Chapitre XII: Liore
Liore, surnommé le pays nord, n'était rien de la terre humide et gelée que Krusla avait imaginé. Certes, il y faisait plus frais qu'à Roënster, mais ce n'était point une température désagréable, surtout avec cette année particulièrement chaude.
Alexia, dans sa tente, se contemplait devant son miroir. Elle s'arrangea une mèche d'écarlate et se sourit.
-Vous êtes magnifique, votre Altesse, complimenta une servante.
-Merci. Apporte-moi mon manteau à fourrures.
Son précepteur se retourna vers elle, étonné :
-Pardonnez-moi, votre Altesse... La température dans la voiture sera bonne, je ne pense point qu'il vous serait nécessaire de vous vêtir d'un habit aussi chaud...
-Je veux traverser la ville à cheval, ce n'est pas pareil, lui apprit la jeune fille en prenant le manteau dans ses bras.
-Cela serait imprudent de votre part, votre Altesse. Nous ne pouvions pas vous perdre à cause de l'un de vos caprices, contredit-il.
Alexia afficha sa mine suppliante, et ajouta :
-Puisque je serais avec Krusla... il me protégera... Je ne peux plus supporter de rester en voiture... Surtout qu'elle devra contourner la ville.
L'homme soupira : tu avait en face de lui sa princesse, même s'il le lui refusait, pouvait-il lui en empêcher ?
-Viens, Krusla. Ton cheval est prêt. Nous allons entrer directement dans la ville ! lui lança Alexia.
-Ne restons-nous pas en voiture ? Ce ne serait pas très approprié, tu pourrais être attaquée... remarqua le garçon.
Il ne connaissait pas le rapport de son amie avec ce pays, mais elle devrait être une personne importante.
-Mais au contraire ! Jamais ils ne se douteront que c'est moi ! Et de toute façon, mon maniement d'armes s'est amélioré depuis le jour où tu me l'as appris ! J'ai hâte de te le montrer... dit-elle, visiblement enthousiaste.
Krusla acquiesça alors. Il aurait voulu faire la même chose, lui aussi. Rester seul trop longtemps l'avait rendu silencieux.
Il jeta un œil au dessus de lui, comme s'il pouvait voir Onyx, de nouveau parti chasser.
-Allons-y, dans ce cas !
*
La ville était pleine de monde ; les habitants étaient plus grands, et avaient la peau plus claire.
Krusla était de taille moyenne, comme son plus jeune frère, Reyan, mais sa chevelure rousse était celle de sa mère Estilda... d'après les belles peintures couvrant des salles entières.
<<...perruque, non ? Maitre ? Krusla !>> appela Zelriasfer d'une voix suraigüe.
Sentant l'attention du garçon de nouveau sur lui, il poursuivit, satisfait :
<<Je disais donc que quelques dames portent parfois des perruques brunes... étrange, non ?>>
<<Ou... oui, répondit Krusla. Cela signifie qu'il est arrivé quelque chose de funeste chez elles. >>
-Krusla ? appela doucement Alexia, chevauchant en botte à botte à ses côtés. Tu sembles perdu dans tes pensées... Tu es sûr que tu vas bien ?
-Oui, ne t'inquiète pas, dit-il en lui souriant, je regardais les habits d'ici... Les gens du Sud ont l'habitude de raconter des histoires dessus.
La jeune fille émit un rire cristallin.
-Ah, je vois... Tu sais, ce n'est pas si différent, surtout grâce aux échanges commerciaux. Je suis vraiment heureuse que tu viennes avec moi. J'aurais souhaité rester à Roënster un peu plus vite, mais ma belle grand-mère, la nouvelle épouse du roi mon grand-père donnera une fête pour son anniversaire. Quiconque ne viendra pas à cette fête baissera dans son estime : elle y tient à cœur !
-C'est pour cela que tu veux tant te hâter !
-Exact, je... Oh ! Regardes devant toi ! On arrive ! Que tu me crois ou non, je ne suis pas venue ici beaucoup de fois.
-Oh ? Raconte-moi, Alexia, j'aimerais beaucoup savoir... demanda le garçon.
La rouquine détourna son regard vert. Décidément, elle ne pourrait rien lui refuser...
-C'était juste après ton départ, Krusla. Ma sœur, Florys, a voulu partir également, mais dans le sens inverse pour ne pas te croiser.
<<Alors... elle a comprit mon choix...>>
Intérieurement, Krusla remercia Florys.
-Mais soudain, quelqu'un demanda à voir père, c'était un jeune homme qui te ressemblait énormément... et... il a déposé Florys sur le sol, évanouie ! Il a dit qu'il était un ami de ma mère, Margaret. Tu sais, Krusla, même père ne nous avait jamais dit que mère était la cinquième et dernière princesse de Liore... Et il a dit que le roi, notre grand-père... nous réclamait !
Le garçon frissonna. Liore, l'un des pays les plus puissants ! Et Alexia était la petite fille du roi !
-Et votre père a cédé ? demanda-t-il pour l'inciter à poursuivre.
-Non, mais il savait que c'était le souhait de maman... du coup... avec grand-père, ils ont décidé de nous avoir chacun leur tour... Tu sais, Krusla... depuis cela, je repense sans-cesse à maman... tu l'as connu, toi aussi... elle était un peu ta mère, non ?!
<<Ce n'est pas pareil, songea le garçon. Margaret... ne serait jamais comme sa mère, même s'il l'aimait énormément. >>
C'est en s'apercevant ses épaules tremblantes que Krusla vit qu'elle sanglotait. Alors, il posa une main sur son épaule.
-Je te comprends, Alexia, moi aussi, ma mère... je l'ai perdu.
Et il esquissa un triste sourire.
Dans les rues, certaines personnes se retournèrent, mais, ne les reconnaissant pas, leur offrirent un sourire de compassion.
<<Tout le monde... a déjà ressenti cette sensation...>>
La tristesse de perdre un être cher...
*
Krusla et Alexia se tenaient aux portes d'un monument historique, incomparable avec le palais de Roënster : chaque pays possédait un charme qui lui était propre. Et ce pays ne faisait pas exception.
Ils étaient loin d'être seuls, entourés de commerçants, de flâneurs et des étrangers admirant la place dans tous ses détails.
Les gardes, contrairement à ceux de Flayen, avaient repéré et reconnu Alexia et s'inclinèrent en écartant leurs lances de son passage.
-Laissez passer mon invité, je vous prie, ordonna-t-elle, les muscles soudain tendus. Ses armes restent sur lui.
Ils se contentèrent d'acquiescer, légèrement gênés par ce manque de prudence.
Krusla la suivit de près, afin de ne pas risquer de s'égarer. Se faire jeter était bien évidemment la première chose qu'il souhaiterait éviter.
Soudainement, un homme d'une trentaine d'années s'approcha de la princesse. Le garçon reconnut son précepteur aux longs cheveux blonds.
-Votre Altesse. Sa Majesté votre père a été averti de votre retour il y a trois jours. Il vous invite à le rejoindre, récita-t-il.
-Déjà ? s'étonna la jeune fille. Je ne pensais pas que les espions seraient postés sur moi...
Le jeune homme sourit.
-Votre sécurité passe avant tout, votre Altesse, dit-il.
Alexia ne répondit pas, et se dirigea directement vers un couloir, laissant Krusla se demander s'il était convenable de la suivre... Mais en voyant la main du précepteur démontrant le passage où avait disparu son amie, il la rattrapa en quelques pas.
Les gardes semblaient gagner en nombre au fur et à mesure. Enfin, le garçon surprit quatre gardes gardant une porte ouverte.
Alexia entra dans la salle donnée par cette porte, et elle fut baignée de lumières. Krusla jeta un œil sur les riches fenêtres aux grandes vitres par où s'infiltrait la clarté.
Tout en fond de la salle, posé sur le grand trône, un vieil homme à la mine sévère mais au regard bienveillant était couvert d'une veste aux brocarts argentés. A côté, son épouse Kalliope regardait Alexia avec une agréable surprise.
Ils s'approchèrent et se mirent à genoux.
-Relevez-vous, mes enfants, s'empressa de dire le roi. Bienvenu à toi, jeune homme.
La reine inspecta Krusla de la tête aux pieds au point de lui donner les frissons.
Il serait inconvenable de se regarder ainsi dans le sud, mais à Liore, ce geste n'était pas gênant.
Alors le garçon soutint son regard, et remarqua qu'elle était une très belle femme, dont la beauté commençait légèrement à faner. Son regard vif renforcé par ses longs cils entremêlés de frange châtaine rappelait à tous les grâces de ses vingt ans. Elle avait vêtu une robe pourpre qui rendait à sa peau blanche une teinte de rosé.
Soudain, la reine détacha son regard amusé du visage du garçon.
-Bienvenue dans Liore, jeune homme, dit-elle, visiblement satisfaite. Alexia, ma chérie ! Je suis heureuse de te revoir. Parfait pour ma fête d'anniversaire !
Le roi rit doucement, et ajouta :
-Puisque tu es l'invité de ma petite-fille, accompagnes-la à cette fête...
*
Éclairés aux faibles lueurs des bougies, la svelte silhouette de Kalliope traversa la salle jusqu'à son mari.
-Votre Majesté, que diriez-vous de ce garçon ?
-Il conviendra parfaitement à...
Mais son épouse posa un long doigt sur ses lèvres, coupant ainsi ses paroles :
-Alexia, completa-t-elle.
-Mais... protesta le roi.
-A-le-xia, dit-elle en épelant les syllabes. A-le-xia. Je connais ses sentiments...
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