Chapitre 15: Famille.

Alors, alors, alors....

Je n'ai aucune idée aujourd'hui.

Du moins je ne sais pas exactement ce que je vais dire. J'étais dans une voiture dans laquelle les sièges étaient confortables, où l'odeur était agréable et où il y'avait une bonne ventilation. Des éléments parfaits pour la réalisation de mon plan qui est, je vous rappelle de "dormir après toutes les épreuves que j'ai enduré".

Une opération qui tendait à réussir... jusqu'à ce que - parce qu'il y'a toujours un "jusqu'à ce que- on vienne me tirer de mon sommeil.


Sérieusement ?

Vous pensez pas que c'est un peu abusé ?

Sérieusement

Parceque si vous aviez eu le temps d'être attentif, vous auriez remarqué que je n'ai JAMAIS eu l'occasion de me poser et de souffler ces derniers temps vu que des évènements à forte intensité se sont enchaînés beaucoup trop vite récemment.

Et le pire :

C'est que vous aimez ça.

......

J'ai beaucoup trop la sale impression que ma vie ressemble à celles des protagonistes à deux balles qu'on retrouve dans les livres comiques. Et jusqu'à preuve du contraire, je ne suis pas dans un livre comique.

Et si c'était le cas, sachez que l'auteur est un grand sadique.


Bref.

Je disais donc que jusqu'ici je dormais paisiblement jusqu'à ce que je sois réveillé... par Mikio, qui a insisté pour que j'aille me coucher à l'intérieur vu qu'un lit ça reste quand même mieux qu'un siège. Proposition que je n'ai bien évidemment pas refusé car soyons clairs : je préfère entrer dans cette maison plutôt que de contrarier Mikio.

Parce que oui, j'ai fini par entrer dans cette fameuse maison.


Je bloque encore sur la porte d'entrée, mais j'ai fini par pénétrer le duplex à un niveau qui se dressait devant nous il y'a encore quelques instants.
Je bloque, à cause de cette magnifique odeur répandue dans tout le salon et qui me fouette agréablement les narines.

J'aurais dû m'en douter aussi.

En général, dans les familles africaines, il n'est pas rare -pour ne pas dire normal- de recevoir un membre de la famille vivant à l'étranger avec un incroyable festin le jour de son arrivée ; le Cameroun n'échappe pas à la règle ; MA FAMILLE n'échappe pas à la règle. Moi qui suis censé être fatigué, maintenant en plus d'avoir faim, j'ai sommeil.

Ah et pour ceux qui ne l'auraient pas encore compris :

Oui, nous sommes dans la maison familiale.

Et l'odeur que j'ai sentie vient de la cuisine.

C'est ma mère qui y est.

D'ailleurs en parlant d'elle, la voilà qui vient de sortir de la cuisine, toute en sueur et vêtue de sa robe en pagne -qu'on appelle le kaba-. Là bizarrement, j'ai l'impression que tous mes problèmes se sont envolés, je sens mon cœur s'apaiser et mes muscles se relâcher.

Ma mère fini sa course dans mes bras tout en m'enlaçant tendrement pendant quelques instants avant de me relâcher.


- Neaven, voyons tu aurais pu nous prévenir de ton arrivée non? Nous n'étions pas préparés à te recevoir, surtout que tu n'es pas seul. me réprimande t-elle en me tirant sur les joues.

- Ce n'est pas de sa faute madame, j'ai organisé ce voyage à l'improviste avec l'aide d'Evelyne. Isaac lui-même n'était pas au courant. me défend Mikio


- Voyez vous ça, je t'ai déjà dit de m'appeler Rina ou tante Irène à la limite si tu as du mal à te défaire des formalités. Je ne te tiens responsable de rien ; surtout que toi non plus tu ne t'attendais pas à être ici.

Huh ?

J'ai peur de ne pas avoir bien saisi.

- Allez donc ranger vos affaires avant de venir dîner ; les autres ne devraient plus trop tarder. nous conseille-t-elle avant de retourner à ses fourneaux.


- Isaac, tu es sûre que tu es bien le fils de cette dame ? me susurre Mikio une fois ma mère le dos tourné.

- Si tu veux faire allusion à l'opposition diamétrale de nos comportements, sache que je te comprends, je me posais aussi la question plus jeune.

Je n'aurais pas dû lui dire ça. Voilà qu'elle ne cesse de me chambrer sur mon comportement en le comparant avec celui de ma mère et d'Evelyne. De toutes façons, j'ignore complètement ses remarques et commence à monter nos bagages à l'étage supérieur.


N'empêche, si on y réfléchit bien, elle n'a pas tord.

Je suis diamétralement opposé à ma mère, à ma sœur...et à tout le monde. Ça m'a dérangé un moment quand j'étais gosse, mais maman disait toujours que j'étais parfait comme j'étais et que de toute façon "c'est parce-que nous sommes différents que la vie est intéressante".

Ah! Ma mère.

Je crois bien que c'est le seul membre de ma famille auquel j'ai le plus fait allusion.


Est ce que j'ai vraiment besoin de la décrire ?

Physiquement, vous prenez Evelyne en moins grande et avec une peau beaucoup moins foncée que la sienne mais pas totalement blanche non plus. Ce qui me rappelle que les origines profondes de maman nous sont complètement inconnues : à elle tout comme à nous.

Je veux dire, au premier coup d'œil, elle a plus l'air d'une maghrébine ou d'une latine que d'une européenne, bien qu'elle soit née de parents français issus d'une longue lignée de sept générations de français complètement français.

Peut être que c'est un effet du climat ?

Ou alors la génétique a évolué ?

Ou peut-être que ce sont mes grands-parents qui ont fait des choses pas très catholiques ?

Je n'ai pas envie de savoir.

Par contre, côté comportement, ma mère est une catastrophe ambulante. Non seulement elle est maladroite et un peu tête en l'air, mais elle est aussi turbulente et parfois sacrément têtue.

Je suis vraiment sérieux.

Les autres ont tendance à angéliser leur mère en ne parlant que de leurs qualités, la mienne n'en a strictement rien à faire de ce qu'on peut penser vis à vis d'elle ou de comment on peut la décrire.

De toute façon, il est impossible de dire du mal d'elle en étant normalement constitué.


Parce que oui, elle est gentille, douce, attentionnée, à l'écoute, elle cuisine bien, elle est parfois sévère - sans excès-, elle est belle, bosseuse, vive d'esprit, sportive, bien conservée et sacrément futée.


Mais ça n'empêche pas qu'elle soit casse pied.

Vivre avec elle c'est comme vivre avec une fillette de 4 ans, une autre de 12 ans, une adolescente de 16 ans, et une grand mère de 80 ans........EN PLUS DE LA FEMME D'ÂGE MÛR QU'ELLE EST.

C'est épuisant et franchement déstabilisant, je vous l'accorde.

Mais c'était quand même drôle et au moins on ne s'ennuyait pas.

D'ailleurs, vous le savez peut-être déjà, mais je suis horriblement proche d'elle. Déjà que j'ai passé le plus clair de mon temps assis sur une chaise avec elle lors de mes révisions, je me suis aussi fait trimballer partout où elle allait. Ce qui a forcément tissé des liens entre nous, surtout quand on sait pourquoi elle le faisait.

Bref, je l'aime terriblement, et ça en est même presque dégoûtant.

- Isaac, le dîner est prêt. À table ! s'écrie alors Évelyne qui est pourtant devant la porte de ma chambre.

J'ai rêvassé combien de temps encore moi?

Déjà que j'ai dû dormir assez longtemps dans la voiture d'Evelyne pour me réveiller en début de soirée, là j'ai encore dû passer pas mal de temps dans ma chambre à vous décrire ma génitrice.

Je n'ai même pas entendu la voiture de papa se garer.

Bref, je descends les escaliers 4 par 4 jusqu'à arriver là où tout le monde était réuni. Déjà, autour de la table, il y'a Mikio, Evelyne, et mes parents qui ne nous ont visiblement pas attendu.

Mais sur la table ?

Ohlala.

Ohlala !

Un festival de couleurs et d'odeurs me submerge ; et comme c'est maman qui s'est occupée de tout, je sais que le goût va se joindre à la partie. Comment je le sais ? Il suffit de voir avec quel appétit Mikio dévore le contenu de son assiette.

Je ne savais pas qu'elle avait la curiosité culinaire elle.

- Vous auriez pu m'attendre au moins non ?

- Pourque tout ce qu'il y'a sur la table refroidisse ? Tu n'es pas sérieux. rétorque Evelyne.

- Est ce que tu as oublié l'effet que font mes plats dans cette maison ? ajoute ma mère tout en pointant mon père, son époux et ma petite amie qui n'ont même pas daigné me regarder.

Ah c'est comme ça maintenant ?

D'accord !

Sans plus de manières, me voilà qui me jette aussi sur le buffet qui n'attendait plus que moi. Honnêtement j'avais oublié à quel point cette maison pouvait être chaleureuse. Je ne sais même pas pourquoi j'appréhendais à l'idée de venir ici.

J'ai tout ce qu'il me faut.

Un endroit relaxant, de bons petits plats, un climat moins glacial et surtout ma famille que j'aime tant.

Que demander de mieux.

- Comment ça vous avez commencé sans moi ? résonne alors une voix dans mon dos.

Une voix que je ne connais trop bien.

Mon sang ne fait qu'un tour dans mes veines et mon cœur se met à tambouriner fort dans ma poitrine. La surprise a légèrement calmé l'assemblée, mais rien qui ne puisse la taire complètement. Au contraire même, elle reprend de plus belle et plus fort une fois l'effet de choc dissipé.


- Ne nous accuse pas, on t'a attendu mais tu mettais trop de temps. Mais viens, ça tombe bien que tu sois là. lance Evelyne

- Je vais prendre une douche d'abord je suis tout sale et crasseux. rétorque t-on doucement d'une petite voix frêle.

- Dépêche toi hein, il n'y aura bientôt plus rien si tu tardes encore. enchaîne maman

- D'accord, d'accord je fais vite. Je reviens hein, gardez ma part.

Puis j'entends des bruits de pas s'éloigner et prendre l'escalier qui mène à l'étage supérieur. Les autres recommencent à creuser dans leurs assiettes alors que je suis toujours autant crispé d'avoir entendu cette voix.
Je n'arrive pas à me relaxer et détendre mes muscles. Je sers tellement fort mes couverts que les bouts de mes doigts ont commencé à virer au bleu.

- Tout va bien Isaac ? me glisse doucement Mikio tout en piquant dans mon assiette pour ne pas attirer l'attention des autres.

- Oh non rien, j'étais un peu ailleurs mais ça va, lui dis-je dans un faux rire qui cachait très mal ma nervosité.

Je n'allais quand même pas lui dire ce qui se passait. Je ne voudrais pas gâcher son voyage ; j'ai eu tort de l'oublier, mais maintenant je me rappelle pourquoi je craignais de rentrer au pays: à cause de cette même famille, à cause de lui.


Ayden.

Mon petit frère.

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