Chapitre XVI: La mise


Krusla grimaça, surprit par les reflets lumineux de la neige. Il laissa ses prunelles dorées s'habituer à l'éclat du soleil.

<<Voilà donc le jardin de Florys...>>

Tout n'était que neige. Cette épaisse couche qui s'enfonçait à chaque pas. Elle lui rappelait son enfance... juste après la mort d'Estilda. Il tentait de se distraire dans cette neige, quand des gamins sont arrivés en lui lançant des blocs de glace.

« Sans mère ! Sans mère ! », avaient-ils criés.

Et lui, il avait pleuré en silence.

Le garçon secoua la tête afin de chasser ces pensées néfastes. Il regarda les branches tombantes du saule gelé. L'étang était tel un miroir, immobile, et la neige se faisait de plus en plus violente, voulant dominer le paysage immortalisé.

L'atmosphère neurasthénique lui rappelait chaque fragment de tristesse de son enfance, tel un fantôme le poursuivant sans cesse.

Soudain, retentit une mélodie qu'il connaissait. Les paroles étaient emportées par le chahut du vent mais l'air régnait toujours, familier. Mais Krusla ne reconnaissait pas ce chant. Cette voix envoutante mais douloureuse lui procurait des frissons.

<<Sous le cerisier>> , parvint la pensée du Grimoire.

Il dirigea son regard vers cet arbre titanesque et vit une silhouette gracile voilée par le rideau blanc. Florys... cette chanson, c'était celle qu'Estilda et Margaret chantaient en chœur il y a une décennie... quand leurs pays étaient encore alliés.

Le vent gifla son visage lorsque Krusla entra dans le jardin.

Que faisait-elle là ?

Il avança jusqu'à la jeune fille de dos, pieds nus, les cheveux éparpillés sur le sol et à peine couverte d'une robe blanche.

Ne semblant pas remarquer sa venue à cause de la neige qui amortissait les pas, elle poursuivait sa chanson, les épaules tremblantes de froid.

De froid ? Non.

Krusla remarqua alors qu'elle sanglotait, d'une manière tellement triste. La fillette qu'il avait connu ne lui avait jamais révélé ce côté fragile qu'elle possédait au fond d'elle-même. Sur ce point, ils étaient pareils.

Il posa une main sur son épaule, et elle sursauta, avant de se retourner, effaçant furtivement ses larmes.

-Oh, Krusla... je ne t'avais pas vu venir...

-Viens, rentrons. Il fait froid.

La jeune fille esquissa un sourire, avant de toucher ses joues glacées pour les réanimer.

-Merci, Krusla...

-Si tu meurs de froid avant d'être nommée reine, Melwis ne pourra plus compte sur toi, non ? demanda-t-il.

Affablement, le garçon lui passa son manteau sur ses épaules grelottantes.

-Tu as raison... pour Zellan et Melwis, je vais encore faire un effort ! plaisanta Floralyn.

*

Krusla se percha sur une barrière, qui donnant d'un côté sur une terrasse, de l'autre à un jardin... plus bas de dix mètres. Tranquillement, il balança ses jambes déjà froides à cause du temps frileux.

<<Ta décision, Krusla ?>>

Le garçon secoua la tête, ne voulant pas échanger de regard avec le fantôme de son ancêtre. Choisir de quitter Floralyn après l'épreuve des Prétendants au trône, ou choisir de rester sans pouvoir la voir...

<<Je... je quitterais Weiska avant qu'elle soit sacrée reine. >>, dit-il.

Il ne pouvait pas passer sa vie auprès d'une amie, alors qu'il voulait vivre l'aventure ! Surtout que rester coincer au milieu d'aristocrates...

Mais cette affirmation de sembla pas suffire à Zellan, qui soupira :

<<Jure-le. >>

Le garçon ne cligna même pas des yeux. Quand un vrai Raëven dit quelque chose, il le respecte.

-Moi, Krusla de Raëven, jure sur ma vie de quitter Roënster si Floralyn de Vickeliya, Prétendante au trône de Liore, est sacrée reine de Liore.

Il entailla son index et versa une goutte de sang sur la neige qui l'engloutit avec avidité.

<<Alors, content ?>>, demanda-t-il, aussi froid que la tempête de neige de Weiska.

Mais l'esprit ignora le ton de la phrase, et sourit d'un air satisfait :

<<Parfait. J'ai à présent la certitude que Floralyn pourra mener une vie tranquille. Tu comprends que, étant ennemis héréditaires et se disputant le même pouvoir, vous ne pouviez pas être amis...>>

<<Je le sais. Ta sœur Melwis et toi, vous aviez ferraillé durant des siècles, vous aussi. Mais après, vous aviez pu rester ensemble. Mais nous... nous devons nous haïr pour de nouvelles raisons. >>

L'avenir de plusieurs pays était en jeu. Une mise bien trop importante pour deux jeunes enfants.

*

-Reine en F4.

Krusla se mordit les lèvres. S'il sacrifie sa dame en tuant celle de Florys, le roi serait à découvert. Mais s'il déplace son roi... non. La stratégie de son adversaire était bien plus complexe. Il était comme prit dans un filet, deux choix s'offraient à lui : mourir ou ne pas vivre.
Il prit une mine faussement rechignée et remit en place les échecs.

-Je encore gagné ! s'écria la jeune fille. Cela nous fait trente deux à sept ! Es-tu sûr d'être fort aux échecs ? Même moi, j'arrive à te battre !

Le garçon grimaça. Comment une fille qui a commencé à jouer depuis trois heures a pu enchainer victoire sur victoire sur un adversaire qui y joue depuis neuf ans ? Il se demande pourquoi il lui a apprit les échecs...

-D'accord, tu as gagné... admit-il, tu peux choisir ce que nous allons faire...

-S'entraîner ! décida-t-elle, après avoir longuement hésité. Alexia, toi aussi, tu vas tenter le Trône.

-Oui...marmonna ladite Alexia en un soupir las. Je me demande quels seront nos épreuves... choisis par grand-père, en plus ! Et il n'est pas prêt de nous ménager !

Floralyn posa sa main sur la sienne :

-Tu dois le faire, pour nous sauver de l'épreuve du Prétendant.

-« du Prétendant » ? Qu'est-ce ? la questionna Krusla, n'en ayant jamais entendu parler.

Alexia lui expliqua :

-Après le couronnement, il y aura une Épreuve du Prétendant. Les époux de toutes les jeunes descendantes du Roi seront choisis. Seul le Roi peut épargner certaines filles. Personne ne peut nous sauver, mise à part nous-mêmes. Père ne veut pas déplaire au Roi, qui lui a donné l'autorisation de prendre la main de maman sans passer l'Épreuve. Et pour grand-père... il souhaite lier des relations avec d'autres pays.

-Tu vois ! s'exclama sa sœur jumelle, il ne faut pas perdre de temps, on s'entraîne !

Le garçon sourit légèrement, en se demandant ce qu'il faisait là... Mais s'il pouvait leur venir en aide, alors il le ferait sans hésiter.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top