Le Café Surprise
Ceci est un texte à destination des Watt'stronomiques organisé par DarkLight2112
( un concours que je vous conseille fortement ^^)
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C'était un rude mois d'octobre. L'impitoyable météo n'annonçait que nuages gris et froides bourrasques. L'atmosphère était d'autant plus lugubre lorsqu'il s'accompagnait d'un silence morne et de feuilles mortes balayées par le vent. Pas un oiseau ne gazouillait dans la forêt, perché sur une branche d'un arbre mort. C'était à vous donner la chair de poule.
Marylise avait été réticente à l'idée d'accompagner ses amis pour une randonnée dans les contrées sauvages. Il faisait de toute évidence mauvais temps, et la jeune femme le ressentait à chaque courant d'air froid qui venait s'engouffrer sous ses vêtements.
La petite blonde resserra les pans de sa veste, pressée de retrouver son groupe d'amis. Elle les avait délaissés le temps d'une pause pipi au pied d'un arbre creux. Malheureusement, elle s'était un peu trop éloignée, et voilà qu'elle ne les trouvait plus.
Marylise s'avança dans la direction inverse du chemin qu'elle pensait avoir emprunté, lorsqu'elle entendit du remous non loin d'elle. La blonde se retourna et reconnut avec horreur la silhouette d'un ours brun qui, à son grand dam, approchait de sa position.
L'inévitable se produisit alors : l'ours, en relevant la tête, s'aperçut de la présence intrusive de la jeune femme et se mit à grogner férocement. Il était évident que Marylise n'était pas la bienvenue.
N'ayant aucune envie de servir de pâté à un ours mal léché, la jeune femme se retourna prestement et s'enfuit au pas de course. Mais l'animal sauvage la poursuivit, apparemment déterminé à faire d'elle son prochain repas.
N'étant pas assez rapide pour semer un ours adulte, Marylise se jeta sur le premier arbre qu'elle trouva et grimpa le long du tronc. Elle se hissa encore et encore sur les multiples branches du vieux chêne, jusqu'à être suffisamment haute pour qu'elle se sente en sécurité.
Assise sur une épaisse branche de bois, Marylise se pencha en avant afin d'observer l'ours au pied du tronc. Debout sur ses deux pattes, l'ours brun la guettait. La jeune femme frissonna d'effroi face à ses yeux sombres, dont la noirceur lui rappela la couleur de ce fameux jus de chaussettes, amer et corsé, que le monde s'entêtait à boire comme du petit lait.
L'ursidé semblait de mauvais poil, comme ces gens qui n'étaient jamais de bonne humeur tant qu'ils n'avaient pas avalé leur première gorgée du matin. Il était aigri tel un kawa mal sucré. Pas un nuage de lait pour venir adoucir son caractère corsé. Aussi désagréable qu'un moka qui aurait refroidi : rebutant et amer.
Il était bruyant comme l'infernale machine qui servait à préparer la bibine. Impossible d'ignorer ce vacarme assourdissant, ce charivari d'eau bouillonnante et de graines moulues, l'ennemi de ces gens qui n'aspiraient qu'aux matinées silencieuses et paisibles.
Et que dire de l'odeur ! Fort malodorante, elle prenait votre nez en otage et, si par malheur, vous aviez l'estomac en vrac, faisait remonter la bile dans votre gorge.
Oui, cet ours n'était aux yeux de Marylise qu'une tasse de café fumante sur pattes, amer, tintamarresque et repoussante.
Elle attendit longuement que la bête se lasse et s'en aille. Elle espéra que ses amis la retrouvent et réussissent à effrayer l'animal sauvage qui l'avait prise en otage sur cet arbre. Mais le temps défila et aucuns de ces scénarios ne se produisit au malheur de la jeune femme. Elle s'ennuyait ainsi perchée sur sa branche, et le bois commençait à lui meurtrir les fesses. D'ici peu, son derrière serait totalement engourdi. Ceci dit, c'était toujours mieux que d'être avalé par un ours aussi ignoble qu'un déca re-caféiné.
Marylise finit par croire qu'elle resterait éternellement nichée sur cet arbre, lorsqu'elle entendit de l'agitation en bas. Elle regarda à nouveau au pied de l'arbre. L'ours avait cessé de la fixer du regard. Son attention était toute rivée sur deux boules de poils brunes qui avaient surgi des buissons. Les nouveaux arrivants trottinèrent vers l'animal et vinrent frotter leur jeune museau sur l'épaisse fourrure de ce qui semblait être leur maman ourse.
Marylise en fut toute bouleversée. Ce qui avait été d'apparence un infâme café noir se métamorphosa entièrement, laissant un délicieux goût de cacao sucré sur sa langue radoucie.
C'était un doux chocolat chaud, aussi réconfortant que ceux-là que l'on boit les dures nuits d'hiver, confortablement installé devant la paisible chaleur du feu de cheminée. Pas n'importe quel chocolat, celui-ci comportait un généreux tourbillon de chantilly, léger telles les retrouvailles familiales attendrissantes. Et pour couronner le tout, une poignée de minimarshmallows, aussi moelleuse que paraissait l'être l'épaisse fourrure des bruns oursons et qui faisait fondre le cœur de la jeune femme.
Marylise s'était lourdement trompé. L'ours n'était pas un amer animal sauvage en quête de chair fraiche pour en faire son prochain repas. Elle avait observé, gratté la couche des trompeuses apparences et y avait trouvé une mère inquiète qui ne cherchait qu'à protéger ses enfants.
La jeune femme se sentit coupable. Elle culpabilisait d'avoir si mal jugé une merveille de Dame Nature, elle qui n'avait valu guère mieux en empiétant sur le territoire de l'ourse, inquiétant cette dernière quant à la sécurité de ses petits.
L'ourse finit par se détourner de l'arbre sur lequel elle était toujours perchée, et s'éloigna avec les oursons. Marylise attendit que la petite famille se soit suffisamment éloigné pour descendre prudemment de son perchoir. Elle put enfin reprendre sa route comme si rien ne s'était passée. Mais quelque chose s'était bien produit. Et Marylise se mit à redécouvrir la forêt sous un nouvel angle.
Ce n'était peut-être pas une promenade forestière digne d'une paradisiaque journée printanière. Il n'y avait pas d'astre solaire qui brillait dans le ciel, pas plus qu'il n'y avait d'oiseau pour siffler de mélodieuses chansons. Le feuillage des arbres n'était même plus aussi vert et intense qu'à cette glorieuse époque de l'année.
Mais l'automne avait également son lot de surprises. D'innombrables châtaignes et marrons avaient poussé sur les arbres. Les feuillages de ces derniers étaient si majestueux. Toutes ces nuances de jaune, d'orange et de rouge, c'était un véritable festival de couleur chaude. Un écureuil à la longue queue touffue courut le long d'une branche pour cueillir les fruits, approvisionnant certainement son nid avant la grande hibernation.
Oui, les apparences étaient souvent trompeuses. Et la nature était merveilleuse.
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