Chapitre 3 : Partie 2
[Je vais faire tout mon possible pour finir ce chapitre d'ici demain matin. Je pars en vacances, et ça va être compliqué pour moi d'écrire dans les transports.]
Daphné n'aimait pas se faire attendre. On aurait pu croire qu'une fille comme elle, aussi superficielle qu'elle laissait paraitre, aimait se faire désirer. Mais c'était tout le contraire. Cela devait faire une heure que le petit groupe l'attendait alors qu'elle était à son cours de karaté. Elle sortit précipitamment du dojo, encore en tenue, sacs dans les bras, cherchant des yeux la voiture de Fred. Ils l'attendaient tous, crèmes glacées à la main. Scooby-Doo avait des pots empilés tout autour de lui tant lui et Sammy en avait mangé. Elle sourit. Une belle bande de bras cassés. Mais elle les aimait quand même.
Elle s'approcha. Jones vint à son secours et lui prit son sac de sport. Leurs regards se croisèrent. Son cœur fit un bon dans sa poitrine. Elle n'était toujours pas habituée. Après tout, cela faisait seulement deux jours qu'ils arpentaient ensemble le lycée. Elle lui avait un peu parlé la veille, avait passé de longues minutes à préparer ses messages pour qu'il la quitte vers vingt-et-une heure, préférant dormir. Ils avaient l'air d'avoir des trains de vie différents, mais ça ne la gênait pas : après tout, ses parents ne se voyaient presque jamais mais avaient réussi à avoir cinq filles et à rester mariés malgré tout.
« J'ai réussi à te sauver une glace ! » dit-t-il en lui tendant un cornet qu'elle prit sans le quitter des yeux.
Il fit volte-face, ouvrit le coffre, jeta ses affaires à l'intérieur, et entra dans la voiture. Il lui lança un regard interrogateur en la voyant ainsi statique sur le rebord de la route.
-Bah alors ? On y va ? »
Elle se ressaisit et monta à côté de lui. Il appuya sur l'accélérateur. La vieille voiture émit un petit gémissement avant de démarrer tout doucement. Elle se roulait aussi rapidement qu'une grand-mère au pas de course. Derrière, Véra était collée contre le torse de Scooby, qui se tenait bien droit sur le siège. A chaque petit soubresaut de la voiture, ils se cognaient contre le plafond. Définitivement, Daphné préférait sa voiture. Mais Fred avait insisté pour prendre la sienne. Elle allait vite comprendre pourquoi.
La route qui menait à la scierie n'était marquée sur aucune carte. C'était une sorte de chemin s'enfonçant dans la forêt profonde. Il n'y avait que de la terre, des racines, et des cailloux. La vieille auto manquait de s'écrouler à chaque mètre. Daphné se tenait le plus fort possible à l'accoudoir, Véra au siège avant, et Sammy à son fidèle chien, tandis que Fred sifflotait tranquillement la chose que la radio leur crachait au visage quelque chose et qui ressemblait à une chanson festive.
Soudain, ils sortirent des broussailles et arrivèrent sur une sorte de terrain vague. Cela devait faire au moins quinze minutes qu'ils n'avaient pas vu la lumière, tant les branches étaient épaisses et leur avaient caché la lumière du jour. La scierie était en deux bâtiments : un entrepôt immense, et l'usine, avec les machines et les tronçonneuses. Autour : un mur, impénétrable, culminant à quatre mètres de haut. Des barbelés empêcheraient tout vagabonds de l'escalader. Fred resta un moment à observer la palissade, menton entre les deux doigts. Sammy pointa du doigt la porte. Jones parut étonné.
Ils passèrent le portail et arrivèrent finalement dans la cours. L'odeur de hêtre se mêlait à celle des copeaux de bois et de la graisse pour huiler le matériel. L'endroit était désert. Il n'y avait pas un bruit. On entendait juste au loin les oiseaux gazouiller les écureuils sauter de branches en branches.
« On ferait peut-être mieux de trouver un responsable... proposa Véra.
Soudain, Sammy et Scooby se précipitèrent vers ce qui s'avéra être un distributeur de boissons. Ils enfoncèrent une à une des pièces de monnaie dans la machine qui s'ébranla en recrachant leur dû. La porte du bâtiment devant lequel ils étaient s'ouvrit violement, ébranlant tout l'entrepôt.
-Je crois que c'est le responsable. » lâcha Fred.
Un gros bonhomme s'approcha d'eux. Casque de chantier vissé sur la tête, pull de Noël recouvrant son gros ventre, il courut, paniqué, jusqu'au petit groupe d'amis. Sammy les rejoignit, les bras chargés de snacks et de canettes, alors que Scooby portait dans la gueule un paquet de Pringles.
« J'ai besoin d'aide. Vous pouvez m'aider ? dit-il entre deux respirations.
-Bien sûr... se proposa Jones.
-Ils sont tous partis ! Tous ! Les affaires vont mal, je ne peux me permettre de perdre encore un jour de travail, paniqua-t-il. Cela fait trois semaines qu'un monstre terrorise mes employés ! Je ne crois pas aux monstres, mais dieu qu'il fait peur. Il ressemble à un vieux chasseur. Il a un fusil et n'hésite pas à s'en servir. Regardez mon dos quand j'ai tenté de l'arrêter !
Il se retourna, dégagea son pull pour découvrir sa peau blanche marquée de bleu.
-S'il vous plait, calmez-vous et racontez-nous tout depuis le début, le calma Daphné.
Il reprit sa respiration, ferma les yeux, médita quelques secondes avant de se lancer :
-Je suis Rusty Gnales, le propriétaire de cet endroit. J'ai une dizaine d'employés qui s'occupent de couper le bois pour en faire des planches, des palettes, des blocs, tout ce que vous voulez. Il y a trois semaines, alors que tout allait pour le mieux, j'ai entendu des cris provenant de l'entrepôt. Je me suis précipité, accompagné par deux de mes associés. Bucky, l'un de mes meilleurs bucherons, étaient en train de se battre avec un énorme chasseur à l'aspect fantomatique. Quand il nous a vu arriver, il a sorti son fusil pour nous faire peur et nous a tiré dessus. Ce n'était pas des vraies balles, bien sûr, mais sous la panique, nous ne nous en sommes pas rendu compte de suite. Le temps de nous cacher, il était parti, et avait embarqué avec lui tout une palette de planches.
J'ai alerté la police, ils nous ont ris au nez. J'ai réussi à rassurer mes employés et à les convaincre de retourner au travail. Mais il y a une semaine, il est revenu. Même endroit, même moment, mais c'est Steve cette fois qui lui est tombé dessus. Il lui a brisé la mâchoire et est reparti avec une palette. J'ai perdu mes deux meilleurs hommes à ce moment-là. Je pensais qu'il en avait finis avec nous, mais comme on dit, jamais deux sans trois ! Il est revenu, aujourd'hui, il y a quelques minutes à peine ! Cette fois-ci, personne n'a osé le défier de peur de se prendre des balles à blanc dans les fesses. Ils se sont enfuis. Il pensait pouvoir me voler tranquille, mais je l'ai enfermé. On peut l'entendre taper contre les murs. Il faut le capturer avant qu'il se volatilise !
-Les gens ne se volatilisent pas, répliqua Véra.
-Et si c'était un fantôme ?
-Un fantôme qui vole des palettes de bois ? Qui tire au pistolet à billes ?
-Vous avez raison. Quelqu'un essaye de me tromper. La police ne viendra pas, ils ne me croient pas. Vous devez m'aider. Je vous donnerais... je ne sais pas ce que je vous donnerais, mais je trouverais bien quelque chose !
Jones paraissait intrigué. Sammy et son chien se mirent à trembler. Daphné n'avait jamais vu pire trouillard. Un jour, pour fêter la fin des vacances, leur maitresse de Ce2 avait accepté de les laisser voir Le Roi Lion. Il avait eu si peur de Scar qu'il avait dû quitter la classe. Freddie réfléchit quelques secondes. Il était beau, quand il réfléchissait. Le visage renfrogné, les yeux plissés, il fixa un pan de mur pendant quelques secondes avant de s'écrier :
-C'est l'heure des pièges !
-Pardon ? s'enquit Véra. Des pièges ? Tu sais faire des pièges, toi ?
-Ne sous-estimez pas mon ingéniosité. J'ai besoin de cordes, de palettes de bois, et d'un filet. »
Personne ne comprit trop ce qu'il allait bien pouvoir faire de tout ça. Il se mit à l'action dès que Gnales lui donna ce dont il avait besoin. Il fit des allers et retours et des constructions avec les planches, accrocha les cordes aux quatre coins de la cours, pendant que les deux filles restaient assises à le regarder. Véra avait sorti son livre de mathématiques et faisait des exercices à moitié allongée sur une table en bois. Daphné ne pouvait détourner son regard de lui. Il était tellement beau quand il s'activait. Non, il était tout le temps beau.
« Tu penses qu'il m'aimera un jour ? demanda-t-elle timidement à sa meilleure amie.
-Franchement, je ne sais pas. Je n'ai jamais vu Fred Jones en couple. Peut-être qu'il est gay.
-Ou peut-être qu'il n'a pas trouvé la bonne.
-Ou le bon. Franchement, c'est un gros gamin. Tu pourrais trouver mieux.
-Je crois que tu ne comprends pas. Je suis vraiment amoureuse. Tu sais... je me sens jolie, intelligente, mais je n'ai trouvé personne qui m'apprécie à ma juste valeur. Les autres, au lycée, m'aiment juste parce que je suis populaire. J'aime qu'on me dise que je suis belle, parce que c'est la vérité. Mais quand je les regarde dans les yeux, je ne vois rien de sincère. Ils sont tous hypocrites Ils pensent que je suis une fille facile, que je me maquille pour plaire, alors que c'est faux. Je me maquille parce que j'aime ça, je me sens bien avec du rouge à lèvres.
Alors que Fred... Fred a un regard si enfantin. Il est franc, voit les choses à la manière d'un enfant. Il ne me mentira jamais. Il est trop pur, trop innocent. Il vit les choses, ne cherche pas à provoquer le destin. C'est un véritable ange, gentil, mignon, adorable. Je me sens belle dans son regard. Je me sens intelligente quand il me parle. Je ne suis personne, en vrai. Juste une élève de Crystal Cove. Mes sœurs sont vingt mille fois plus talentueuses, belles, malines, douées que moi. J'ai l'impression qu'il ne me considère pas comme « la cinquième fille des Blake », ou comme « Mis Crystal Cove 2017 ». Juste comme Daphné Blake. Tu comprends ce que je veux dire ?
-J'ai envie de tacos. »
Elle n'avait même pas entendu Sammy s'assoir à côté d'elle, mastiquant maladroitement un Scooby snacks. Véra n'avait pas l'air d'avoir entendu ses divagations, trop concentrée sur son exercice. Elle soupira. C'était stupide d'avoir dit ça. Heureusement que personne ne l'avait entendu. Elle plongea sa main dans le paquet, et gouta le gâteau en forme d'os. C'était sans doute la chose la plus délicieuse qu'elle n'avait jamais mangé de sa vie.
« J'ai besoin d'un appât ! »
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