𝟤𝟥 | 𝖠𝗀𝗋𝖾𝖺𝖻𝗅𝖾 𝗌𝗎𝗉𝗉𝗅𝗂𝖼𝖾.
╔═════ ✸ 𝐖𝐀𝐑𝐍𝐈𝐍𝐆 ✸ ═════╗
Ce chapitre contient des scènes évoquant le suicide.
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🎵 My Greɑtest Feɑr - Benson Boone
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Cela faisait un peu plus de seize ans que la cerise était devenu mon fruit préféré, que le printemps était la saison qui me rendait le plus heureux, que les étoiles avaient pris une signification importante. Seize années s'étaient écoulées depuis qu'elle était entrée dans ma vie.
Le destin m'avait permis de la retrouver – vivante, Dieu merci – et là-voilà, dormant paisiblement à mes côtés, enroulée dans l'une de mes chemises préférées.
Les événements de la veille l'avaient épuisée, aussi bien physiquement que psychologiquement. Je savais qu'elle s'en voulait d'avoir tué cet homme, bien qu'elle en avait eu le droit. Il méritait de crever pour l'avoir touchée ainsi.
Petit à petit, je la sentais remuer contre moi. Elle ouvrit difficilement les yeux et me sourit.
J'étais sur le point de l'embrasser lorsque des coups résonnèrent de l'autre côté de la porte dont la poignée se baissa comme par magie. Une touffe de poils bondit alors sur nous et nous écrasa de tout son poids. Plus jamais je n'oublierais de fermer ma chambre à clef.
— Volver ! s'écria une voix derrière lui.
Zia fit irruption dans la pièce avant de s'arrêter net à la vue de mon torse nu.
— Elizabeth Evans, ne me dis pas que tu as accepté en toute connaissance de cause de dormir avec cet abruti ?!
— Eh bien... on dirait que si, répondit-elle gênée.
— Zia, aurais-tu la décence de sortir de ma chambre, râlai-je en secouant ma main vers la sortie.
La jeune blonde me fusilla du regard.
— Fais attention à ta sale tête Clark, parce que si j'apprends que tu ne sais pas te retenir, je te tue, je te ressuscite, et je te tue une deuxième fois.
Elle empoigna Volver occupé à renifler le visage de Liz, et disparut en claquant la porte. Je demeurais interdit, abasourdi par ce qu'elle venait de proférer. Pour qui me prenait-elle ?!
— Comment te sens-tu ce matin ? murmura Liz en caressant ma joue.
Mes sourcils se froncèrent d'incompréhension.
— Tu as eu le sommeil agité, expliqua-t-elle. J'ai bien vu ces derniers temps que tu n'étais pas trop dans ton assiette, mais tu peux m'en parler, jamais je te jugerai.
Je l'embrassai sur la joue.
— Je sais.
Et la conversation au sujet de mon état s'arrêta là. Cela ne servait à rien d'en discuter, elle avait déjà assez de problèmes à régler, alors je ferais mieux d'éviter de lui rajouter les miens.
Quinze minutes plus tard, je sortis de la chambre afin de laisser Liz s'habiller tranquillement. Dans le couloir, une ombre m'attendait.
Ray.
— Salut p'tit frère, t'as fait un gros dodo ? se moqua-t-il.
— Ce qui est sûr, ce que j'en ai fait un plus gros que toi vu vu les gémissements que j'ai entendu hier soir, rétorquai-je avec un sourire en coin. C'était qui ? Téri ou une simple conquête ?
— Pourquoi ? Tu as besoin de conseils à ce niveau ? railla-t-il. J'ai toujours rêvé que mon p'tit frère me pose ce genre de question un jour.
Je sortis un cigarillo de ma poche et l'allumai avec une lenteur délibérée.
— Ray, je sais qu'il est ici.
— Ça ne m'étonne pas, Liz a dû te le balancer.
— Tu vois très bien où je veux en venir. Ça me fait une raison de moins pour te garder en vie.
— Mais tu ne peux pas. Tu as encore besoin de moi, je me trompe ?
Ray affichait un sourire victorieux et je dus me retenir de l'étriper sur le champ.
— Je te propose un marché qui nous conviendra à tous les deux, déclarai-je d'un ton que j'espérais confiant. Tu m'aides à éradiquer ce gang appelé Silver Moth et je te dis où elle se trouve.
— Hmm... Refusé ! s'exclama mon frère. Je me fous de ce gang et je n'ai aucun intérêt à t'aider.
— Dans ce cas, faisons tomber Noah Barry. Tu comptes bien reprendre la tête des Hell's Angels une fois que tu m'auras tué, non ? Si on ne s'occupe pas des Barry, tu récupéreras un Club en lambeaux et ce n'est pas ce que tu veux.
— Tu acceptes que je te tue ? fit-il en croisant les bras.
— Je n'ai jamais dit que je me laisserai faire.
— Très bien p'tit frère ! J'accepte. Tu vois quand tu veux !
Je mordis mon pouce jusqu'au sang et Ray fit de même. Nous les joignîmes ensemble afin de prêter serment.
— Au fait, m'interpella-t-il. Tu devrais checker les news de ce matin. Juste au cas où.
Il m'adressa un clin d'œil et quitta le couloir.
Les news ? J'allumai mon téléphone et examinai les derniers articles publiés dans la matinée. Je crus rêver alors que la page web défilait devant mes yeux. La nouvelle faisait les gros titres des journaux du pays entier.
Le Daily Witness était entré en bourse.
Il ne pouvait rien arriver de pire si ce n'était qu'une météorite s'écrase sur les Etats-Unis. Qui disait Daily Witness en bourse, disait journal international, un atout de plus dans la manche de Ronald Winfield, et une menace de plus pour Moreno, les Hell's Angels et la Brigade. Sans compter que nous n'avions toujours pas de quoi prouver l'innocence de Palmer alors que le procès se rapprochait à grands pas.
— Jayden !
Liz me accourut précipitamment, son téléphone entre les mains.
— Tu as vu pour le Daily ? demandai-je.
— Oui, mais on a encore plus important. On doit parler à Palmer.
— Palmer ?
— Je t'expliquerai, suis-moi, dit-elle en me prenant par la main.
Nous descendîmes les escaliers jusqu'au rez-de-chaussée, complètement vide. Les Hell's Angels et le Crystal Squad devaient être partis suite à la nouvelle concernant le Daily Witness. J'aurais tout de même préféré être prévenu. Quant à Palmer, nous le trouvâmes préparant un repas dans la cuisine. Je fus étonné de ne pas le trouver une bière à la main.
— Un problème, Chef ? demanda-t-il sans même se retourner.
— Oui, répondit Liz à ma place. Tu tiens à tes couilles ?
Palmer vit volte face.
— Évidemment ! Quelle question !
— Alors tu ferais mieux de nous dire toute la vérité et rien que la vérité.
Je hochai la tête comme si je savais de quoi elle parlait alors que je n'en avais aucune foutre idée.
— A propos de ?
— Ton père fait partie du Silver Moth, le groupe qui a mis le feu au QG, déclara Liz.
Un frisson me parcourut les entrailles. Quoi ? Son père ? Le Silver Moth ? Seigneur, dites-moi que c'est une blague ou que je rêve.
Personne n'avait eu le culot de me faire part d'une information aussi importante ?
Palmer cessa chacun de ses gestes et s'assit sur une chaise haute, le regard dirigé vers le sol.
— Qu'est-ce que vous voulez savoir ?
— Premièrement, pourquoi tu n'as pas été foutu de nous dire que tu connaissais ce gang et deuxièmement, tout ce que tu sais à propos d'eux, lâchai-je les poings serrés.
Palmer se râcla la gorge.
— Je ne connais pas grand-chose du Silver Moth, mis à part le fait que mon père l'a intégré il y a plusieurs années. Ce n'est pas un gang indépendant, ils font partie d'une plus grande organisation, mais dont je ne connais pas le nom. Mon père m'en a vanté les mérites plus d'une fois et m'a demandé de le rejoindre, et qu'après ça il pourrait me pardonner.
— Te pardonner ? répéta Liz.
— Il me déteste, expliqua Palmer. Ma mère est morte en me donnant naissance, et il n'a cessé de rejeter la faute sur moi.
— Quel est son nom ? demandai-je à mon tour.
— Andrew, comme moi. Mais nous n'avons pas le même nom de famille, j'ai pris celui de ma mère. Il s'appelle Andrew Carson.
Ce nom me disait bien quelque chose, mais je ne me souvenais plus où je l'avais entendu.
— J'ai une dernière question, ajouta Liz. Était-ce le Silver Moth qui nous a attaqué durant notre combat contre les Rebels et qui a envoyé Owens à l'hôpital ?
Palmer resta interdit plusieurs secondes.
— Oui, admit-il finalement.
— Comment ont-ils su que l'on se trouvait là-bas ? Nous as-tu trahis ?
— Non ! Je ne sais pas ce qu'ils foutaient là-bas ! Il y a forcément un complice mais je vous assure que je n'ai rien à voir là-dedans !
— Ça te fait une belle jambe Palmer, dis-je calmement. Tu vas devoir en payer le prix.
— Tu vas le tuer ?! s'écria Liz abasourdie.
J'arquai un sourcil.
— Pour quoi faire ? C'est vraiment comme ça que tu me vois, Elidiote ?
— Si seulement je pouvais t'arracher la langue, maugréa-t-elle.
— Ce serait dommage parce que je sais faire un tas de choses agréables avec.
Palmer faillit s'étouffer alors que Liz rougissait à vue d'œil.
— Bon, si je résume, repris-je plus sérieusement. On a un traître sur les bras, voire plusieurs, ce qui ne m'étonnerait pas. Le Daily Witness vient d'entrer en bourse alors je nous donne trois jours avant de devenir l'ennemi public numéro un du pays. Quoi d'autre ?
— Pourquoi le Silver Moth nous en veut ? On ne les connaît ni d'Adam, ni d'Ève, remarqua Liz. Palmer, tu penses que ton père aurait orchestré l'attaque contre le QG pour te nuire ?
— Mon père n'a absolument aucun pouvoir sur ce gang, il n'en est pas le Chef. Il doit y avoir une autre raison, répondit-il.
— Un lien avec les Barry, peut-être ? suggérai-je.
— On peut demander à Josh et Kelyan de creuser cette piste, proposa Liz. Matthis et Lindsay sont déjà occupés avec l'informatique. Quant à Zia, Greene et moi, on a pas mal de problèmes sur les bras. Je vais demander à Owens de nous aider. Alvarez est occupé à l'hôpital avec Gil, Miller ne cesse de disparaître et Todi surveille Ray de près. Il ne reste donc plus que vous deux, dit-elle en désignant Palmer, puis moi-même. J'aimerais que vous trouviez le ou les traîtres, si possible. Ou du moins, écourtez un maximum la liste de suspects.
— Depuis quand te permets-tu de me donner des ordres ? raillai-je en lui donnant une légère tape sur la tête.
— Et bien depuis aujourd'hui, apparemment. Ça te pose un problème ?
— Je n'ai rien contre la domination, répliquai-je avec un sourire en coin.
— Dans ce cas, on est tous d'accord, conclut-elle. Comme tu l'as dit, Jayden, on a trois jours maximum avant que le pays entier ne soit à nos trousses. Ça nous laisse très peu de temps pour comprendre ce casse-tête. N'oubliez pas que le procès approche et que les élections aussi.
— Vu comme c'est parti, je suis à peu près certain de terminer en taule, avoua Palmer en se grattant l'arrière du crâne.
— Je t'interdis de dire ça, trancha Liz en lui donnant un coup de pied dans le tibia. Personne n'ira en prison, c'est clair ?
Palmer acquiesça en levant les yeux au ciel.
Suite à cette conversation, je profitais du fait que la villa était déserte pour accéder à l'ancien bureau de mon père au deuxième étage. Manque de chance, je le trouvai fermé à clef. Où Ray avait bien pu planquer la clef ? Dans sa chambre ? Non, Téri pouvait mettre la main dessus puisqu'elle y avait accès. Sur lui ? Trop dangereux. Au grenier ? Possible.
Je me pointai au troisième étage et déclenchai le passage secret. La bibliothèque se déplaça sur le côté, laissant apparaître la porte dorée. Mon père avait toujours été fan de ce genre de mécanismes. Il en avait installé un au Majestic Rose, et lorsque nous avions déménagé dans le Queens, il n'avait pas pu s'empêcher d'en fabriquer un autre.
Je gravis les escaliers de pierre jusqu'à atteindre la porte du grenier où nous nous cachions souvent, Ray et moi, étant enfants. Je pariais qu'il se trouvait actuellement dans un état lamentable et rempli de cartons recouverts de poussière. Tous nos anciens jouets devaient se trouver là, ainsi que la clef du bureau de mon père.
Je poussai la porte sans ménagement, ne m'attendant à trouver quoique ce soit d'alarmant de l'autre côté.
Toutefois, je fus bloqué sur place, incapable d'opérer le moindre mouvement. Le choc fut si brutal que j'en oubliai comment respirer.
Il était là, devant moi, bien vivant, comme Elizabeth me l'avait dit. Pourtant, jusque-là, je ne voulais pas y croire. Jamais je n'aurais voulu voir son visage et encore moins croiser son regard bleuté. Je ne connaissais même pas son nom que je voulais déjà qu'il disparaisse. Il ressemblait trop à mon père.
Le petit garçon me fixait, le regard empli de peur, se demandant sûrement qui j'étais, et pourquoi je ressemblais autant à Ray. Il ne le saurait jamais, c'était mieux ainsi.
Ses maigres doigts tenaient un trousseau de clefs que je reconnus immédiatement. Lorsque j'eus retrouvé le contrôle de mes membres, je le lui arrachai des mains et déguerpis du grenier à la vitesse de l'éclair.
Tandis que je descendais les marches à toute allure, des images maudites refirent surface. Ce péché que j'avais longtemps tenté d'étouffer, se jetait désormais à ma poursuite. Même mort, je ne pourrais lui échapper. Tout ce qui m'était arrivé ces huit dernières années n'étaient que mon châtiment. J'avais mérité chaque seconde de torture, de douleur, de tristesse et de peur.
Je m'enfermai à double tour dans le bureau de mon père et tentai de reprendre mes esprits.
Pourquoi cela ressurgissait-il maintenant ? J'avais tout tenté pour expier ce péché ! Pourquoi ce gosse était-il toujours en vie ? Pourquoi Ray s'en occupait-il ? Était-ce réellement un otage à ses yeux ou bien éprouvait-il de l'affection pour lui ? Qu'allait-il arriver à ce gamin si l'un de Ray ou moi venait à mourir ? Je serais incapable de m'occuper de lui. Je ne pourrais jamais le voir comme mon petit frère. Il me rappelait tout le mal que j'avais commis.
Je fis les cent pas à travers la pièce, la tête prise entre mes mains, murmurant des bribes que je ne comprenais pas moi-même.
J'aurais préféré que l'on me torture le corps plutôt que l'esprit. La douleur physique me semblait plus agréable, elle me permettait d'oublier, d'effacer, de partir. Je voulais partir. Sentir le sang couler sur ma peau. Ça me ferait du bien. Je sentirai mes plaies me brûler, me déchirer. Peut-être même crierais-je de douleur. Je pourrais définitivement expier mes péchés.
Oui, la douleur me ferait du bien. J'avais besoin d'avoir mal. Je voulais me sentir proche de la mort. Tout cela était de ma faute de toute manière.
Je donnai un coup de poing dans la fenêtre qui se brisa sous mes doigts. Des morceaux de verre s'implantèrent sous ma peau. J'en attrapai un plutôt gros qui gisait sur le sol. Était-ce une bonne idée ? J'avais peur de mourir, peur de ne plus rien ressentir, même pas la douleur. La souffrance me permettait de me sentir vivant.
Je devais me rappeler comment ils avaient procédé, il y a cinq ans, quand j'étais attaché sur cette chaise, couvert de bleus et de blessures. Me rappeler la manière dont ils me lacéraient, m'arrachaient les ongles lentement, un par un, se délectant de mes cris. Ils ne touchaient pas mes points vitaux, car ils voulaient me garder en vie. Après tout, j'étais l'un de leurs otages.
J'appliquai la lame de verre contre ma paume.
Ici, ça me fera du bien.
Je pourrais directement me trancher la gorge.
A qui je manquerais ?
La veille, Liz s'était fait agresser encore une fois par ma faute. Grâce à cet événement, j'avais pu admettre une conclusion : je ne serais jamais capable de la protéger. Ce qui signifiait qu'elle n'avait pas besoin de moi, bien au contraire. Il m'était plus facile de tuer que de protéger. J'étais sûrement né avec un don pour le meurtre. Ou bien était-ce dans mes gènes.
Le sang coulait le long de mon avant-bras et gouttait sur la moquette. Mon père me giflerait s'il voyait ça. Finalement, heureusement qu'il était mort ! Mort et enterré !
Ah, William Clark, tu pourrais être un minimum fier de ton fils, hein ? On se ressemble finalement, tu ne trouves pas ?
Je secouai violemment la tête. Non, je ne ressemblais pas à un fils de pute comme lui. Je pouvais affirmer que son péché était bien pire que le mien. Il devait brûler en Enfer à l'heure actuelle.
Quant à moi, j'avais déjà créé un Enfer de toutes pièces sur Terre. Je pouvais aisément me classer dans la pire catégorie d'êtres humains. Pire que Ray ? Assurément. Pire que mon père ? Pas encore. Sauf si je tuais toutes les personnes présentes dans cette villa. Là, ce serait parfait.
Liz ? Non, je ne pouvais pas la tuer. Quoique, qu'est-ce qui m'en empêchait au juste ? L'amour ? Ha ! Quel sentiment ridicule et inutile. L'amour n'avait jamais mené à rien d'autre que le désastre. C'en était risible.
Si je la tuais, mon péché me quitterait. Elle était aussi responsable de ce merdier. De toute façon, deux Diables ne pouvaient pas régner en même temps sur l'Enfer. L'un de nous devait mourir. Que c'était excitant tout à coup !
Soudain, la porte du bureau s'expulsa de ses gonds et tomba lourdement sur le sol, dans un fracas sonore. Puis, une silhouette se dessina au milieu du nuage de poussière.
Liz.
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