𝟣𝟤 | 𝖫𝗈𝗂 𝖽𝖾 𝗅'𝗂𝗇𝖿𝗈𝗋𝗆𝖺𝗍𝗂𝗈𝗇 : 𝗉𝗅𝗎𝗌 𝗈𝗇 𝖾𝗇 𝖺, 𝗆𝗈𝗂𝗇𝗌 𝖼̧𝖺 𝗇'𝖺 𝖽𝖾 𝗌𝖾𝗇𝗌.
🎶Suggestion : Comptine d'un autre été - Yann Tiersen
Elizabeth
- Un homme ? Que voulait-il dire exactement ?
- Pour le Chef, on devient un homme le jour où on ne peut plus compter sur personne d'autre que soi-même, me répondit Josh. Qu'on ne survit uniquement que par la seule force de notre volonté.
Je rejetai ma tête en arrière sur le dossier du canapé. De quoi Jayden voulait-il se venger ? Je n'en revenais pas d'apprendre que Kelyan, Zia, Josh et lui se connaissaient depuis tout ce temps.
Tous les trois l'avaient donc connu avant qu'il ne devienne le Chef des Hell's Angels.
J'aurais aimé être là, moi aussi.
Cependant, ce qui attira le plus mon attention, était le fait qu'avant sa rencontre avec Jayden, Josh faisait tout pour éviter de suivre les règles. Il était incroyable de constater à quel point une personne pouvait changer.
Mon téléphone se mit à vibrer au fond de ma poche. Un appel de Todi.
- Elizabeth ? Est-ce que tu vas bien ?
Je ne pouvais voir son visage mais j'eus l'impression qu'il était inquiet.
- Oui et toi ? Tu t'es remis de ta perte de connaissance ?
- T'en fais pas, je vais très bien. Rentre vite au Majestic, on doit préparer nos affaires et le plan pour New York.
- OK, à tout de suite.
Je raccrochai en soupirant. Je n'allais pas avoir la suite des explications de Josh, mais je n'avais pas le choix, le devoir m'appelait.
- Je dois y aller, lui annonçai-je en me levant.
Josh haussa un sourcil interrogateur. J'avais presque oublié que nous avions un accord : des explications en échange d'une place au sein du Crystal Squad.
- Prends ta bécane, lui lançai-je en sortant du salon.
Cela faisait une éternité que je n'avais pas vu Typhon et sa magnifique carrosserie écarlate. Dans un certain sens, elle ressemblait à son propriétaire. Intrigante, intimidante, autoritaire mais douce et discrète comme un chaton qui ronronne.
Medusa devait être heureuse de retrouver un compagnon de longue date. Il y avait longtemps qu'ils n'avaient pas roulé côte à côte tous les deux, sûrement depuis notre rencontre avec le journaliste de l'ombre au Philadelphia City Hall.
C'était une époque à laquelle j'aimerais tellement revenir.
Je grimpai sur Medusa en moins d'une seconde, suivie de Josh. Il était temps pour nous de faire bande à part et de se diriger droit vers notre destin.
Jamais je n'aurais imaginé Josh trahir son Chef qu'il admirait depuis cinq ans maintenant. Pourtant, il avait choisi son camp, et c'était le mien.
Arrivés au Majestic Rose, nous montâmes les quelques marches boueuses du perron avant d'être accueillis par Charles, toujours fidèle à son poste. Il posa son livre sur le comptoir avec un grand sourire.
- Je vois que Mademoiselle Elizabeth nous ramène du monde ! s'exclama-t-il d'une voix rocailleuse. Je suis Charles, maître d'hôtel, dit-il en effectuant une révérence polie.
- Joshua Griffin, répondit mon ami.
- Josh, suis-moi, je dois expliquer ta présence à tout le monde.
Je le traînais à travers le hall moisi, jusqu'à atteindre le petit passage secret au bout duquel se trouvait le grand salon.
- Putain..., murmura Josh dans un souffle.
- Incroyable, hein ? dis-je fièrement.
Sur les canapés rouges, Todi, Kelyan et Matthis levèrent tous les trois la tête vers nous.
- Josh ! s'exclama Kelyan en allant le saluer. Qu'est-ce que tu fais ici ?
- Justement, intervins-je avant même que Josh ait le temps d'ouvrir la bouche. Où est Zia ?
- Aucune idée, me répondit Matthis. Sûrement en train de faire la gueule comme d'habitude.
- Bon tant pis, repris-je en m'asseyant près de Todi. J'ai décidé que Josh nous rejoignait.
Les deux cousins me regardèrent avec de gros yeux. Quant à Kelyan, on aurait dit qu'il s'y attendait.
- Jayden est au courant ? me demanda-t-il en passant une main dans ses cheveux bleus.
- Je n'en ai rien à faire de son avis, maugréai-je entre mes dents.
- Et encore une dispute ! annonça Matthis en faisant de grands gestes. Mademoiselle Evans, que s'est-il passé ? fit-il en avançant sa main vers moi, comme s'il tenait un micro. Ceci est une interview pour le Daily Witness, pourriez-vous nous en dire plus ?
Un coup de coude de son cousin le fit taire sur le champ. Il n'était pas nécessaire de raconter à tout le monde comment Jayden avait littéralement failli m'étrangler.
Qu'il fut prise d'une crise de folie ou je ne sais quel trouble, je ne le pardonnerais pas pour ça. Il devait comprendre que j'avais des limites et qu'il était hors de questions que je subisse d'autres violences physiques de sa part.
Sa psychologie ou ses traumatismes n'étaient en rien des excuses à ce qu'il m'avait fait. Je pouvais essayer de le comprendre mais pas le pardonner.
- Plus on est nombreux, mieux c'est, conclut Kelyan. Surtout que pour coincer le Daily on aura besoin de monde.
- J'ai déjà fait pas mal de recherches avec Lindsay Morgan, déclara Matthis une fois qu'il eut fini de donner des coups de pieds à Todi.
- Tu es en contact avec elle ? demandai-je étonnée.
- Ben, c'est une pro de l'informatique et puis elle a un tas de contacts grâce à son blog, m'expliqua-t-il.
- Alors vous avez des nouvelles ?
- Mis à part le fait que les Barry sont basés à New York et non Philadelphie, pas grand chose, grommela-t-il déçu.
Contrairement à ce que Matthis pensait, c'était une excellente nouvelle. J'ignorais pour quelle raison ce foutu journal trouvait ses sources à New York mais peu importe, nous allions rejoindre cette ville dans peu de temps.
- Où est-ce qu'on va camper là-bas ? questionna Todi en se tournant vers moi.
- Nulle part, les informai-je avec un grand sourire. Il faudra qu'on change d'endroit chaque jour pour ne pas être repéré. On se relaiera pour les tours de garde la nuit.
Tout à coup, un aboiement enjoué retentit dans tout l'hôtel.
- Volver ! S'écria Josh en se baissant pour que le husky puisse sauter dans ses bras. Ça fait un bail, mon gros.
Le chien lui lécha la joue, la queue - qui avait tout l'air d'un plumeau - remuant dans tous les sens.
- J'en connais un qui refusera de nous laisser partir s'il ne vient pas aussi, dis-je riant.
Je n'avais jamais vu Josh aussi heureux qu'à cet instant, le husky avait dû terriblement lui manquer.
Je finis par laisser tout ce petit monde tranquille afin de monter dans ma chambre me reposer.
Ces derniers jours m'avaient complètement épuisés entre Noah Barry à l'Euphoria, mes souvenirs qui s'étaient enfin décidés à réapparaître, ma potentielle mort par étranglement, l'histoire de la rencontre entre Jayden et Josh, ainsi que l'arrivée de ce dernier au Crystal Squad.
Mon cerveau n'avait pas eu le temps de respirer une seule seconde.
- Elizabeth Evans, t'es enfin de retour ? railla Zia les yeux rivés sur son téléphone dernier cri.
Je ne lui répondis pas et me jetai à plat ventre sur mon lit. Je n'avais pas la force nécessaire pour me battre avec la jeune blonde.
Dire qu'elle avait connu Jayden il y a des années, lorsqu'il habitait encore à Philadelphie.
Oh, cela signifiait que...
- Tu es déjà venue ici ?
Zia me lança un regard par-dessus son téléphone.
- Pourquoi ? dit-elle les yeux plissés, sceptique.
- Tu es devenue amie avec Jayden à l'époque où il vivait au Majestic Rose avec sa famille. Il a déjà dû t'inviter, non ?
Zia soupira, éteignit son portable et croisa ses bras derrière sa tête.
- Ouais... Je suis venue deux fois au Majestic, murmura-t-elle le visage dirigé vers le plafond. Avant, c'était un endroit magnifique, il n'avait pas cet... aspect complètement délabré de l'extérieur. C'était génial pour faire des cache-cache entre nous même si Ray faisait tout pour nous faire foirer.
- Pas étonnant de sa part.
- C'est clair... dit-elle en jouant nerveusement avec ses bracelets dorés. Puis ils ont déménagé à New York. J'ai gardé contact avec Jay par des lettres et des appels. C'était la règle, on devait se donner de nos nouvelles au moins une fois par mois. Je ne l'ai revu que onze ans plus tard.
- Quand il est arrivé au Palace de Moreno il y a cinq ans, complétai-je dans un souffle.
Dans ce cas, pour quelle raison Jayden était-il revenu à Philadelphie alors que le QG des Hell's Angels se trouvait à New York ?
Qu'est-ce qui le retenait dans cette ville si ce n'était pas le Majestic Rose qu'il prétendait détester ?
- Il s'est passé quelque chose ? demanda Zia.
Je me retournai sur le dos, mains sur la poitrine. Évidemment qu'il s'était passé quelque chose.
En six mois à peine, j'étais passée d'une petite vie tranquille auprès de mes parents à membre du gang le plus influent du pays, supplément conflit politique dans lequel notre tête ne tarderait pas à être mise à prix.
Je ne pouvais pas rêver mieux.
- A chaque fois que je fais un pas en avant, j'ai l'impression d'en faire deux en arrière, lui confiai-je épuisée. Y'a toujours un truc pour nous barrer la route, un nouveau plan insensé du Daily ou de je ne sais qui. Plus on avance, plus notre but recule et ça m'angoisse.
Zia me balança un oreiller en plein dans ma figure, visiblement en colère.
- Elizabeth Evans ! s'énerva-t-elle d'un ton autoritaire. Sache que ça déchire mon égo de te dire ça mais tu es notre Cheffe et tu gères dans ce rôle ! N'oublie pas qu'on existe aussi et qu'on t'apporte notre soutien ! Donc t'es priée d'arrêter de croire que tu dois tout faire toute seule parce que ce n'est pas le cas ! Et surtout, la petite Elizabeth Evans que je déteste par-dessus tout est loin d'être pessimiste, elle fonce droit devant peu importe le reste !
Elle avait raison. Je m'étais promis de ne plus jamais m'apitoyer sur mon sort. Le renforcement mental que j'avais subi à la Brigade n'allait donc me servir à rien ? Sûrement pas.
J'avais évolué depuis que j'étais entrée au Palace, j'avais appris à me défendre, à ne jamais baisser les bras, à sauver mes compagnons coûte que coûte. Moreno me mettrait des claques s'il m'entendait penser ainsi.
- Alors ? s'impatienta Zia.
- On y arrivera, marronnai-je avec un sourire forcé.
- Je préfère, dit-elle en allumant de nouveau son téléphone.
En fin de compte, Zia avait ses bons côtés. Bon, ce n'était jamais dit gentiment mais ses paroles parvenaient à me booster et à m'empêcher de baisser les bras.
Sans blague, j'en étais rendue à me faire sermonner par Zia, qu'est-ce qui n'allait pas chez moi ?
En revanche, cette remontée soudaine de mon moral s'accompagna d'une poussée d'énergie, obligeant mon corps à se relever. Mon esprit souhaitait plus que tout dormir mais mes jambes n'étaient pas du même avis.
Après avoir descendu les escaliers, je trouvai le salon complètement vide. Seule une bougie brillait encore sur la cheminée. Charles avait déserté son comptoir, plongeant le hall de l'hôtel dans un silence morne.
Seul le vieux piano trônait fièrement sous le plafond usé, me demandant de venir essayer ses touches comme s'il disait : "Je me fais peut-être âgé mais essaye et tu verras à quel point je chante bien".
Alors je m'assis sur le tabouret grinçant, fouillant à l'intérieur de mes pensées afin de trouver le meilleur morceau à jouer.
Tout à coup, je me rappelai de cette fois à la villa, lors de laquelle j'avais joué avec Jayden. Cet air était encré dans mes doigts, dans mes cellules.
Je n'avais pas à connaître les notes, mes phalanges bougeaient toutes seules en un mouvement harmonieux.
Le piano était quelque peu désaccordé mais cela ne m'empêcha pas de me plonger à l'intérieur de cette mélodie qui faisait vibrer chaque parcelle de ma peau, m'emportant dans un voyage lointain rempli de joie et de bonheur.
Lorsque j'appuyai sur les dernières touches et que les dernières notes sonnèrent, je sortis enfin de cette rêverie. Je levai le menton vers les deux billes métalliques qui me fixaient depuis quelques minutes.
- Tu aimes ce film ? me demanda Josh accoudé au piano, un léger sourire sur les lèvres.
- Quel film ?
Josh dégagea les mèches grisâtres qui tombaient devant ses yeux, ronds d'incompréhension.
- Tu sais quand même d'où vient la musique que tu joues, non ?
- Justement, je n'en ai aucune idée, répondis-je un peu étourdie.
Josh se frotta le visage dans un mouvement exaspéré. Ce n'était pourtant pas ma faute si le nom de ce morceau m'avait échappé.
- Comptine d'un autre été, fit-il avec un accent français. Écrite par Yann Tiersen pour le film Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain. Ça te revient ?
- Absolument pas.
Je n'avais jamais pu compter sur ma mémoire et ce n'était pas aujourd'hui que ça allait changer.
Josh se contenta de hausser les épaules. Il inspecta le hall du Majestic Rose, les mains fourrées au fond de ses poches, lesquelles je supposais bien plus profondes qu'elles en avaient l'air et cachant sûrement un tas de munitions ainsi qu'un couteau.
Voire plusieurs.
- J'ai toujours ta lame.
Je sortis l'étui en cuir de ma ceinture que je posai sur le haut du piano. Josh me scruta un court instant avant de saisir l'étui d'un geste hésitant.
- Ce n'est plus la mienne depuis qu'elle t'a servi à faire couler du sang, contesta-t-il.
Quel sang ? Le mien ou celui de George ?
Cela importait peu, au final du sang restait du sang, celui auquel il appartenait n'avait pas d'importance ; ce qui comptait c'était celui qui l'avait fait couler. En l'occurrence, moi-même dans les deux cas.
- C'était pas si horrible.
- Blesser est une chose, tuer en est une autre, prétendit-il en me prenant de haut. Fais-moi signe quand t'aura buté quelqu'un et on en reparlera.
- T'es pas obligé de t'énerver, maugréer-je en affichant une moue blasée.
Josh prit appui sur le piano et se pencha vers moi.
- Je trouve que tu prends tout ça un peu trop à la légère, me réprimanda-t-il à voix basse.
- Dit celui qui m'a appris à tuer, répondis-je sur le même ton.
Le coin de ses lèvres s'incurva lorsqu'il me chuchota :
- "Alors comme ça tu es une femme". C'est ce que le Chef aurait dit.
- "Ne parle plus jamais à ma place ou je te bute". C'est ce qu'il t'aurait répondu, fis-je avec un sourire moqueur.
Nous nous scrutâmes dans le blanc des yeux pendant plusieurs secondes avant d'éclater de rire comme des enfants. Cela nous permit de faire redescendre la tension qui nous maintenait en haleine depuis des semaines.
- Alors, c'est quoi le truc qui t'a fait basculer ? finit-il par me demander.
Je tentai de reprendre mon souffle, incapable de réprimer le fou rire qui me tiraillait les entrailles.
- Il y a encore peu de temps, je t'aurais dit "la mort de ma mère", bredouillai-je encore haletante. Mais grâce à la Brigade j'ai compris que c'était depuis... Garcia.
Je me mis à jouer nerveusement avec la bague que ce dernier m'avait donnée seulement quelques heures avant sa mort.
Je m'en voulais toujours un peu, parce qu'il avait donné sa vie pour me protéger. Mais j'avais appris à cesser de culpabiliser pour rien.
S'il m'entendait penser, Garcia serait entré probablement dans une colère à faire frémir sa moustache, un détail auquel je n'aurais pas arrêté de prêter attention alors qu'il m'aurait sermonné du genre "Crevette, j'ai le droit de choisir la manière dont je veux mourir tout comme le menu de demain midi !".
Ensuite, il m'aurait secoué brutalement les épaules et le lendemain matin, j'en aurais eu des crampes. Il ne le faisait pas exprès, il ne mesurait simplement pas sa force.
Puis, j'aurais massé mes articulations en repensant à sa phrase et j'aurais souri, parce que j'étais heureuse d'avoir un ami comme lui.
- C'est lui qui te l'a donnée ?
Josh me sortit de mes pensées en désignant ma bague.
- J'ai emporté beaucoup de souvenirs à Scranton, avouai-je les joues rouges de gêne. Cette bague, ta lame, le bracelet que Gil m'avait offert à mon anniversaire... et le blouson.
- Mais tu as laissé le mini cactus du Chef à la villa, ironisa Josh d'un ton absurde.
- Il s'est bien foutu de moi, soupirai-je entre mes paumes, mi-agacée, mi-amusée.
Si je continuais à ressasser le passé de cette manière, même les cactus allaient finir par me manquer.
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Salut mes p'tites aubergines !
Oui aujourd'hui je vous ai choisi un surnom plutôt cocasse 😏
J'arrête mes bêtises. Bon, ce chapitre a littéralement été un calvaire à écrire mais c'est important d'introduire des échanges entre les personnes pour qu'ils puissent évoluer.
En tout cas, vous en connaissez plus sur Josh et son passé. Et puis il est pas si aigri finalement.
Quant à Zia, ça reste à voir ! Elle n'a pas l'air très amicale au premier abord mais comme on dit, il ne faut pas se fier à une première impression.
Biz les loustiques ! 😘
Lily 💜
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