16. Welcome to New York !

Les rayons de soleil viennent baigner la pièce lorsque je me réveille. Je ne sais pas combien de temps je suis restée à l'observer, mais j'ai senti que j'allais m'endormir et j'ai regagné mon lit. Cela aurait été gênant qu'il me trouve à ses côtés à son réveil. Je me couche sur le côté et l'observe attentivement alors qu'il dort encore. Il est beau, vraiment beau. Mais alors qu'au premier abord, sa beauté me semblait dangereuse, plus j'assemble des pièces de son puzzle, moins c'est ce que je pense. Ce matin, alors que ses traits sont à nouveau tendus, je le trouve douloureusement beau.

Voyant que les minutes défilent, je repousse la couette pour me diriger en silence jusqu'à la salle de bains après avoir récupéré des affaires propres. Je referme la porte et m'y adosse. Je suis tendue, nerveuse à l'idée de la journée qui nous attend. Je ne pensais pas que ce voyage serait si éprouvant. Rapidement, je passe sous la douche puis m'habille et peigne mes cheveux.

Lorsque je sors enfin, Eliot est réveillé mais, à en juger par sa tête, il cuve encore.

— Je conduis, annoncé-je avec assurance.

Il est hors de question qu'il prenne le volant dans ces conditions. Il acquiesce, ce qui me surprend. Je pensais devoir batailler pour lui faire entendre raison et qu'il accepte, mais non. Il se lève et me fixe lorsqu'il se rend compte de sa tenue. Je détourne la tête, voyant qu'il me regarde, interrogateur, mais il ne me pose pas de questions et se dirige d'un pas traînant jusqu'à la salle de bains. Il en sort quelques minutes plus tard, un peu plus frais, puis nous rangeons nos sacs.

Nous nous rendons à l'accueil, remettons les clés à la réceptionniste qui n'est pas la même que cette nuit. Ça ne m'étonne pas, mais j'aurais voulu la remercier pour son aide. Nous traversons le parking et Eliot me remet les clés après avoir déverrouillé la voiture. Je place mon sac de voyage dans le coffre, puis me dirige côté conducteur.

Silencieusement, il prend place à côté de moi. Sa présence est suffocante, surtout quand il ne décroche pas un mot. Je voudrais pouvoir être dans sa tête, savoir ce qui le perturbe toujours, ce qui le rend si songeur, si malheureux.

Je rapproche le siège parce qu'à cette distance, mes pieds ne touchent pas les pédales. Après avoir terminé les réglages, j'allume le GPS puis démarre le véhicule. Nous quittons la ville, lentement parce que je n'ose pas aller trop vite. Cette voiture doit coûter trois ans d'un salaire moyen, je ne voudrais pas m'endetter avant d'avoir commencé à travailler. Étonnamment, à aucun moment il ne s'en plaint.

Les kilomètres défilent, le silence nous entoure toujours. De temps en temps, je lui jette un regard nerveux mais, quand il ne dort pas, il observe le paysage sans jamais se tourner vers moi. Je resserre ma prise sur le volant pour calmer mon impatience et ne pas lui demander ce qui le tracasse.

— Ça vous dit qu'on joue à un jeu ? osé-je à bout de nerfs.

Il faut qu'on se parle, sinon je ne tiendrai pas.

— Vous avez quel âge ? se moque-t-il, la voix éraillée.

Mon Dieu, comment sa voix peut-elle être encore plus sexy après une cuite ? Je suis soulagée de voir qu'il peut sourire aujourd'hui.

— Je faisais souvent ça avec mes parents quand on avait de la route. J'étais du genre hyperactive, je ne tenais pas en place, avoué-je en souriant.

— Je ne l'aurais pas deviné, me dit-il sincèrement.

Non, les choses changent, les gens aussi. Avec les années, je suis devenue plus calme et moins sûre de moi.

— Je pense que je vais plutôt dormir, reprend-il.

Je ravale ma déception et lui adresse un faible sourire. C'est ce qu'on appelle un vent, Evy.

— Ce n'est rien, c'est juste que le silence a tendance à m'angoisser, ne puis-je m'empêcher de rajouter.

Il décolle son dos du siège passager et ses doigts viennent allumer le poste radio. La musique résonne rapidement et un son des années quatre-vingt-dix sort des enceintes du véhicule. Je fredonne et tapote le volant au rythme de Zombie.

C'est ainsi que nous passons le reste du voyage. Eliot choisit des morceaux pour moi et se moque quand je grimace. Quand ça me plaît, je fredonne un peu. Il m'a semblé le voir se moquer de moi à plusieurs reprises, mais ça m'est égal, je préfère qu'il fasse ça plutôt qu'il rumine dans son coin.

Un panneau nous indique que nous approchons de New York et il me demande de me garer sur le bas-côté. Nous échangeons nos places, puis reprenons la route. Je suis soulagée de ne pas avoir à conduire dans la grande pomme. Trop de circulation, trop de piétons pressés. Bonjour l'angoisse.

Nous parcourons les kilomètres qui nous séparent de la ville dans un silence religieux. J'ai la boule au ventre, mais également hâte de découvrir les gratte-ciels, les Yellow cab, tout ce qui me fait rêver depuis que je suis toute petite.

Lorsque nous arrivons enfin, mes yeux ne me suffisent pas à tout voir. J'ai l'impression d'être une enfant, car absolument tout m'émerveille. Je plaque ma tête contre la vitre pour observer la hauteur des immeubles et lorsqu'elle coulisse, je remercie Eliot qui lâche un léger rire. Je sors légèrement la tête, puis la rentre à nouveau, prise d'un vertige.

— C'est haut, pas vrai ? se moque-t-il.

— Légèrement oui, c'est impressionnant !

New York est encore plus démesurée que ce que je ne me l'étais imaginée. Alors que nous sommes dans les embouteillages, je pointe du doigt un Yellow cab.

— Ce n'est qu'un taxi !

— Vous ne savez pas ce que représente ce taxi pour les gens comme moi, le réprimandé-je. Où va-t-on ? Vous vivez en banlieue ?

Eliot me jette un coup d'œil amusé, puis se concentre à nouveau sur la route.

— Manhattan, me répond-il. L'Upper East Side pour être plus précis.

— Comme dans Gossip Girl ? demandé-je, les yeux écarquillés.

Il retient un rire, sauf que moi ça ne m'amuse pas. Je ne connais pas grand-chose de cette ville, mais je sais que celui-ci est un des quartiers les plus bourgeois. Nous longeons un parc et je devine que c'est le Central Parc. J'ai hâte que la voiture s'arrête tant je suis excitée par les deux mois que je m'apprête à vivre.

Nous arrivons enfin devant un immeuble, puis Eliot sort du véhicule sans couper le moteur. Je reste assise, sourcils froncés. Il ne peut pas faire ça, si ? Voyant que je ne le suis pas, il se baisse à ma hauteur.

— Vous venez ?

— Et la voiture ?

— Le voiturier va s'en charger.

Le voiturier ? Je suis exaspérée, mais quitte tout de même la voiture.

— Qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-il. C'est le voiturier qui vous met dans cet état ?

— Je... Je pense juste que garer une voiture n'est pas si compliqué que ça, osé-je.

Il rit à gorge déployée.

— Bienvenue dans ma vie, Evy.

Je sens que son « bienvenue » n'en est pas un et j'exècre ce genre d'attitude. Je le suis néanmoins et salue l'homme à la casquette qui prend le volant, tandis qu'un autre en uniforme nous salue lorsque nous passons les portes en verre. Le hall d'accueil ressemble plus à celui d'un hôtel qu'à celui d'un immeuble d'habitation. Dans l'appartement où mes parents vivaient lorsque j'étais petite, c'est tout juste si nous avions un digicode.

Mes pas cessent, je ne peux pas.

— Monsieur Millers, je vais prendre un hôtel, j'ai de l'argent de côté.

Il arrête de marcher et se gratte l'arrière du crâne, sans se retourner. Finalement, il le fait et m'agrippe le bras pour me diriger vers l'ascenseur. Est-ce de l'or ? pensé-je en voyant les dorures sur le mur.

Je traîne des pieds, mais il me force à avancer et ne me relâche même pas lorsque nous pénétrons dans la cabine.

Libérez-moi. Retenez-moi. Mon esprit divague et ma peau est en train de s'incendier.

Il appuie sur un bouton puis se retourne vers moi.

— Vous allez vous prendre une chambre dans un quartier miteux, parce que je le sais, vous êtes étudiante.

Je me renfrogne. Et alors ? Il n'y a aucun mal à ça.

— Vous devrez vous éloigner de Manhattan et vous aurez un minimum de deux heures de transport pour arriver jusqu'ici. J'ai deux appartements, vous prendrez celui qui est libre.

Il a un appartement vide ? À quoi sert un appartement vide ? m'outré-je intérieurement.

— Vous vivrez au deuxième étage et moi au quatrième, si ça peut vous rassurer, lâche-t-il froidement.

Il pense que c'est à cause de ça ? Pour ne pas en rajouter, je me garde de lui dire que deux étages ce n'est de toute façon pas assez pour ma santé mentale. Nous quittons l'ascenseur et arrivons sur un couloir ne comportant que deux portes. Tout un étage pour deux ? Autant de confort me paraît presque indécent. Bon, je ne suis là que pour deux mois, alors je devrais en profiter, non ?

Il ouvre la porte et se décale pour me laisser entrer. D'accord, c'est plus qu'indécent. Un immense salon me fait face, une hauteur sous plafond assez impressionnante. La décoration est minime, mais les meubles me semblent d'excellente facture. Bien que je n'y connaisse rien. La taille de la pièce est hallucinante. Elle fait au moins la taille de la maison de mes parents.

— Je ne peux pas. Vraiment, dis-je en me tournant vers lui.

— Evy, s'il vous plaît. Ce n'est que pour deux mois.

La façon dont ses yeux me fixent, dont ils me supplient d'accepter, me pousse à acquiescer.

— Je vais vous laisser prendre vos marques. Choisissez la chambre que vous voulez. La dernière a un grand dressing, vous pourrez ranger vos affaires.

Je me retiens de rire en sentant le poids que fait mon pauvre sac de voyage.

— Demain, nous débuterons le stage puis nous irons acheter un peu de décoration pour mettre l'appartement à votre goût.

Il croit que je vais passer ma vie ici ?

— Je ne suis là que pour deux mois, lui rappelé-je.

— Oui, mais je veux le vendre, alors autant le rendre plus accueillant. Dites-vous que vous me rendrez un grand service.

J'opine du chef, puis il me salue avant de quitter l'appartement. La solitude m'envahit aussitôt. Cet endroit est bien trop grand pour une personne seule, je trouve ça presque triste. Je m'avance en visitant les pièces une à une. La cuisine est digne de celle d'un grand restaurant, les meubles en bois blanc lui donnent un aspect de maison familiale. La salle de bains est démesurément grande et elle comporte une baignoire sur pied. Mon rêve. Je me vois déjà m'y prélasser tranquillement, un bouquin, un verre de vin et de la mousse jusqu'au menton. Je ne bois pas de vin, mais je m'y mettrai, juste pour que le tableau soit complet.

Je me sens hypocrite lorsque je me rends compte que je vais profiter de ce luxe avec bonheur. Pour soulager ma conscience, je prends la plus petite chambre, bien qu'elle soit déjà assez immense. En revanche, il avait raison, le dressing de la plus grande est gigantesque.

Je jette mon sac au sol et m'affale à plat ventre sur le lit. Je m'étire, puis finis par m'endormir, épuisée par la route.

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