1er chapitre
Cela faisait désormais trois mois que la vie de Lewis avait été bouleversée par une annonce un beau matin d'été. Depuis ce jour, une petite musique lui trottait chaque seconde dans la tête. Elle amenait avec elle des doutes. Ceux qu'il n'avait jamais eus auparavant. Des peurs aussi. Celles qu'il avait enfouies au plus profond de lui pendant des années. Celles qu'il avait tout fait pour étouffer et qui désormais semblaient refaire surface.
Elles emportaient tout avec elles et quand il monte dans sa voiture une nouvelle fois ce jour-là, le britannique a l'impression de ne pas avoir l'esprit parfaitement clair. Les pensées parasites voltigent autour de lui, s'insinuent dans son cerveau qui devrait pourtant être parfaitement focalisé sur la course en ce moment de la journée. Il sent ses mains qui se mettent à trembler pendant quelques secondes. Il les referme sur son volant pour en faire cesser les petits mouvements.
Il déglutit alors que des images d'un futur catastrophique lui arrivent par flashs. Il papillonne des yeux, tentant de les sortir de son esprit. Il s'agite dans son baquet et inspire une grande bouffée d'air avant de refermer son casque, espérant que l'oxygénation obtenue va le calmer. Pourtant, il ne parvient pas à le faire. Il appuie sur la pédale d'accélérateur quand les feux s'éteignent.
Quelques secondes plus tard, il peut presque entendre les grognements de frustration qui doivent résonner dans le garage alors qu'il laisse passer un de ses principaux concurrents pour la première place. Au virage suivant, un second le dépasse sans qu'il ne parvienne à l'en empêcher. Il tente d'accélérer dans la ligne droite qui suit dans l'espoir de les redoubler, mais se résigne à ne pas le faire lorsqu'il voit les mouvements effectués par la voiture qu'il est censé dépasser. S'il le faisait, il n'est pas certain qu'il ne finirait pas tassé. Il connait suffisamment chacun de ses concurrents et leurs façons respectives de rouler pour savoir quand le risque vaut la peine d'être pris.
Il subit sa course d'un bout à l'autre. Quand il ramène la voiture dans l'aire d'arrivée, il est profondément déçu de sa performance. Un nœud se forme au fond de son estomac alors qu'il sait qu'il va devoir répondre aux questions des journalistes mais également à celles de ses ingénieurs et de son directeur d'écurie. Il aimerait avoir des réponses à leur apporter. Cela fait des semaines qu'il aimerait que ce soit le cas.
Mais la réalité, c'est qu'il ne comprend pas ce qui lui arrive. Il ne comprend pas comment cela se fait qu'il ne parvient plus à se battre pour la gagne alors qu'il part pratiquement toujours sur la première ligne. Il est contraint de se voir descendre au classement au fur et à mesure de la course et des virages où il se fait doubler sans jamais parvenir à récupérer les places qui lui sont volées.
Il laisse son casque abaissé alors qu'il traverse la piste et s'engouffre dans le garage. Quelques mains se portent à son dos en légères tapes de réconfort. Il voit pourtant les visages crispés et les regards dans lesquels traine une immense incompréhension de chacun des mécaniciens tentant de le consoler. De l'autre côté, George fête un nouveau podium sur lequel il ne semble plus parvenir à s'inviter malgré ses performances sur un unique tour. Il ne s'en préoccupe pas, le laissant festoyer et préférant s'enfermer dans une salle au calme et surtout seul. Une fois qu'il s'y retrouve isolé, il retire son casque et baisse la fermeture éclair de sa combinaison.
Il pose l'objet censé protéger sa tête et le détaille pendant de nombreuses secondes. Il l'effleure du bout des doigts. Est-ce qu'il était vraiment suffisant en cas de gros choc ? Est-ce que si cela lui arrivait celui-ci protégerait suffisamment son cerveau et ses cervicales d'éventuels dégâts importants ? Il l'entoure de ses bras et vient reposer son front contre l'équimenent qui lui a à plusieurs reprises bien servi et dans lequel il ne semble plus avoir confiance.
Il finit par s'en éloigner, enlevant le haut de sa combinaison et restant uniquement dans cette tenue censée le protéger du feu. Mais est-ce que si elle prenait feu il aurait suffisamment de réflexes comme cela avait été le cas pour Romain ? Il se faisait plus vieux, peut-être qu'il n'était plus suffisamment réactif pour sortir de sa voiture avant qu'elle ne s'enflamme ou n'explose sur le goudron parfaitement lisse des circuits.
La porte s'ouvre à la volée, le faisant sursauter et le sortant subitement de ses pensées en train de le tourmenter. Il sait pourtant que le moment qu'il va passer ne promet pas d'être particulièrement agréable quand la personne qui vient de rentrer dans la pièce et qui s'installe en face de lui est un grand brun qu'il côtoie depuis des années.
Si avant il n'était que son directeur d'écurie, désormais il considérait Toto Wolff comme bien plus que cela. Il était pour lui un ami. C'est également pour cela qu'il redoute ce moment qui devait bien finir par arriver après plusieurs week-ends à tout foirer. Car contrairement aux avis des journalistes ou de personnes qu'il ne considère pas, Lewis apporte beaucoup d'importance à ce que peuvent penser ses proches et amis. L'honnêteté est d'ailleurs une valeur comptant énormément pour lui. Et ce jour-là, quand il voit la lueur qui traine dans ses prunelles sombres, le britannique sait que son directeur ne va pas lui sortir un mensonge pour tenter de lui faire croire que tout va bien alors qu'il est évident que ce n'est pas le cas.
— Est-ce que ça va ?
Il sent sa gorge se nouer brusquement alors qu'il s'était préparé à tout sauf cette question et au ton utilisé. Il avait envisagé la colère, avant de se dire que ce n'était pas le ton qu'il emploierait pour une première discussion. Il s'était préparé aux nombreuses questions qui auraient pu être posées. Sur sa préparation estivale. Sur son état de santé. Sur les raisons de son mauvais pilotage. Sur les réglages choisis pour la voiture qui ne lui correspondaient plus. Mais il ne s'était pas préparé à ce qu'on lui demande gentiment comment il allait alors qu'il venait de faire perdre le titre constructeur à date suite à cette énième course complètement ratée.
Il reste silencieux pendant plusieurs secondes, tentant de reprendre le contrôle de ses émotions qui semblent vouloir lui échapper. C'est le cas depuis plusieurs semaines et Lewis déteste se sentir aussi faible, prêt à se mettre en colère au moindre énervement ou mouvement un poil dangereux sur la piste. Ou prêt à fondre en larmes à la moindre contrariété. Et surtout, en proie à des cauchemars peuplés de crashs, de brûlures et de blessures avant chaque course et même parfois en pleine journée, comme s'il rêvait éveillé. Comme si telles les mélodies restant bien trop longtemps dans l'esprit, il ne parvenait plus à les effacer de celui-ci.
— Je sais pas.
Et à la main qui se pose doucement sur le haut de son bras. À la façon qu'il a de légèrement presser son épaule. À l'air désolé qui se peint sur ses traits, Lewis comprend que Toto a compris que derrière ses mots, la réponse était Non ou Je ne crois pas. Il aimerait juste avoir plus d'informations que ça à lui donner, mais il n'est pas certain d'arriver à les accepter. Parce que cela pourrait changer toute sa réalité, tout ce pourquoi il se battait depuis des années.
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