Chapitre 1 - Voilà l'élément déclencheur

- Je n'ai même pas vu le mois de décembre arriver.

Je hoche la tête aux paroles de Jack et lève la tête de mon livre pour le regarder. Un petit soupir m'échappe et je repose l'ouvrage que je lisais avec attention. 

- Je suppose que cette année non plus, nous ne verrons pas les autres ?

Il hoche la tête et je baisse la tête vers la neige qui tombe autour de notre petite maisonnette. Le feu dans l'âtre offre une atmosphère clichée à la scène et je ne peux m'empêcher de regretter l'électricité, l'eau courante et le chauffage avec ces bons vieux radiateurs. La vie de criminel a ses avantages, mais aussi ses inconvénients. Le premier étant que nous devons rester anonyme, ce qui signifie qu'il est impossible de payer l'électricité ou ce genre de choses, vu que notre maison n'est pas répertoriée. Alors nous nous chauffons au feu de bois et l'eau provient d'un puit que nous avons fait installer par des hommes manipulés par le Puppeteer. Au fond, la vie n'est pas si dure que ça, surtout que nous ne manquons de rien, et dès qu'il nous manque quelque chose, il nous suffit d'aller le "chercher" chez nos voisins plus ou moins éloignés.

- Lana ? Jack ? 

Je tourne la tête vers l'entrée du petit salon. Dehors, la nuit est tombée depuis des heures alors seul le feu illumine encore la petite pièce. Je m'en tiens assez près pour lire, mais la porte est trop loin pour être parfaitement éclairée. Je ne distingue donc dans l'obscurité qu'un vague reflet luisant et une forme floue. Jack se lève de son fauteuil et s'étire avant de venir s'asseoir près de moi. 

- Viens, Sicha.

La forme obéit à Jack et s'avance dans la lumière. Je souris quand la lueur des flammes découvre totalement la petite Sicha. Un peu translucide à cause du sommeil qui l'empêche de contrôler parfaitement sa condition d'esprit, elle est habillée chaudement et ses cheveux aux bouts brûlés sont tout emmêlés. Je plonge mes yeux dans les siens, entièrement faits de charbon et lui souris. Sa petite bouche d'enfant me répond avec un large sourire et elle vient se lover contre nous. 

- Tu n'arrives pas à dormir, ma chérie ? 

Je la serre doucement contre moi. Malgré qu'elle soit un esprit, elle a conservé une enveloppe semi physique qui nous permet de la serrer contre nous, mais qui lui permets aussi, à volonté, de passer momentanément au travers d'objets. Bien qu'elle ne le fasse pas souvent, chaque fois qu'elle utilise cette capacité, elle le fait pour pénétrer des endroits interdis, comme notre chambre à Jack et moi, ou la cuisine quand je fais de la pâtisserie. 

- Il fait trop chaud..

Je baisse les yeux sur elle. Morte dans un incendie -du moins c'est ce que nous pensons, Jack et moi-, elle a chaud du moment qu'elle repasse dans sa forme d'esprit, comme si le prix qu'elle payait de sa condition était le fait d'être constamment en train de brûler. Je lui caresse les cheveux pour la calmer, et aussi pour qu'elle revienne à elle-même et retrouve une forme totalement physique, pour ressentir de nouveau le froid pénétrant que nous fait subir l'hiver canadien. 

- Ça va aller ma chérie. 

Jack lui tapote le genou. Comme moi, il se souvient des débuts, quand nous venions de trouver Sicha, il y a de cela quatre ans. Perdue, il lui arrivait de passer des nuits à hurler à la mort parce qu'elle avait l'impression de brûler, et nous ne pouvions rien y faire. Même la rouler dans la neige ne changeait rien. En fait, ça aggravait les choses puisqu'elle tombait malade assez rapidement. 

- Tu veux qu'on aille un peu dehors ? On pourrait allumer quelques lampions et remplir la mangeoire. 

Je souris à Jack, qui se mérite une exclamation absolument adorable pour sa proposition. Doucement, il se lève et prend Sicha contre lui. Je le regarde sortir avec la petite et m'enveloppe dans une couverture. Je sais qu'ils s'entendent très bien quand je ne suis pas là, alors mieux vaut leur laisser leurs moments de complicité. Sicha s'entend mieux avec lui qu'avec moi, et je le respecte totalement. 

- Maman ?

Je tourne la tête vers la porte du salon. Non mais tout le monde se lève ce soir. 

- Qu'est-ce que tu fais là, Kale ? Tu devais être en train de dormir.

- Elle est où Sicha ? Et Papa ?

Je lève les yeux au ciel et invite l'enfant à venir se coller à moi sous la couverture. Tout comme Jack s'entend mieux avec Sicha, je m'entends mieux avec Kale. Lui et moi entretenons un lien tout particulier, sans doute parce que nous nous ressemblons. 

- Papa a amené Sicha se refroidir dehors. Ils vont revenir dans quelques minutes, ne t'en fais pas. 

Kale se love contre moi et je le sens trembler un peu. 

- Tout va bien ?

- J'ai fait un cauchemar. 

Je soupire et le serre fort. Kale est aussi un enfant que nous avons trouvé, Jack et moi. J'ai immédiatement compris en le voyant qu'il était une expérience échappée lui aussi. En fait, depuis ces neuf dernières années de séparation, j'ai compris l'importance qu'ont les scientifiques. Ils sont partout, absolument partout. Je ne connais pas le nom de leur entreprise, je ne sais pas pour qui ils travaillent, mais leurs expérimentations sont partout. Sicha et Kale en sont, sans aucun doute, et nous les avons arrachés aux pattes vicieuses de ces hommes. Slender nous a pisté, depuis que je lui ai dit vouloir en apprendre plus, et il m'a mené sur les traces de Kale. C'est moi-même qui ait repéré Sicha, avec les informations trouvées dans des dossiers éparses que nous avons sauvés de l'asile. 

- Ne t'en fais pas, mon chéri, ce n'était qu'un mauvais rêve. 

Le petit blondinet soupire et me relâche pour essuyer les larmes sur ses joues. 

- Je sais.. Je vais retourner dormir. 

- Bonne idée !

Je me lève pour l'emmener dans sa chambre et le border, mais un grand coup sur la porte m'arrête. Immédiatement, je me tourne vers l'entrée. Qu'est-ce que.. ?

- AHHHHHHHHHH !

Mon sang ne fait qu'un tour et je m'élance.

- SICHA ! 

La porte s'ouvre en claquant le mur avec force avant même que je puisse l'approcher et Jack déboule à l'intérieur, couteau à la main, prêt à défendre sa vie contre un homme habillé de noir. Je n'attend pas et me lance dans la bataille, sortant de mon pantalon le couteau de cuisine que je garde toujours sur moi. L'inconnu avait peut-être le dessus sur Jack parce qu'il l'a pris par surprise, mais à deux contre un, il ne fera pas long feu. Je lui plante mon arme dans l'épaule et utilise la douleur pour le forcer à reculer, permettant à Jack de se relever. Celui-ci se dépêche d'achever notre adversaire avant qu'il ne réagisse et réplique. Un coup de couteau dans le ventre, un autre dans le coeur, et Jack le pousse dans les petits escaliers qui donnent sur notre porche d'entrée. Une fois écroulé dans la neige, l'homme pousse des râles de douleurs en essayant de se relever pour s'enfuir, mais je ne lui donne pas cette joie et le finit d'un coup de pied de chaise en plein front. Une fois que l'adrénaline redescend, je me mets à respirer plus vite. Je n'ai pas tué depuis si longtemps... Jack s'en est toujours occupé... Ma poitrine se met à serrer et ma gorge me donne l'impression d'enfler et j'ai l'impression de mourir. Il ne me faut pas longtemps pour manquer de souffle et tomber à terre. Je sens à peine les mains de Jack sur mon dos et les regards affolés de Kale et Sicha. Je n'entend pas leur voix, seule une respiration calme et douce me parvient. Je la reconnais après un moment de panique total et m'abandonne doucement à l'autre Lana. Alors qu'elle prend le contrôle, je me sens beaucoup plus calme et je la vois reprendre une respiration régulière avant de s'adresser à Jack. 

- C'est moi. 

Il comprend immédiatement et hoche la tête en me relâchant. L'autre Lana lève la tête et remarque un autre corps encore en train de bouger, couché plus loin. Des fils dorés entourent ses poignets. Notre coeur manque un battement et l'autre Lana pointe le corps. 

- C'est qui ?

Jack fronce les sourcils et ordonne aux enfants de rentrer à l'intérieur. Puis il s'approche du corps. Dès que l'homme agonisant le voit, les fils disparaissent et il lui tend un papier avant de rendre l'âme. Qu'est-ce que ? Mon cher cannibale déplie le papier et nous le sentons se figer. 

- Qu'est-ce que c'est, Jack ?

Il se tourne vers nous et l'autre Lana disparaît lentement pour me laisser le contrôle.

- C'est un message du Puppeteer... Il s'est passé... des choses... Nous devons les rejoindre en Russie. Un avion part pour Moscou dans deux jours et nous devons le prendre. 

- Quoi !? Mais Slender voulait qu'on reste séparés ! 

- Apparemment ça a changé. Beaucoup d'entre nous ont été attaqués... Nous devons les rejoindre. 

Je baisse les yeux au sol. On se croirait à Paris, il y a neuf ans de ça, quand Jane et son équipe avaient attaqué notre équipe pour ramener le plus de fantômes possibles à l'asile. Je grogne et me relève. 

- Alors fais tes bagages. 

Jack se rapproche en deux enjambée et me prend contre lui. 

- Lana. Ça va être dangereux. 

- Je sais. Et n'essaie même pas de me demander de rester ici. 

- Tu me prends pour qui ? Un gentil petit-ami protecteur ?

- Non, un idiot. 

- Même chose, non ? 

- Hmmmmm, pas faux. Alors pourquoi cette mise en garde ?

- Qu'est-ce qu'on fait de Kale et de Sicha ? 

Je passe mes bras dans le cou de Jack et l'attire contre moi pour poser ma tête dans son cou. 

- On les emmène. Tu sais comme moi ce qu'il se passera si on les laisse. 

Il soupire. 

- Dans le mot... Le Puppeteer a mentionné la Fondation... SCP... Tu sais ce que c'est ?

Je me sépare de lui et secoue la tête. 

- Aucune idée. Mais peu importe. 

Je le relâche, me dégage de son étreinte, et me dirige vers la maison.

- On part. 

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