désespoir ! Ma petite Scyllia, je t'en fais la promesse, ça va être une véritable boucherie.

— Émissaire, c'est un plaisir de vous voir, la salua Ronan en s'approchant d'elle avec un large sourire.

— Moi aussi je suis heureuse de te voir, répondit-elle en le serrant dans ses bras.

— Le général aimerait entendre ton rapport si ça ne te dérange pas. Il t'attend dans la tente de commandement principale.

— Je te suis.

— Et moi de même, intervint Archibald. Vu que je coordonne ces hommes, je pense être le plus à même d'informer votre général sur leurs capacités pour que nous puissions combattre à vos côtés le plus efficacement possible.

— Votre présence est la bienvenue, répondit le demi-dieu de la guerre. Les soldats de Tremiss vont se charger de guider ceux d'Atora et les aideront à monter leur campement pendant que vous vous entretiendrez avec le général.

Après un hochement de tête de la part d'Archibald pour signifier qu'il était d'accord avec cette proposition, Ronan ouvra la marche et mena Scyllia et son oncle à travers ce véritable village de tentes. Cependant, malgré le nombre important de soldats qu'ils croisaient, un doute subsistait dans la tête de la prétendante. On pouvait croire qu'il y avait du monde, mais à l'échelle d'une armée, ils n'étaient vraiment pas nombreux.

— Ça n'est quand même pas toute l'armée de Tremiss ? s'inquiéta-t-elle.

— Non, répondit le prétendant à la guerre. L'armée a été divisée en plusieurs camps comme celui-ci. Ils ont été répartis de manière à ce que l'on couvre un maximum de territoire, mais que l'on puisse tout de même intervenir rapidement si l'un d'eux se fait attaquer. Pour leurs positions exactes, je suis désolé, mais je ne peux rien te dire de plus pour l'instant.

Traduction, elle n'avait pas les autorisations requises pour accéder à ces informations. Ronan agissait déjà comme un vrai soldat, ce qui n'était pas étonnant vu qu'à chaque fois que Scyllia apprenait à contrôler les pouvoirs de Shed à l'académie, lui apprenait tout ce qui faisait référence à la guerre. De plus, vu qu'il s'était engagé dès le premier jour de la campagne de recrutement, cela devait faire environ un mois qu'il se trouvait là et vu sa capacité d'adaptation, il n'était pas étonnant qu'il se comporte comme un membre de l'armée. Il n'arborait d'ailleurs pas une robe de mage de bataille, mais bien une armure complète en plaque faite pour les combats rapprochés.

Après quelques minutes de marche, Ronan se présenta devant une tente bien plus grande que les autres et entra sans se soucier des deux gardes postés à l'entrée. Scyllia en fit de même, suivie par Archibald, et se retrouva devant une table sur laquelle avait été tendue une carte de la région. Au fond de la tente, deux hommes parlaient jusqu'à ce que l'un d'eux remarque leur présence et congédie l'autre.

— Général, l'émissaire envoyée à Atora est là, présenta Ronan. Elle est accompagnée du commandant des troupes qui sont arrivées avec elle.

— Bien. J'en déduis que votre mission s'est soldée par une réussite.

— Pas exactement, avoua la prétendante. Le roi d'Atora a refusé de nous accorder son aide, mais grâce à certaines personnes haut placées, nous avons tout de même réussi à ramener deux-cents hommes.

— Seulement deux-cents ? Même si c'est mieux que rien, cela reste peu. J'espère au moins qu'ils savent se battre.

— Si j'avais le choix entre partir à la guerre avec l'armée de mon royaume ou partir avec ces deux-cents hommes, je les choisirai sans hésiter, affirma Archibald. Ils ne sont pas de simples soldats, mais des paladins autant redoutable en stratégie qu'avec une lame à la main sur le champ de bataille.

— Il est vrai que la réputation des paladins d'Atora n'est plus à faire, réfléchit le général. Votre aide nous sera des plus précieuses, surtout contre les créatures impies qui se trouvent dans leur armée. D'avance, je vous remercie.

— Contrairement à notre roi, nous avons pleinement conscience de la menace que représente la fédération. Nous ne pouvions rester sans rien faire pendant que nos alliés se faisaient attaquer.

— J'aurai aimé vous expliquer la situation moi-même, mais une importante missive me demande de me rendre à un autre camp et je ne peux malheureusement pas déléguer cette tâche. J'espère que vous ne le prendrez pas mal si Ronan s'en charge à ma place.

— Je sais qu'en tant que général, il y a fort à faire. Ne vous en faites pas, je comprends totalement.

— Parfait. Je serais de retour au plus tard demain. En attendant, je vous laisse vous installer.

À ces mots, le général prit quelques affaires qu'il avait rassemblées dans le coin de la tente, puis contourna la table pour sortir.

— Attendez ! Qu'en est-il de moi ? questionna Scyllia.

— Avec l'afflux de recrues qui ne cessent de venir de la capitale, les routes sont sûres. Vous pouvez prendre un cheval pour retourner chez vous.

— Ça, il n'en est pas question, rétorqua-t-elle avec un léger rire nerveux.

— Je vois... C'est donc elle, dit le haut gradé en fixant Ronan.

Sans un mot, le demi-dieu hocha la tête avec un air qui en disait long sur ce qu'il lui avait déjà révélé de son amie.

— Retournez à la capitale, c'est un ordre ! tenta-t-il de la convaincre avec une vois autoritaire.

— Sauf votre respect, général. Maintenant que je suis là, il n'est pas question que je reparte ! Essayez de me faire rentrer de force et vous retrouverez les personnes qui m'escortent assommées sur le bord de la route. Enfermez-moi et je vous assure que vos cellules seront inutilisables après que je me sois échappée. Ou bien laissez-moi libre dans le camp et vous pourrez constater que je peux me rendre utile. À vous de choisir.

— Tant que vous ne gênez pas nos opérations, faites comme bon vous semble, répondit-il d'un ton égal avant de quitter la tente.

Stupéfaite, Scyllia regarda les pans de l'ouverture de tente se refermer, puis resta figée avec une certaine incompréhension. On lui avait tellement refusé sa place au front qu'elle ne pensait pas que convaincre le général serait aussi aisé. Soudain, elle se souvint du regard qu'il avait lancé à Ronan et se tourna vers lui en quête de réponse.

— Ne me regarde pas comme ça, se défendit le demi-dieu.

— Qu'est-ce que tu lui as dit sur moi ?

— Ça a vraiment son importance ?

— Qu'est-ce que tu lui as dit sur moi ? répéta l'adolescente sur le même ton.

— Que tu étais la pire tête de mule qu'il m'ait été donné de rencontrer et que rien ne te faisait changer d'avis quand tu avais une idée derrière la tête. Je lui ai aussi assuré que si tu décidais de rester, tu saurais te rendre utile et ne pas être un fardeau.

Une tête de mule. Il te connaît tellement bien, rit Shed.

Même si ce portrait d'elle n'était pas vraiment élogieux, il lui avait au moins permis d'éviter d'avoir à justifier de son utilité pour pouvoir rester. De ce fait, elle ne lui en tint pas rigueur. Cependant, le regard qu'il lui lançait présageait qu'elle n'allait pas aimer ce qu'il s'apprêtait à dire.

— Par contre, comme je te l'ai dit tout à l'heure, je n'ai pas le droit de te révéler quoi que ce soit sur la stratégie militaire. Donc tant que tu seras là, je ne pourrais pas informer le grand inquisiteur de la situation actuelle.

— Mon but n'est pas de vous gêner, affirma-t-elle en comprenant qu'elle restait toujours une simple civile et que certaines informations ne devaient pas tomber dans l'oreille de n'importe qui. Juste une dernière question avant que je m'en aille. Camille n'est pas là ?

— Elle se trouve dans un autre camp, répondit le demi-dieu. Je te dirai lequel et où il se trouve quand tu auras reçu les autorisations.

— D'accord. Je ne vous dérange pas plus longtemps. Je vais aider les paladins à monter leurs tentes.

Sans s'imposer plus longtemps, Scyllia ressortit de la tente de commandement et repartit en direction de l'endroit où elle était arrivée par le portail pour retrouver les paladins. Elle retrouva facilement le chemin, mais de toute évidence, le court laps de temps pendant lequel elle était partie à la tente de commandement leur avait suffi pour disparaître.

Un instant, la prétendante hésita entre faire le tour du camp pour le découvrir plus amplement et comprendre l'organisation ou se mettre à leur recherche. Elle opta malgré tout pour la seconde option afin de montrer sans attendre qu'elle pouvait se rendre utile.

Les retrouver ne fut d'ailleurs pas bien compliqué. Elle n'eut qu'à questionner l'un des soldats qui se trouvait près d'elle pour qu'il lui indique la direction qu'ils avaient prise. Les paladins étaient partis vers l'extrême est du camp pour monter leurs tentes.

Une fois qu'elle les eut rejoints, ceux-ci acceptèrent volontiers son aide. Elle passa ainsi le reste de la journée à planter des pieux, tirer sur des cordes et tendre des toiles pour que tous aient un abri pour dormir. Leur installation s'acheva en début de soirée, alors que les soldats allumaient les premières torches pour s'éclairer. Ce fut aussi à cet instant qu'Archibald réapparut. Heureusement pour lui, ses compagnons s'étaient chargés de monter sa tente et avaient installé deux lits de camp. Un pour lui et l'autre pour Scyllia.

— Alors ? demanda la prétendante en suivant son oncle à l'intérieur de leur tente.

— Je n'irai pas jusqu'à dire que la situation est désespérée, mais elle est pire que ce à quoi je m'attendais, lui avoua-t-il en s'asseyant sur le lit. Sans entrer dans les détails stratégiques, tout laisse à penser que cette guerre était préméditée depuis bien plus longtemps que ce qui peut paraître.

Intérieurement, Scyllia poussa un soupire de soulagement. Au moins, son oncle acceptait de parler de ce genre de chose avec elle, contrairement à Ronan qui était resté muet et ne voulait même pas lui révéler où se trouvait Camille. Elle n'avait pas spécialement envie de donner son avis sur une stratégie ou une autre, mais voulait au moins en savoir un peu plus sur ce qui les attendait réellement.

— Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?

— Le nombre de créatures non humaines qu'ils utilisent. Les orcs par exemple. À ma connaissance, il n'y en a pas dans le sud. Je n'en ai même jamais vu à Atora. Mais là, ils en ont toute une armée. Ça n'est qu'une hypothèse, mais je pense qu'ils sont allés les chercher dans les terres noires et que cela fait des années qu'ils en ramènent chez eux pour cette guerre.

Si on suit son raisonnement, il est aussi possible qu'ils aient voulu s'emparer de la source des dragons pour la même raison. Mais dans ce cas, soit ils ont trouvé au moins un fragment d'orbe peu de temps après qu'Ouros l'ait brisé, soit la corruption des cristaux n'y est pour rien dans cette guerre.

— Vous pensez que l'on peut gagner cette guerre ?

— Oui. Mais avec les effectifs actuels, ça ne se fera pas sans de lourdes pertes, répondit-il sur un ton grave.

— Y a-t-il au moins un point rassurant dans tout ça ?

— Ils sont plus nombreux et leurs armes sont bien plus puissantes, mais s'il y a bien une chose que l'histoire m'a apprise, c'est que les stratégies militaires de Tremiss sont légendaires. Ce royaume n'a pas une grande armée. Je dirai même qu'elle est plutôt petite par rapport à la superficie du territoire, mais cela ne les a jamais empêchés de repousser ses assaillants parfois bien plus nombreux. Espérons juste qu'ils n'ont pas perdu la main après cette longue période de paix.

Si je puis me permettre, je pense qu'une stratégie qui pourrait porter ses fruits serait d'envoyer une personne compétente, à savoir moi, régler ce problème de parasites avec un plan somme toute très simple. Je m'envole assez haut pour ne pas me faire repérer et je rase leurs camps à coup de cataclysme.

— Je pense que s'ils avaient pu, ils auraient déjà usé d'une stratégie similaire, contredit la prétendante.

— Quelle stratégie ? interrogea son oncle.

— Attaquer leurs camps depuis le ciel avec des sorts puissants, résuma-t-elle.

— Tu as raison, ils ne peuvent pas, confirma le grand inquisiteur. La fédération établie ses camps dans les villes et il y a encore des citoyens innocents là-bas. La finalité est de rendre aux habitants leurs terres et leurs maisons lorsque c'est encore possible, pas un énorme cratère fumant. Mais ne t'en fais pas, nous trouverons une solution moins radicale.

— Quand je pense que certaines guerres ont duré des années, souffla Scyllia. J'espère que celle-ci sera vite terminée.

— Je ne peux rien te révéler sans entrer dans les détails, mais crois-moi, ça ne sera pas le cas. Enfin bref, je vais aller voir mes troupes pour leur expliquer la situation. Repose-toi un peu pendant qu'ils préparent le dîner, tu l'as bien mérité.

Tandis qu'Archibald sortait de la tente, Scyllia s'allongea sur son lit et pensa à ce qu'il venait de lui dire. Qu'entendait-il par ça ne sera pas le cas ? Lui cachait-il que la situation était en fait réellement désespérée ou bien pouvaient-ils vraiment gagner la guerre avant qu'elle ne s'éternise ?

Avant qu'elle ne trouve une réponse, le fait d'être allongée emporta la prétendante dans un sommeil profond à cause de la fatigue qu'avait engendrée cette journée éprouvante mentalement et émotionnellement. Elle ne se réveilla que pour manger, puis repartit immédiatement se coucher dès que son écuelle fut vide. Finalement, elle n'avait qu'à moitié réussi la mission que lui avait confiée la reine Céline, mais au moins elle se trouvait à présent dans un endroit où elle pouvait faire la différence. Avec cette pensée en tête, Scyllia réussit à s'endormir malgré la fraîcheur qui régnait dans la forêt et les bruits du camp que les parois de toile de sa tente n'atténuaient même pas.  

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