𝟤𝟤 | 𝖫𝖾 𝖰𝗎𝖺𝗍𝗋𝗂𝖾̀𝗆𝖾 𝖠𝗋𝖼𝗁𝖺𝗇𝗀𝖾.

╔═════ ✸ 𝐖𝐀𝐑𝐍𝐈𝐍𝐆 ✸ ═════╗
Ce chapitre contient des scènes d'abus sexuel pouvant heurter la sensibilité.





🎵 Somewhere Only We Know - Keɑne





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𝐸𝓁𝒾𝓏𝒶𝒷𝑒𝓉𝒽



ೃ⁀➷ 𝔏'évocation de Garcia me fit un pincement au cœur. Presque trois mois qu'il était parti, et je ne m'y faisais toujours pas. Si un drame pareil devait arriver de nouveau, je ne le supporterais pas.

— T'as oublié la partie où je te mets un énorme coup de pied dans les couilles, commenta Zia.

— Je n'en ai aucun souvenir, répondit Josh. Ça devait pas être impressionnant.

Cette raison réponse lui valut une tape derrière la tête. Lindsay pouffa de rire, une main devant sa bouche.

Cela signifiait que Kelyan, Josh et Zia s'étaient absentés de la Brigade afin de faire monter Jayden à la tête des Hell's Angels. Et le but de Jayden était de faire barrière à son frère qui dirigeait les Eagles Riders. Voilà qui expliquait beaucoup de choses.

Je gardais aussi dans un coin de ma tête qu'il fallait que je parle avec Josh des meurtriers de sa famille.

— C'est quoi cette histoire avec Palmer dont tu as parlé juste avant ? demanda Zia. Il sait quelque chose par rapport aux blousons argentés ?

— Oui, reprit Josh. Comme on aurait pu le deviner nous-mêmes, le nom de ce groupe de motards est Silver Moth.

— Est-ce qu'ils ont un lien avec les Eagles ? Parce que je ne fais pas du tout confiance à Ray, ajouta Lindsay.

— Pas que je sache, dit Josh, un doigt sous le menton.

Ce qui me paraissait bizarre, c'était que Palmer était au courant depuis le début de leur identité et qu'il n'en avait rien dit.

— Si on sortait ce soir pour décompresser de tout ça ? proposa Lindsay pour changer de sujet.

— Je ne garde pas un bon souvenir des boîtes de nuit, dis-je en repensant à l'Euphoria NightClub.

— Allons dans un bar si tu préfères, ce sera moins risqué.

— Le premier mec que je vois te tripoter recevra mon poing dans sa gueule, déclara Zia avec un sourire machiavélique, les doigts crispés.

Il était vrai qu'avec deux filles comme elles, je ne risquais pas grand-chose. Et puis, j'avais appris à me battre au Palace, j'étais capable de me défendre si besoin. Je ne comptais pas laisser Lindsay et Zia me protéger, je devais être capable d'assurer ma propre sécurité toute seule.

— Je suis partante.

— Pas moi, se désista Josh. Désolé, mais il y en a qui doivent bosser ici. Et surveiller Ray à l'occasion.

— Todi s'occupe déjà de lui, viens avec nous, insista Lindsay.

— Un telle chance ne se représentera pas deux fois, renchéris-je avec un clin d'œil.

Josh dut se faire violence pour refuser l'invitation de Lindsay. Ces deux-là s'étaient éloignés depuis mon départ et s'adressaient à peine la parole. Pourtant, le feeling qui s'était tissé entre eux au fil du temps n'avait pas disparu.

— Dans ce cas, on ne sera qu'entre filles, concéda Zia. J'ai hâte, c'est la première fois que je fais ça.

— Évidemment, on n'en parle à personne, c'est notre petit secret, fis-je promettre à mes deux nouvelles acolytes de soirées.

— Bien sûr !

Aussitôt dit, aussitôt fait. Ni une, ni deux, je farfouillais parmi les robes de Lindsay et en enfilais une rouge satin. je ne savais pas exactement pourquoi elle avait emmené autant de tenues de soirées alors que notre objectif de base à New York  était de nous battre. Qu'à cela ne tienne, nous avions de quoi nous habiller pour sortir.

— Elizabeth, je peux t'emprunter ton rouge à lèvres ? me demanda Zia depuis l'autre bout de la chambre, le nez dans ma trousse de toilette.

— Vas-y.

— On dirait le préféré de Jay, chuchota Lindsay à mon oreille.

Je rougis en repensant à cette fois où il m'en avait appliqué sur les lèvres. Ce soir-là, on s'était embrassé pour la première fois... avant qu'il ne me rejette. Ah, les hommes.

Je m'aspergeais avec le parfum de Zia, puis je laçais mes chaussures qui n'allaient pas du tout avec la robe. Tant pis, je n'avais que ça sous la main. Toutefois, je me rendis vite compte que Zia et Lindsay ne seraient pas prêtes avant un bout de temps. Je finis par m'affaler sur mon lit et m'assoupir.

Trente minutes plus tard, je fus réveillée par Lindsay qui me secouait les épaules. Nos préparatifs nous avaient pris une bonne partie de la soirée. Il y avait quatre heures encore, j'étais à l'hôpital en compagnie de Gil et voilà que maintenant je m'apprêtais à faire la fête dans un bar. Cette journée  fut bien rythmée.

— Prête ?

Je fis signe à Lindsay que tout était parfait.





Le Lovell's Guiding Light était situé sur Hillside Avenue, laquelle ressemblait plutôt à une zone délaissée comprenant bon nombre d'entrepôts aux portes aussi rouillées et taguées les unes que les autres. Ce coin du Queens où l'on s'aventurait rarement à pied à moins d'être pris de passion pour les décors post-apocalyptiques – et j'exagère à peine – me rappela que je n'aurais jamais dû laisser Lindsay choisir notre destination. Après-tout, elle connaissait New York comme sa poche et plus particulièrement les endroits les moins fréquentables.

Même après avoir retrouvé une grande partie de ma mémoire, je restais incapable de me souvenir de chaque avenue que j'avais traversée dans le passé, ce pourquoi je n'avais aucune idée de ce qu'était Hillside Avenue alors qu'elle représentait l'une des artères principales du Queens.

Dans le coin, bordée par la Jamaica Avenue, se trouvait le Rufus King Park où mon père allait pratiquer son jogging matinal le long des sentiers tracés au milieu de la pelouse soigneusement tondue. Je l'y avais accompagné quelques fois, mais je perdais rapidement mon souffle, et emprise d'un point de côté, devais m'allonger sur un banc.

Là, j'admirais le ciel durant de longues minutes, jusqu'à ce que ma vision devienne bleutée. Une demi-heure plus tard, mon père me rejoignait et m'emmenait boire une tasse de chocolat au Coffee Cloud, un peu plus haut dans l'arrondissement.

Et me voilà, plus de dix ans après, face à la devanture du Lovell's Guiding Light, la gorge serrée, prête à m'étouffer avec des shots de téquila. Zia n'était pas plus rassurée que moi quant à ce lieu qui excitait tant Lindsay.

Cependant, nous fîmes comme si de rien n'était, et suivîmes notre guide de soirée jusqu'à l'intérieur du bar, qui s'avéra se rapprocher dangereusement d'une boîte de nuit.

Les lumières rouges et violet tamisées éclairaient les nombreux clients déjà présents à peine vingt-deux heures passées. Les serveurs dansaient entre les tables, portant des cocktails posés en équilibre sur leurs plateaux. Au niveau du bar en arc de cercle, le tintement des verres rythmait l'ambiance à travers le son des enceintes situées de part et d'autre de la grande salle.

— Ça ne vaut pas l'Euphoria, mais vous allez voir comme on s'amuse ici, s'extasia Lindsay en roulant des hanches jusqu'au barman.

    Sur ce point là, elle n'avait pas tort. Rien ne valait l'Euphoria, que ce soit en terme d'ambiance – et par là je voulais parler des trafics de toutes sortes qui s'y passaient – ou bien en terme de musique – à l'Euphoria, on appréciait les coups de feu en guise de percussion – ou encore en terme de patron – rien n'égalerait jamais Ray Clark en personne.

— Si on peut s'épargner la mort de deux inconnus ce soir, je serais ravie, répliquai-je d'un ton sarcastique.

— Tant que Jay n'est pas au courant, je ne vois pas ce qui pourrait mal se passer, dit Lindsay avec un air désinvolte.

    Je lançai un coup d'œil à Zia qui haussa les épaules, peu emballée par les paroles de Lindsay. Nous ferions mieux de quitter cet endroit avant que la malchance qui me court après ne nous tombe dessus.

— Eli, ne me dit pas que tu veux t'en aller ? rouspéta Lindsay en voyant ma mine déconfite. Il y a une heure encore tu étais partante !

— Non, ne t'inquiètes pas, j'avais juste l'esprit ailleurs, marmonnai-je avec un sourire forcé.

    Les verres d'alcools s'enchaînaient entre mes doigts, si bien qu'au bout d'un moment je ne sentais même plus le liquide me brûler l'œsophage. Zia, qui devait être la plus sobre d'entre-nous, ne marchait plus très droit.

Je m'entendis rire à plusieurs reprises pour je ne sais quel sujet, ou peut-être était-ce à cause de cette drôle d'affiche déformée accrochée près du comptoir, ou bien de cet homme avec trois poils sur le crâne et d'immenses lunettes rondes qui me faisait penser à un minion.

— Allez, fais-moi danser, bébé ! cria Lindsay à l'intention de Zia.

Cette dernière ne se fit pas prier et entraîna Lindsay se déhancher collées-serrées en plein milieu du bar. J'applaudis de toutes mes forces, et sifflai mes amies qui accaparaient toute l'attention.

    Pendant ce temps, un homme d'environ mon âge m'attrapa par la main et me fit tournoyer à m'en faire perdre la tête sur plusieurs musiques, avant de me laisser m'asseoir à une table près d'un jeu de fléchettes.

Il était très grand et ses cheveux noir de jais étaient plaqués en arrière avec une dose colossale de gel. Il portait aux pieds des chaussures parfaitement vernies, mais d'une drôle de forme qui donnait l'impression qu'il avait des palmes en bas des jambes.

— Yohan, dit-il en déposant deux cocktails devant moi.

— Elizabeth, répondis-je avec un sourire timide.

— Qu'est-ce qu'une jolie femme comme toi fait toute seule dans un endroit comme celui-ci ?

— Mes amies sont là, expliquai-je en désignant Lindsay et Zia qui dansaient ivres mortes.

— Je vois.

    Je trempais mes lèvres dans le liquide citronné qui me rafraîchit en un instant. L'heure sur mon téléphone indiquait déjà deux heures du matin et j'avais reçu plusieurs messages de Josh demandant si tout se passait bien.

— Un petit ami ? demanda soudainement Yohan, me faisant lever les yeux de mon portable.

    Je haussai les épaules. Jayden était-il mon petit ami ? Dans une autre vie, peut-être, mais pas dans celle-ci. S'il ne me repoussait pas constamment, nous pourrions avoir une chance tous les deux.

— Alors ?

— Sans commentaire, maugréai-je en avant d'une traite le reste de ma boisson.

    L'alcool me montait au crâne, si bien que le bar tanguait devant moi, et je perdis l'équilibre malgré la chaise qui me retenait assise.

— Vous avez trop bu, dit Yohan. Ce n'est pas très responsable.

— Je me passerai bien d'une leçon de morale ce soir, répliquai-je sèchement, l'esprit embrumé.

— Bien sûr.

Il m'aida à me relever, mais ma vision se brouilla. J'étais désorientée, je ne sentais plus mes doigts et j'avais la sensation que j'allais m'évanouir d'un instant à l'autre. Il me sembla me retenir à quelque chose avant de sombrer.





Un son aigü résonnait à l'intérieur de ma tête, long, continu, incessant. La lumière s'immisça peu à peu à travers mes lourdes paupières. Il me fallut du temps avant de comprendre où je me trouvais, et dans quelle position.

L'effroi me foudroya lorsque je vis mes jambes dénudées étendues sur un lit inconnu. Je crus que mon cœur allait me ressortir par la gorge, tant la nausée était violente. Dans un coin de la pièce, posé sur un fauteuil, Yohan m'observait, une tasse à la main. Un sourire carnassier étira ses lèvres lorsque je croisai son regard.

— Qu'est-ce tu as mis... dans mon verre, bredouillai-je en tentant de me redresser.

— Rien de bien méchant, ne t'en fais pas, dit-il avec un air suffisant.

    Il posa sa tasse sur une table en bois, puis s'assit près de moi, sur le lit.

— Dans quelques heures, tu seras en mesure de bouger, déclara-t-il en me caressant la jambe.

    Le dégoût me révulsa l'estomac, et je me fis violence pour ne pas recracher tout l'alcool que j'avais ingéré. Puis, je constatai avec horreur que mon t-shirt aussi avait disparu, me laissant en sous-vêtement, à la merci de ce monstre hideux et répugnant.

— Laissez-moi... Partir, balbutiai-je difficilement.

— Oui. Une fois que j'aurais terminé.

    Yohan plaque mes mains de part et d'autre de ma tête avant de me lécher le cou de sa langue rapeuse. Le bout de ses doigts était rugueux contre mes cuisses, et je détestais ça. Je voulais qu'il s'en aille, qu'il me laisse tranquille et qu'il crève par la même occasion. Pourquoi moi ?

C'était ma faute, je n'aurais jamais dû boire. J'aurais dû y penser.

Une vague de honte me submergea, tandis que je me noyais au fond de ma propre bêtise. Désormais, j'ignorais tout de ce qu'il se produisait autour de moi. Je ne voyais plus rien, ne sentais plus rien, n'entendais plus rien; Comme si tout cela n'était qu'un affreux cauchemar duquel je pouvais m'échapper. Mon âme avait quitté mon corps, et je préférais ainsi.

Pourtant, une lumière perça le bout du puits sans fond dans lequel je tombais. Une voix me cria de remonter à la surface et de me battre, de ne pas me laisser faire. La silhouette de Garcia se dessina, puis son visage m'apparut clairement. Il me fit un clin d'œil et désigna son pouce avant de disparaître.

Je baissai le regard vers mon pouce qui portait la bague de mon ami. Il avait raison. Je pouvais le faire.

Aussitôt, je fus ramenée de force à la réalité. Mon soutien-gorge avait disparu, mais pas ma volonté. Elle était toujours là, présente au fond de mon être, même si la drogue tentait de la masquer.

Avec mes dernières forces, je repoussais violemment Yohan dont le corps massif cogna contre un miroir sur pied qui se renversa et se brisa en des dizaines d'éclats sur le sol. Yohan poussa un grognement de douleur et s'élança vers moi. Heureusement, j'eus le temps de m'extirper du lit et de me jeter dans la direction opposée.

J'attrapai un morceau du miroir qui gisait sur le sol et lorsque Yohan se précipita vers moi dans une énième tentative, je tranchai sa gorge dans un accès de rage. Le sang jaillit sur les murs de la chambre et le corps de Yohan s'effondra sur le tapis.

Je lachais le morceau de miroir, haletante. Je l'avais tué, mais c'était de la légitime défense. Oui, légitime, tout à fait légitime. Les larmes coulaient le long de mes joues tandis que j'effectuais le tour de la pièce à la recherche de mon téléphone portable. Je ne réfléchis pas appelai le premier numéro qui me vint à l'esprit.

— Liz ? Où t'es passée ?

— Jayden, j'ai... Viens, je t'en supplie. J'ai... J'ai tué un homme.

— Ne bouge pas. J'arrive.

    Après avoir envoyé ma localisation, je n'attendis pas plus de dix minutes avant que Jayden ne fasse irruption dans la chambre d'hôtel dans laquelle je me trouvais. Entre temps, je m'étais habillée et avais ramassé mes affaires. Le cadavre de Yohan, quant à lui, n'avait pas bougé.

    Dès son arrivée, Jayden  me prit dans ses bras et me serra contre lui, tandis que je pleurais toutes les larmes de mon corps, épuisée par ce que je venais de vivre.

— Tu n'as rien fait de mal Liz, murmura-t-il en m'embrassant sur le front. Tu en avais le droit. Je m'occupe du reste, d'accord ?

    Je hochais la tête, bien déterminée à effacer cette soirée de mon esprit. Je ne voulais plus jamais y penser et je ne laisserais pas ce Yohan me toucher plus profondément qu'il ne l'avait déjà fait.





Était-il possible que mon propre corps me dégoûte à ce point ? Comment en étais-je arrivée là ? Pourquoi cela devait-il m'arriver ? Je venais à peine de m'accepter telle que j'étais et me voilà repartie à zéro. Plus jamais je n'oserais me regarder dans un miroir.

J'avais beau frotter ma peau encore et encore jusqu'au sang, je ne parvenais pas à retirer le toucher de Yohan. Le savon ne servait à rien et les litres d'eau qui s'écoulaient du pommeau de la baignoire n'avaient aucun effet, comme si ma peau serait à jamais marquée d'une trace indélébile.

Le pire, c'était que j'ignorais complètement jusqu'où il avait été, les endroits exacts où ses doigts grossiers s'étaient posés. J'aimerais pouvoir le ramener à la vie afin de le tuer une seconde fois. Désormais, il ne me restait plus qu'à prier pour qu'il brûle en Enfer.

— Liz ? appela Jayden en toquant doucement à la porte de la salle de bain. Comment tu te sens ?

    Mal. Horriblement mal. J'aimerais juste m'arracher de mon enveloppe corporelle. Revenir en arrière, ne jamais avoir mis les pieds au Lovell's Guiding Light. Ne jamais être venue dans le Queens. Où tout simplement, ne jamais être née.

    J'attrapai de nouveau l'éponge et frottais mes bras et mes cuisses avec vigueur, en espérant qu'au bout d'un moment, même mon âme finisse lavée de mes péchés.

— Réponds-moi, Liz. Sinon, j'entre.

    J'entrouvris les lèvres, mais aucun son n'en sortit. Ma voix restait bloquée au fond de ma gorge, noyée par un mélange d'émotions qui ne demandaient qu'à s'échapper. Consciente de l'inquiétude qui rongeait Jayden, je ramenais toute la mousse contre ma poitrine, afin de me cacher de son regard.

Il finit par pousser la porte, hésitant, alors que je gardais le regard figé à la surface de l'eau, l'éponge serrée au creux de ma paume. J'avais conscience de ma peau rougie par les frottements et de mes yeux gonflés par les larmes et c'était pourquoi je ne souhaitais pas voir l'expression qui lui traversait le visage.

    Jayden s'accroupit devant la baignoire et dégagea une mèche de cheveux humide de mon front.

— Donne-moi cette éponge, tu vas finir par te blesser, murmura-t-il.

    Je secouai négativement la tête.

— Je ne peux pas. Il faut que ça parte, parvins-je à articuler.

    Ça ne partira jamais.

— Dans ce cas, je vais le faire. OK ?

    Je tournais vers lui, ne comprenant pas exactement ce qu'il voulait dire. Un sourire bienveillant étira ses lèvres et il me prit doucement l'éponge des mains. Après quoi, il la passa délicatement sur mon dos, en effectuant de petits mouvements circulaires. Je me sentais terriblement honteuse à cet instant et je ne pus retenir mes larmes. Jayden cessa ses gestes au même moment.

— Liz...

    Je ne voulais pas qu'il ait pitié de moi, ni qu'il s'inquiète. C'était de ma faute de toute manière.

    Il posa l'éponge sur le côté et à ma plus grande stupéfaction, entra dans l'eau derrière moi, complètement habillé.

— Qu'est-ce que tu fais ? m'exclamai-je comme si ses vêtements trempés étaient la situation la plus grave de la soirée.

— Je ne te toucherai pas, je te le promets, déclara-t-il après avoir étendu ses jambes de part et d'autre de mon corps.

Quant à moi, je gardais mes genoux serrés contre ma poitrine, afin de conserver le peu de dignité qu'il me restait. Je reniflais bêtement, mon regard perdu au fond du sien. Qu'est-ce qu'il cherchait, bon sang ?

Comprenant que je me posais mille et une question, il ajouta :

— Je veux que tu saches que tu as le contrôle sur tout ce qu'il se trouve ici. Que ce soit de la pièce, de la situation, de ton corps, ou du mien. Si tu me demandes de sortir, je le ferai. Si tu veux me frapper, je l'encaisserai. Si tu souhaites me crier dessus, je t'écouterai.

— Pourquoi ferais-je une chose pareille ? demandai-je confuse.

— Parce que c'est ma faute.

— Non, tu...

— Écoute-moi, me coupa-t-il. Ça ne serait pas arrivé si tu avais eu assez confiance en moi pour me dire que tu sortais. Ça ne serait pas arrivé si je ne t'avais pas sans cesse empêcher de faire ce que tu voulais. Ça ne serait pas arrivé... Si je ne t'avais pas empêchée de retrouver tes souvenirs. C'était totalement égoïste de ma part. Je craignais que tu m'oublies à nouveau, alors j'ai préféré te contrôler, quitte à ce que tu me détestes. A partir de maintenant, je te laisserai tranquille. Si tu veux que je te raconte tout ce qu'il s'est passé il y a huit ans, je te le dirai.

    Je clignais des yeux à plusieurs reprises, afin d'être sûre que je ne rêvais pas.

— Est-ce que c'est douloureux ?

— Quoi donc ?

— De repenser à ce qu'il s'est passé il y a huit ans, précisai-je.

    Il haussa les épaules.

— Cela a-t-il vraiment de l'importance ?

— Bien sûr.

— Alors je te mentirais si je te disais que ça n'était pas le cas.

    Je m'y attendais. Dans ce cas, je retrouverais mes souvenirs moi-même, sans son aide. Je refusais qu'il souffre encore par ma faute.

    Je m'allongeais alors contre lui, la tête posée sur son torse. Comme il me l'avait promis, il ne bougea pas d'un pouce.

— Prends-moi dans tes bras.

— Tu es sûre ? murmura-t-il.

— Oui.

    Alors il me serra plus fort contre lui, dans une puissante étreinte qui effaça la moindre de mes peurs. L'eau avait rendu sa chemise blanche transparente, et je pouvais désormais voir ses tatouages à travers, notamment cette petite fille qui ressemblait à un ange.

— Qui est-ce ? demandai-je en la désignant.

— Le Quatrième Archange.

— Il y en a quatre ?

— Dans la Bible, je n'en sais rien, répondit-il. Mais dans ma vie, il y en a bien un quatrième. Enfin, une quatrième.

    Tout à coup, je me sentis rougir.

— C'est toi qui a veillé sur moi tout ce temps, lui fis-je remarquer.

— Et c'est ton souvenir qui m'a permis de ne rien lâcher, même dans les moments les plus difficiles.

    Yohan me paraissait bien loin maintenant, comme s'il n'avait jamais existé. Je ne laisserais pas entacher de si beaux moments, que ce soit avec Jayden ou mes amis. J'étais plus forte que ça, Garcia me l'avait montré. Je pouvais me relever, même si ça pouvait prendre des années.

— Et cette date ? dis-je en désignant le tatouage près de son cœur. 25.03.09, épelai-je. A quoi correspond-elle ?

    Jayden fit mine de réfléchir.

— Tu n'as qu'à essayer de t'en rappeler, me charia-t-il.

— Il y a treize ans, donc. C'est à cette époque qu'on a rencontré Elio, non ?

— Pourquoi fallait-il que tu me parles de cet abruti, siffla-t-il en me pinçant le nez.

    Je ne pus m'empêcher de rire.

— Je crois savoir, déclarai-je avec un sourire.

— Alors ?

— Hmm... Sept lettres ?

— Tu es forte.

— Est-ce que... c'est toujours le cas ?

    Jayden se pencha plus près de mon oreille, faisant battre mon cœur à une vitesse infernale. Puis il prononça ces sept lettres que je n'oublierais jamais.

Je t'aime.

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