Chapitre V: La fratrie Raëven

-Et je l'ai quittée de ce pas. Elle doit encore être dans le palais, cette heure-ci, conclut Krusla, assit sur une muraille effritée.

-Tu as fait un beau voyage, mon garçon ! s'exclama Fennir. Cela t'a beaucoup apprit, je suppose. Mais quand même, je n'imaginais pas que tu ferais autant de preuves de bon sens...

-Pour la cérémonie de l'âge adulte ? demanda le garçon. A vrai dire... moi non plus. Je pense plutôt que je suis revenu pour te demander une chose.

Son oncle rit doucement, et dit :

-En même temps, je me disais bien que tu n'étais pas revenu juste pour une cérémonie... surtout te connaissant. Pose-la, ta question.

-Qu'est-ce un estre ? Quel est sa différence avec un combattant normal ? Ce n'est pas juste une personne noble utilisant des pouvoirs, n'est-ce pas ?

-Pff... soupira l'homme d'un ton amusé. Tu réfléchis trop, Krusla. Tu ne pourrais pas imiter un enfant normal qui obéit sans poser de questions, tu sais...comme ce petit Reyan...

Le sourire s'élargit sur le visage du jeune garçon. Malgré tous les talents de son petit frère, son maître n'avait accepté aucun élève hormis lui. Il n'avait jamais aimé Reyan, trop sage, sans aucune ambition à son goût. Donc, quand il le prenait pour exemple, c'est qu'il allait lui répondre.

-Bon, je vais t'expliquer. Quand tu « aspires l'énergie naturelle », comme tu le dis si souvent, tu aspire des eisthones, la matérialisation même de l'énergie, que tu t'approprie afin de former ton pouvoir. Pour cela, rien de mieux que la méditation. Les estres sont des combattants capables de contrôler ce pouvoir et de la matérialiser... Poursuis ta voie et tu ne tarderas pas à comprendre.

-Je crois que j'ai compris ! s'exclama Krusla.

-Voila l'intelligence d'un Raëven ! s'écria son oncle. Et maintenant ? Tu vas aller au palais ?

Le jouvenceau sauta de la muraille avec souplesse, et se retourna vers son oncle :

-Bien-sûr que non ! contesta-t-il, j'vais trouver de quoi m'amuser !

Fennir sourit tout en secouant sa tête. Son neveu lui ressemblait tellement au petit garçon qu'il était !

*

Un jeune homme chaussé et habillé de noir le fixait depuis une éternité. Weskovin se mordit les lèvres ; depuis qu'il espionnait les Raëven, personne n'avait pu le retrouver. Et surtout... personne n'osait le chercher.

Mais la personne devant lui l'intriguait. Elle portait un masque de bronze laissant voir ses yeux éclatants, sur un visage dépourvu de toute émotion.

-Qui es-tu ? demanda Weskovin d'une voix sèche, mais il connaissait déjà la réponse.

-Membre de la guilde d'assassins : le Filet. Tu devrais le savoir, vu le masque que je porte.

Cette voix le fit frissonner.

-Mais ce masque est inutile, poursuivit-il, puisque de toute façon, les personnes qui me voient sont destinées à périr.

L'espion n'eut pas même le temps d'apercevoir une attaque. Il ne pu que parer deux lumières noires.

-Hé bien... soupira l'inconnu, l'opacité de mon épée n'est pas correcte, merci de me l'avoir fait remarquer !

Puis, une lueur noire fendit l'air et s'enfonça dans le corps de Weskovin. L'assassin enleva alors son masque, et le mourant se figea.

-K... Krusla Raëven ?

-Repose en paix... et ne m'en veux pas trop ! fit l'autre en sautant sur le toit.

Onyx arracha l'épée du cadavre et la remit à Krusla.

-Beau travail. J'espère que cette épée suffira à prouver son identité... je déteste trainer des têtes sanglantes jusqu'à la guilde...

*

Il entra dans un riche hôtel... du moins, il avait l'apparence d'un hôtel. En réalité, une grande partie du bâtiment servait de guilde pour le Filet.

Krusla s'assit à sa table habituelle, et essuya le sang de son épée sur une serviette rouge sombre.

-Déjà rev'nu ? demanda un adolescent de deux ans son aîné, un grand blond vénitien en administrant une grande tape sur son épaule.

-Oui. Mission accomplie.

-Félicitation ! Tu as remplis une mission d'Argent, ce qui veut dire que tu vas avoir un masque d'Argent ! J'aurais bien pu la faire, mais un « Or » se rabaisser pour une quête d'Argent...

Krusla enleva son manteau noir et son masque. Grâce à une technique, il avait légèrement déformé son visage pour passer méconnu des autres assassins.

-J'ai compris, ô grand assassin d'Or, le plus grand, le plus fort, le plus beau... Tuer Kovin a été tellement facile...

-Hé ! Ne l'appelle pas « Kovin » ! coupa l'autre. « Kévin » et « Kovin » se ressemblent, et je ne suis pas comme ce monstre !

<<Pff... Beaucoup trop prévisible...>>, songea le garçon.

Une jeune femme au visage somptueusement maquillé s'approcha d'eux d'un pas gracieux.

-Messieurs... Assassin de Bronze, avez-vous remplis votre mission ? demanda-t-elle à Krusla dans le sourire délicat.

-Oui. Tiens.

Il tendit l'épée sertit d'émeraudes arrachée à Weskovin.

-Ce n'est pas sa tête... renifla-t-elle.

-Tu sais très bien qu'il déteste amener des têtes dans la guilde... dit Kévin, le garçon blond en souriant.

-Bien, reprit la demoiselle en décrochant un masque argenté de sa ceinture. Vous êtes à présent assassin d'Argent. Souhaitez-vous réaliser une autre mission ?

Krusla secoua la tête.

-Mes récompenses, je m'absente pendant une semaine.

-Ah oui ? s'étonna son collègue. Moi qui avais une qui paye bien à te proposer... Bon, reviens vite !

Le garçon fit un signe de main et sortit de l'hôtel, après avoir empoché ses récompenses. En tant que fils du roi, il n'en avait pas spécialement besoin. Mais les objets rares l'amusaient beaucoup, et réaliser des missions étaient tout simplement un bon entrainement.

*

Krusla arriva devant les portes du palais après une demi-heure de chevauchée. Il hocha la tête à l'intension des gardes, qui s'agenouillèrent.

-Votre Altesse.

Autrefois, il leur aurait demandé de se relever, mais plus maintenant. Il entra dans la cour et donna son cheval à un serviteur.

Cela faisant longtemps qu'il n'avait pas remit pied dans le palais, pourtant, c'était là qu'il aurait dû passer sa vie... mais le destin en a décidé autrement.

De loin, il vit un jeune homme d'une vingtaine d'années, robuste, s'entraînant avec trois soldats avec des lances émoussées.

-Krusla ! s'écria-t-il en jetant la lance parterre et en accourant vers lui. Ca fait longtemps, frère !

-Grand-frère, père est-il dans ses appartements ?

-Oui ! Tu vas bientôt avoir quatorze ans et tu n'es pas venu me voir une seule fois ! se plaignit-il. On se demandait si tu allais venir pour ta cérémonie...

-Je n'aurais jamais manqué les cadeaux ! plaisanta Krusla. Au fait, Alexandr... Reyan n'est pas avec toi ? Il te collait tout le temps, non ?

-C'est plus un enfant, Krus, il n'a qu'un an de moins que toi ! remarqua Alexandr. Et... il préfère plonger son nez dans les bouquins au lieu de se battre ! C'est atroce ! s'écria-t-il avec indignation.

Le jouvenceau gloussa.

-J'ai hâte de voir ce qu'il est devenu, le petit stratège !

Mais son frère perdit l'envie de rire.

-Il ne t'apprécie pas trop, Krus, fais attention.

-Je ne vais pas me vexer, t'inquiète ! le rassura Krusla. Je suis préparé.

Les deux frères toquèrent à la porte de l'appartement de leur père.

-Vous pouvez entrer, vos Altesses, annonça l'un des gardes du corps.

Le roi, assit sur un fauteuil, jouait aux échecs avec son stratège Carl Carlinston. Celui-ci déplaça son fou et tua un pion blanc. Sur le côté, un jeune garçon aux cheveux blonds cendrés observait la partie de ses yeux d'azur. Il était vêtu d'une chemise blanche, d'un bas noir et d'une veste aux bordures dorées.

-Vous devriez protéger votre roi, père, conseilla celui-ci.

-Pas mal, Reyan, tu deviens un bon joueur... observa Carl, visiblement fier de son élève.

-Votre Majesté, Altesse Alexandr et Altesse Krusla.

En entendant le nom de son troisième fils, il se détourna.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top