Chapitre XXIX: La glace

La porte s'ouvrit en poussant un gémissement plaintif trahissant ses rouages rouillés. Kaeron et Krusla s'échangèrent un regard et hochèrent la tête avant d'entrer.

Krusla s'attendait à une galerie plus riche d'apparence. Mais il ne découvrit que des étagères aux tiroirs nommés par des étiquettes pour la plupart jaunies mais conservées en état par un sortilège.

-Viens, Krus, en avançant les objets sont de plus en plus précieux, chuchota Kaeron qui disparut derrière une planche de bois.

Le garçon prit un autre passage. Les tiroirs au départ régulières prirent des formes totalement différentes ; certaines petites, d'autres énormes. Encore plus loin, les objets étaient exposés sur des tables basses.

« Tiens, ils ne sont plus dans des tiroirs... »

« Pourquoi, à ton avis, maître ? », Questionna Zelriasfer.

« L'aura qu'ils dégagent est tellement puissance qu'elle briserait les caisses normales ? »

« Comment appelle-t-on les objets possédant une aura qui leur est propre ? »

« Des objets mi-vivant ? Ils ont une conscience qui leur est propre ? », Tenta-t-il.

« C'est à peu près ça... Oh, vite ! Il te faut cet écrin ! », La voix du démon hurla dans sa tête.

Krusla grimaça et examina la boite en question, mais mise à part l'énergie violente qu'elle dégageait, il n'y avait pas l'aura particulière des objets mi-vivants.

« C'est vrai que cette boite est plutôt jolie, mais à quoi peut me servir une boîte à bijoux ? Alexia n'aime pas les parures, tu sais... »

« T'es bête, ou t'es borné ? C'est ce qui est à l'inférieur qui m'intéresse. Elle contient deux pierres : l'une de lumière et l'autre de ténèbres. Ces deux éléments sont contraires, se complètent, et ont une force égale, l'un efface les caractéristiques de l'autre. C'est pour cela que tu ne ressens rien. Bon, dépêche-toi, je t'expliquerais plus tard. »

Krusla tendit la main, avant de l'éloigner promptement. Il se doutait déjà que cette force pure était trop puissante pour qu'il puisse s'en emparer... sauf s'il renforçait la puissance de la pierre des ténèbres avec cet élément qui était aussi le sien pour triompher de la lumière en rompant cet équilibre fragile. Il ne resterait plus que son élément.

Tout en pensant, une lumière sombre enroba sa main blanche et s'approcha de la boîte. Cette dernière se mit soudain à briller d'une lumière aveuglante. Mais une flamme noire l'enroba et la dévora rapidement, en teintait tout le contenant en mordoré.

Krusla s'en empara et se mit à courir. Il ne fallait pas oublier leur but. Les tables se firent de plus en plus espacées. Bientôt, il ne restait plus qu'un sol parfaitement lisse quadrillé régulièrement et illuminé par une lampe où brûlaient des eisthones.

Ses pas étaient légers et étouffés, mais cela n'empêcha pas Kaeron de l'entendre et de se décaler. Un pas plus loin à sa place, demeurait une statue de glace aux reflets bleutés, comme les yeux de Florys.

-Tu l'as trouvé ?

Kaeron acquiesça et lui montra le bout d'un poignard noir violacé parsemé d'écritures dorées aussi illisibles que l'arme lui-même était tordue. A son bout, une pointe aiguisée aux reflets rougeâtres, faisait penser aux croquemitaines mangeant des enfants.

-La glace est trop résistante, et je ne contrôle pas suffisamment le poignard. La dernière dois je n'ai pas pu tester la glace car quelqu'un est entré. Essaie, et fais vite.

Krusla tenta plusieurs sortilèges, qui ne laissèrent que des marques dans la glace. Il avait prit soin d'éviter le corps de la jeune fille emprisonnée pour éviter de couper en deux l'ancêtre de Florys, mais visiblement cette précaution était vaine.

Il dégaina alors son épée et trancha de toutes ses forces. Quand la lame rencontra la glace, toute l'épée fut parcourue d'une lueur blanche d'apparence inoffensive. Mais quand elle toucha la main de Krusla, un frisson traversa le bras du jeune garçon et remonté jusqu'à sa tête. La sueur froide trempa sa chemise de lin noire et il prononça de justesse une incantation pour chasser la lumière. Quand elle s'évanouit, il tomba au sol, haletant.

Kaeron frémit et vint le rattraper.

- Cela ne m'est pas arrivé, dit-il. Tu pourras courir ?

-Oui, mais je n'aurais pas la force de me battre. Tu n'as pas d'idée pour briser la glace ?

-Non. Attendons Melwis.

Ils restèrent là en silence. Aucun ne tenta encore de libérer le corps de Melwis, préférant conserver leur force. Ils ne voulurent pas non plus prendre le risque de dérober d'autres objets : qui sait ce que ces antiquités étranges peuvent provoquer ?

Krusla s'assit en tailleur pour récupérer le plus possible tout en calmant ses esprits. Kaeron guetta quelques pas plus loin.

Le silence s'installa, un silence paisible, sans gêne, même dans cette réserve hostile.

Ils attendirent, mais Floralyn n'arriva pas.

Krusla grimaça. Il récupérait plus lentement que d'habitude. La douleur qui l'avait transpercée s'était transformée en des vibrations qui parcouraient son corps empêchant aux eisthones d'entrer dans son corps. Ses muscles étaient contractés et il s'était blotti contre lui-même. Il serra les dents et souffrit en silence.

« Zelriasfer, tu ne peux pas m'aider ? »

« Je ne suis pas tout puissant, maître... Une énergie étrange a pénétré dans ton corps, je ne connais pas sa nature, donc je ne peux rien faire. Tu devrais... attendre Florys. C'est l'héritière de Melwis, après tout. »

Krusla se rendit compte que Zelriasfer lui paraissaient tout-puissant. Il l'avait toujours aidé, et possédait la réponse à toutes ses questions. Il fallait qu'il se détache de cette certitude.

A côté, Kaeron restait immobile, ses prunelles bleues fixées sur la porte d'en face. Il ne s'enquit pas de la santé de Krusla, ne pouvant de toute façon rien faire. Ce dernier ne se vexa pas. Il commençait à connaître son camarade, et savait qu'il n'aimait pas raconter des choses inutiles.

Des bruits de pas résonnèrent dans la salle. Les garçons se raidirent. Ces pas n'appartenaient pas à Florys. Celui-ci était léger, mais il n'y avait pas cette grâce qui produisait une mélodie solitaire. Peu à peu, un parfum indéfinissable, presque un peu étoffant leur parvint. Seul Krusla le reconnut.

Car il était le seul à l'avoir déjà senti.

Ce parfum qui montait dans la tête lui rappelait Acadmyr. Sa capitale, Aureilla. Le palais lui-même.

Un homme qui voulait monter sur un trône.

Cet homme même, que Florys a chassé, et qui a disparu.

Celui-ci entra dans la pièce. Il était un Estre. Un très puissant estre.

Personne ne bougea. Car ils s'étaient déjà repérés.

Un jeune homme élancé, d'une beauté et d'une finesse inoubliable leur fit un sourire railleur. Ses cheveux bruns tombaient en boucles sur ses épaules et sur la cicatrice traversant son front, qui loin de l'enlaidir, lui gagnait du charisme. De toute sa personne se dégageait un charme mélangé d'une présence inquiétante dissuadant toute personne d'approcher.

Biens-sûr, Krusla était loin de le juger ainsi.

Car il s'agissait d'Andrew, le cousin de Florys.

-Nous nous revoyons, ami de Florys, dit-il. Ma vengeance sera finalement exaucée.

-Andrew, le nomma Krusla, à la fois en guise de salut et de présentation pour Kaeron.

-Tu dois te demander pourquoi un homme aussi faible que moi est à présent plus puissant que toi ? Je me rappelle encore de cette nuit là... La nuit où vous m'avez poursuivis... j'ai fuit, comme un lâche !

Dans son regard, il y avait une flamme noire, allumée par la vengeance et le mépris.

-J'ai fuit, et je me suis retrouvé à la rue. Alors, Weskovin m'a repéré. Il a vu mon talent, et il a rendu possible mon seul souhait. Me venger.

Krusla afficha une mine froide afin de ne pas laisser paraître son état actuel. Il devrait gagner du temps.

« Où es-tu, Florys ? »

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