14. La mort et la vie
Je crois que la notification n'était pas passée mais le chapitre est bien là. Bonne lecture ♡
L'aube pointe timidement à l'horizon, peignant le ciel d'un rose délicat mélangé à des nuances d'or et de gris. Le royaume est encore plongé dans un silence profond, brisé seulement par le chant lointain de quelques oiseaux et de certains elfes qui s'activent déjà dans leurs activités. Jimin dort paisiblement sous les couvertures, le visage serein, bercé par la chaleur constante et agréable des lieux.
À plusieurs centaines de mètres de l'habitation des parents de Faën, en contrebas et près de cascades, il existe une sorte de clairière, un espace plat et clairsemé entre les arbres. C'est cet endroit qui a été choisi pour l'entraînement. Jungkook se tient droit, la mine concentrée, les bras croisés contre son torse tandis que Faën, Arannis, et Lothariel l'entourent. Leurs échanges se font dans le dialecte de Jungkook, sa langue de cœur, comme si les elfes avaient en eux un traducteur pour toutes les langues. Ils apprennent juste assez vite quand ils s'y intéressent.
Au bord du cercle, une silhouette massive et majestueuse attire soudain l'attention. Priam, le dragon au regard perçant, est là. Sa venue a été aussi inattendue que saisissante. Couché sur ses pattes repliées, il observe en silence, ses écailles sombres scintillant à la lumière pâle de l'aube. Son souffle lent et profond semble se mêler à l'air chargé d'énergie autour de Jungkook.
Faën s'avance, une fleur fanée entre les doigts. Ses mouvements sont lents, empreints d'une grâce naturelle qui contraste avec la tension palpable de Jungkook.
— Nous allons commencer par une chose simple, dit Faën, sa voix douce mais ferme. Pas de blessures profondes, pas de vies à sauver. Juste... ceci.
Il tend la fleur, ses pétales recroquevillés trahissant l'absence de vie. Jungkook fronce les sourcils. Une fleur ? Lui, un guerrier, un métamorphe capable de réanimer un homme, se retrouve devant une fleur fanée ?
— Ce n'est qu'une plante, marmonne-t-il, le regard sombre. Qu'est-ce que cela peut m'apprendre ?
Arannis émet un petit rire bref, mais c'est Lothariel qui intervient, sa voix plus douce que moqueuse :
— Si tu ne peux pas restaurer ce qui est fragile, Jungkook, comment espères-tu comprendre l'essence de ce que tu protèges ?
Faën incline légèrement la tête en signe d'approbation, puis tend la fleur au jeune homme.
— Ce n'est pas une question de force, Jungkook. C'est une question d'écoute. Pose tes mains sur elle et écoute.
Jungkook soupire, mais obtempère. Ses grandes mains enveloppent la tige frêle de la fleur, son regard scrutant les pétales. Il ferme les yeux, tentant de concentrer son énergie comme il l'a fait tant de fois auparavant. Mais rien ne vient. Aucune étincelle, aucun élément ne semble répondre à son appel. D'habitude il se sert des plantes pour les concocter ensemble dans leur bienfait réparateur.
Les minutes passent. Son souffle s'alourdit sous la frustration. Il ouvre les yeux, prêt à jeter la fleur à terre.
— C'est inutile, grogne-t-il, sa voix emplie d'une colère sourde. Je suis un guerrier, pas un jardinier. Ce don... il n'a aucun sens si je ne pose pas mes mains sur un humain.
Faën reste calme, mais son regard devient plus perçant.
— Tu crois que c'est elle qui te résiste ? Ce n'est pas la fleur, Jungkook. C'est toi. Tu es si habitué à foncer tête baissée, à agir dans l'urgence plus que réfléchir aux esprits, et à imposer ta volonté, que tu n'entends plus ce qui est en toi.
Faën fait des gestes en pointant le cœur de Jungkook.
— Ce don est dans ton sang, ajoute-t-il. Dans tes os. Il n'a rien à voir avec ta force physique ou ton endurance. C'est un lien, une connexion que tu refuses encore de voir.
Jungkook détourne le regard, fixant Priam. Le dragon l'observe avec une intensité presque dérangeante, comme s'il pouvait lire dans son esprit. Avec une délicatesse étonnante, Priam tend son cou à l'extrême, s'approche et pousse doucement la main de Jungkook du museau, comme pour l'encourager. Jungkook, surpris, laisse échapper un rire nerveux.
— Tu veux que j'essaie encore ? demande-t-il à Priam, un sourire involontaire éclairant son visage.
Cette fois, Jungkook inspire profondément. Il ferme les yeux et laisse ses pensées s'évader. Mais il ne peut s'empêcher de se demander : Et si je ne suis pas à la hauteur ? Et si ce don ne répond jamais ? Les doutes l'enserrent comme des chaînes, mais une voix intérieure, douce et rassurante, semble les atténuer.
Faën s'avance doucement, posant une main légère sur l'épaule de Jungkook.
— Prends un instant pour ressentir. Pas pour forcer. Pas pour contrôler. Juste... sois là, dans le moment. Pose tes mains sur la fleur, non pas pour la guérir, mais pour comprendre pourquoi elle souffre.
Hésitant, Jungkook se penche pour ramasser la plante. Cette fois, il ferme les yeux et inspire lentement. Il laisse son esprit s'étendre, cherchant cette énergie qu'il sait exister mais qu'il a toujours considérée comme un outil. Petit à petit, une chaleur familière monte en lui, douce mais insistante. Il sent le poids de la fleur, sa fragilité, son manque de force vitale. C'est comme une plainte sourde qui résonne dans son esprit.
— Je... je crois que je comprends, murmure-t-il, presque à lui-même.
Une lumière subtile, presque imperceptible, commence à irradier de ses mains. Faën l'observe avec un sourire satisfait, mais ne dit rien. Les pétales, bien qu'encore fragiles, semblent reprendre un peu de leur couleur. Ce n'est pas un miracle, mais un premier pas.
Lorsque Jungkook ouvre les yeux, il se sent étrangement différent. Pas seulement à cause de la fleur, mais parce qu'il a perçu quelque chose en lui, quelque chose qu'il avait ignoré.
— Ce n'est pas juste un don, n'est-ce pas ? murmure-t-il en relevant les yeux vers Faën. C'est... un lien. Avec mon père. Avec mes ancêtres. Avec... tout ce qui m'entoure.
Faën hoche la tête.
— Exactement. Et plus tu cultiveras ce lien, plus tu comprendras que ce don n'est ni une malédiction, ni une simple capacité. C'est une extension de toi, une partie de ton être.
Lothariel sourit doucement.
— Si tu apprends à écouter, Jeon Jungkook, tu pourras un jour guérir sans t'épuiser pendant des heures ensuite, et peut-être même prolonger ta propre vie bien au-delà de ce que tu imagines.
Après cela il essaie et essaie encore. Sous l'œil vigilant de Priam qui gronde de temps en temps pour l'encourager à continuer.
La sueur perle sur le front de Jungkook, alors qu'il se redresse lentement, les paumes tremblantes, après un énième essai. Ce n'est pas si simple, même si son esprit comprend déjà un peu mieux. L'énergie qu'il vient d'investir dans cet énième exercice laisse des échos à travers son corps, comme une vibration sourde qui le réchauffe autant qu'elle l'épuise.
Faën, toujours calme, l'observe avec une intensité tranquille. Arannis, assis non loin maintenant, essuie le fil de sa lame d'un chiffon tandis que Lothariel, accroupi près d'un buisson, murmure quelques mots à une jeune pousse à laquelle il parle. Le soleil naissant baigne la scène d'une lumière douce, les teintes dorées dansant sur les contours des visages et les écorces des arbres.
— Tu progresses, commente Faën en brisant le silence, mais la maîtrise de ton don ne repose pas uniquement sur l'effort.
Jungkook serre les poings. Il est fatigué, frustré, mais il refuse d'abandonner.
— Alors, c'est quoi ? souffle-t-il d'une voix rauque. J'ai tout donné. J'ai suivi vos instructions, tenté de ressentir...
Faën esquisse un sourire, non pas moqueur, mais empreint de patience. Il avance d'un pas vers Jungkook et tend la main vers une branche cassée d'un arbre proche.
— Observe, dit-il simplement.
Faen murmure des mots dans sa langue ancienne, le sindarin. Une énergie subtile, presque imperceptible, semble s'échapper de lui. Sous leurs yeux, la branche se redresse lentement, retrouvant sa forme initiale. Les feuilles s'épanouissent à nouveau, vibrantes de vie.
— Comme tu l'as compris avec la fleur, ce n'est pas de la force brute, Jungkook, reprend Faën. C'est une harmonie. Une compréhension profonde que tout est lié. Ton don ne vient pas uniquement de toi, mais de ceux qui t'ont précédé. Tes ancêtres, mère Nature comme vous l'appelez chez vous, l'énergie même de ce monde. Tant que tu te bats contre cela, tu ne fais qu'ériger des barrières en toi.
Jungkook fixe la branche, fasciné mais aussi sceptique.
— Et je suis censé faire quoi ? Redevenir une branche cassée pour mieux repousser ? ironise-t-il.
Arannis laisse échapper un rire discret, mais Faen reste impassible.
— En quelque sorte, répond Faën. Tes blessures intérieures, celles que tu refuses de voir ou de guérir, sont les plus grandes barrières à ta maîtrise. Comme ta peur de ne pas réussir, ou ne pas sauver ton bien-aimé. Quand apprendras-tu à te guérir toi-même, Jeon Jungkook ?
Cette question résonne comme un coup de tonnerre. Jungkook reste figé, les mots frappant une corde sensible. Se guérir lui-même ? Cette idée lui semble étrangère, presque impossible. Son père lui avait toujours dit que leur don était fait pour les autres, jamais pour soi. Mais et si... ?
— On dit dans ma meute que la peur est une maladie. Si tu l'attrapes et que tu ne la soignes pas, elle te ronge de l'intérieur.
— Comment la soignez-vous ?
— En l'affrontant. Ce n'est pas simple d'affronter ses peurs.
— Et pourquoi as-tu peur, toi ? Pourquoi as-tu peur de ce don ?
— Parce que je n'ai pas pu sauver mon premier compagnon de la mort ! Ni de la mort la mère de ma fille. Ni pu empêché tout petit les blessures de Jimin de s'effacer, même de l'intérieur.
— Oh. Cela fait...beaucoup de... partenaires.... intervient Arannis qui joue maintenant avec son couteau qu'il lance et relance sur un tronc qu'il guérit à chaque fois aussitôt de la "blessure" infligée.
— Non ! Non, ce n'est beaucoup trois partenaires, s'indigne Jungkook. C'est juste que....
— Dans notre monde, nous ne nous marions qu'une fois dans notre vie en nous unissant la première fois. Et ensuite, il est impensable d'aimer quelqu'un d'autre, intervient Faën avec douceur.
— Ce n'est pas aussi simple que ce que vous croyez, répond sérieusement l'alpha avec un visage fermé.
— Je pensais vraiment que les loups étaient les animaux les plus fidèles. Cela ne semble pas le cas.
— Un loup peut se laisser mourir de chagrin à la mort de sa moitié et lorsque le lien est rompu. Donc la fidélité est là. Moi, je le suis. Je me sens pour cela à ma place dans ma nouvelle meute auprès de Jimin, mais celle de ma famille est plus gouvernée par ses instincts...
— Je vois. Même si tout ceci me laisse perplexe et m'est inconnu.
— Tu es aussi bien trop jeune pour comprendre la complexité des relations de couple, finit par dire Jungkook.
— Oui, effectivement. Même si j'ai cent ans, je n'ai pas ton expérience de la vie ni ta maturité adulte, ni la même vie trépidante et farouche que toi. Et pour en revenir à tes peurs, elles ne doivent pas t'empêcher d'avancer et surtout être un frein à l'amour sincère que tu mérites de recevoir et te donner.
Lothariel intervient, sa voix douce comme une brise matinale.
— Il y a une beauté à accepter ses propres failles, murmure-t-il. La nature ne cherche pas à effacer ses cicatrices. Une branche cassée ne redevient jamais exactement ce qu'elle était, mais elle peut encore fleurir. Elle n'était pas morte, elle attendait juste qu'on lui offre la possibilité de revivre.
— La mort fait partie de toi Jungkook, murmure Faën. Ceux que tu as perdus vivent en toi, parce que tu le souhaites et leur laisses cette place. Mais vous êtes aussi des mortels, parce que vous vous en convainquez. Parce que vous cicatrisez mais sans le vouloir réellement. Accepte que les esprits t'aident à revivre.
Jungkook inspire lentement, les mots de Lothariel et de Faën s'ancrant en lui avec une émotion particulière et si forte qu'il en tremble. Il pensait avoir échoué quand il était louveteau, mais à sa mesure, il avait offert à Jimin la possibilité de continuer à vivre. Il n'avait pas la pleine conscience de lui-même, tout comme son père ne l'a toujours pas. Il n'apprend juste que maintenant. Alors pourquoi continuer à s'en vouloir ?
Il ferme les yeux, laissant ses pensées s'apaiser. Pendant un instant, il cesse de lutter.
Une chaleur douce émerge de sa poitrine, une sensation qu'il reconnaît vaguement mais qu'il n'avait jamais perçue avec autant de clarté jusqu'à présent. Ce n'est pas une énergie qu'il force, mais une énergie qui s'offre à lui, fluide et naturelle. Celle que ses ancêtres d'il y a bien longtemps lui transmettent. Aime-toi, pardonne-toi.
Il ressent presque plus intensément.
— Arannis, lance ta dague vers moi, érafle ma peau ! énonce-t-il sans ménagement. Fais couler le sang.
— Tu en es certain, guerrier ?
Jungkook opine de la tête. Il a maintenant bien plus confiance en eux que certains loups alphas. Arannis s'exécute, lançant son arme sur lui, touchant son biceps découvert, alors que Jungkook a revêtu un haut sans manche en cuir souple sur son torse. La lame tranche la peau sur un centimètre de profondeur et quatre de large, avant qu'elle ne se plante dans l'écorce derrière lui.
L'alpha pose une main sur son avant-bras et se concentre. Il ferme les yeux et plonge dans cette blessure, ressentant le tiraillement des tissus déchirés, le pouls de son propre cœur résonnant dans la plaie. Une chaleur subtile émerge au creux de son être, une énergie qu'il identifie enfin comme la sienne. Il ne sent pas la vie partir de lui. C'est différent cette fois-ci. Il ressent les palpitations dans ses veines, l'odeur de la ferritine, plusieurs voix des ancêtres qui se chevauchent comme si elles se promenaient dans son sang jusqu'aux chairs abîmées.
Les bords de l'entaille picotent, une sensation étrange, à la fois douloureuse et apaisante, comme si sa peau cherchait instinctivement à se refermer. Le sang ralentit, s'arrête, et il ressent l'étrange tension des tissus qui se réparent, fibre par fibre, sous sa propre volonté.
Quand il ouvre les yeux, il voit la peau se reconstituer, laissant à peine une fine ligne rosée. Une vague de soulagement, mêlée de fierté nouvelle, le traverse. Pour la première fois, il a compris que ce don est plus qu'un pouvoir c'est un lien intime avec lui-même, une force qu'il commence à apprivoiser.
D'habitude il sort la chaleur de lui pour la donner aux autres, et c'est la première fois qu'il se l'offre à lui-même.
— Je... je me suis guéri ? souffle-t-il, presque incrédule.
Faën incline la tête, un sourire satisfait aux lèvres, en même temps que Priam qui sort un bruit de sa gorge, satisfait.
— Je crois que notre dragon approuve lui aussi. Ce n'est qu'un début, Jungkook. Ce que tu as fait là demande encore beaucoup de travail, mais tu as franchi une étape essentielle. Ton don n'est pas une malédiction ni même un simple outil. Ne le refuse pas car il est toi. C'est un écho de ceux qui t'ont précédé, une connexion profonde à ton héritage et à toi-même. Plus tu accepteras cela, plus tu comprendras que ce n'est pas le monde que tu changes, mais la manière dont tu te lies à lui.
Rangeant sa dague, Arannis s'approche, en même temps que Lothariel.
— Et tout bon guerrier sait qu'une arme n'est qu'aussi forte que celui qui la manie. Cultive cette force, Jungkook. Non pas avec des muscles, mais avec ton âme et ton esprit.
Le soleil commence à s'élever, baignant la clairière d'une lumière dorée. Jungkook se sent différent. Ce n'est pas un sentiment de victoire, mais une perception nouvelle, une ouverture. Il sait qu'il lui reste beaucoup à apprendre, mais pour la première fois, il ne voit plus son don comme une charge. Il le perçoit comme une chance, un élément qui, s'il est nourri, pourrait non seulement changer sa vie, mais celle de tous ceux qu'il aime.
Alors que Jungkook inspire profondément, Faën pose une main sur son épaule.
— Jimin est réveillé, dit-il doucement. Et je crois qu'il t'attend.
Les phéromones familières de Jimin flottent déjà jusqu'à lui quand Jungkook flaire l'air, un mélange réconfortant de douceur et d'un peu d'inquiétude. Jungkook se redresse, un sourire naissant sur son visage. Il sait que le chemin devant lui est encore long, mais il est prêt à l'affronter, avec Jimin à ses côtés.
Priam pousse un grognement grave, presque approbateur, avant de venir saluer Jungkook d'un dernier coup de museau pour que l'alpha le caresse. Jungkook s'exécute, toujours étonné de ce monde qu'il n'aurait jamais imaginé possible, et dans lequel il a vécu de riches heures qu'il n'oubliera jamais.
Le dragon prend ensuite son envol, balayant les airs d'une force majestueuse. Il se retourne soudainement vers eux très haut dans le ciel et crache du feu en battant des ailes, avant de repartir vers sa grotte.
— Je crois qu'il vient de te démontrer son propre don, Jeon Jungkook le valeureux, murmure Faën. Et son allégeance autant qu'à moi. Tu es beaucoup de chance. Si un jour, tu as besoin de lui, appelle-le avec ton propre don, et il viendra.
Jungkook n'est pas sûr de comprendre l'importance d'une telle fidélité, mais il la garde dans un coin de sa tête.
🐾
Le froid léger de l'air fait immédiatement relever la tête à Jimin. Devant eux, le paysage s'étend dans une splendeur sauvage : des montagnes imposantes très au loin, leurs sommets enneigés se détachent dans l'azur pâle, et une forêt dense aux tons profonds de vert et de brun. La lumière du soleil, plus vive et plus froide qu'au royaume des elfes, jette des reflets dorés sur la cime des arbres, tandis qu'un vent vif porte des odeurs familières : le pin résineux, la mousse humide, et une pointe subtile de feu de bois. Ces senteurs déclenchent sûrement en Jungkook un flot d'émotions contradictoires : la nostalgie d'un lieu qu'il a quitté il y a des lunes et l'appréhension de ce qui les attend désormais.
Jimin le regarde du coin de l'œil, mais Jungkook semble serein. Tant mieux.
Derrière lui, les chariots s'engagent lentement dans le portail qui se dissipe, laissant derrière eux la douceur et la magie du royaume des elfes. Le contraste est saisissant : l'air éthéré et presque palpable des terres elfiques s'est effacé pour céder la place à une atmosphère plus dense et brute, mais non moins vibrante de vie.
.
Le départ a été empli de mélancolie et d'excitation. Dans les premières lueurs de l'aube, Jimin s'est tenu à l'écart, observant les derniers préparatifs avec une expression indéchiffrable. Jungkook l'a rejoint, posant une main rassurante dans le bas de son dos.
— Ça ira, a-t-il murmuré. Je suis là.
Jimin a hoché la tête, mais ses yeux trahissaient une inquiétude profonde. Les elfes, qui les ont accueillis avec une bienveillance teintée de mystère, sont venus leur souhaiter bon retour. Jimin a une nouvelle fois remercié les parents de Faën de leur accueil reposant. Sa mère leur a offert des Lembas qu'elle et sa fille confectionnent elles-mêmes en un secret bien gardé. Cela permettra au petit groupe de manger à leur faim s'ils en ont besoin.
Leur fils s'est avancé le dernier, son regard grave et pourtant plein d'espoir.
— Vous ne serez jamais seuls, leur avait-il dit en fixant particulièrement l'oméga avec une certaine émotion.
Avec l'accord de son alpha, Jimin prend volontairement la main de l'elfe et la place sur son ventre "Elle compte sur toi". La petite répond par un coup de pied et Faën est encore plus ému.
Les enfants, eux, n'ont pas partagé cette gravité. Ils s'agitaient autour des chariots, excités à l'idée de revoir leur meute. Rowon, dans son impatience, a tenté de grimper sur Bam sans aide, chose impossible vu la grandeur du cheval. Tandis que Siobhan bavardait joyeusement avec les deux omégas et Lothariel en leur citant tous les noms de la famille Jeon. Wonho, quant à lui, a profité du séjour pour parler art, chansons et musique et se perfectionner auprès des elfes musiciens qu'il a beaucoup admirés. Sans même avoir essayé de jouer de son pipeau ou dire que sa lyre le démangeait. Et c'est une grande première.
Pendant la fin de l'entraînement de Jungkook, Mingyu et Namjoon avaient pris en charge les dernières vérifications des bagages et des provisions, s'assurant que tout était en ordre.
— Tout est prêt, a déclaré l'Alpha Suprême, avec un sourire satisfait en rejoignant Jungkook.
Les deux alphas guerriers se sont tous deux préparés avec soin pour retrouver leur meute. Jungkook a revêtu une tenue simple mais élégante, confectionnée par Jimin avant leur départ et qui rappelle ses origines Jeon, avec une très belle fourrure sur ses épaules et ses armes symbolisant à la fois sa force et sa dignité en tant que guerrier. À ses côtés, Mingyu, a vêtu sa tenue d'arrivée dans la meute Kim, ajustant sa ceinture d'un geste méticuleux.
— Tu es prêt ? a demandé Mingyu en observant l'expression concentrée de Jungkook.
— Aussi prêt qu'on peut l'être après tant de lunes, a répondu ce dernier avec un léger sourire.
Ils se sont dirigés vers l'arche devant laquelle Faën les a emmenés, laquelle scintillait de lumières changeantes, marquant la frontière entre les deux mondes. Faën leur a assuré qu'ils arriveraient aussitôt après au pied du clan Jeon, et il n'a pas menti.
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Alors qu'ils franchissent le portail, une sensation étrange enveloppe Jungkook : une pression douce mais insistante, comme s'il traverse une membrane invisible. L'air devient plus dense, plus mordant. Il tourne la tête pour s'assurer que Jimin et les enfants suivent, et leurs regards échangent une promesse silencieuse.
De l'autre côté, le paysage qui s'étend devant eux était à la fois familier et étrangement neuf. La meute n'est pas encore visible, mais Jungkook sent déjà le lien avec ses terres se renforcer.
Il inspire profondément, laissant les odeurs et les sensations envahir ses sens. C'est chez lui, et pourtant, ce retour marque le début d'une nouvelle épreuve.
— Bienvenue chez nous, dit-il doucement, comme pour lui-même, avant de se tourner vers le groupe.
Derrière lui, Jimin observe en silence, son regard brillant d'un mélange de curiosité et de nervosité. Les enfants, eux, s'émerveillent bruyamment, pointant du doigt les montagnes lointaines et les nuances changeantes de la forêt.
Jungkook dépose un baiser tendre sur le front de Jimin, un geste d'assurance dans ce moment de transition.
— On est ensemble, murmure-t-il avec un sourire.
Et pour la première fois depuis leur départ, il se sent un peu plus serein.
Mais peut-être pas pour longtemps.
🐾
La forêt bruisse d'une énergie palpable, une tension qui s'épaissit au fur et à mesure que le groupe avance.
Jungkook et Mingyu, leurs sens en alerte, captent les premiers signes bien avant les autres.
Des halètements rauques et puissants se répercutent dans les sous-bois, accompagnés par le martèlement rythmique de dizaines de pattes massives contre le sol. Les sons s'approchent rapidement, des vibrations sourdes se propageant à travers la terre.
— Ils arrivent, murmure Jungkook, le regard sombre. Ne les défiez pas.
Les mots tombent comme un avertissement glacial, et tout le monde s'immobilise.
Jimin, le cœur battant à tout rompre, serre instinctivement les mains ses enfants dans les siennes, même si eux sont plus excités qu'autre chose. Jimin n'a jamais été aussi stressé de cette rencontre. Il a mis du temps à se préparer, à natter ses cheveux et se faire beau, à revêtir une jolie tenue de chez lui et qui le met en valeur. Il veut faire bonne impression, et en dehors de ses cicatrices dont les elfes n'ont jamais parlé et que les Jeon verront comme une victoire, il sait qu'il ne serrant considéré que comme "l'oméga de Jungkook". Et cela le mine.
À ses narines monte une odeur âpre, métallique, presque sauvage : celle d'une meute en alerte, prête à défendre son territoire. Une angoisse instinctive monte en lui, le rendant presque fébrile.
Plus loin, le paysage change subtilement. Au détour d'un sentier, le crâne blanchi d'un élan, immense et menaçant, trône au sommet d'un pieu, comme un totem avertissant les intrus. Les crocs du crâne brillent sous les derniers rayons de soleil.
Et puis,
le bruissement des branches se fait plus intense.
Des ombres gigantesques bondissent entre les troncs d'arbres, leurs formes indistinctes dégageant une puissance brute. Puis, enfin, ils apparaissent.
Ils sont une douzaine.
Douze loups, tous plus impressionnants les uns que les autres, leurs pelages épais et leurs muscles tendus sous leur fourrure.
Des loups Jeon.
Leur taille dépasse celle de la plupart des loups ordinaires. Certains arborent un pelage noir de jais qui semble avaler la lumière, d'autres des teintes fauves ou grises, striées de cicatrices qui racontent une vie de batailles et de survie.
Leurs crocs, découverts dans des grognements sourds, brillent, luisants de bave qui goutte lentement sur leurs poitrails puissants. Leurs yeux, rouges ou dorés, brillent d'une intelligence féroce et d'un instinct primal. Une louve au pelage argenté, plus fine mais non moins menaçante, se glisse entre les mâles, ses mouvements gracieux dégageant une autorité égale.
Puis, au centre de cette formation, un loup immense, majestueux, se détache. Son pelage d'un brun sombre est strié de reflets presque argentés, même sur sa face. Il avance avec une lenteur calculée, son regard fixé sur Jungkook. Ses muscles roulent sous sa fourrure, et chaque pas semble résonner dans le silence. Il s'arrête devant Jungkook, ses yeux rouges braqués sur lui, un grognement guttural émanant de sa gorge pour le défier.
La tension est palpable. Les phéromones amplifiés alphas emplissent l'air, un mélange oppressant d'agressivité et de défiance. Et Jimin, Soren et Hanja pourraient en suffoquer. Les omégas du groupe reculent légèrement, leurs instincts les poussant à chercher une protection immédiate. Jimin sent son loup intérieur se hérisser face à cette force brute, mais il garde sa place, sa main sur son ventre.
Les deux groupes se font face, immobiles, mais tendus comme des arcs. Un seul faux mouvement, une seule parole mal interprétée, et le carnage éclatera.
— Je suis revenu, à ta demande, souffle Jungkook, ses propres phéromones cherchant à ne pas s'interposer avec son ascendant.
Mais le loup face à lui grogne plus fort, dévoilant encore davantage ses crocs. Puis, dans un mouvement soudain et spectaculaire, il bascule sur ses pattes arrière.
Le reste de la meute suit.
En un instant, les douze loups se transforment. Leur pelage disparaît dans un éclat, leurs corps massifs se métamorphosent, laissant place à des silhouettes humaines, grandes, musclées, et entièrement nues. Leur peau porte les marques de leur vie sauvage : cicatrices, muscles saillants, et tatouages rituels même sur leur visage.
La plupart des membres du petit groupe, dont Jimin, restent bouche bée.
Celui qui se tenait devant Jungkook se redresse de toute sa hauteur, un homme au torse large, au regard aussi brûlant que celui qu'il avait en loup. Ses longs cheveux sombres et raides encadrent un visage parfait. Il croise les bras, imposant même si Jungkook fait sa taille, le torse humide et haletant de sa course, et fixe Jungkook avec une intensité qui ferait reculer n'importe qui.
Le silence est total. Seuls les murmures du vent dans les arbres osent troubler ce moment.
— Je vois que tu es revenu, Jungkook, gronde-t-il enfin, sa voix rauque et grave résonnant dans l'air comme un coup de tonnerre.
Jungkook incline légèrement la tête en soumission, mais ses yeux ne quittent pas ceux de l'homme.
— Et je ne viens pas seul, Jin, répond-il calmement.
Autour de l'Alpha Suprême, sa propre meute reste immobile, vibrante dans l'air lourd de leurs phéromones et leur adrénaline. Face à l'inconnu.
Deux mondes, deux instincts, prêts à s'affronter ou à s'effondrer l'un dans l'autre.
𓂃 ࣪˖ ִֶָ🐾 ་༘࿐
Voilà pour ce chapitre ! Je vous dis à demain, bon samedi.
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