Chapitre XXVI: Une nouvelle fois
-Bien tenté, mais les insectes n'ont pas d'honneur ! Souffla la jeune femme en enfonçant sa lame dans le fourreau épais.
Puis, elle passa devant les trois adolescents ébahis et les mena jusqu'au corridor.
Krusla en resta bouche bée. Même si ce garde ne représentait aucune menace, le tuer aussi impassiblement lui avait coupé le souffle.
<<La classe, non ?>>, s'amusa Zelriasfer.
<<Quand pourrais-je être ainsi... ?>>
<<Krusla, le jour ou tu n'aura pas plus de cœur qu'elle, tu ne craindras plus ces petits microbes qui t'ont fait du tort. >>
-Krusla, quand on aura fini ce qu'on devra faire, on vivra normalement, loin d'ici, et on emmènera Flo ?
Le garçon reconnut cette petite voix argentine qui venait d'Alexia, et hocha la tête. Mais au fond de lui, il soupira :
« Si Florys pouvait venir avec nous, elle aurait déjà fait... »
Il ne voulut pas attrister l'innocence d'Alexia et lui sourit en faisait une légère pression sur la main qu'il tenait.
-Entrez, articula Merzya un peu sèchement, sans doute eut-elle entendu ces conversassions.
Kaeron jeta un coup d'œil sur ses compagnons et entra le premier, suivit d'Alexia. Quand le rouquin voulut les suivre, Merzya murmura d'une voix morne :
- Florys... n'est plus là.
Puis, elle se tut, et ses yeux noirs évitèrent de croiser les siens.
Le garçon fronça légèrement les sourcils et entra dans le salon. Il ne comprenait pas la signification de cette phrase. Tout de suite, une odeur métallique parvint, mêlée d'une odeur suave qu'il ne put reconnaitre. Toute la pièce était obscure, les grandes fenêtres voilées par des rideaux sombres.
<< Florys manipule la lumière... elle ne devrait pas aimer le noir...>>, s'étonna le garçon.
Alexia lui tira la manche et dirigea son regard vers le grand fauteuil fétiche de sa sœur. Couché, le museau contre un pied du siège, la grand loÿstrall dormait, emmitouflée dans ses longs poils. Les pieds réchauffés par la fourrure immaculée, une jeune fille avait posé sa tête sur un bras, les yeux envahis par le sommeil.
Sa robe noire faisait ressortir sa peau d'une pâleur presque inhumaine, apportant à la délicatesse de son visage une beauté lugubre.
Sa vue pinça le cœur de Krusla, qui sentit la main d'Alexia serrer sa manche. Il chercha Kaeron des yeux pour déchiffrer ses émotions, mais celui-ci se tenait déjà devant Floralyn, dos à lui.
-Florys... murmura le jeune homme. Cela a encore recommencé ?
Mais celle-ci se contenta de sourire à sa question, et ouvrit ses yeux en une fente. Kaeron, même avec ses capacités loin d'être faibles, frissonna en voyant ses deux prunelles écarlates.
-Tu t'es laissée...
-Je suis très heureuse de mon sort, le coupa-t-elle. Si je savais qu'être envahie par les ténèbres était aussi plaisant, je n'aurais pas résisté jusqu'à maintenant.
-J'en suis... ravi. Auras-tu besoin de moi pour la suite ?
A la réponse négative de Floralyn, Kaeron sortit du salon.
-Flo ! Cria Alexia, en se jetant dans les bras de sa sœur ; ces gestes d'affection, il n'y avait qu'avec Florys qu'elle pouvait se les permettre.
La jeune fille blonde se raidit, avant de resserrer doucement cette étreinte.
-Alexia...
Puis, son regard rubis se tourna vers le garçon.
-Krusla.
Floralyn marmonna quelques mots pour les installer et s'enferma dans sa chambre. Là, elle sentit une saveur sucrée au fond de sa gorge, et cracha une gorgée de sang, avant de tousser à maintes reprises.
La silhouette de Zellan apparut, et la soutint dans ses bras.
-Flor...
-Pousse-toi ! Hurla-t-elle.
Le silence pesant s'installa entre eux, avant que Florys ravale sa fierté et articule d'une voix trahissant sa faiblesse :
-Je... je suis désolée ! Je ne voulais pas...
Elle enferma ses yeux écarlates dans ses mains.
Le compagnon de Melwis la prit dans ses bras, et souffla d'une voix remplie de haine :
-C'est à cause de lui ! Tout cela, c'est à cause de ce garçon... Tue-le, Floralyn. Tu l'as fait venir pour ça.
-Je ne peux pas... c'est ton descendant, celui de Melwis...
« Et parce que je l'aime. »
-Alors oublie-le, dit Zellan en resserrant son étreinte.
« C'est la seule manière de ne pas perdre le contrôle de toi-même, Florys. Si je vous perds, Melwis et toi, il ne me restera rien. »
Mais la jeune fille secoua la tête, en ravalant une autre gorgée de sang tiède, et, caustique, fit un sourire mélancolique.
-Je pourrais, mais j'en suis incapable. Je ne veux pas oublier, Zellan, même en sachant que je finirais par sombrer dans la folie.... C'est sarcastique, n'est-ce pas ? Mais même si je suis triste, même si j'en souffre, je ne regrette pas de l'avoir connu.
-Floralyn ! Tue-le, tu seras libérée. Les pays finiront par entrer en guerre... ce n'est plus qu'une question de temps. Vous serez ennemis, c'est inévitable. Tu veux vraiment le tuer sur le champ de bataille ?
Mais Floralyn ne répondit pas.
Zellan soupira.
« Cette fille est bien ta descendante, Melwis... pire, même. Mais c'est ce que j'admire le plus... »
...
Krusla se leva tôt le matin, presque plus que d'habitude : il avait du dormir parterre, suite à l'absence d'un autre lit dans la chambre.
Il arrangea la couverture d'Alexia qu'elle avait fait tombée au sol à force de la martelée de coups de pieds ; durant un instant, l'adolescent fut ravi de ne pas être un couchage, mais un humain...
Il partit se changer dans la salle de bain et remonta dans le salon. En traversant le couloir, il fut surpris de sentir l'odeur de sang frais émanant de la chambre de Floralyn, mais, sans se poser de questions, gagna le salon.
-Krusla, le salua Kaeron d'un hochement de tête.
-Quand commencerons-nous ?
-Ce soir, je pense. Florys nous le dira tout à l'heure.
-« Florys » ? S'étonna Krusla ; ce n'était pas la première fois qu'il l'entendait la nommer ainsi.
-Oui... je l'ai connue il y a longtemps. Nous étions amis d'enfance. Nous venons du même village, elle est moi. Il a été brûlé par des chevaliers de passage. Presque tout le monde est mort. Nous avions donc décidé de voyager jusqu'à Aureilla, la capitale d'Acadmyr... Pff... C'est seulement maintenant que je me rends compte de notre ignorance. Bref, c'est une longue histoire...
-Vous n'étiez que deux ?
Kaeron sourit en se remémorant ses souvenirs d'enfance ; Krusla ne l'avait jamais vu aussi paisible. Mais bientôt, le premier reprit sa physionomie sombre et renfermée.
-Non. Il y avait Lyméria de Chegovia et Wensraël de Laysterr.
Krusla sursauta. Même en temps que « prince à l'abandon », il avait beaucoup étudié les pays.
-Les héritiers des quatre Grandes Familles de Vickeliya ? Demanda-t-il. Florys, Lyméria, Wensraël... alors tu es Kaeron de Taryarren !
-Oui. J'ignore toujours la raison pour laquelle nous nous sommes retrouvés dans un village pommé, mais ce n'est pas un simple hasard.
Puis, entendant des bruits de pas dans le couloir, il fixa les prunelles dorées du rouquin et prit un air sérieux :
-Je t'aime bien, Krusla. Tu ne dois pas avoir une vraie famille, pour vagabonder comme ça. Si tu veux, désormais, tu es mon frère. J'espère que tu penseras de même en scellant ce que je t'ai dit dans ta mémoire.
Sur ces mots, il lui tendit la main.
Krusla la frappa avec la sienne et hocha la tête.
-Promis, Ron !
-Ne m'appelle pas « Ron » ! Lui souffla-t-il d'une voix plus basse, car Floralyn était entrée dans le salon.
L'autre fit une grimace et se tut.
« J'ai une famille, une vraie... maman, si tu voyais cela, tu serais heureuse pour moi... », Songea le garçon, ému.
Il sentit alors une page lui entailler furtivement la jambe :
« Moi aussi, je suis de ta famille, idiot ! », protesta une voix grinçante.
« Un livre comme frère ? Non merci ! Il faudrait avoir un cerveau plus plat que le tiens pour y penser ! », Le taquina Krusla.
Mais il avoua au fond de lui :
« Tu es bien plus, Zelriasfer. Je te dois tout. Si tu n'avais pas été là, si tu ne m'avais pas donné une chance, aussi faible que j'étais, je ne serais jamais là aujourd'hui... »
Bien-sûr, il ne dira jamais tout cela à un grimoire aussi poussiéreux qu'orgueilleux...
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