𝟥𝟨 | 𝖢𝗈𝖽𝖾 𝗉𝗋𝖾𝗌𝗊𝗎𝖾 𝗌𝖾𝖼𝗋𝖾𝗍.
🎵 Clint Eɑstwood - Gorillɑz
☆
ೃ⁀➷ — 𝒜-t-il recommencé à manger ?
— Non, je ramène toujours ses plats à la cuisine et à chaque fois, il n'a rien touché.
Palmer et Greene s'inquiétaient depuis plusieurs jours pour leur ami, et je commençais à paniquer peu à peu aussi. Owens avait complètement cessé de manger. Il était vrai que j'étais très mal placée pour lui faire la morale à ce niveau-là. Mais au moins, je pouvais toujours essayer de le comprendre et lui venir en aide.
— Je vais aller le voir.
— C'est pas une bonne idée Evans, il ne veut plus te voir, me dit Palmer
Je hochai la tête et grimpai les deux escaliers qui menaient au deuxième étage. En haut, je passais devant la salle de musique que Jayden m'avait présentée auparavant. Cette mélodie.
Je m'avançais pas à pas vers la chambre d'Owens. Arrivée devant sa porte, j'hésitais quelques secondes. J'allais devoir trouver un moyen pour ne pas me faire virer une deuxième fois. Je frappai doucement à la porte. Un grognement fit office de réponse. Je pressais la poignée et entrais à l'intérieur sur la pointe des pieds. La pièce était plongée dans le noir complet.
— Qu'est-ce que tu veux Evans ?
— Rien. Je veux juste m'allonger au calme.
— Tu as ta chambre.
— Je préfère quand c'est avec toi.
Je m'allongeais alors à ses côtés, tentant de prendre le moins de place possible. Je fus surprise de constater qu'il ne me repoussait pas.
Mes questions allaient encore attendre, mais je m'en fichais. Je voulais réparer mon erreur et récupérer mon ami.
— Je ne suis pas désolée.
— Hmm ?
— Pour la dernière fois. Je ne m'excuserai pas. Tu as très mal réagi, ce que je comprends. J'aurais probablement fait pareil. Mais je maintiens que je n'ai rien fait de mal. Seulement, je ne poserais plus de questions si ça te gêne.
— Tu as une drôle de façon de t'excuser, Evans.
— Je viens de te dire que ce n'était pas des excuses.
— Alors je ne te demande pas pardon non plus.
— Tu devrais, pourtant.
— Tu le ferais ?
— J'en sais rien, mentis-je.
Comme s'il y avait quelque chose à te pardonner, Owens.
Je le sentis changer de position près de moi. Puis il y eut un long silence. J'avais l'impression qu'il m'observait, mais cela était impossible étant donné que nous étions dans le noir complet.
— Je suis prêt.
— A quoi ?
— Répondre à tes questions.
Ah bizarrement, c'est quand j'y renonce que j'y ai le droit. Ben voyons.
— Tu es sûr ?
— Hmm.
— Raconte-moi.
— Quoi ?
— Tout.
— Tout ?
— Tout.
D'abord, il se racla la gorge. Trois fois. Puis s'ensuivit un long silence. Je me demandais s'il n'avait pas finalement changé d'avis.
— Je suis arrivé chez les Hells Angels il y a six ans, commença-t-il lentement.
Il s'éclaircit une nouvelle fois la gorge.
— Le Chef n'était pas encore là, c'était assez chaotique. Mais j'ai réussi à créer des liens avec les personnes qui étaient dans le Club à l'époque. Ça comblait un vide en moi, celui de mes parents. Mes parents m'ont toujours détesté, j'étais le bâtard d'une fratrie. Ma mère était en fait notre gouvernante mais ça, je l'ai appris très tard. Alors quand j'ai rencontré la Famille, tout a changé. Je me suis attaché à eux, je suis devenu ami avec certains d'entre eux... et je suis tombé amoureux.
— Cox ?
— Oui.
Je m'en doutais depuis un moment et j'étais heureuse de l'entendre de sa voix.
— On est devenu très proches, on passait nos journées ensemble. Le soir, on montait sur des roof-tops à New-York et on parlait toute la nuit. On se comprenait, il y avait une sorte de connexion entre nous. Nous ne l'avons dit à personne, mais je suppose que les Frères s'en doutaient. Surtout Miller. Il nous avait surpris alors qu'on était sur le point de s'embrasser.
Je comprenais maintenant pourquoi Miller avait sorti cette phrase lors d'un repas à New York.
« Cox est toujours pédé? Il avait essayé de te choper Owens, tu te souviens ? »
— Qu'est-ce qu'il s'est passé alors ? Pourquoi n'êtes-vous plus ensemble maintenant ? demandai-je en chuchotant.
— Il y a deux ans, une violente dispute a divisé les Hell's Angels.
— C'est vrai, Jayden m'en a parlé.
— Tu sais pourquoi ?
— Non, personne ne m'a rien dit à ce sujet.
— Il y avait plusieurs raisons en réalité. L'une d'elle était l'insertion d'un nouveau membre au sein des Hell's Angels. Il s'appelait Mael.
Mael ? Ce nom me disait quelque chose.
— Ce gars avait participé à des choses... ignobles, continua Owens. Alors évidemment, le Chef ne voulait pas l'intégrer alors que d'autres membres le voulaient. Cox faisait partie de ces personnes. On s'est disputé plusieurs fois après ça, puis il m'a annoncé qu'il partait avec les Rebels. Je n'ai jamais compris pourquoi. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à me défoncer. Je voulais juste l'oublier.
Sa voix se brisa en prononçant ces derniers mots. Je tendis alors mon bras dans sa direction et l'attirai contre moi.
— Je le déteste tellement, reprit-il entre deux sanglots. Je ne pensais pas le revoir un jour et pourtant, à Brooklyn, je me suis retrouvé face à lui.
— Je m'en souviens, murmurai-je.
— Il était avec Mael. Et cette vision... cette vision... les voir tous les deux, ça m'a brisé le cœur. Je n'ai pas pu m'empêcher d'exploser.
Je me rappelais d'Owens et Cox qui criaient des phrases à peine audibles par-dessus les coups de feu. Cox voulait que Owens s'échappe, mais celui-ci avait des comptes à rendre.
— Qu'est-il arrivé ensuite ? Quand Greene et moi avons fui ?
— Cox a demandé aux Rebels qui étaient arrivés pour les aider, de repartir. Que de toute façon, il ne servait à rien de me tuer. Mais les Rebels ne l'ont pas écouté. Ou plutôt, ce qu'on avait cru être des Rebels, ont continué à avancer.
Je redoutais ce qu'il allait m'annoncer car j'étais à peu près sûre que nous avions fait face au même scénario.
— Quand ils étaient assez proches de nous pour qu'on puisse voir leurs blousons, on a compris qu'on ne les connaissait pas. Ces motards n'étaient ni des Hell's Angels, ni des Rebels. Puis ils ont commencé à nous tirer dessus, Mael, Cox et moi.
Ses larmes se déversaient sur ma peau, et je ne pus contenir mon émotion en écoutant ses paroles brisées.
C'était bien ce que je pensais. L'homme qui m'avait planté son couteau et son acolyte n'était pas des Rebels. Il y avait donc d'autres personnes en dehors de cette histoire qui avaient participé au combat. Qui étaient-ils ? Comment avaient-ils été mis au courant de l'attaque ?
— Ensuite, c'est le trou noir. Je me souviens juste qu'en me réveillant à l'hôpital, j'ai vu le corps de Cox dans un lit un peu plus loin. Il est toujours dans le coma, Evans. Et tout ça c'est ma faute. Je regrette tellement de l'avoir insulté ce jour-là, je m'en veux tellement. Je ne mérité pas de vi-
— Je t'interdis de dire ça. Tu n'as rien fait de mal, Owens. Tu mérites de vivre comme Cox mérite de vivre. Il va s'en sortir, j'en suis sûre, lui assurai-je en resserrant mon étreinte.
— Si seulement c'était vrai...
— C'est la vérité. Je suis sûre qu'il t'aime toujours. Et si j'ai raison, alors il se battra pour toi et il survivra.
Puis, il éclata en sanglots. Je caressais lentement sa colonne vertébrale afin de le calmer.
— Ça va aller. Je te le promets.
J'avais perdu la notion du temps. Peut-être étais-je restée une heure dans la chambre d'Owens. Peut-être deux. Ou seulement trente minutes. Je comprenais à quel point la vie pouvait être difficile et injuste pour tout le monde. Avec ce qui était arrivé à mes parents, j'avais eu l'impression que le malheur s'acharnait sur moi. Mais je n'étais pas la seule. Et ils n'étaient pas les seuls. Chaque âme dans ce Club était brisée en mille morceaux. Et j'espérais un jour pouvoir toutes les réparer.
☆
De retour dans ma chambre, je me concentrais de nouveau sur le code du ticket de caisse. Mis à part la date et l'heure, il n'y avait rien qui me permettait d'avancer.
20514.
Cela aurait pu être une date. Le 2 mai 2014. Mais en temps normal, on représentait toujours une date avec six chiffres. Cette hypothèse était trop simple. J'avais tout essayé. Additionner, soustraire, multiplier, diviser. Et pourtant, je n'obtenais rien.
C'était peut-être même une farce destinée à nous faire tourner en rond pendant que les vrais coupables s'enfuyaient. Le problème, c'était que nous n'avions pas une seconde à perdre. En effet, on venait de nous annoncer que Palmer serait confronté à la justice lors d'un procès. Je devais donc trouver un moyen de l'innocenter au plus vite sinon ce serait la fin.
D'ailleurs, le Daily Witness prenait un malin plaisir à rapporter toutes ces informations en première page du journal. Si cela continuait ainsi, les Hell's Angels finiraient par être détestés de toute la ville. Et c'était exactement ce que les Barry voulaient. Moreno était dans l'incapacité de nous aider sur ce coup-là puisque le Daily le suivait de près et c'était bien pour cette raison que nous avions cessé nos échanges épistolaires. La police et la presse jouaient contre nous et j'espérais que ce ne serait pas le cas de la justice. Il était si facile de fabriquer des preuves et d'accuser n'importe qui.
— Qu'est-ce que tu fais de beau ?
Le visage d'Owens apparut dans l'entrebâillement de ma porte ce qui me fit tressauter. Il s'était enfin levé ! J'ouvris mes bras, lui proposant de venir contre moi. Je me décalais sur le lit pour lui faire de la place.
— Comment tu vas ? demandai-je un grand sourire aux lèvres.
— Je viens de dîner avec Palm' et le petit grincheux, répondit-il en levant les yeux au plafond, l'air pensif. Ça m'a fait du bien de les retrouver. J'espère qu'ils ne m'en veulent pas trop.
— T'en fais pas pour ça, toute cette période a été difficile pour tout le monde ici. Même Jayden.
Owens afficha un sourire sincère.
— Merci d'être une amie incroyable, Elizabeth Evans.
Je me sentis rougir à vue d'œil et mon ami éclata de rire face à ma réaction.
— Au fait, que faisais-tu avec cette feuille et ce crayon ?
— Euh, je...
— C'est une autre lettre pour Moreno ?
— Non, là je...
Une lettre. Une lettre ?
— Une lettre ! Bien sûr ! Oh merci Owens, je t'adore !
Je me précipitai sur ma feuille et attrapai d'un coup de main le stylo.
2. La deuxième lettre de l'alphabet. B. Ensuite 0.
— Merde ! Ça ne marche plus !
Et si ce n'était pas deux et zéro mais vingt ? Alors on aurait T. E. A. D. Ce qui ne voulait rien dire.
— C'est pas possible, m'exaspérai-je en m'affalant sur le dos.
— Tu as l'air concentrée, je ne vais pas te déranger.
— Tu peux rester ! m'exclamai-je en me redressant.
— Ne t'inquiète pas ! De toute façon je dois aller dormir, demain j'ai des rendez-vous médicaux toute la matinée. Je rentrerai vers quatorze heures.
— Oh. Et bien... Bon courage.
Owens m'embrassa sur la joue et sortit de ma chambre quelques secondes plus tard. Je m'allongeais de nouveau sur mon lit, tapotant le capuchon du stylo contre mon menton.
T.E.A.D. Ça ne veut vraiment rien dire. Owens aurait peut-être pu m'aider mais c'était trop tard. J'allais devoir attendre demain à quatorze heures.
— Hein ?
Je me relevai brusquement.
— Quatorze ! m'écriai-je à moi-même. Ce n'est pas un et quatre mais quatorze ! Owens, si tu savais à quel point je t'aime !
Le mot devenait donc T.E.N. TEN.
Était-ce une heure ? Comme dix heures du matin ou du soir ? Dix quoi ?
Je me précipitai hors de ma chambre et dévalai les escaliers jusqu'à la cuisine. Comme je l'imaginais, Jayden se trouvait là, accoudé contre l'îlot central, contemplant les poissons argentés de l'aquarium, un cigarillo dans la main.
— J'ai trouvé, murmurai-je complètement essoufflée, les mains appuyées contre mes genoux.
Je lui tendis le papier dans un dernier effort et m'affalai sur l'une des chaises hautes.
— Et bien ?
— Le code sur le ticket. Ça veut dire Ten.
— Ten ?
Je hochai la tête. Jayden posa sa tasse de chocolat chaud sur l'îlot, et examina mes théories de plus près. Il fronça les sourcils avant de secouer la tête.
— Ce n'est pas un mot.
— Comment ça ?
— Ten. T, E, N, épela-t-il. Ce sont des initiales. Tu aurais dû t'en douter, t'as l'habitude des acrostiches, non ? dit-il avec un sourire pervers.
Je levai les yeux au ciel.
— Représentent-elles quelqu'un ?
Jayden prit un air grave qui était loin d'être rassurant. Il avait tout compris, et d'après son expression, cela devait être pire que ce que l'on pensait.
— Non, un endroit, Liz. Un endroit.
Il poussa un long soupir et bascula sa tête en arrière avant de reprendre.
— Je t'avais dit que tu n'irais plus jamais là-bas. Mais on dirait bien que je vais devoir revenir sur ma décision.
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