Chapitre X: Zelriasfer
<<Finalement, vous convaincre n'était pas si difficile, très cher maître...>>, chuchota le grimoire dans sa tête d'un air taquin.
<<Tais-toi, laisse-moi tranquille. >>
Krusla serra sa veste contre lui et enfonça sa tête dans ses bras.
Le livre flotta à lui et fit tourner ses pages d'un air impatient.
<<Je suis là pour te donner la puissance que tu désires, et non pour consoler un gamin qui pleurniche à ton âge !>>
<<Je n'ai jamais souhaité la puissance ! contredit le garçon. Tu sais très bien que je n'ai jamais vraiment voulu de toi ! Tu as profité d'un soupçon d'hésitation pour créer ce pacte !>>
<<Je l'admets... Mais tu auras besoin de moi, tu verras. Je ne me suis pas encore présenté. En dehors de tous ces noms que l'on m'a attribués, mon unique et véritable nom est Zelriasfer, le plus sombre des grimoires de tous les temps. >>
Le garçon ne répondit pas. Il se contenta d'ébouriffer ses cheveux roux avec le col de sa veste, le visage dissimulé par le tissu noir.
<<Au moins, tu pourras faire tomber les filles en jouant les ténébreux, ricana le livre, et Krusla eut l'envie soudaine de le jeter parterre en prenant bien soin de le tremper dans la boue. Bref, je suis le plus grand œuvre de Zellan, et je renferme ses connaissances sur les ténèbres.>>
<<Alors apprends-moi. >>, pensa le garçon.
<<Oh ? Tu n'es donc pas si bête que ça, maître... Bien, pour matérialiser ton énergie en ténèbres, il faut d'abord la ressentir, et la comprendre. Je vais donc t'attaquer avec un cent millième du pouvoir que je renferme. Ne résiste pas. Je ne te tuerai pas. >>
Krusla hocha silencieusement la tête. Devenir plus fort. C'était bien sa seule occupation à présent.
<<C'est compris. Je suis sincèrement désolé, j'ai été faible. Je ne le serais plus à présent. >>
Le grimoire fait voler ses pages et ses lettres brillèrent légèrement.
Soudainement, les lettres sortirent de leurs pages et entourèrent le garçon de leurs reflets violacés.
Il sursauta, mais reprit son aspect calme. Une lumière sombre resserra son éteinte, et Krusla sentit un frisson. C'est l'odeur... du désespoir ! Une partie infirme de ce sentiment, mais cela lui rappelait des souvenirs les plus funèbres. Ses muscles tremblèrent, et il ne put plus bouger. Comme si on l'avait transformé en marbre.
Une perle de sueur froide roula sur sa nuque. C'est... si... terrifiant !
Soudain, l'oppression disparut, et la voix de Zelriasfer retentit longuement :
<<Tu n'as pas réussi à comprendre, maître.<<, réprimanda-t-il.
<<J'ai essayé !>>, voulut rétorquer l'apprenti.
Mais l'ouvrage coupa ses paroles d'un ton sec :
<<Tu n'as pas voulu essayé ! Tu avais peur de retrouver cette sensation ! Tu as peur de l'affronter ! Toutes tes belles paroles de tout à l'heure sont inutiles, j'avais placé de grands espoirs en toi, en vain !>>
Krusla força sa respiration à se calmer, et dit d'une voix posée :
-Recommence, s'il te plait. Avec une magie plus frappante.
<<Tu... >>, souffla Zelriasfer, intrigué.
Mais il matérialisa tout de même la brune en plusieurs sphères noires. Elles traversèrent le corps de Krusla, sans pourtant le blesser... extérieurement.
<<Cette sensation... C'est celle que j'ai ressenti... dans les moments que je voulais absolument oublier... Tout ce que j'ai ressenti jusqu'à présent... il y a un point en commun. Je dois la ressentir, plus forte ! Attaque-moi plus fort, Zelriasfer ! Plus fort !>>
Le grimoire hésita. Il souhaitait se suicider, ce garçon ?! Non. Il y avait de nombreux moyens moins douloureux de le faire. Il... savait ce qu'il faisait !
Et cela lui faisait peur ! Lui, le plus grand chef d'œuvre de Zellan !
Les sphères triplèrent de volume et de nombre. Elles frappèrent le garçon, qui trébucha, avant de se rattraper de justesse.
<<Cette peur... non, ce n'est pas la peur ! N'aimer personne, et n'être aimé de personne. Voilà le désespoir...>>
En comprenant une chose si sombre, Krusla n'aurait jamais cru qu'il sourirait. Pourtant, il sourit... et son œil droit s'enflamma d'écarlate !
Soudain, des cercles rouges, semblables à celles qui l'avaient enveloppé durant l'établissement de son pacte avec Zelriasfer apparurent. Elles étaient moins puissantes, mais suffirent à dévier toutes les attaques du grimoire. Puis, les sphères et les cercles disparurent, laissant le jeune garçon aux yeux de Zelriasfer médusé.
<<Maître...>>
Krusla sourit de nouveau, mais ce n'était ni joie ni orgueil, mais un sourire rappelant un passé mélancolique.
<<J'ai compris, tout simplement. >>
<<Ce n'est pas possible... tout simplement impossible !>>, rétorqua le grimoire.
Même son maître, Zellan, y avait passé vingt ans, et ce garçon qui se tient en face de lui...
<<J'ai sûrement ressenti de nombreux moments de désespoirs dans ma vie, cela doit être pour ça. >>, suggéra Krusla.
Mais comment cela pouvait-il être aussi simple ?
<<Par contre, reprit-il, en sentant tes attaques, j'ai sentis une chose... et j'en suis absolument certain. Il est impossible de créer une vie. Zellan t'a crée. Mais tu es en quelque sorte vivant, n'est-ce pas ?>>
<<Oui, admit le livre. J'ai été humain, comme toi, il y a des siècles. Je faisais parti des gamins de rue qui tuaient les passants pour leur ravir leur argent. Un jour, ces gamins se sont retournés contre moi. J'ai été tué... mais par pur hasard, Zellan m'a ressuscité. Je suis un démon avec une forme humaine, mais j'ai choisi de prendre la forme d'un livre...>>
Le garçon comprit qu'il ne lui en révèlerait pas plus, et se tut sur ce sujet.
<<Nous sommes semblables, quelque part...>>, songea-t-il, pour lui-même.
*
<<Contrôle ton attaque jusqu'au bout ! N'oublies pas les attaques de derrière !>>
Krusla se retourna en faisant valser ses cheveux roux sombres... trop tard. Deux flèches noires l'atteignirent avant de disparaître.
<<Si j'étais un ennemi, tu serais mort depuis la seconde où tu avais commencé à m'attaquer. >>, dit Zelriasfer.
<<Si tu étais un ennemi, je prendrais jambes à mon cou avant que tu ne me remarques. >>, grogna l'autre.
Le garçon voulut en plus répliquer que tout le monde n'était pas des « Zellan », avant de ravaler la phrase en même temps que sa salive. A son stade, il pouvait vaincre facilement Kevin, ou même son frère Alexandr... à condition qu'ils n'aient pas trop progressé, bien-sûr...
<<Mais bon... ajouta le démon presque à contrecœur, c'est pas mal, pour débuter... Cet entraînement ne te sera plus autant utile, maintenant. Tu ne veux donc pas faire un tour au palais de ton papounet ?>>
<<Bonne idée. J'irais à minuit dans les appartements l'Alexia... l'idée de voir ce qui ce passe. Elle est la seule personne en qui je peux me confié et dont l'héritage écarlate la rendait indifférente...>>
*
Une silhouette entièrement vêtue d'habits nocturnes se glissa dans les murs du palais de la capitale Flayen.
Elle évita lestement les gardes et en assomma certains pour le plaisir avant de toquer à une porte en acajou dans l'aile droite du palais- le lieu réservé aux invités.
-Qui êtes-vous ? demanda une voix de jeune fille.
Krusla esquissa un sourire : Alexia avait renvoyé toutes ses servantes dès son arrivée au palais, en ne gardait que sa demoiselle de compagnie la plus fidèle. Cela rendait les conversations plus... faciles.
-C'est moi, Krusla ! Ouvre-moi...
La porte s'ouvrit en un grincement strident. Une jeune fille aux cheveux aubruns apparut et le pria de s'asseoir.
-J'ai eu une telle frayeur en prenant de tes nouvelles ! s'écria-t-elle, mais à voix suffisamment baisse. Les nouvelles te portaient disparu avec le grimoire de l'Aigle Noir, mais je croyais que cela était un prétexte pour t'enfermer en secret !
Krusla sourit. L'enfermer ? Lui ? Le tuer, c'était possible, mais l'avoir vif...
-Non, j'ai vraiment hérité du grimoire, Alexia. Le seul problème, c'est que mon frère Reyan voudra m'écorcher vif, et toutes les portes du royaume sont contrôlées et cela m'empêche de partir.
-Tu ne peux pas les éviter, ou les tuer ? Ce ne sont que des gardes, remarqua la jeune fille en lui servant une tasse de boisson chaude d'une main gracieuse.
Le garçon secoua la tête.
-Les gardes, oui. Mais si j'en élimine, c'est comme révéler ma position aux plus grands Estres du royaume... et dans ce cas... adieux la liberté, soupira-t-il.
-Mm... fit la rouquine, le menton soutenu par le revers de sa main. Je repars dans le Nord dans quatre jours. Si tu te caches dans notre voiture, personne n'osera nous fouiller.
-Merci, c'est hélas la seule solution possible... Mais j'ignore une chose : pourquoi, au lieu d'aller à Acadmyr, vas-tu aux pays du Nord ?
Alexia sourit mystérieusement :
-Tu le sauras une fois que nous serions là-bas. Pour l'instant, reste ici, il y a pleins d'ouvrages intéressants que j'ai apporté de mon pays ! Cela fait longtemps que nous n'ayons discutés comme des proches...
-Des livres ?! s'écria le garçon d'une voix faussement ahurie. Alexia lit des livres ?
La jouvencelle rit de bon cœur :
-J'ai changé, Krusla, si tu savais...
Le regard d'Alexia se teinta d'une légère tristesse. Comment ce garçon pouvait connaitre ses sentiments ?
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Méga chapitre aujourd'hui ! 500 mots de plus que d'habitude !
Merci pour tout !
Liky'
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