Chapitre 16: Intrusion.
Vous savez, normalement, quand on dort, il y'a forcément un moment où on doit se réveiller. Le sommeil lui même est un processus qui consiste à s'endormir, à se réveiller, puis à se rendormir avant de se réveiller totalement:
Et là, je suis éveillé.
Mais pas réveillé.
Du calme !
Je vous vois déjà venir avec vos grosses réflexions du genre << mais Isaac, si tu nous parles ça veut dire que tu es déjà réveillé non ? >>
Et bah non!
J'ai dit que j'étais éveillé, donc je peux vous parler sans problèmes; mais je n'ai jamais dit que j'étais réveillé.
Vous voyez la nuance ?
Non?
Vous êtes fatiguants..
Maintenant je suis obligé de vous expliquer le concept pour que l'histoire avance. Parceque l'histoire n'avancera pas si vous ne saisissez pas le message. ( Vous êtes importants )
Pour faire simple,
Je fais semblant de dormir.
Pourquoi ?
Tout simplement parceque je n'ai pas envie, dès mon réveil, de tomber nez à nez avec un étranger.
Oui, vous avez bien entendu.
À l'heure où je vous parle, quelqu'un est calmement assis à mes côtés...dans mon lit. Et cette personne --qui est probablement en train de m'observer-- doit sûrement attendre le moment où je vais ouvrir mes yeux pour me lancer une punchline digne des plus grands films drames/polars de la dernière décennie. Vous savez bien, une phrase du genre :
<< Bonjour Isaac. >>
Mais en plus imposant et mystérieux donc plus quelque chose du genre :
<< Bonjour Isaac >>
Brrr!
Rien que le fait d'y penser me fait frissonner, et vous savez déjà très bien que quand je suis dans une situation où je dois réfléchir rapidement...je fais généralement n'importe quoi.
Mais là !
Pas pour me vanter ou quoique ce soit, mais je pense que sur le coup : j'ai géré. J'ai tout simplement décidé que jusqu'à nouvel ordre, j'allais faire semblant de dormir. Avec un peu de chance, l'intrus finira soit par abandonner, soit par s'endormir lui aussi.
Génie hein ?
Après quoi, je n'aurai qu'à sortir de ma chambre et à prévenir tout le monde que l'heure est grave.
Enfin, s'ils sont toujours vivants.
D'ailleurs, est-ce que ma famille va bien ?
Pourquoi Evelyne n'est pas venue me réveiller ce matin ?
Est ce que toute ma famille s'est faite descendre ?
.......
Attendez !
Est-ce que c'est moi qui panique pour rien ?
Probablement.
Sûrement même.
Toutefois, même si mes détecteurs ne sont pas activés et qu'il n'y a autour de moi rien qui m'interpelle sur un futur risque à courir, je préfère prendre des précautions. Je vais donc m'en tenir au plan initial, qui est de "Dormir".
Et croyez-moi, ça va bien se passer. Parceque je n'en ai peut être pas l'air, mais je suis un gros dormeur...et je sais très bien faire semblant...je crois ?
Je n'ai pas vraiment de talents particuliers de toute façon.
- Tu comptes vraiment me faire croire que tu dors Isaac ?
Bon !
À première vue, les choses ne semblent peut-être pas aussi catastrophiques que ce à quoi je pensais, puisque le mystérieux intrus n'est autre que Mikio elle même.........
Bon,
finalement, les choses sont peut-être un tout petit peu plus graves que ce que je croyais....NON MAIS RÉALISEZ...
- Tu sais que je suis juste venue te réveiller ? Il n'y a pas de raisons de psychoter. me dit elle d'une voix calme et rassurante ayant sûrement compris que je commençais déjà à paniquer.
Bon,
je suis certes démasqué. Mais je vais quand même faire semblant de m'être réellement réveillé à l'instant.
Ah, ne me jugez pas. Moi aussi je pense que ça aurait été plus simple de lui dévoiler mon projet directement mais que voulez-vous ? J'ai l'impression que mes actions sont faites pour rallonger la durée de vie d'un chapitre merdique d'une histoire tout aussi merdique.
- Oh... Bonjour Mikio, bien dormie ? lui dis je sans pour autant me redresser en prenant la peine de me frotter les yeux bien fort comme pour chasser les dernières ronces de sommeil qui pouvaient traîner par là
- Bonjour Isaac. En effet, j'ai très, mais alors très bien dormie. Même si j'aurais préféré être avec toi.
Si je buvais un verre d'eau, je l'aurais craché.
Si je n'avais pas de verre, je serai allé en chercher un, je l'aurais rempli d'eau, je l'aurais bu...puis je l'aurais craché.
Je ne sais pas comment décrire ce sentiment, mais je sais que je l'aurai fait -- plusieurs d'entre vous aussi -- et que je me serai immédiatement posé la question :
Que faire ?
Que dire ?
Bon ça fait deux questions mais vous avez compris le problème.
Je ne sais pas comment réagir à ça.
C'est vrai que Mikio m'a habitué à ce genre de paroles surprenantes, troublantes et bizarres. MAIS LÀ, c'est tellement surprenant, troublant et bizarre d'entendre ce genre de choses, À MON ÉGARD, mais qui en plus, VIENNENT DE MIKIO.
On parle bien de la personnification de la pureté et de l'innocence qui vient d'exprimer un désir peu catholique non ?
Bon, innocence ? En vrai, quand on sait que toute cette aventure est la fruit d'une machination digne des plus grands méchants intelligents du monde des méchants, ça peut paraître un peu exagéré.
N'empêche qu'elle reste plus pure que la plupart des gens qui se proclament purs.
- Tu sais que je rigolais ? me dit elle en me regardant de ses deux grands yeux violets que j'ai dû mal à contempler à cause de la faible luminosité de la pièce.
Elle a encore dû constater que je partais trop loin dans mes réflexions -- comme d'habitude-- mais c'est entièrement de sa faute, elle n'avait qu'à pas dire ce genre de choses.
- C'est ta faute aussi, tu n'avais qu'à ne pas dire ce genre de choses. Comment je suis censé réagir moi ?
- Désolée, me glisse t-elle dans un petit rire avant de s'étirer grandement et de se jeter en arrière pour poser sa tête sur mon ventre.
- Mais à quoi je vais passer mes journées si je ne te taquine pas ? finit elle en me lançant un regard et un sourire que je n'imaginais pas pouvoir être aussi charmeurs.
Maintenant que j'y pense...
J'étais tellement occupé à râler sur le fait que ce voyage m'énervait que j'ai oublié que c'était la première fois que Mikio venait dans ce pays...et qu'elle n'y connait rien.
Elle n'a sûrement aucun problème à s'intégrer et à apprendre des choses, mais ça n'empêche pas qu'en vu de la situation, je suis présentement son seul repère EN PLUS d'être son petit ami. Le fait qu'elle apprécie ses vacances ou non, dépend presque entièrement de moi, de ce que je vais lui montrer et de ce que je vais faire.
En gros :
La réputation d'un pays dépend de moi.
LE BONHEUR DE MA COPINE DÉPEND DE MOI.
Je suis investi d'une mission que je dois accomplir...même si je dois sacrifier mon sommeil pour ça.
- Le dîner sera bientôt prêt, on peut rester comme ça jusque là non ? me lance t-elle tout à coup
- Est-ce qu'on doit forcément rester dans cette position ?
- Oui, j'y tiens.
- Dis, tu ne trouves pas que tu es un peu gourmande là ?
- Non, pas assez non. Je supporte déjà assez mal le fait de ne pas t'avoir pour moi toute seule la nuit, laisse moi au moins profiter de toi quand tu es libre.
- Tu peux m'avoir tout le temps que tu veux, c'est absolument pas un problème. Mais...est-ce qu'on peut parler d'autre chose ? Ça devient un peu gênant là.
Pour simple réponse, elle se contenta de me sourire avant de soudainement se relever.
- Je vais te ménager pour cette fois. Je n'aimerais pas que ta mère s'énerve parce qu'elle ne t'a pas vu.
- La journée ne fait que commencer pourtant...
Et là j'ai ma petite amie qui me fixe avec stupeur... comme si j'avais dit une bêtise. Je n'ai pourtant pas tord il me semble. Maman me verra bien à un autre moment de la journée, elle ne va pas se mettre en colère pour si peu, non ?
Non?
- Rappelle moi quel repas sera bientôt prêt s'il te plaît.
- Le dîner, me répond t-elle complètement désespérée
.....
Merde.
***
Pour tout vous dire, je suis moi même surpris de la quantité astrale de sommeil que j'ai eu. Je savais que j'étais fatigué, mais pas jusque là aussi.
J'ai raté deux repas quand même.
Et c'est deux de trop.
Donc je me suis rapidement douché, changé et faire tout ce qu'il fallait faire pour être présentable avant de descendre en quatrième vitesse au rez-de-chaussée.
Ventre affamé n'a pas le temps.
Ventre affamé a surtout peur de maman.
On va pas se mentir hein, je préfère largement manquer de sommeil plutôt que de me faire démarrer par ma mère et/ou manquer ses repas.
La salle à manger n'ayant pas d'ouverture, il faut forcément passer par le salon pour y accéder.
Et devinez ce que je vois:
Mon père....en pleine causerie avec Mikio.
Attendez !
On parle de mon père là, le monsieur est triplement plus timide mais est infiniment plus intimidant que moi; il est très sympa mais son apparence fait souvent que les gens ont peur de l'approcher. Et le voilà tranquille, qui tape sa meilleure conversation avec ma petite amie...autour d'une partie de carte... AVEC MON PETIT FRÈRE ?
Il y'a déjà plusieurs choses de travers là.
Et comme si ça ne suffisait pas.
Voilà que ma mère l'appelle à son tour pour l'aider à dresser la table.
Et Evelyne dans tout ça?
Elle aide gentiment ma petite amie à exécuter sa tâche.
En fait, ça n'a rien de bien étonnant, ma famille est chaleureuse et accueillante, mais trop atypique pour qu'on s'y attache rapidement. Mais Mikio...me surprend énormément. Comment s'est elle aussi bien intégrée ? Après son premier jour ?
Ce n'était pas ma mission de m'occuper d'elle et de son intégration ? Si! Mais apparemment je me suis fait doublé...par elle même.
Note à moi même :
Ne jamais s'investir d'une mission. Aussi noble soit elle.
Je n'ai aucun sens des responsabilités de toute façon.
Mais là, je dois avouer que je reste quand même surpris. Ce n'est pas seulement dans ma chambre où dans ma routine que la jeune dame s'est incrustée, mais dans ma vie entière.
C'est une vraie intrusion.
******
La suite prochainement (j'espère).
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