Elle me regarde fixement.
Un fin sourire est accroché à ses lèvres.
Nous  sommes présentement dans une institution de restauration.....
Oui,
C'est définitivement une institution spécialisée dans la restauration.

Qu'est-ce que je fais là alors ?

Dans quelle pétrin je me suis mis moi?

JE VOUS PLACE DANS LE CONTEXTE.
____________________________________

    Vous vous souvenez du texto bizarre que j'avais reçu ? J'ai finalement décidé de l'ouvrir.
    Ce n'est pas que j'étais impatient d'en lire le contenu, mais j'étais un peu intrigué -beaucoup même- , et c'est généralement malpoli de ne pas venir à un rendez-vous sans raison  --surtout quand celui-ci est censé vous apporter la vérité--

   Toutefois, comme je le pensais, la suite du message n'était pas rassurante.... du tout.

<< Si tu veux savoir ce qui se passe, rejoins moi à l'adresse indiquée dans une heure. Sois ponctuel.>>

   Honnêtement,
          j'ai paniqué.
Qui ne l'aurait pas fait d'ailleurs ?

  Je me suis tout d'un coup remémoré tous ces films que j'avais vu où le héros devait se rendre à une adresse où l'attendait le grand méchant qui va l'obliger à faire des trucs salasses parce qu'il possède un moyen de pression sur lui.

   Généralement, ce genre de film se termine en baston, course-poursuite ou en d'autres choses très mouvementées. Mais tant que le protagoniste gagne à la fin, ce sera forcément un blockbuster: c'est pour ça que j'ai décroché de ce genre de navets; c'était pas assez réaliste tout ça.

Et pourtant,
En ce moment,
je regrette amèrement cette décision.

J'aurais pas dû arrêter.

   Les films servent de reflets à notre réalité non ? Si j'avais continué à voir ce genre là, je suis sûr que présentement j'aurais en ma possession quelques astuces pour me tirer indemne de là. Mais bon, de toutes façons je doute que ça aurait été d'une très grande utilité, parceque connaissant ma poisse, je risque d'être confronté à une situation beaucoup plus démentielle que ce qu'on voit à la télé....et c'est loin de me plaire.

Bref,
Heureusement,
J'AI paniqué,
ça s'est calmé un peu depuis.

   Je ne suis pas devenu soudainement téméraire hein, je vous rassure. Mais j'ai été un peu comme soulagé quand j'ai vu l'adresse qu'il m'avait envoyé.

  Oui "il" parce que le méchant c'est généralement UN méchant dans les films, pas UNE -ce qui est tout à fait discriminant- .

   Je disais donc: lire l'adresse m'a quelque peu rassuré. Surtout que je peux reconnaître le code postal de cette dernière entre un million d'autres. Deux lettres : G.U pour Grand University.....ma fac.

GRAND UNIVERSITY.

    Plus prétentieux comme nom, tu meurs. -Et je ne te le souhaite pas bien-sûr-  Pour le coup, moi qui me plains habituellement, je suis bizarrement bien content de l'arrogance de notre fondateur; le campus n'est pas accessible aux personnes extérieures à ce dernier.
Et...disons que...on vit à peu près tous à l'intérieur. Ce qui veut donc dire que j'ai à faire à un étudiant.....comme moi.

  Ça réduit le nombre de personnes certes, mais pas le nombre de possibilités.

C'est même pire.

  L'établissement est grand...très grand voir trop grand même; une sorte de ville dans une ville. Ce qui lui a valu le titre de "Vatican" de l'enseignement supérieur.

   Autant vous dire que je préfère fouiller une aiguille dans une botte de fouin plutôt que chercher une tête, que je ne connais pas, dans une population de plusieurs milliers de gens.

Ça me prendrait trop de temps .

Pour récapituler :
    Je n'ai pas le choix, il va falloir que je me rende à ce rendez-vous pour voir la tête du grand méchant...ou peut-être de son sous fifre.

***

    Il m'a fallu une bonne demi-heure pour arriver au lieu indiqué. Merci au mini-taxis qui parcourent l'ensemble du campus, sans quoi j'aurais sûrement manqué l'heure du rendez-vous

   D'ailleurs, j'ai la nette impression que le chauffeur s'est trompé dans son itinéraire. Ou le méchant peut être ? En tout cas,qu'on m'explique.

Qu'est-ce que je fous devant...un restaurant?

  Bon, l'expression "café" est plus adaptée, mais.....pourquoi un lieu public? Tout le monde le sait : une rencontre protagoniste-antagoniste dans un lieu public... ça n'annonce jamais rien de bon pour le protagoniste.

  Ça commence à beaucoup trop ressembler à un mauvais film d'action là. Et puis, j'ai vraiment traversé le campus en entier pour venir discutailler autour d'un petit café et d'une part de tarte?

Sérieusement ?
Super !

Sans ironie, c'est vraiment bien.

C'est original.

   Je pensais que ma poisse allait me larguer dans un coin plus sombre, du genre un entrepôt sombre et à l'abri des regards; ou dans ce cas une salle de classe sombre et à l'abri des regards, mais ce n'est pas le cas. Ce qui signifie que je ne vais pas mourir aujourd'hui et c'est déjà un bon début.

    Qui plus est l'établissement a ouvert tout récemment et d'après ce que j'ai entendu, il y'a un partenariat avec une gros nom de la restauration rapide et classique dans tout ça.

    Je suis subitement beaucoup plus entrain à rencontrer mon hôte.

Surtout si c'est autour d'une petite part de tarte à la framboise. Même si en général les méchants prennent toujours l'opposé de ce que le héros consomme, du genre....un gâteau au citron (J'adore ce gâteau d'ailleurs) ou un truc du genre.

Ça accentuerait "apparemment" le paradoxe entre les deux idéaux des personnages principaux.

   Je pense que j'ai perdu suffisamment de temps comme ça, il va falloir que j'entre pour enfin mettre la lumière sur cette histoire de gâteau...Heu de messages, de messages.

  Dès que je franchis le seuil de la porte, BAM ! Premier détail frappant: une odeur de veinoiserie et du café est forte et entraînante, ça me donne faim tout ça.... j'ai tout le temps faim aussi.

   Deuxièmement, personne ne semble avoir remarqué mon entrée. Tout le monde est beaucoup trop occupé à pianoter sur l'écran d'un téléphone certainement plus cher que mes deux reins réunis, à prendre des selfies où à snapper leurs assiettes/verres. C'est franchement mal élevé et c'est très superficiel cette attitude.

Ça m'insupporte !

   M'enfin je suppose que c'est ce qui est à la mode chez elles en ce moment.

Oui!

Elles !

  Parceque toute, totalement TOUTE la clientèle est féminine. Et excepté, les quelques serveurs qui se baladent avec élégance entre les tables, je dois être le seul à posséder une verge ici. ( J'étais pas obligé je sais). Ce qui veut dire que techniquement, mon potentiel futur "maître chanteur" n'est pas encore arrivé.

  Enfin troisièmement -parce que jamais deux sans trois-, l'odeur du pain a vite été remplacée par celle de gloss, de parfums ou de vernis en tout genre.

Encore plus improbable,

Une légère odeur de transpiration se mixe un peu trop bien aux parfums des autres demoiselles: les sportives "Instagramesques" étaient de sortie aujourd'hui; les spots doivent être moins bondés le samedi matin je suppose.

CONCENTRE TOI !

   Mon esprit vient de donner une sérieuse gifle à mon cerveau pour qu'il ne s'éloigne pas plus, et j'en avais besoin de cette gifle; il faut que je me reprenne. Je n'ai pas de temps à perdre, je dois me préparer à sa venue.

  Je choisis donc une table à l'écart, à l'abri de la plupart des regards et j'attends...patiemment...très patiemment.

   En prenant le soin de ne pas quitter la porte des yeux pour mieux apercevoir le moindre fait et geste et/ou la venue d'un homme à l'air menaçant. Et naturellement, vu que je n'ai rien à ma table, une serveuse s'approche de moi avec un large sourire fixé à ses lèvres.

   -Merci de nous faire part de votre présence. Avez vous fait votre choix? Me dit elle avec candeur.

J'hésite un peu.

  C'est vrai, j'étais tellement préoccupé que je n'ai même pas pris le soin de zieutter leur carte vu que je m'attendais déjà à voir une tasse fumente sous mon nez -c'est ce que font les méchants-. Il faut que j'improvise un truc, n'importe quoi.

  - Un café, avec un soupçon de lait si possible. Merci.

  Je n'aime pas le café, c'est amer et ça bloque les fonctions mentales, mais je l'ai dit par souci de maturité. Mais contre toute attente, la serveuse ne bouge pas, clignant plusieurs fois des yeux comme si elle était... perturbée. Je n'ai pourtant rien dit de mal non?

J'ai même été très poli, avec le bon ton et tout...qu'est-ce qui se passe?

   - Voyons, je sais que tu es impatient de goûter ce café mais tu aurais encore pû attendre un peu non? Une milli seconde aurait suffit.

   Une vive douleur m'a animé le coup à cet instant précis. La douleur de ce matin n'était qu'un petit frémissement devant cette secousse.
Ma chaleur corporelle a grimpé d'un coup et tous mes sens sont entrés en ébullition. J'ai un mal fou à contenir ma respiration et mon cœur tambourine fort dans ma cage thoracique au point de vouloir la percer..... Ce n'est pas qu'une simple misère qui va m'arriver ;

Je suis en danger.

   Mon cerveau a fait une grave erreur. Il a focalisé mon attention sur la porte et m'a fait zappé le plus important "ce qui se trouvait en face".

  - Ce sera un décaféiné pour moi et deux part de tarte à la framboise, pour le monsieur et moi.

   Je vous avais dit qu'il n'y avait pas pire scénar que celui dans lequel le protagoniste est appelé dans un endroit sombre à l'abri des regards, n'est ce pas ?

C'est faux,

il y'a pire!

  Et c'est le moment où le protagoniste se rend compte que l'antagoniste a les mêmes goûts pour certaines choses. J'ai déglutit tellement fort, que tout le resto m'a entendu, et alors que j'avais de plus en plus de mal à supporter la douleur, j'ai quand même osé détourner min regard de la serveuse pour confronter la personne qui partage ma table...ou plutôt, celle dont je partage la table.

   Je tombe nez à nez avec la carte de l'établissement qui se ferme et descend lentement, me laissant découvrir avec effroi ce que j'avais déjà deviné: une jeune femme apparaît alors sous mon regard ahuri. D'un geste habille de la main, elle range une mèche de ses cheveux derrière ses oreilles.

Elle me regarde fixement. Un fin sourire est accroché à ses lèvres.

  - Ne nous pressons pas, nous avons tout notre temps, n'est ce pas? Mon chéri?