Chapitre XXII: Krusla et Alexia

Les douze coups rompirent le silence de la nuit profonde. La lueur de la lune projetait des flasques sur le sol. Dans une chambre arrangée de la manière la plus agréable qu'il soit, une couche grinça, protestant contre le poids.

<<Tu es plus lourds que je le pensais, maître... Tu as visiblement besoin d'exercices. >>

<<Oh tu ne vas pas t'y mettre, Zelriasfer...>> grogna l'intéressé en adoptant une mine boudeuse.

Il se leva du lit et sauta lestement sur le sol. Il enfila ses bottes qu'il banda de tissu pour éviter de produire des bruits de pas –et donc se trahir.

Après avoir enfilé sa veste et prit son sac, le jeune garçon écrivit une lettre de remerciement à l'ancien roi son hôte et à Weskovin avec une pointe –juste une- d'ironie qui le fit rire sous cape en imaginant la tête de ces derniers le lendemain en la lisant.

Krusla se laissa glisser dans le couloir et le longea. Il remercia les bandes de ses bottes et l'épais tapis sous ses pieds que ne produire aucun son. Le tapissier, en le posant, n'avait sans-doute pensé qu'il faciliterait toutes sortes de vols, d'assassinats...

Devinant sans mal la lueur d'excitation qui éclaircissait le regard d'or de son possesseur, son compagnon élargit un sourire invisible.

Ils étaient déjà arrivés devant la porte des appartements de Floralyn –celle-ci lui avait dit qu'elle retenait sa sœur ici pour la nuit. Doucement, le garçon ouvrit la porte verrouillée grâce à quelques petits outils toujours présents dans sa poche et y pénétra.

Trouvant sans mal la chambre d'Alexia, il toqua légèrement dans le but de la réveillé. Aussi effronté qu'il pouvait être, il n'entra pas dans la chambre afin de ne rien commettre d'inconvenable.

-Qui est là ? demanda une voix un peu enrouée mais incontestablement celle d'Alexia.

-Krusla ! chuchota celui-ci. Je pars cette nuit, veux-tu te joindre à moi ?

-Maintenant ? Mais...

Il entendit quelques bruits métalliques ainsi que des froissements de tissus, avant que la porte ne s'ouvre. Le garçon recula et manqua de justesse de la prendre en plein fouet. A cause de la période des cambrioleurs, les portes avaient été façonnées afin de s'ouvrir vers l'extérieur...

<<J'avais oublié...>>

-Je... je viens avec toi !

Lui et elle. Rien que tous les deux. Mais le cœur loyal d'Alexia ne lui permettait pas de faire cela. Et elle ajouta :

-Et Floralyn ?

-Florys ? répéta-t-il, hésitant.

Mais une voix douce et argentine leur souffla :

-Je dois rester, et trouver un moyen de sauver Melwis. Et... une partie de ma mémoire que j'ai perdue.

-Flo ! l'interpella sa sœur, en la voyant apparaître, les cheveux légèrement ébouriffés, en robe de chambre.

-Partez. Je n'ai pas le droit de vous séparer. Pas le droit d'user de votre gentillesse. Partez, suivez votre destin. Si un jour, vous voulez me revoir, transmettez un message par Zellan. Il est lié à toi, Krus, grâce à l'Écarlate. Et aussi...

Elle baissa les yeux, avant de murmurer :

-Prends soin de ma sœur.

Sur ces mots, elle tendit une bourse à sa sœur et tourna les talons.

*

Deux cavaliers fendirent la nuit profonde, deux légers sacs sur le dos. Mais quand on se rendait compte que ces sacs étaient pleins de pièces, on se rendait compte à quel point leur nécessaire était plus que suffisant.

La neige crissa doucement sous les pas réguliers des chevaux. Le froid fit frissonner Alexia, plus du Sud que du Nord. Elle s'emmitoufla chaudement dans son manteau fourré et se frotta les mains gelés tout en tenant les rênes.

-Vont-ils nous retrouver si nous prenions une auberge ? demanda-t-elle.

Le jeune garçon vêtu de noir lui jeta un regard inquisiteur et conclut :

-Si on souhaitait vraiment te retrouver, on serait déjà en train de nous courir derrière. Je t'ai proposé la fuite car Weskovin ne te surveille pas vraiment. Il le fait croire, mais mis à part un bon époux, il n'attend rien de toi. Donc en ignorant quelques chevaliers saouls, personne ne nous recherche... sauf si Weskovin veut jouer au jeu du chat.

Alexia oublia la dernière supposition, et s'écria gaiement :

-Alors c'est « oui » pour l'auberge ? Il y en a une juste à droite, quand à la lisière de la ville !

-A minuit passé ? Tout de même pas, votre Altesse ? se moqua-t-il.

Alexia rougit, mais ses joues furent dissimulées par la voile ténébreuse.

-Le chemin est long, jusqu'à Flayen... mais une fois là-bas, nous serons à l'abri.

-Mais Krusla... j'ai peur pour Florys, elle est si seule...

Elle dit tout haut ce qu'ils pensaient tous les deux. Le garçon lâcha alors un soupir dont-il tenta de dissimuler l'amertume par la compassion :

-J'espère qu'elle se portera bien... nous pourrions toujours aller la voir.

-Oh oui ! Elle ira bien ! Mais Krus, et si nous restions ici... enfin... pas très loin. Nous pourrions prendre des nouvelles de ma sœur et j'ai ici quelques appuis.

Krusla acquiesça. Après tout, pourquoi pas ? Déjà qu'à la capitale de Roënster, il craignait assez le pouvoir de son frère, il ne pourrait pas se permettre qu'Alexia soit la cible de la vengeance de ce dernier.

-Si c'est ce que tu souhaites, Alexia. Trouvons logement en un lieu suffisamment éloigné pour l'instant. Dans un mois, nous reviendrons ici et prendrons les nouvelles de Florys, tu veux bien ?

-Oui, merci pour tout... Krusla !

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