Chapitre 2 : Partie 2

[Cette fois-ci, je mets le chapitre en ligne à une heure correcte. Que pensez-vous du point de vu adopté ? Auriez-vous préféré vous concentrer sur un autre personnage que celui de Véra ? Dites-moi tout !]

Véra n'était pas malheureuse de s'être faite virée des docks comme une malpropre. Au contraire, elle était plutôt contente que le destin ait mis fin à cette inutile sortie. Malgré tout, le doute hantait son esprit : le dragon des mers était-il réel ? Pourquoi Lucius était-il aussi condescendant ? Elle était persuadée que quelque chose se tramait derrière leur dos. L'AASF n'avait pas l'air d'être si innocente que ça. Elle était persuadée qu'ils avaient eux-mêmes monté ce stratagème pour attirer des touristes, et donc des clients. Mais elle n'avait aucune preuve, aucun indice, à part cette photo prise à la va vite.

Personne ne parlait, dans la voiture. Un lourd silence régnait. Etait-ce la fatigue ou la honte d'avoir été ainsi éjectés qui les rendait tous muets ? Soudain, Fred freina et maugréa quelque chose qui ressemblait à un « bye Véra » tout en regardant au dehors. Il s'était arrêté pile en face du Crystal Cove Spook Museum. Elle récupéra son sac et sortit en soupirant. Bonne ambiance. Elle regarda l'heure. Dix-neuf heures.

Elle prit son courage à deux mains et pénétra dans le hall. Un rire démoniaque retentit quand elle passa la porte. Discrétion assurée. Son père, qui était à quatre pattes sous la table pour tenter de réparer son ordinateur, apparut de derrière la caisse, heureux de voir arriver un visiteur. Son visage se décomposa quand il vit sa fille, un peu gênée, les chaussures et les collants pleins de sable. Il ne dit rien et se contenta de disparaitre sous le bureau. Dale Dinkley était comme ça : pas très bavard. C'était d'ailleurs sa femme, Angela, qui monopolisait souvent le temps de parole. Véra était un parfait mixte des deux : invisible, elle ne parlait pas trop, mais au moins, elle disait des choses intéressantes.

Véra soupira et s'en alla. Elle traversa la pièce centrale du musée, là où étaient exposés crânes de licornes, chaudrons magiques, capes de vampire et autres objets farfelus. Un couple flânait encore dans les couloirs, s'émerveillant devant les bouts de plastique qui y étaient entreposés. Elle détestait cet endroit. Trop glauque. Trop laid. Elle y passait ses vacances : ses parents travaillaient nuits et jours pour un salaire misérable. Définitivement, Véra ne serait pas commerçante. Et si c'était un musée qu'elle gérerait dans sa vie future, ce serait bien l'American Museum of Natural History qu'elle dirigerait en tant que conservatrice.

Elle ne leur adressa pas un mot et emprunta l'accès réservé au service pour rejoindre son salon. Sa maison était directement collée au musée. Seule une porte sépara le lieu de travail de ses parents à leur foyer. Ils avaient toujours eu un certain sens de la praticité. Ils avaient en effet fait construire dans leur jardin un musée. Au moins, ils n'avaient pas à faire de la route pour aller travailler. Une bonne odeur de ragout venait de la cuisine. La table était déjà mise. Véra décida de s'éclipser doucement pour ne pas subir les réflexions de sa mère. Elle n'était pas habituée à rentrer aussi tard. Daphné, elle, pouvait revenir à minuit si elle le voulait. Mais Véra ne pouvait pas. Ses parents étaient très protecteurs. Trop, ou très ? Elle ne savait pas. Elle montait les escaliers quand sa mère sortit de la cuisine. C'était une toute petite femme un peu rondouillette au brushing parfait qui avait la mauvaise manie d'être invisible et d'apparaitre quand on ne s'y attend pas.

« Véra Dinkley ! Je me demande bien à quoi cela a servi de t'acheter un téléphone aussi cher pour que tu ne nous préviennes même pas quand tu sors avec des amis. Tu as fait tes devoir j'espère ? »

Elle inventa à la va-vite un mensonge comme quoi elle avait aidé Fred Jones à la bibliothèque pour s'éclipser bien vite. On entendait de la musique depuis le couloir. Madelyn avait la fâcheuse manie de monter le son à fond pour que ses parents ne l'entendent pas parler au téléphone avec ses copines. A seulement douze ans, Madelyn était déjà l'opposée de sa sœur. Extraverti, elle préférait s'amuser à travailler. Elle avait toujours été la petite préférée de ses parents, mais ça ne gênait pas Véra. Elle n'avait jamais été proche d'eux. Madelyn se dirigeait déjà vers une carrière artistique, faisant l'école du cirque, alors que Véra n'était pas du tout le genre de personne à faire le pitre sur une balle. Elle aurait voulu lui dire de baisser la musique, mais préféra entrer dans sa chambre sans faire de commentaire.

Elle déposa son sac et s'effondra sur son lit. Quelle journée. Elle avait parcouru toute la ville dans la voiture de luxe de Daphné accompagnée d'un chien qui parle, puis avait faillis se faire manger par un dragon marin, pour enfin se faire copieusement enguirlander par un vieux pirate, puis un homme avec un prénom de merde. Une journée très productive, en quelque sorte. Elle sortit son téléphone de son sac. Elle ne l'avait pas consulté depuis ce matin. Véra était ce genre de personnes, à se moquer totalement de ses notifications. De toute façon, les seuls messages qu'elle recevait étaient de Daphné, qui avait déjà moult amis avec lesquels discuter.

Elle allait s'installer pour faire ses devoirs quand sa mère l'appela pour manger. Ses parents discutaient de l'utilité, ou non, d'acheter un morceau de soucoupe volante dit véritable. Madelyn racontait sa journée, et comment elle avait refusé les avances d'un garçon pas assez à son gout. Véra était bien au-dessus de tout ça : elle ne croyait pas aux fantômes et aux esprits. A la rigueur, aux extraterrestres. Mais de toute façon, si des extraterrestres avaient débarqué un jour sur terre, les humains l'auraient su d'une quelconque manière. Quant à sa sœur et ses histoires d'amour, ça ne l'intéressait guère. Elle mangeait son ragout à la cuillère quand son père changea soudainement de conversation :

« D'ailleurs les filles, on a décidé de faire un partenariat avec l'Association des Amateurs de Frisson.

-C'est l'Association des Amateurs de Sensations Fortes, mon chéri, le reprit Angela Dinkley. L'AASF. Comme ça, ils organiseront des excursion au musée. C'est une bonne idée, n'est-ce pas ?

Véra faillit en recracher sa soupe. Comment ça, ils voulaient s'associer à ces arnaqueurs ? Bon, dans le type arnaqueurs, ils n'étaient pas mal non plus. Ils géraient un musée sur le paranormal dont le ticket d'entrée, bien que peu chère, promettait de découvrir la vérité sur les phénomènes paranormaux. Ils y croyaient dur comme fer, à toutes ces histoires de spiritisme, de monstres, d'ovni. C'était même leur passion, et c'était bien de les voir faire ce qu'ils aimaient depuis plus de dix ans maintenant. Mais Véra n'aimait pas pour autant être associé à ce putain de musée. De toute façon, elle était trop réaliste pour s'occuper de leurs affaires. Elle laisserait Madelyn hériter de toutes ces conneries pendant qu'elle se tournerait les pouces dans son bureau en haut d'une tour new-yorkaise.

-Vous connaissez Lucius Consensus ?

-Oui, bien sûr. C'est le fondateur de l'association. C'est lui qui nous a proposé de participer au projet. C'est un homme charmant, passionné par ce qu'il fait. Tu le connais ?

-Non. »

Elle se leva de table, attrapa une pomme dans la corbeille à fruits et monta dans sa chambre. Il n'avait rien fait de mal, mais pourtant Véra détestait ce Lucius. Elle avait un mauvais pressentiment. Comment avait-il fait pour arriver pile après l'apparition du monstre ? Pourquoi leur avait-il aussi froidement demandé de partir ? Son esprit scientifique et sa curiosité exacerbée étaient attirés par cette affaire. Non, elle chassa bien vite cette histoire de son esprit pour se mettre au travail. Du travail. Elle avait toujours du travail. Elle était fatiguée. Alors, pour la première fois de sa vie, elle décida de ne pas faire ses devoirs du jour.


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