𝟩 | 𝖧𝖾𝗅𝗅'𝗌 𝖠𝗇𝗀𝖾𝗅𝗌.
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ೃ⁀➷ ℳon sang pulsait à l'intérieur de mes poignets. Je n'avais jamais été aussi terrorisée de toute ma vie. Il pouvait sortir son arme à tout moment et me coller une balle entre les deux yeux. Et le pire, c'était qu'il avait une raison de le faire. Lindsay pensait que ma blessure était sa faute, et je ne l'avais pas contredite. J'osais à peine respirer, craignant de susciter une étincelle de colère chez lui qu'il amplifierait avec son briquet.
Un homme avec un flingue devant moi. Il y a un homme avec un flingue devant moi.
Les catastrophes s'enchaînaient, je voulais pleurer, et tout ce sang, il avait trop de sang...
— Détends-toi un peu, je n'arrive pas à te le mettre, grinça-t-il.
J'essayais tant bien que mal de relâcher mes doigts, ce qui m'était pratiquement impossible. Comment pouvais-je me détendre ? Se focaliser sur autre chose. Je devais me focaliser sur autre chose.
Jay était assis sur le bord de la baignoire et affichait un air relativement concentré. Ses mains s'affairaient sur mon bandage et je pus apercevoir ses veines qui formaient des reliefs à leur surface. Les manches de sa chemise noire retroussées laissaient apparaître des têtes de morts tatouées sur ses avant-bras musclés, au milieu des flammes.
Ainsi que des étoiles. Un homme avec un flingue pouvait-il aimer les étoiles ? Non, bien sûr que non et pourtant il y avait tant d'étoiles, je voulais les toucher mais elles étaient trop loin et en même temps si proches, ces étoiles... J'allais finir par me brûler.
Un autre tatouage apparaissait derrière son col entrouvert ; on aurait dit une fillette, ou plutôt, un ange. Une chaîne ornée d'un médaillon pendait juste au-dessus avec les lettres C.W. Sur le côté gauche de son cou, il y avait cette rose noire que j'avais déjà remarquée.
Aussi étonnant que cela pût paraître, Jay possédait des traits plutôt fins et même assez enfantins. Ses cheveux étaient couleur sable et ses yeux étaient d'un bleu glacial mais bleu, si bleu.
J'aimais cette couleur.
Cette couleur me donnait la nausée.
Il ressemblait aux personnages de romans que je m'imaginais.
Il était si sombre. Et il avait un flingue coincé dans sa ceinture.
Aïe.
Il venait de serrer le bandage d'un coup sec et cela me sortit de mes pensées.
— Relax, Gamine, c'est qu'une égratignure, pas besoin de jouer les chochottes.
Une égratignure ? Cette abomination avait fait de ma main un lieu de massacre.
— Je ne suis pas une gamine.
Il leva la tête vers moi et son regard se planta dans le mien. Ses yeux d'un bleu profond étaient vides d'émotion. C'était à se demander s'il en avait.
Je préfère regarder ses étoiles. Oui, elles sont bien plus jolies.
— Ne me parle pas sur ce ton, idiote, tu veux la deuxième main bandée aussi ?
Devant sa menace qu'il était capable de mettre à exécution, je ravalais ma rancœur et mon dégoût envers cet homme qui en était plutôt un de l'extérieur que de l'intérieur. Si seulement j'avais le courage de l'affronter... Sa simple présence m'irritait au plus haut point et le ton supérieur qu'il utilisait chaque fois qu'il m'adressait la parole ne faisait qu'accroître mon ressentiment .
— J'ai déjà entendu mon père parler de vous.
Jay leva lentement les yeux vers moi, comme s'il m'entendait parler pour la toute première fois.
— C'est vrai ? Et qu'est-ce qu'il a dit ?
Il y eut un long silence. Je savais que je devais me taire parce que c'était un homme avec un flingue coincé dans sa ceinture. Mais la haine débordait déjà de mes lèvres et dans un élan irraisonné, je lui crachai :
— Que vous êtes la personne la plus exécrable de tout l'univers. Vous avez tué, massacré sans pitié, sous prétexte qu'il n'y avait pas de justice et qu'il fallait la faire soi-même si on ne voulait pas se retrouver plus bas que terre.
Il se mit à rire et cela eut l'effet d'un coup de massue sur mon crâne. Cet homme se croyait au-dessus de tout, évidemment qu'il se fichait de ce que mon père pensait de lui. C'était un meurtrier. Pas un homme.
Il y avait un homme avec des étoiles en face de moi.
Il y avait un meurtrier avec un flingue en face de moi.
— Je vois que ma réputation me précède. Et toi, tu es d'accord avec lui ?
Il sourit légèrement. Cette expression amusée qu'il avait collée à la figure me donnait envie de lui arracher le visage. Il se moquait clairement de moi.
— Comme si j'avais le droit de donner mon avis, murmurai-je en tremblant.
— Bien répondu Gamine ! Tu vois que tu y arrives quand tu veux, hein ? Allez j'ai fini, sors de là maintenant et ne m'emmerde plus.
Son ton aussi tranchant que des stalactites me glaça le sang.
Je m'éloignais de l'homme avec des étoiles.
Je pouvais enfin m'éloigner du meurtrier avec un flingue.
Je sortis de la salle de bain en titubant, la douleur ayant eu raison de moi. Je ne voulais plus croiser Jay, cette espèce de meurtrier sans pitié qui ne devrait même pas être en liberté. Et la police travaillait pour lui ? J'osais espérer qu'elle n'était pas corrompue à ce point et qu'elle pourrait m'aider à retrouver mon père. Je me devais de le sauver.
Il est déjà trop tard.
Il n'était pas trop tard.
Je n'avais jamais été proche de mon père, en réalité. Nos discussions consistaient la plupart du temps en de simples échanges formels, comme « bonjour », « merci » et « bonne nuit ». Mais quelques fois, il venait dans ma chambre le soir m'expliquer combien il m'aimait et l'importance que j'avais pour lui. Peut-être avait-il du mal à montrer ses sentiments, parce que j'étais persuadée qu'il avait bon fond.
Et puis, il vouait un amour inconditionnel à ma mère, bien que celle-ci n'était pas toujours réceptive. Je n'avais pas une idée exacte de ce qu'était l'amour mais je pouvais dire qu'il l'aimait plus que tout. Notre vie de famille avait beau ne pas être toute rose, j'étais énormément attachée à eux. Ils étaient mes parents.
Je regrettais tellement de choses, tellement de moments qu'on aurait pu passer ensemble, notre dernier repas durant lequel j'avais recommencé à faire l'imbécile.
Alors que de toute façon, on n'aurait jamais ri.
Ce soir-là, je croisai Lindsay sur le palier qui tenait son ordinateur entre les mains.
— Suis-moi, dit-elle. Je vais te montrer où tu vas dormir.
Nous traversâmes l'étage et elle ouvrit une porte au fond du couloir. La chambre avait été peinte dans des tons métalliques, froids ; des meubles gris tentaient de combler le vide et il n'y avait aucune décoration. Un grand lit couvert de draps noirs occupait le centre de la pièce. Et il faisait froid, beaucoup trop froid, j'allais finir par mourir d'hypothermie.
Des étoiles. Il y en avait sur le plafond. Et dehors aussi.
— Ta valise est déjà là. Si tu as besoin de quoi que ce soit, ma chambre est à côté de la salle de bain.
— Tu vis ici ?
Je fus surprise par le son de ma propre voix.
— Oui, Josh aussi. Nous sommes les deux seuls membres de la Famille qui avons le droit de rester.
— Vous êtes de la même famille ?!
Lindsay s'esclaffa en s'appuyant contre le mur.
— Non, pas de ce sens-là ! La Famille, c'est comme ça qu'on appelle le Club entre nous.
— Le Club ?
— Oui, Les Hell's Angels.
— Oh, ce truc dont Jay a parlé ce matin.
— Un jour, je te parlerais de ce « truc » un peu plus en détail, m'assura-t-elle avec un sourire maternel.
A bien y repenser, j'étais sûre d'avoir entendu ce nom avant la réunion de Jay dans la matinée. Il me semblait l'avoir déjà vu à la télé. En tout cas, je n'avais aucune idée de ce que ce « Club » faisait et à vrai dire, je n'avais pas spécialement envie de savoir.
— Bon allez ma belle, reprit Lindsay en passant l'un de ses bras tatoués autour de mes épaules. Tu devrais dormir, t'as eu une dure journée. N'hésite pas à passer me voir si ça ne va pas, d'accord ?
J'acquiesçai en la remerciant et elle me rendit un clin d'œil. Ses yeux verts étaient à la fois magnifiques et déconcertants. Je ne la connaissais pas depuis longtemps mais malgré son aura inquiétante au premier abord, sa bonne humeur était définitivement contagieuse.
Elle referma la porte derrière elle et le silence me brisa les tympans. Je me déshabillais tout en refoulant mes pensées et me blottis sous les couvertures qui sentaient la lessive fraîche. Dehors, je pouvais admirer les étoiles qui scintillaient haut dans le ciel. Je me sentais beaucoup mieux lorsque je pouvais les voir avant de dormir, elles étaient beaucoup plus jolies que celles dessinées au plafond.
J'aurais tellement voulu les rejoindre, ou du moins, m'en approcher. Je voulais habiter sur une planète comme le Petit Prince, avec une rose entre les mains et une étoile à proximité. Ainsi, je pourrais la voir constamment, le jour n'était pas là pour me la retirer. Mais la rose, la rose, elle, avait tranché mes mains de ses épines d'acier.
Encore du sang. Toujours du sang.
Les légendes qui entouraient les étoiles et les constellations étaient toujours tristes. Ma favorite concernait la Grande Ourse. On disait que Callisto, fille du roi d'Acadie avait fait la promesse de rester vierge. Mais Zeus tomba amoureux d'elle et se changea en Apollon afin de s'unir à elle. Arcas naquit de cette union. Ensuite, on racontait qu'Artémis avait appris que Callisto avait rompu sa promesse, alors elle la transforma en ourse.
Lorsque Callisto mourut, elle monta au ciel et devint la Grande Ourse. Quelque temps plus tard, Arcas fut aussi transformée en ourse et rejoignit sa mère au ciel en devenant la Petite Ourse. J'aimais cette légende, et encore plus aujourd'hui, parce qu'elle m'avait fait comprendre que quoi qu'il arrive, mère et fille se retrouveraient toujours.
C'était souvent le soir, au moment où l'on était sur le point de dormir, que notre tristesse et notre peur refaisaient surface. Et je détestais me sentir ainsi. D'habitude, c'était ce sentiment de solitude qui me faisait fondre en larmes tous les soirs sous ma couette. Aujourd'hui, cela n'avait pas changé.
Enfin si. Ce sentiment était encore plus grand. Parce que je voulais revoir mes parents. J'avais besoin d'eux, je ne pouvais pas vivre sans eux.
Mes yeux s'embuèrent et je ne pus retenir mes pleurs.
Maman... Je suis désolée. Si seulement j'avais été là moi aussi, peut-être aurais-je pu t'aider ?
La scène que j'avais vue dans mon salon s'empara de mon esprit. Du sang, du sang, trop de sang...
Je sortis précipitamment de ma chambre afin de rejoindre les toilettes, où je recrachai mes entrailles. Ma gorge me brûlait, ma tête me faisait mal et la fatigue n'arrangeait rien. Je regagnai mon lit en titubant après m'être rincée la bouche. Il me faut un livre. Vite. J'en pris un au hasard et me plongeai dedans.
C'était comme une drogue, une addiction. Mais ça me changeait les idées.
Du sang.
Un livre.
☆
Durant les deux jours suivants, je n'eus pas à voir Jay une seule fois et ça, c'était grâce à Lindsay. J'avais entendu cette dernière exploser de colère à travers les murs de ma chambre. La culpabilité me rongeait de l'intérieur, parce qu'encore une fois, tout n'était pas sa faute. Puis merde, il fallait que j'arrête de lui trouver des excuses. Il était taré, peu importe ce qu'il avait fait ou non.
Je vivais dans une peur constante de le croiser par mégarde dans la villa, chaque pas qui m'éloignait de ma chambre, me serrait un peu plus l'estomac. Cette pièce au plafond constellé était devenue mon havre de paix en seulement quarante-huit heures. Cependant, combien de temps allais-je pouvoir tenir en compagnie de ces gens ? Les Hell's Angels, comme Lindsay me l'avait rappelé. J'aurais très bien pu m'enfuir, mais pour aller où ?
Pour ne plus penser à cela, je passais l'entièreté de l'après-midi à griffonner dans mon journal intime sur quelques parcelles encore vierges. Après avoir tourné plusieurs pages, je finis par trouver, coincée entre deux gribouillis, une photo sur laquelle mes parents et moi souriions de toutes nos dents. Nous avions l'air de la famille idéale alors qu'en réalité ça n'était pas vraiment le cas. Entre un père présent physiquement mais absent mentalement et une mère complètement épuisée, nos liens familiaux étaient devenus de bien plus que fragiles.
Ne pense plus à ça.
Finalement, je laissai tomber mon journal intime ; je n'arriverais plus à écrire après la photo. A la place, je pris une grande inspiration et sortis de la chambre. Le coucher de soleil éclairait le palier de ses rayons orangers.
Pas un bruit à l'étage, ni provenant du rez-de-chaussée. Je m'avançais avec prudence sur le palier jusqu'à ce qu'une voix ne me cloue sur place. Celle-ci provenait du bureau de Jay dont la porte était entrouverte.
— More... Je l'ai dit, c'est trop dangereux. Non... Au Palace, t'es sûr que c'est pas possible ? OK... Je te l'amènerais, tu verras par toi-même... Ouais, j'en suis presque sûr.
La porte du bureau s'ouvrit brusquement sur l'homme qui m'évitait depuis deux jours et encore une fois, il m'avait surprise en train d'écouter une conversation qui ne me concernait pas.
Il me sonda sans un mot. Apparemment, sa conversation au téléphone était terminée. Il fouilla la poche de son jean avant d'en sortir un paquet multicolore. Des bonbons.
— Tu aimes ? me demanda-t-il en me montrant le paquet.
Je hochais lentement la tête mais je sentais qu'il préparait un mauvais coup.
— Tant mieux, dit-il avec un sourire malsain. Tu veux te faire pardonner pour m'avoir accusé ? Et tu veux sûrement que je te fiche la paix ? En voilà le moyen.
Je ne voyais pas le rapport entre ces satanés bonbons de gélatine et le fait qu'il dégage enfin de mon champ de vision.
— Ouvre la bouche, ordonna-t-il sèchement.
— Quoi ?!
— Fais ce que je te dis ou je te présente aux autres cactus de la maison. Tu préfères quoi ?
Tremblante, je m'exécutai en priant pour qu'il ne me fasse rien d'abominable. Je le vis déchirer le paquet et en tirer un petit ourson rouge. Après quoi, il s'approcha de moi, si près que je pouvais sentir son souffle s'écraser contre ma peau. Ses yeux plongés dans les miens, j'avais la sensation qu'il lisait en moi comme dans un livre ouvert, qu'il connaissait mes plus lourds secrets. Ses doigts arrivèrent près de ma bouche, effleurèrent doucement mes lèvres avant de glisser la friandise sur ma langue.
— Ne l'avale surtout pas, chuchota-t-il d'un ton autoritaire. Pour chaque bonbon qui logera dans ta petite bouche, je te laisserai une heure tranquille. Deal ?
Cette nouvelle idée visait encore à me moquer. Il voulait clairement que je m'étouffe mais s'il souhaitait réellement ma mort, il y avait plus simple et plus rapide que de me forcer à gober des oursons. Malgré cela, je finis par céder.
— Tu vois quand tu veux, railla-t-il en déposant une autre friandise à l'intérieur de ma bouche.
Je n'avais jamais connu pire humiliation. J'aurais préféré qu'il m'enferme dans cette foutue salle à manger à l'horloge irrégulière pendant des heures plutôt que de devoir supporter ce supplice. Ainsi, je comptais chaque bonbon qui franchissait mes lèvres, intensifiant peu à peu ma nausée. Dix-huit. Je vais définitivement vomir.
— Oh, c'est tout ce que tu peux supporter ? fit-il en prenant un air déçu.
Les larmes me montèrent aux yeux. Je ne pouvais pas plus, je ne voulais pas de sucre à l'intérieur de mon corps, la nausée devenait insupportable, je ne pourrais pas le supporter plus longtemps.
D'un coup de bras, je poussai violemment Jay en arrière et courus rapidement vers la salle de bain. Je recrachai précipitamment les dix-huit oursons dans les toilettes, les joues humides. Merde, il est complètement malade.
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Hello mes choucroutes !
Voici une sortie de chapitre que j'attendais avec impatience !
On introduit enfin le nom des Hells... Ce n'est pas encore très clair mais la suite vous en dira long sur eux !
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En tout cas, j'espère qu'on est tous d'accord pour dire que Lindsay est un Amour avec un grand A :D
— Elle casse les couilles, elle m'empêche de faire ce que je veux.
Oh Jay, je vois que la bonne humeur c'est pas ton truc.
Bon allez, on se voit plus tard !
Gros bisous les loustiques !
ℒ𝒾𝓁𝓎 ♡
Instagram et Twitter : @lilygreybooks
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