Chapitre 20: Ressentiments

Est-ce que tout ceci est réel ?

Oui je suis bien dans le salon de la maison de mes parents. Mon petit frère est étalé au sol en se tenant la mâchoire tandis que je me tiens debout à quelques mètres de lui le poing serré et tendu vers l'avant.

Mon corps a réagi sans le vouloir, ce n'est pas ce que je voulais.

Comment on en est arrivé là ?

JE VOUS PLACE LE CONTEXTE :

************************************

Vous savez, dans la vie, les choses ne vont pas toujours dans le sens qu'on souhaiterait qu'elles aillent. La vie elle-même est une suite de coïncidences malencontreuses ou non qu'il faut savoir prendre comme elles viennent.
La survie de tout organisme vivant dépend de la capacité à s'adapter aux différents phénomènes et au comportement adopté face à ces derniers.

Par exemple:

Les animaux peuvent se rabattre sur un régime plus herbivore quand il y'a manque de proies, les plantes ont appris à se développer dans les endroits avec peu de lumière et les humains... rejettent la faute sur d'autres humains.

Comment ?

Vous ne me croyez pas ?

Quel est votre premier réflexe lorsque rien de ce que vous avez révisé n'est arrivé à l'examen? C'est la faute au professeur de ne pas avoir donné un devoir à votre portée.

Et lorsque vous avez raté votre avion ?
C'est la faute au trafic.

Lorsque vous arrivez en retard ?
C'est le réveil qui n'a pas sonné.

Je ne vais pas m'étaler davantage, vous avez compris où je voulais en venir.

Tout ça pour dire que si vous êtes du genre à dire : moi, je cherche où j'ai fauté et je m'améliore pour ne plus faire cette erreur la prochaine fois ;

Vous mentez !

À vous même en plus.

Arrêtez de trouver des prétextes et faites des efforts....si vous le pouvez.

Parce que je veux bien admettre qu'on peut avoir toute la bonne volonté du monde, si on est naturellement contraint par une cause quelconque ça va être difficile de s'en sortir.

Croyez-moi.

Je sais de quoi je parle, je suis malchanceux de naissance au cas où vous auriez oublié.....

CE QUI EXPLIQUE POURQUOI JE SUIS À MON TROISIÈME VERRE CASSÉ.

- J'apprécie beaucoup que tu veuilles m'aider, mais tu ne devrais pas te forcer tu sais.

- C'est rien, c'est rien, je peux continuer.

- Isaac, c'est le troisième verre que je te donne...et que tu brises. Tu vas finir par te blesser si ça continue.

- Mais, je ne vais pas te laisser tout faire, si ?

- Ça arrive d'être plus maladroit certains jours que d'autres. Ne t'en fais pas je peux me débrouiller ; au pire tu n'auras qu'à m'inviter quand on rentrera à Grand University.

Ça me met en colère d'être aussi inutile ; ça me gène d'être aussi maladroit.
J'adresse de timides excuses à ma petite amie avant de sortir de la cuisine.

Foutue poisse.

Trois jours depuis la fête de Noël, trois jours que ma nuque est en feu. Ça fait aussi trois jours depuis que Mikio m'a embrassé mais ce n'est pas le moment de s'y attarder. -- Je dramatiserai dessus plus tard --

Je disais donc :

Ça fait trois longs jours que j'ai la poisse et que tout un tas d'embrouilles me tombe dessus. Comme renverser les vases - tout droit venu de Grèce - de maman, perdre une de mes chemises qui s'est accrochée à une poignée et qui s'est déchirée, utiliser du gel pour les cheveux à la place du dentifrice, casser énormément de couverts, tomber sur mon petit frère...

Alors.

Oui ! C'est particulier, mais tomber sur mon frère est considéré comme un évènement malencontreux.

Parce qu'il me déteste.

Et qu'il profite de chaque occasion pour me lancer......un missile.

D'ailleurs quand on parle du loup, comme par hasard, alors que je viens de finir de longer la salle à manger et que je débouche sur le salon, je tombe sur lui.

COMME PAR HASARD HEIN ?

Tout ça c'est la faute à la poisse.

Alors,
Ayden.
Mon petit frère.
Modèle à temps partiel.

Si vous êtes assez attentifs vous aurez compris qu'il s'agit du petit dernier de la famille, de quatre ans mon cadet. Physiquement parlant il a le teint légèrement mât propre à la plupart des métis interraciaux; il dépasse de quelques peu le mètre quatre vingt trois (1m83) même s'il reste le plus petit d'entre nous deux. Cependant, il a une musculature plus développée à cause de tous les sports qu'il pratique. C'est aussi le seul qui ait les cheveux bouclés et des yeux correspondant soit, de couleur châtaigne. Ses yeux qui me dévisagent d'ailleurs avec fureur et mépris.

L'histoire est simple :

Si vous avez la chance d'admirer de près le corps de mon petit frère, vous remarquerez une grosse marque de brûlure dans son dos. Brûlure que j'ai causée alors qu'il n'avait encore que huit (8) ans; brûlure qui lui a valu de longs séjours à l'hôpital.

Il s'en était fallu de peu.... pour que je tue mon petit frère.

Et honnêtement, je me demande s'il n'aurait pas préféré cette alternative étant plus petit.

À cause de moi, il se faisait brimer par ses camarades qui se moquaient de lui à chaque fois qu'il y'avait piscine, ou qui s'amusaient à le bousculer violemment pour réveiller la douleur dans son dos. C'est à cause de moi qu'il a arrêté la natation qu'il adorait tant et qu'il ne peut pas répondre à certaines offres de défilé ou de shooting photo.

Jusqu'à la fin du lycée, j'ai vécu avec ce sentiment horrible d'avoir possiblement gâché la vie de mon petit frère. Je me sentais tellement coupable que je n'osais plus lui adresser le moindre mot et que je n'ai pas trouvé d'autres solutions que de fuir le pays pour ne plus avoir à supporter ça.

Si je ne voulais pas revenir au Cameroun, c'était à cause de ça.

Et je pense que ça ne sert à rien que je vous détaille l'évolution de notre relation frère - frère. Ayden me méprise et me déteste du plus profond de son être.
Ça fait un moment que nous nous regardons en chien de faïence et que l'air autour de nous semble s'être chargé d'électricité.

Ça va mal finir tout ça :

- S.... salut.... Ayden.


- Qu'est-ce que tu fiches là ? Mikio n'a pas fini de faire la vaisselle.

- Hé ben.... j'ai cassé 3 verres en voulant les rincer. Ça l'a un peu découragé hehe.

- Et ça t'amuse d'être un boulet permanent ? Tu sers à rien Isaac.

- Je...je sais.

Je sais.

Que ma poisse me rend incapable. Je ne peux rien faire sans risquer de blesser les gens ou de me blesser moi-même ; ça m'exaspère.

Je suis désespéré.

Je n'ose plus affronter le regard de Ayden.


- Je me pose des questions. Pourquoi est-ce qu'elle sort avec toi ? Vous n'avez rien de commun et pourtant elle semble se forcer à te plaire. Qu'est-ce que tu lui as fait ? Qu'est-ce que tu lui as dit ? Tu lui fais du chantage c'est ça ?

Alors !

Déjà, non !

C'est elle qui m'a fait du chantage pour que j'accepte.


Ensuite,

Jamais, au grand jamais je ne ferai quelque chose de la sorte.

- Je savais déjà que tu étais une ordure, mais j'étais loin de m'imaginer que tu étais aussi bas. Je vais voir Mikio et lui demander ce qu'elle en pense.

- Je ne te permets pas. Retire ce que tu viens de dire.

- Et qu'est-ce que tu vas faire pour m'arrêter ? Me brûler tout entier ? Tu ne sais qu'apporter le malheur autour de toi de toute façon.

***

Je ne sais pas ce qui s'est passé.

D'un coup ma nuque a arrêté de me faire mal et j'ai senti mes muscles se contracter. J'avais l'impression d'avoir fait un black out de quelques secondes pour me retrouver à mon réveil avec mon poing tendu et douloureux et Ayden sur le sol, se tenant la mâchoire à quelques mètres de moi.
Je n'ai jamais ressenti une rage aussi soudaine et incontrôlable...pas au point de lever la main sur quelqu'un....est-ce que c'est ce qu'on appelle : la colère ?

Pas de doute, j'ai bien frappé mon petit frère ; je ne pensais pas avoir à prononcer cette phrase un jour... mais je l'ai fait. La sensation de mon poing endolori contre le corps de quelqu'un d'autre m'est nouvelle...

Mais pas désagréable....

- Isaac ? Que se passe-t-il j'ai entendu un....Oh mon Dieu ! s'exclame Mikio qui est sortie de la cuisine en vitesse mais qui s'est arrêtée immédiatement après avoir vu la scène.

- Pourquoi vous vous battez ? Isaac pourquoi as-tu frappé ton petit frère ? Qu'est-ce qui s'est passé ici ? Réponds moi merde.

Je ne sais pas ce qui se passe.

Je n'entends rien.

Je ne perçois rien.

Tout ce que je ressens, c'est les fourmillements dans ma main qui ne demande qu'à aller se loger à nouveau dans son visage.

Je vais lui remette les idées en place ;

Et lui apprendre ce qu'est le respect.

J'étais déjà à quelques mètres de son visage, quand tout à coup, une vive douleur s'est emparé de mon poignet me faisant retrouver la raison.
Derrière moi, se trouvait mon père qui me saisissait fermement.

Et ce n'est que là que j'ai totalement réalisé ce qui venait de se passer.

Ma colère a laissé place à un horrible sentiment de honte et de dégoût à mon égard. Alors que mon père dixit d'une voix calme :

- Vous deux, à l'opposé. Tout de suite.

À l'opposé.

C'est la phrase qu'utilise mon père pour mettre à l'écart la ou les personnes qui se sont mal comportées. C'est loin d'être une punition, mais plutôt une façon de nous envoyer réfléchir sur nos actes.
Sans même broncher, Ayden s'est relevé et s'est dirigé vers sa chambre alors que moi je me dirigeais vers la cour suivi par Mikio.

À l'opposé l'un de l'autre.

Comme toujours.

Encore plus maintenant.

Toutefois j'étais loin de m'imaginer que c'était cette dispute qui nous réconcilierait Ayden et moi.

Mais ça, c'est une autre histoire.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top