[Le chapitre 3 commence. A votre avis, qui est derrière cette histoire  de monstre ?]

Chapitre 3 : Gnales Construction

Le réveil fut difficile. Très difficile. Enroulée dans sa couette, Daphné eut du mal à sortir du cocon qu'elle s'était façonnée. Elle posa un pied par terre. Puis l'autre. Elle avait l'impression d'avoir une sale gueule de bois. Pourtant, elle n'avait rien bu. Son mal de tête devait être du au fait qu'elle avait passé sa nuit face à un écran. Elle avait déjà fait pire, en terme de nuit blanche. Elle ouvrit sa penderie, réfléchit soigneusement à ce qu'elle allait bien pouvoir mettre tout en prenant en compte les facteurs météorologiques et sociaux qui pouvaient influencer son choix avant de choisir une robe violette et un foulard vert. Elle ne pouvait pas s'empêcher de porter ce genre de chose. C'était contre son gré. Elle allait partir de chez elle quand elle se rapela que son carnet était toujours là-haut. Elle monta les deux étages qui la séparaient de sa chambre pour aller le récupérer avant d'aller au lycée.

Le Crystal Cove Junior High School était le seul établissement scolaire du coin. Daphné ne savait toujours pas ce qu'elle faisait là-bas. Il y avait bien mieux, bien plus réputé, mais ses parents ne s'étaient pas foulés. Ils avaient choisis la facilité : l'inscrire d'office dans son lycée de secteur, sans chercher plus grand pour elle. Elle aurait pu aller dans un grand internat privé, ce qui lui aurait garantis le meilleur métier possible, mais non, ils avaient préféré la laisser là. Le Junior High School n'était pas non plus médiocre, les élèves étaient gentils, il y avait Fred et Véra, mais Daphné regrettait quand même le choix de ses parents.

Elle se recoiffa une dernière fois dans le rétroviseur avant de sortir de la voiture. Elle sentit tous les regards se poser sur elle. Les mecs, avec leurs yeux pervers, mataient son fessier à longueur de journée. Elle en avait assez d'être rétrogradée à un vulgair morceau de viande. Elle se retourna vers les quatres garçons qui semblait être très intéressés par sa plastique et leur fit un majestueux doigt d'honneur. Elle entra dans le lycée après s'être faite huée par certains et applaudis par certaines. Elle jeta un regard circulaire dans le hall. Pas de Véra. Sammy Rogers fouillait quelque chose dans son casier. Elle décida d'aller lui parler.

Il sursauta quand elle lui dit bonjour. Paquet de Scooby Snacks à la main, il parut choqué qu'elle daigne lui parler. Ils s'étaient rencontrés pour la première fois hier et n'avaient jamais eut l'occasion de discuter. Daphné n'aimait pas être considérée comme une personne hautaine et superficielle. Elle détestait ça. Elle se moquait bien de parler au looser du lycée, tant que ledit looser est quelqu'un d'intéressant et de gentil. Sammy n'était pas très bien considéré, certes, et elle sentait déjà les regards inquisiteurs et moqueurs la juger, mais elle s'en moquait bien.

« Ca va ?

-Si tu cherche Fred, il devrait arriver.

-Comment va Scooby-Doo ? Tu ne peux pas l'emmener au lycée, je suppose.

Il semblait méfiant, la regardant d'un mauvais œil.

-Non, en effet. Mais il vient me chercher à la sortie. Tiens, voilà Fred et Véra ! » lança-t-il comme pour s'éclipser de la conversation.

En effet, les deux amis arrivèrent ensemble au lycée. Jones paraissait enthousiaste, sautant partout et riant à gorge déployée, alors que Dinkley était à son habitude calme et posée. Daphné sentit son cœur battre à la chamade dans sa poitrine. Jamais elle n'avait ressenti ça pour un garçon. Quand elle le voyait, elle avait envie de se jeter dans ses bras, mais aussi de faire l'autruche sous terre. Elle perdait ses moyens. Son cerveau se bloquait. Elle ne pouvait s'empêcher de le regarder. C'était horrible. Comme si, pendant un instant, il avait le monopole de son regard, de son esprit, de ses sentiments. Elle s'imaginait déjà à son bras. Ce n'était pas que physique, quoi qu'en pense Véra. Elle voulait qu'il l'aime, elle voulait être enveloppée de ses sentiments plus que de ses bras. De nombreux garçons l'adoraient, mais elle avait seulement besoin de l'amour de celui-ci. C'était bizarre. Elle avait l'impression que seul Fred Jones comblerait le vide dans sa poitrine. C'était une envie qui dépassait la barrière du physique, la barrière corporelle. Elle avait de l'amour à donner, et cet amour, elle n'arriverait qu'à le lui donner à lui.

Daphné Blake était amoureuse de Fred Jones.

« Alors comme ça t'as fais des recherches sur Lucius ?

La question du jeune homme la fit sortir de ses pensées. Elle sortit son carnet et lui montra la page où elle avait résumé ses recherches.

-Je n'ai rien trouvé de spécial. Rien qui pourrait le déscriditer.

-Et toi Véra ?

-Rien non plus. Crystal Cove n'a jamais été réputée pour son monstre marin. J'ai trouvé des histoires sur des conquistadores, des disparitions inquiétantes, mais rien sur un dragon.

La sonnerie les interromput. Les élèves se précipitèrent vers leur salle de cours.

-On se rejoint à la cantine à midi, ok ? » lança Fred avant de s'éclipser.

Daphné n'écouta ni le cours de biologie, ni les divagations de la professeure de français. Son esprit était ailleurs. Elle essayait de se rémémorer son après-midi d'hier. Le sable dans les chaussures. La mer polluée. Le rocher mouillé. Le monstre effrayant. Sa course effrainée, téléphone à la main. Quelque chose manquait à tout ces souvenirs. Elle se frotta les yeux. Il manquait quelque chose d'important. Elle en était sûre.

Elle profita de l'intercours pour se parfumer. Elle attrapa au fond de son sac la petite bouteille de Channel offerte par sa sœur et déposa quelques gouttes au creux de son écharpe. C'était ça qu'elle avait oublié. Elle reposa le flacon. L'odeur. La plage sentait mauvais. Le poisson pourrissait sur la côte. Les algues malodorantes couvraient à peine ce mélange de mort et de sel qui régnait dans l'air. Mais quand le dragon était sortit des flots, l'ambiance avait changé. Une odeur de bois mouillé avait couvert toutes les autres. Une odeur... une odeur de hêtre. Oui. Elle avait marqué Daphné. D'où venait cette odeur ? Il n'y avait pourtant pas d'arbre autour des filles... Fière d'avoir soulevé cette question capitale, elle la nota dans son carnet et patienta jusqu'à la fin de son cours d'histoire.

De retour à la cantine. Les quatre nouveaux amis étaient de nouveau assis au centre de la salle. Dégoutés par leurs assiettes de purée sans aucun gout, seul Sammy mangeait à sa fin. Ils étaient les seuls silencieux : tout le monde parlait, riait, profitait de cette heure de libre pour se vider l'esprit. Véra était en face de Rogers. Il était dégoutant. Il mangeait comme un porc, léchant son assiette et préférant ses mains aux couverts. Daphné était bien trop polie pour lui faire une réflexion, mais elle ne pouvait s'empêcher de détourner son regard de lui. Elle prit son courage à deux mains et entama la discussion :

« Je me suis souvenu de quelque chose en cours... Je pense que ça pourrait nous aider à retrouver le monstre.

Fred releva sa tête de son assiette, illuminée par cette phrase.

-Une odeur. Une odeur de hêtre à la plage. Je l'ai noté au fond de mon crâne, parce que ça me paraissait bizarre. Pourquoi, soudainement, cette odeur ferait surface ? Ca doit bien avoir un rapport avec ce dragon...

-Le bois de hêtre était utilisé par les pêcheurs pour faire leurs barques, il y a quelques siècles de cela, à Crystal Cove, énonça Véra.

Sammy lui jeta un regard interrogateur : comment connaissait-elle tout ça ? Comme pour répondre à sa question, elle enchaina :

-C'était sur internet. Ca m'est revenu comme ça, se justifia-t-elle.

-Et donc ? Le dragon aurait soudainement ramené à la surface des rondins ? s'enquit Rogers.

-Mais t'es con où quoi ? rouspéta Fred. Le dragon a dut être posé sur un radeau pour rester à la surface. Mais où peut-on trouver des planches de hêtres ?

Ils se mirent tous à réfléchir. Véra ne voyait pas. Il n'y avait pas de magasins de bricolage, dans le coin, et elle voyait mal Lucius Consensus ou l'un de ses amis ramener ses branches depuis San Francisco. Sammy regardait un à un les visages de ses amis, tout en mâchant soigneusement son poulet.

-Bah... dans une forêt ?

Véra émit un petit rire moqueur. Elle avait beau l'apprécier, elle le trouvait totalement stupide. Et Véra avait vraiment du mal avec les gens stupides. Tout allait vite dans son esprit, et elle ne supportait pas devoir à expliquer à quelqu'un son raisonnement. Véra était une génie sans faille. Sa seule limite était la fatigue qui la prenait beaucoup trop facilement.

-Non, mais, je rigole pas. Y a une scierie, dans la forêt, avec du matériel de construction. Gnales Construction. On pourrait y jeter un œil ? »

Fred acquiesa. Véra soupira. Daphné ria. Elle se sentait bien, parmi eux. Elle se sentait utile. Peut-être qu'ils étaient finalement la chose qui lui manquait au fond d'elle.