2ème chapitre

Le silence s'installe sans qu'il ne sache quoi rajouter. Les doigts s'enfoncent un peu plus dans son épaule, la pressant plus fortement. Lewis y voit un geste de réconfort qu'il n'est pas certain de bien mériter. Mais les yeux sombres de son directeur d'écurie restent calmes. Il n'y trouve que de l'inquiétude quand il continue chaque seconde de s'attendre à de la colère. Parce qu'il est incapable de fournir les réponses à des questions pourtant simples sur la situation.

Pourtant, le britannique sait parfaitement à partir de quelle date la situation a échappé à son contrôle. Il entend encore les mots lui demandant de revenir en urgence sur Londres alors qu'il était en vacances à l'autre bout du monde. Il n'avait pas compris jusqu'à ce qu'on lui dise à cause de qui il devait abréger ses rares semaines de tranquillité et qu'il voit dans un article people l'annonce de son décès quelques jours plus tôt. Il ne comprenait juste pas ce qu'il avait avoir avec ça. Leur relation avait été brève, comme la plupart, et il n'était responsable en rien de l'accident de celle avec qui il avait partagé quelques mois de sa vie des années plus tôt.

Il se mure dans le silence alors qu'il a conscience de Toto attend certainement la suite. Qu'il lui explique les raisons de ses doutes sur le fait qu'il allait bien ou non. Pourtant, il se contente de l'observer, comme si pour la première fois depuis des années, après des hauts et des bas, il ne sait pas comment l'aborder. Face aux prunelles de l'autrichien, il a l'impression d'être un animal blessé qu'il craint d'apeurer avec les conséquences que cela pourrait avoir.

Mais la réalité, c'est qu'il est apeuré. À chaque fois qu'il entre dans sa voiture, les milliers de questionnements l'assaillent et amènent avec eux une crainte de la suite. Une crainte d'un accident trop important qui le laisserait blessé ou disparaissant à jamais de l'univers. Ses terreurs l'empêchent de dormir et il sent un réel manque d'énergie à longueur de journée. Il perd sa lucidité. Il a tenté de comprendre mais il n'a pas trouvé. Il ne voit pas comment une annonce, aussi important qu'elle puisse être et dans des circonstances tragiques, peut à ce point chambouler une vie et une façon d'être.

— Est-ce qu'il s'est passé quelque chose pendant la trêve estivale ?

La voix est douce, elle est comme une caresse alors que le regard est rassurant et rempli de compréhension. Il hoche doucement la tête. Il se revoit assis chez le notaire sans réellement comprendre pourquoi il était convoqué pour quelques semaines de vie commune. Personne n'avait une raison de mettre une brève aventure dans un testament. Et pourtant, c'était son cas. L'attente avant d'avoir les raisons de sa présence avait semblé interminable et les mots prononcés l'avaient secoué.

— Oui

Un murmure lui échappe. Il n'arrive pas à savoir ce qu'il doit dire de plus. Même avec plusieurs mois ayant passé, il n'arrive toujours pas à savoir si c'est bien ou mal, si c'est une chance ou un malheur. Il n'arrive pas à définir les sentiments qui le transpercent quand il repense à la situation. Il ressent une tristesse à l'idée qu'une personne qu'il a côtoyée ait disparu, mais il n'arrive pas à identifier ceux liés à l'annonce dans le cabinet notarial ce matin de juillet là.

— Mais rien n'est vraiment sûr alors que préfère attendre avant de t'en parler.

Mais ce n'était pas parce que ce n'était pas officiel qu'il ne savait pas au plus profond de lui que c'était sûr. Parce qu'il s'était renseigné, il avait été éplucher les sites internet et au tréfond de sa conscience, il savait. Il savait et c'était pour ces raisons qu'il ne parvenait plus à rien et que la crainte l'accompagnait chaque heure de la journée et encore un peu plus les week-ends de course. Il n'y avait que devant son simulateur que tout allait bien. Les temps étaient exceptionnels, contrastants avec ceux de chaque course où il se sentait humilié quand George prenait le dessus semaine après semaine avec des marges importantes sans qu'il ne puisse rien faire pour l'en empêcher.

— D'accord. Sache que tu peux m'en parler quand tu veux.

— Je sais.

Parce qu'il avait toujours été là. Celui qui au début n'était qu'une personne intervenant dans son univers sportif était devenu bien plus que ça avec les années. Et Lewis savait qu'il pouvait compter sur lui. Son soutien en toutes circonstances était l'une des choses qu'il appréciait le plus chez lui. Son honnêteté et sa façon de ne pas tourner autour du pot également.

— Tu n'es pas obligé de me dire ce que c'était, mais j'aimerais comprendre parce que ça impacte tes résultats.

En cet instant, le britannique aurait préféré qu'il tourne autour du pot, qu'il ne s'attaque pas au sujet qui le faisait tant souffrir alors que les doutes l'assiégeaient.

— J'ai pas pu me préparer autant que j'aurais voulu à mon retour de vacances.

Le regard qui se pose sur lui est perçant. Il semble transpercer son âme et le pilote se demande si Toto croit son mensonge pieu. Il maintient son regard et fait tout pour rien ne laisser transparaître de la réalité. Il s'en veut de lui mentir ainsi, mais il ne pouvait pas se contenter de cacher la vérité ou il aurait creusé. Il sait pourtant son excuse être bancale. Parce qu'il a accès à de bien trop nombreuses données sur son état de santé et de préparation pour savoir que ce n'est pas vraiment le cas.

— D'accord.

Il essaie de ne pas voir la douleur cachée dans la fois, ou la déception. Est-ce qu'elle était réellement présente ? Il ne sait pas réellement. Pourtant, la lueur d'inquiétude a bel et bien disparu quand les pupilles replongent dans les siennes.

— Tu pourras aussi m'en parler quand tu seras prêt.

Les mots s'enfoncent en lui. Le regard qui lui fait face devient sévère alors que le visage se ferme un peu. Il voit que cette fois-ci, l'autrichien contient sa colère à son égard. Il baisse piteusement ses iris vers ses pieds qu'il regarde pendant plusieurs secondes.

— Je suis désolé.

Ses excuses franchissent bien trop rapidement la barrière de ses lèvres alors qu'il laisse tomber le masque qu'il avait plaqué pour donner sa réponse précédente. Il n'assume pas son mensonge et encore moins le jugement négatif y faisant suite.

— Je ne sais pas qu...

— On en reparlera au calme à Brackley. N'oublie pas que tu es attendu par la presse.

Sa gorge se noue à cette pensée. Il ne sait pas ce qu'il pourra leur dire une nouvelle fois. Il a l'impression d'avoir épuisé son lot d'excuses et de raisons pour lesquelles il ne parvient subitement plus à performer. Ses lèvres tombent alors que la tristesse prend possession de l'intégralité de son visage et que ses épaules s'affaissent. La main qui avait quitté son épaule en cours de conversation y retrouve sa place avant de glisser dans son dos de façon protectrice. Il adresse un petit sourire de remerciement à son directeur d'écurie.

— Ça va aller.

Il ne sait pas. Peut-être que c'est le cas pour les interviews où il n'a aucune idée de ce qu'il va pouvoir raconter. Mais ce n'est pas le cas pour tout le reste. Parce qu'il ne voit pas pourquoi sa crainte disparaitrait subitement. Cette peur absurde qui le foudroie et le paralyse depuis des mois. Elle et ses questions absurdes qu'elle fait résonner en boucle dans son esprit plus jamais à l'arrêt. Celle dont il n'est pas encore prêt à parler. Parce qu'il n'est pas prêt à accepter ce qu'elle pourrait signifier. Pourtant quand il se retrouve devant les journalistes, un micro tendu devant lui et qu'il a l'impression de faire face à des vautours dépeçant le cadavre d'un homme déjà mort avant même que ça ne soit vraiment le cas, les pensées parasites continuent encore et toujours de chantonner, la mélodie de ses réflexions envahissantes et épuisantes continue inlassablement, ne lui laissant aucune trêve.

Et si tu te crashais ?
Et si tu te blessais gravement ?
Et si tu mourrais ?
Qu'est-ce qu'elle deviendrait ? 

on continue la mise dans le contexte. 

dans le prochain chapitre, découverte brève de notre personnage féminin (puisqu'elle n'arrivera pour de vrai que bien plus tard) & petite soirée entre amis ! 

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